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17/10/2017 | FRANCE | N°15BX02598

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 17 octobre 2017, 15BX02598


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...G...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 464 629,33 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis à l'issue de l'intervention chirurgicale dont elle a bénéficié au centre hospitalier universitaire de Toulouse le 26 mai 2010, outre le remboursement des entiers dépens et des frais exposés pour l'instance. Appelée à la cau

se, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne (CPAM) a dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...G...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme de 464 629,33 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis à l'issue de l'intervention chirurgicale dont elle a bénéficié au centre hospitalier universitaire de Toulouse le 26 mai 2010, outre le remboursement des entiers dépens et des frais exposés pour l'instance. Appelée à la cause, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne (CPAM) a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à lui verser la somme de 68 116, 58 euros au titre des prestations servies à la victime, la somme de 1 028 euros au titre des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1202528 du 25 juin 2015, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ainsi que celle de la caisse primaire d'assurance maladie.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 juillet 2015, et un mémoire complémentaire enregistré le 27 octobre 2015, MmeG..., représentée par MeH..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 464 629,33 euros en réparation de ses préjudices, sous réserve d'aggravation ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens.

Elle soutient que :

- le jugement est intervenu aux termes d'une procédure juridictionnelle irrégulière dès lors que le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur un moyen qui n'était pas soulevé en défense, n'était pas d'ordre public et dont il n'a pas informé les parties en méconnaissance des dispositions de l'article R. 617-7 du code de justice administrative ;

- le moyen tiré de l'absence d'anormalité du dommage invoqué par l'ONIAM est nouveau en appel et, par suite, irrecevable ;

- en application des dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, elle peut prétendre à l'indemnisation de son préjudice par l'ONIAM tant au titre de l'aléa thérapeutique que de l'infection nosocomiale ;

- elle a subi les préjudices suivants : 3 700 euros au titre des dépenses de santé actuelles, 1 722 euros au titre des frais divers, 244,15 euros au titre des frais de transport, 2 2616 euros au titre des dépenses de santé futures, 5 766,45 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels, 30 206,13 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels, 142 143 euros au titre de son incidence professionnelle, 1 731,60 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 10 000 euros au titre des souffrances endurées, 3 000 euros au titre des préjudices esthétiques temporaires, 150 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 40 000 euros au titre de son préjudice d'agrément, 3 500 euros au titre de son préjudice esthétique permanent et 50 000 euros au titre de son préjudice d'établissement.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 septembre 2015 et 30 mai 2017, l'ONIAM, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête ainsi que des demandes présentées par la commune de Toulouse et par la CPAM, subsidiairement à la réduction à de plus justes proportions des sommes accordées à MmeG....

L'Office soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas soulevé un moyen d'office ;

- la septicémie dont a été victime Mme G...n'est pas due à une infection nosocomiale et ne caractérise pas un accident médical indemnisable au sens des dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.

Par un mémoire enregistré le 6 octobre 2015, la commune de Toulouse, représentée par MeB..., demande à la cour, sous réserve de l'engagement de la responsabilité de l'ONIAM, que l'Office soit condamné à lui verser la somme de 8 155,81 euros au titre de son préjudice ainsi qu'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient qu'elle a été contrainte de rémunérer Mme G...durant sa période d'indisponibilité.

Par des mémoires enregistrés les 8 octobre 2015 et 11 janvier 2016, la CPAM de Haute-Garonne, représentée par la société Thévenot et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à lui verser la somme de 68 116,58 euros en réparation de ses préjudices et la somme de 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 376-l du Code de la sécurité sociale ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens.

La CPAM soutient qu'elle a exposé des dépenses de santé pour un montant de 68 116,58 euros dont elle est fondée à demander le remboursement en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale dès lors que l'infection dont a souffert Mme G...est d'origine nosocomiale.

Par des mémoires enregistrés les 30 octobre 2015 et 6 avril 2016, le centre hospitalier universitaire de Toulouse, représenté par MeA..., demande à la cour de le mettre hors de cause, subsidiairement de rejeter les demandes de la CPAM et, très subsidiairement, de les réduire à de plus justes proportions.

Le centre hospitalier soutient qu'il n'a commis aucune faute, que l'infection dont il s'agit n'est pas nosocomiale, qu'en application des dispositions de l'article L. 1142-21 du code de la santé publique, il appartient à l'ONIAM d'indemniser la CPAM y compris si cette infection est d'origine nosocomiale et que la CPAM ne justifie pas de la totalité de sa créance.

Par ordonnance du 23 mai 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 juin 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.F...,

- les conclusions de M. Katz, rapporteur public,

- et les observations de Me E...représentant MmeG..., et de Me C... représentant l'ONIAM.

Considérant ce qui suit :

1. Le 29 mars 2010, MmeG..., agent administratif à la mairie de Toulouse, a été hospitalisée en urgence au centre hospitalier universitaire de Toulouse (CHU) à raison de douleurs abdominales intenses ayant provoqué un malaise. Les examens médicaux pratiqués ont permis de poser un diagnostic de pyélonéphrite obstructive due à la présence d'un volumineux calcul coralliforme. Mme G...a été traitée, dans un premier temps, par une antibiothérapie et un drainage de la voie excrétrice urinaire droite avec pose d'une sonde double J. Ce traitement ayant permis de stabiliser son état de santé, Mme G...a quitté l'hôpital le 3 avril suivant. Elle a été réadmise au sein du même hôpital, le 24 mai 2010, pour une exérèse des éléments calculeux par endoscopie qui a eu lieu, sous anesthésie générale, le 26 mai suivant. À la suite de cette intervention chirurgicale, Mme G...a présenté les symptômes caractéristiques d'un choc septique en dépit de l'antibio-prophylaxie mise en place. Cette septicémie s'est accompagnée de plusieurs défaillances organiques ainsi que d'une micro-angiopathie thrombopénique. Saisi par MmeG..., le tribunal administratif de Toulouse a ordonné une expertise médicale le 28 juin 2011 et l'expert nommé par le tribunal a rendu son rapport le 3 octobre suivant. L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) n'ayant pas donné suite à sa demande d'indemnisation, Mme G...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'ONIAM à l'indemniser des préjudices qu'elle a subis consécutivement à l'intervention chirurgicale du 26 mai 2010. Elle demande à la cour d'annuler le jugement du 25 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Il appartient au juge administratif de se prononcer sur le bien-fondé des moyens dont il est saisi et, le cas échéant, d'écarter de lui-même, quelle que soit l'argumentation du défendeur, un moyen qui lui paraît infondé, au vu de l'argumentation qu'il incombe au requérant de présenter au soutien de ses prétentions. En statuant ainsi, le juge ne relève pas d'office un moyen qu'il serait tenu de communiquer aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative.

