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26/10/2017 | FRANCE | N°17BX01868,17BX01901

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 26 octobre 2017, 17BX01868,17BX01901


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...et Mme C...A...épouse B...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 5 octobre 2016 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1604772, 1604773 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêts contestés, a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de

délivrer à M. et Mme B...un titre de séjour portant la mention " vie privée et fami...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...et Mme C...A...épouse B...ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 5 octobre 2016 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1604772, 1604773 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêts contestés, a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de délivrer à M. et Mme B...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme globale de 1 500 euros à verser au conseil des intéressés.

Procédure devant la cour :

1/ Par une requête, enregistrée le 13 juin 2017 sous le n° 17BX01868, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 16 mai 2017.

Il soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation et de droit en annulant les arrêtés en litige ;

- ils ont méconnu l'autorité de chose jugée qui s'attache à l'arrêt du 2 août 2016 de la cour administrative de Lyon qui a confirmé les arrêtés en date des 13 et 15 mai 2015 par lesquels le préfet de la Drôme a refusé d'admettre au séjour M. et Mme B...et leur a fait obligation de quitter le territoire français sans délai en leur interdisant le retour pendant une durée de trois ans ;

- le tribunal administratif a fondé sa décision sur des considérations de fait erronées ; il a considéré à tort que le fils aîné des requérants pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 2° ;

- la juridiction administrative ne saurait regarder les intéressés comme ayant vocation à s'établir sur le sol national alors que des décisions portant interdiction de retour en France pendant trois ans ont été prises à leur encontre les 13 et 15 mai 2015 ;

- dès lors que M. et Mme B...n'établissent pas qu'ils ne seraient pas admissibles, hors de France, dans le même pays, la circonstance qu'ils sont de nationalité différente est sans incidence sur la légalité des arrêtés contestés ; les décisions en litige n'entraînent aucune séparation de la famille ;

- ainsi que l'a jugé la Cour européenne des droits de l'homme dans la décision n° 9214/80 du 28 mai 1985, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être interprété comme comportant l'obligation, pour un Etat contractant, de respecter le choix des couples mariés de leur domicile commun et d'accepter l'installation de conjoints non nationaux dans le pays.

Par ordonnance du 23 juin 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 2 août 2017 à 12 heures.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2017, M. B...conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le préfet ne peut se prévaloir en 2017 de l'autorité de la chose jugée d'une décision de justice adoptée sur la base d'une situation de fait appréciée en 2015 ;

- les arrêtés contestés portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- il remplit les conditions prévues à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour être admis au séjour ;

- l'intérêt supérieur des enfants a été méconnu.

Par un mémoire enregistré le 14 juillet 2017, Mme C...A...épouse B...conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont annulé à bon droit l'arrêté pris à son encontre au motif qu'il était entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet ne peut se prévaloir en 2017 de l'autorité de la chose jugée qui s'attacherait aux arrêts rendus par la cour administrative d'appel de Lyon le 2 août 2016 dès lors qu'il n'y a pas d'identité de cause et d'objet ;

- les motifs retenus par le tribunal administratif ne sont pas erronés.

Le préfet de la Haute-Garonne a répliqué aux écritures des intimés par un mémoire enregistré le 22 septembre 2017, soit après la clôture de l'instruction.

2/ Par une requête, enregistrée le 16 juin 2017 sous le n° 17BX01901, le préfet de la Haute-Garonne demande le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 16 mai 2017.

Il soutient que :

- les conditions posées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont réunies ;

- les décisions annulées par les premiers juges sont légalement fondées ;

- si la cour a constamment jugé que la délivrance de récépissés de demande de titre de séjour, en exécution des décisions du tribunal administratif de Toulouse, s'analysait comme une décision de retrait implicite des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, dans de telles espèces, seule prévalait la volonté d'exécuter les injonctions faites au préfet de délivrer un titre de séjour alors qu'il attendait l'arrêt de la cour portant sur le jugement dans son entier.

Par ordonnance du 23 juin 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 2 août 2017 à 12 heures.

