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17/10/2017 | FRANCE | N°15BX03400

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 17 octobre 2017, 15BX03400


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n°1402301 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé M. B...des pénalités pour manquement délibéré qui lui ont été infligées et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 14

octobre 2015 et un mémoire complémentaire du 13 septembre 2017, le ministre des finances et des comptes...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2009 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n°1402301 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé M. B...des pénalités pour manquement délibéré qui lui ont été infligées et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 14 octobre 2015 et un mémoire complémentaire du 13 septembre 2017, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n°1402301 rendu par le tribunal administratif de Bordeaux le 25 juin 2015 ;

2°) de rétablir M. B...à la majoration prévue par l'article 1729 du code général des impôts pour manquement délibéré.

Il soutient que :

- à la suite d'une vérification de comptabilité de la SCI Résidence de l'Estuaire, une proposition de rectification a été adressée à l'EURL Sofinaim, dont M. B...est le gérant et l'associé unique, aux fins de rehausser la quote-part des résultats issus de la SCI et de réintégrer une indemnité perçue à hauteur de 214 493 euros et non comptabilisée ;

- en qualité d'associé unique de l'EURL Sofinaim, M. B...a été destinataire d'une proposition de rectification l'informant que la majoration de 40% pour manquement délibéré a été appliquée au motif qu'il ne pouvait ignorer la minoration de son revenu à hauteur du montant en cause ;

- en déchargeant M. B...de la pénalité de 40% prévue à l'article 1729 du code général des impôts, le tribunal administratif de Bordeaux a commis une erreur de droit ; cette pénalité a en effet pour seul objet de sanctionner la méconnaissance, par le contribuable, de ses obligations déclaratives ; pour en établir le bien fondé, l'administration doit apporter la preuve de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et de l'intention du contribuable d'éluder l'impôt ; en l'espèce, M.B..., en sa qualité de gérant et d'associé unique de l'EURL Sofinaim, ne pouvait ignorer le caractère imposable de l'indemnité ni son obligation de la déclarer comme produit au titre de l'année 2009 ; il a au contraire sciemment souscrit une déclaration inexacte alors même que la SCI Résidence de l'Estuaire, qui a comptabilisé l'indemnité en charge, et l'EURL Sofinaim ont en commun d'avoir M. B...comme dirigeant et le cabinet comptable chargé d'établir les déclarations des deux sociétés ;

- pour décharger M. B...de la pénalité litigieuse, le tribunal s'est fondé sur un procès-verbal de transaction dans lequel son comptable reconnait sa responsabilité dans l'absence de comptabilisation du produit de 214 493 euros dans les comptes de l'exercice 2009 de l'EURL Sofinaim ; cet élément ne pouvait suffire à justifier la décharge des pénalités dès lors que l'intention délibérée de M. B...d'éluder l'impôt était établie du fait que ce dernier avait connaissance de l'omission en cause tout en déposant sciemment des déclarations minorées ; ainsi, l'erreur d'un prestataire extérieur ne doit pas interdire à l'administration de sanctionner un comportement intentionnel.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2016, M.B..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la mise en oeuvre par l'administration de la pénalité de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts, implique que l'administration établisse la mauvaise foi du contribuable ; cette mauvaise foi suppose la réunion de deux conditions, l'une matérielle (omission ou insuffisance de déclaration), l'autre intentionnelle (intention délibérée du contribuable de se soustraire à l'impôt) ; en outre, l'administration doit se placer au moment de la déclaration comportant les indications des éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ;