3. En l'occurrence, le tribunal administratif de Toulouse n'a pas soulevé d'office un moyen mais a seulement considéré, pour rejeter sa demande, que Mme G...ne remplissait pas les conditions d'engagement de la responsabilité de l'ONIAM prévues à l'article L. 1142-1 du code de la santé publique. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que ce tribunal aurait méconnu les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative en omettant de communiquer aux parties un moyen relevé d'office.

Sur la recevabilité des moyens présentés par l'ONIAM :

4. Si Mme G...fait valoir que l'ONIAM n'avait pas contesté, devant le tribunal administratif, le caractère anormal des dommages qu'elle a subis, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que l'Office, qui était défendeur en première instance, se borne à demander la confirmation du jugement rendu par le tribunal et soutienne, en appel, que ces dommages ne présentaient pas un caractère anormal. Par suite, le moyen tiré de l'irrecevabilité de ce moyen ne peut qu'être écarté comme manquant en droit.

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne l'anormalité des dommages :

5. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code la santé publique : " II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. ". L'article D. 1142-1 du même code définit le seuil de gravité prévu par ces dispositions législatives.

6. Il résulte de l'instruction et en particulier du rapport d'expertise judiciaire du 3 octobre 2011, qu'en l'absence d'intervention chirurgicale pour exérèse de la lithiase, Mme G...encourait un " risque de récidive septique aux conséquences potentiellement délétères " et, notamment, un risque de septicémie. Ainsi, l'acte médical pratiqué n'a pas entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles la patiente était exposée de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. En outre, il ressort du même rapport et n'est pas contesté par Mme G...que les bactéries à l'origine du choc septique subi par l'appelante étaient nécessairement contenues dans le calcul dont s'agit et ont été libérées par la fragmentation de celui-ci dès lors que l'infection s'est déclarée quelques heures après l'intervention chirurgicale et que les urines de l'intéressée étaient stériles au moment de cette intervention. Mme G...soutient que cette complication présentait un risque de survenance faible et produit, à l'appui de cette allégation, une note médico-légale, réalisée à sa demande par un expert judiciaire, dont il ressort que " le risque de survenue d'un tableau septicémique au décours d'une fragmentation par urétéroscope est de l'ordre de 0,1 % ". Toutefois, ce chiffre renvoie expressément à une fiche d'information de l'association française d'urologie dont la seule page annexée ne permet aucunement de rattacher le risque de septicémie mentionné à l'exérèse d'un calcul coralliforme. Par suite, Mme G...n'établissant pas que la survenance du dommage qu'elle a subi présentait une probabilité faible, elle n'est pas fondée à soutenir que les conséquences de l'intervention chirurgicale dont elle a bénéficié doivent être regardées comme anormales.

En ce qui concerne le caractère nosocomial de l'infection :

7. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " (...) Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ". Si ces dispositions font peser sur l'établissement de santé la responsabilité des infections nosocomiales, qu'elles soient exogènes ou endogènes, à moins que la preuve d'une cause étrangère soit rapportée, seule une infection survenant au cours ou au décours d'une prise en charge et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge peut être qualifiée de nosocomiale.

8. Mme G...fait valoir que ses urines étaient stériles lors de l'examen pratiqué le 19 mai 2010 et que la bactérie responsable de la septicémie dont elle a été victime n'a pu être identifiée. Toutefois, il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que la pyélonéphrite aiguë qui a justifié son hospitalisation le 29 mars 2010 a été causée par une lithiase dont l'exérèse était indispensable en dépit de l'antibiothérapie mise en place afin, précisément, d'éviter des récidives infectieuses. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que les bactéries libérées lors de la fragmentation de ce calcul n'étaient pas pathogènes avant l'intervention chirurgicale du 26 mai 2010 ni, par suite, que l'infection qui s'est déclarée à l'issue de cette intervention était d'origine nosocomiale.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme G...n'est pas fondée à demander que l'ONIAM soit condamné à l'indemniser des préjudices qu'elle a subis. Dès lors, la CPAM et la commune de Toulouse ne sont pas non plus fondées à demander que l'ONIAM ou le CHU soit condamnés à les rembourser des débours qu'ils ont exposés à raison de l'altération de l'état de santé de l'appelante. Par suite, la requête de MmeG..., les conclusions de la CPAM et celles de la commune de Toulouse doivent être rejetées, y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme G...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Garonne et par la commune de Toulouse sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...G..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au centre hospitalier universitaire de Toulouse, à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Garonne, à la commune de Toulouse, et à la mutuelle nationale territoriale.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 17 octobre 2017.

Le rapporteur,

Manuel F...Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 15BX02598


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX02598
Date de la décision : 17/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité sans faute. Actes médicaux.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : LAPALUS DIGNAC

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-10-17;15bx02598 ?
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