M. B...et Mme A...épouse B...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 20 juillet 2017 et du 21 septembre 2017.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Sylvie Cherrier, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant serbe, né le 17 décembre 1967, et son épouse, de nationalité bosnienne, née le 15 mars 1966, sont entrés irrégulièrement en France respectivement le 28 novembre et le 17 octobre 2006. Leurs demandes d'admission au bénéfice de l'asile ont été définitivement rejetées par deux décisions de la Cour nationale du droit d'asile datées du 8 février 2008 concernant M. B...et du 7 août 2008 concernant sa conjointe. Les demandes de titre de séjour en qualité d'étranger malade, présentées par le requérant les 17 mars et 13 mai 2008, ont été rejetées par le préfet d'Ille-et-Vilaine les 23 avril et 10 juillet 2008. Le 4 juin 2009, le même préfet a pris à l'encontre de chacun des intéressés une mesure d'éloignement dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Rennes le 25 septembre 2009. Après avoir été reconduit au Kosovo le 6 novembre 2009, M. B...est à nouveau entré irrégulièrement sur le territoire français, le 20 février 2010 selon ses dires. Il a déposé une demande d'asile le 23 mars 2010, rejetée le 13 septembre 2010 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et le 10 avril 2012 par la Cour nationale du droit d'asile. Parallèlement, Mme B...a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade les 24 février, 29 septembre 2010, 22 mars, 25 juin 2012 et, en dernier lieu, le 30 juillet 2012 comme son conjoint. Une deuxième mesure d'éloignement a été prise à leur encontre par des arrêtés du 17 septembre 2012 du préfet de la Drôme. La légalité de ces décisions a été confirmée par le tribunal administratif de Grenoble le 12 février 2013 et par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 17 décembre 2013. Le 30 septembre 2014, les requérants ont formulé des demandes de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Drôme a de nouveau rejeté leurs demandes les 13 et 15 mai 2015, leur a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et leur a interdit de revenir en France durant trois ans. Ces décisions ont été confirmées le 10 septembre 2015 par le tribunal administratif de Grenoble et le 2 août 2016 par la cour administrative d'appel de Lyon.

2. Le 23 mai 2016, le couple a présenté une demande de réexamen de leur demande d'asile, effectuée dans le cadre de la procédure prioritaire, qui a été déclarée irrecevable par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 juin 2016. Le préfet de la Haute-Garonne a, par deux arrêtés distincts du 5 octobre 2016, refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par la requête enregistrée sous le n° 17BX01868, le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement du 16 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé ses arrêtés du 5 octobre 2016 et lui a enjoint de délivrer à M. et Mme B...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement. Par la requête enregistrée sous le n° 17BX01901, le préfet de la Haute-Garonne demande le sursis à exécution de ce jugement. Les requêtes enregistrées sous les numéros 17BX01868 et 17BX01901 sont toutes deux introduites par le préfet de la Haute-Garonne et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

3. Pour annuler les décisions édictées à l'encontre de M. et MmeB..., contenues dans les arrêtés du 5 octobre 2016 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de renvoi, les premiers juges se sont fondés sur ce que, compte tenu de l'ancienneté de résidence en France des intéressés, de la réelle volonté d'intégration dont ils témoignent sur le plan professionnel, de la durée de la scolarité suivie sur le territoire national par leurs trois enfants et de l'impossibilité pour eux de reconstruire leur cellule familiale dans leur pays d'origine en raison de leurs nationalités différentes, le préfet avait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la conséquence de ces actes sur la situation personnelle et familiale des intéressés.

4. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. et Mme B...se sont maintenus en France alors que le bénéfice du droit d'asile leur avait été refusé à plusieurs reprises et que trois mesures d'éloignement avaient été prononcées à leur encontre, dont une assortie d'une interdiction de retour sur le territoire national durant trois ans. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que les intéressés seraient particulièrement intégrés en France, à titre professionnel ou au plan social, ou que leurs nationalités différentes rendraient impossible toute vie commune, avec leurs enfants, hors de France, où ils ont d'ailleurs vécu respectivement jusqu'à l'âge de trente-neuf ans et quarante ans. Par suite, et alors même que les enfants du couple ont suivis une scolarité en France, c'est à tort que, pour annuler les décisions de refus de séjour, les premiers juges ont retenu qu'elles étaient entachées d'erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des requérants.

5. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme B...devant le tribunal administratif.

6. En premier lieu, le secrétaire général de la préfecture de la Haute-Garonne, qui a signé les arrêtés en litige, bénéficiait, par arrêté du 5 février 2016 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture à la date de l'arrêté attaqué, d'une délégation générale et permanente du préfet pour signer " tous actes, arrêtés, décisions, et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Haute-Garonne, à l'exception des arrêtés de conflits ". Une telle délégation concerne les décisions prises dans le domaine du droit des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté manque en fait.

7. En deuxième lieu, les arrêtés contestés visent les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles ils se fondent. Il indiquent par ailleurs les dates et les conditions d'entrée et de séjour en France de M. et Mme B...et font état de leur situation personnelle et familiale, notamment leur maintien sur le territoire français malgré de précédentes mesures d'éloignement et le prononcé d'une interdiction de retour sur le sol national d'une durée de trois ans, mentionnent qu'ils ne sont pas dans l'impossibilité de poursuivre leur vie commune avec leurs enfants, hors de France et qu'ils n'établissent pas être exposés à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet de la Haute-Garonne, qui n'était pas tenu de mentionner l'ensemble des éléments caractérisant la situation de fait des intéressés, indique également qu'ils ne démontrent pas être dépourvus de tout lien personnel et familial dans leurs pays d'origine respectifs. Dès lors, le moyen tiré d'une insuffisance ou d'un défaut de motivation des décisions en litige doit être écarté.

8. En troisième lieu, M. et Mme B...ne peuvent utilement se prévaloir de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui, aux termes de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne, s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de sa méconnaissance par une autorité d'un Etat membre est inopérant.

9. En quatrième lieu, M. et Mme B...soutiennent qu'ils n'ont pas été informés de ce qu'ils étaient susceptibles de faire l'objet d'une décision portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, ni mis en mesure de faire valoir leurs observations. Toutefois, lorsqu'il sollicite l'asile ou le réexamen d'une demande d'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français sur ce fondement, ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, il pourra faire l'objet d'un refus de titre de séjour et, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été définitivement refusée, d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Les intéressés avaient la possibilité, pendant l'instruction de leur demande d'asile, de faire connaître, de manière utile et effective, les éléments justifiant leur admission au séjour. Selon la jurisprudence de la Cour de Justice de 1'Union européenne [C-383/13 PPU du 10 septembre 2013] une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. et Mme B... auraient eu de nouveaux éléments à faire valoir qui auraient conduit le préfet à prendre une décision différente. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en prenant à leur encontre les arrêtés attaqués sans les mettre en mesure de présenter leur observations, le préfet aurait porté atteinte au principe général du droit de l'Union européenne garantissant à toute personne le droit d'être entendue préalablement à l'adoption d'une mesure individuelle l'affectant défavorablement ne peut qu'être écarté.

10. En cinquième lieu, l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Lorsqu'une demande d'asile a été définitivement rejetée, l'étranger qui sollicite la délivrance d'une carte de séjour doit justifier, pour obtenir ce titre, qu'il remplit l'ensemble des conditions prévues par le présent code ".

11. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'étranger dont la demande d'asile a été rejetée et qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour sur un autre fondement, d'apporter les éléments tendant à démontrer qu'il remplit les conditions prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir le titre de séjour demandé. Dès lors que M. et Mme B...n'ont sollicité, le 23 mai 2016, que le réexamen de leur demande d'asile, et non leur admission au séjour à un autre titre, ils ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 311-6 du code précité.