- M. B...a confié la gestion des comptes de ses sociétés au cabinet comptable Sorodec ; les déclarations transmises au service des impôts sont établies en fonction des écritures comptables établies par ce prestataire ; les inexactitudes relevées dans les déclarations de M. B... sont de la responsabilité du cabinet comptable qui aurait dû inscrire la somme correspondante à l'indemnité " Club Sofinaim " au compte " provision-dépenses " et non au compte " charges exceptionnelles " ; le cabinet comptable a reconnu son erreur et actionné sa responsabilité civile professionnelle auprès de son assureur pour dédommager M.B... ; aucun élément ne permet d'établir que M. B...a agi sciemment dans l'intention délibérée d'éluder l'impôt et c'est à bon droit que le tribunal a prononcé la décharge des pénalités litigieuses.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- et les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...est gérant et associé unique de l'EURL Sofinaim et cogérant de la SCI Résidence de l'Estuaire, lesquelles ont opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes prévu à l'article 8 du code général des impôts. La SCI Résidence de l'Estuaire a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle elle a reçu notification d'une proposition de rectification remettant en cause des déductions de charge pratiquées au titre de l'année 2009. Les conséquences de cette rectification ont également été répercutées sur l'EURL Sofinaim, associée de la SCI Résidence de l'Estuaire, et par suite sur M. B...lui-même. Il en est résulté pour ce dernier des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2009 assorties de la pénalité de 40% pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts. Par jugement du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé M. B...de cette pénalité, à hauteur de 36 315 euros, et a rejeté le surplus de ses demandes. Le ministre des finances et des comptes publics relève appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé la décharge de la pénalité en cause.

2. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi (...) incombe à l'administration ".

3. Il résulte de ces dispositions que la majoration pour manquement délibéré a pour objet de sanctionner la méconnaissance délibérée par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir de tels manquements, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention du contribuable d'éluder l'impôt.

4. Pour établir le caractère intentionnel du manquement du contribuable à son obligation déclarative, l'administration doit se placer au moment de la déclaration ou de la présentation de l'acte comportant l'indication des éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt.

5. La SCI Résidence de l'Estuaire a versé à l'EURL Sofinaim une somme de 214 493 euros à titre d'indemnité consécutive à la non réalisation d'une opération immobilière. Ces deux sociétés ont confié au même cabinet d'expertise-comptable la charge d'établir leur comptabilité et de renseigner leurs déclarations fiscales. Il résulte de l'instruction que ce cabinet, s'il a bien comptabilisé en charge la somme de 214 493 euros dans les écritures comptables de la SCI Résidence de l'Estuaire, a omis de l'inscrire comme produit dans celles de l'EURL Sofinaim. Cette erreur de comptabilisation a valu à M. B...un redressement sur la base de la somme non déclarée, assorti de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré en application de l'article 1729 précité du code général des impôts.

6. M.B..., en sa qualité de dirigeant commun des deux sociétés, ne pouvait ignorer l'existence de l'indemnité de 214 493 euros ni qu'elle constituait pour lui un revenu imposable. Il le pouvait d'autant moins que le montant de cette somme est plus de deux fois supérieur au résultat négatif présenté par l'EURL Sofinaim au titre de l'année d'imposition en litige, soit 97 466 euros. Au regard de ces considérations, l'omission constatée par le service dans les déclarations du requérant ne peut être regardée comme résultant d'une simple négligence mais révèle au contraire un manquement délibéré au sens de l'article 1729 précité du code général des impôts. Enfin, la circonstance que le préjudice subi par M.B..., du fait de son assujettissement à des cotisations supplémentaires d'impôt, ait été réparé dans le cadre d'un protocole transactionnel signé avec l'assureur du cabinet comptable est, à elle seule, sans incidence sur l'application de la pénalité prévue à l'article 1729, eu égard aux considérations qui précèdent.

7. Il résulte de ce qui précède, et en l'absence d'autres moyens qu'il appartiendrait à la cour d'examiner par l'effet dévolutif de l'appel, que le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé M. B...de la pénalité en litige. Dès lors, ce jugement doit, dans cette mesure, être annulé et le ministre est fondé à demander que cette pénalité soit remise à la charge du contribuable.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les conclusions présentées par M. B...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées dès lors que l'Etat n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n°1402301 du tribunal administratif de Bordeaux du 25 juin 2015 est annulé.

Article 2 : La pénalité de 40% pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts dont a été assorti le supplément d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2009 auquel a été assujetti M. B...est remise à la charge de celui-ci.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics, à M. C... B...et au directeur régional des finances publiques Aquitaine et Gironde.

Copie en sera transmise à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

Mme Christine Mège, président-assesseur,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 17 octobre 2017

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

Le président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 15BX03400


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX03400
Date de la décision : 17/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations - Pénalités pour manquement délibéré (ou mauvaise foi).

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Charges diverses.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SCP DELTA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-10-17;15bx03400 ?
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