12. En sixième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme B...se sont maintenus en France alors que le bénéfice du droit d'asile leur a été refusé à plusieurs reprises et que trois mesures d'éloignement avaient été prononcées à leur encontre les 4 juin 2009, 17 septembre 2012 et 13 mai 2015, cette dernière décision étant de surcroît assortie d'une interdiction de retour sur le territoire national durant trois ans. Ils ne démontrent par ailleurs pas avoir développé, en France, des liens d'une intensité particulière en dehors de leur cellule familiale. Mme B...ne justifie pas de son insertion dans la société française par la seule production d'un contrat d'usage " extra " conclu le 9 septembre 2011 et d'un contrat de travail saisonnier daté du 21 avril 2015 accompagnés de bulletins de salaires correspondant aux périodes travaillées, soit un mois en 2011, un mois et un jour en 2012, un jour en 2013, deux mois en 2014 et 10 jours en 2015 ainsi que de fiches de pôle emploi justifiant d'un accompagnement global par cet organisme en 2015. Son époux n'a, quant à lui, jamais exercé d'activité professionnelle sur le sol national. Les intimés n'établissent pas être dépourvus d'attaches familiales et personnelles dans leurs pays d'origine respectifs. Leur fils aîné, Sabit, né en Allemagne en 1996, a lui-même fait l'objet, le 19 septembre 2016, d'un arrêté du préfet de la Drôme portant refus d'admission au séjour et obligation de quitter le territoire français, ainsi que le soutient le préfet de la Haute-Garonne sans être contredit. Il n'est pas établi que leurs nationalités différentes rendraient impossible toute vie commune, avec leurs enfants, hors de France, où ils ont d'ailleurs vécu respectivement jusqu'à l'âge de trente-neuf ans et quarante ans. Dans ces conditions, en refusant de leur délivrer un titre de séjour, le préfet de la Haute-Garonne n'a pas entaché ses décisions d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des intéressés. Les arrêtés contestés n'ont pas davantage porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. et Mme B...une atteinte disproportionnée eu égard aux buts en vue desquels ils ont été pris et n'ont donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour le motif exposé au point 11 ci-dessus, les intéressés ne peuvent enfin utilement soutenir que les décisions en litiges méconnaitraient les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

14. En septième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".

15. Comme il a été dit au point 11, M. et Mme B...qui n'ont pas sollicité de titre de séjour sur le fondement de ces dispositions ne peuvent utilement s'en prévaloir devant le juge administratif. En tout état de cause, s'ils se prévalent de l'ancienneté de leur résidence en France, de leur état de santé, de l'absence d'attache avec l'un des pays des Balkans et des risques encourus dans ces territoires, ils n'établissent ni qu'ils encourraient des risques particuliers dans leurs pays d'origine respectifs, ni que leur situation personnelle permettrait de caractériser des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant la délivrance de titres de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

16. En huitième lieu, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 stipule : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

17. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions contestées impliqueraient une séparation des enfants de l'un ou l'autre de leurs parents ou que les enfants du couple ne pourraient pas poursuivre leur scolarité dans un autre pays que la France. Dans ces conditions, les arrêtés en litige n'ont pas méconnu les stipulations précitées de la convention internationale des droits de l'enfant.

18. En neuvième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". M. et Mme B...ne produisent aucun élément de nature à établir qu'ils encourraient des risques les visant personnellement en cas de retour dans l'un ou l'autre de leurs pays d'origine. Dès lors, le moyen tiré de ce que les décisions en litige auraient été prises en violation des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse, d'une part a annulé les arrêtés du 5 octobre 2016 portant refus de séjour à l'encontre de M. et Mme B..., obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi et, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à chacun des intéressés un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

20. Le présent arrêt statuant sur le fond de l'affaire, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis de la requête n° 17BX01901 présentée par le préfet de la Haute-Garonne.

Sur les conclusions présentées au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

21. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y pas lieu de statuer sur la requête n° 17BX01901.

Article 2 : Le jugement n° 1604772, 1604773 du 16 mai 2017 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 3 : Les demandes présentées par M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Toulouse et leurs conclusions d'appel sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...B..., à Mme C...A...épouseB..., au préfet de la Haute-Garonne et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 28 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 26 octobre 2017.

Le rapporteur,

Sylvie CHERRIER

Le président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Christophe PELLETIER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX01868, 17BX01901


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01868,17BX01901
Date de la décision : 26/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-10-26;17bx01868.17bx01901 ?
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