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17/10/2017 | FRANCE | N°15BX01861

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 17 octobre 2017, 15BX01861


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2013 par lequel la directrice générale du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de la fonction publique hospitalière l'a licenciée pour inaptitude à l'exercice des fonctions de praticien hospitalier.

Par un jugement n° 1400588 du 25 mars 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mém

oire, enregistrés le 2 juin 2015 et le 9 septembre 2016 Mme D..., représentée par MeB..., dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...D...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2013 par lequel la directrice générale du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de la fonction publique hospitalière l'a licenciée pour inaptitude à l'exercice des fonctions de praticien hospitalier.

Par un jugement n° 1400588 du 25 mars 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 juin 2015 et le 9 septembre 2016 Mme D..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 25 mars 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2013 la licenciant pour inaptitude à l'exercice des fonctions de praticien hospitalier ;

3°) d'enjoindre au directeur général du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de la fonction publique hospitalière de la nommer en qualité de praticien hospitalier dans un délai de huit jours, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de la fonction publique hospitalière le paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les droits de la défense avaient été respectés dans le cadre de la procédure administrative qui a précédé son licenciement ;

- il n'a ainsi pas été tenu compte, par l'administration et le tribunal administratif de Poitiers, de ses observations et des pièces produites par elle mais seulement des motifs avancés par l'administration ;

- ces motifs ne correspondent pas à la réalité ;

- elle a en effet entretenu de bons rapports avec ses collègues et a démontré savoir travailler en équipe ;

- les difficultés rencontrées avaient pour origine le chef de pôle ;

- il est établi qu'elle participait aux réunions de consultation pluridisciplinaire ;

- en revanche, la mise en danger des patients n'est pas avérée, pas plus que son refus d'effectuer des astreintes ;

- en conséquence, le jugement et l'arrêté attaqués procèdent d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2016 le centre hospitalier de Niort conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de Mme D...le paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le juge administratif n'exerce qu'un contrôle restreint sur les refus de titularisation en fin de stage ;

- tous les motifs pour lesquels il a demandé le licenciement de l'appelante en fin de période probatoire n'ont pas été repris dans l'arrêté litigieux et ne sont donc pas de nature à influer sur la légalité de celui-ci ;

- mais l'exactitude de ces motifs est établie par le rapport définitif d'inspection de l'agence régionale de santé Poitou-Charentes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2016, le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de la fonction publique hospitalière conclut au rejet de la requête

Il soutient que :

- les premiers juges n'ont pas méconnu les principes du contradictoire et les droits de la défense ;

- l'appelante a, de plus, été mise à même de se défendre préalablement à l'adoption de l'arrêté du 17 décembre 2013 ;

- par ailleurs, le comportement d'un praticien hospitalier est non seulement évalué par rapport à son savoir-faire mais également relativement à son savoir-être ;

- la matérialité des faits qui fondent l'arrêté querellé est établie ;

- ainsi que le comportement de l'intéressée durant sa période probatoire n'a pas été en adéquation avec les impératifs liés à la profession de praticien hospitalier et a porté atteinte à la continuité et au bon fonctionnement du service public hospitalier ;

- ni l'arrêté ni le jugement ne sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation.

Par ordonnance du 12 septembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 20 octobre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la décision du Conseil d'État du 3 décembre 2003 n° 236485.

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.C...,

- les conclusions de M. Katz, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., représentant l'appelante.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D...a été nommée en qualité de praticien hospitalier par le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de la fonction publique hospitalière pour une période probatoire d'un an à compter du 15 février 2012 et affectée au centre hospitalier de Niort (Deux-Sèvres), dans le pôle d'oncologie médicale et soins de support. À l'issue de cette période, elle a été licenciée pour inaptitude à l'exercice des fonctions de praticien hospitalier par un arrêté du 17 décembre 2013 de la directrice générale du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de la fonction publique hospitalière. Elle a demandé l'annulation de cet arrêté au tribunal administratif de Poitiers, lequel a rejeté sa demande par jugement du 25 mars 2015. Mme D...demande l'annulation de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. La seule circonstance que les premiers juges n'ont pas été convaincus par l'argumentaire de Mme D...et les pièces produites par elle ne permet pas d'établir que ceux-ci auraient fait preuve de partialité et auraient méconnu le principe du contradictoire et, plus généralement, les exigences d'un procès équitable.

Sur le fond :

En ce qui concerne la légalité externe ;

3. Aux termes de l'article R. 6152-13 du code de la santé publique : " Les candidats issus du concours national de praticien des établissements publics de santé, (...), sont nommés pour une période probatoire d'un an d'exercice effectif des fonctions, à l'issue de laquelle ils sont, après avis motivé du chef de pôle ou, à défaut, du responsable du service, de l'unité fonctionnelle ou d'une autre structure interne, du président de la commission médicale d'établissement et du directeur de l'établissement ainsi que, le cas échéant, de la commission statutaire nationale, soit nommés dans un emploi de praticien à titre permanent, soit admis à prolonger leur période probatoire pour une nouvelle durée d'un an, soit licenciés pour inaptitude à l'exercice des fonctions en cause, par arrêté du directeur général du Centre national de gestion. / La commission statutaire nationale est saisie lorsque l'avis du chef de pôle ou, à défaut, du responsable du service, de l'unité fonctionnelle ou d'une autre structure interne, du président de la commission médicale d'établissement ou du directeur sont défavorables à la titularisation ou divergents. / (...) ".

4. Un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire. Il en résulte qu'alors même que la décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne, elle n'est pas - sauf à revêtir le caractère d'une mesure disciplinaire - au nombre des mesures qui ne peuvent légalement intervenir sans que l'intéressé ait été mis à même de faire valoir ses observations ou de prendre connaissance de son dossier, et n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et les règlements. Il en va de même de l'arrêté aux termes duquel est prononcé, sur le fondement des dispositions réglementaires précitées, le licenciement pour inaptitude d'un praticien hospitalier à l'issue de la période probatoire.

5. Il suit de ce qui vient d'être énoncé que l'appelante ne saurait utilement soutenir que les droits de la défense auraient été méconnus à l'occasion de la procédure à l'issue de laquelle a été pris l'arrêté prononçant son licenciement pour inaptitude à l'exercice des fonctions de praticien hospitalier. Au demeurant et comme l'ont relevé les premiers juges, elle a eu connaissance, le 26 juin 2013, des avis négatifs émis par les instances compétentes du centre hospitalier, visées à l'article précité du code de la santé publique, défavorables à sa titularisation, et de la date à laquelle son dossier allait être examiné par la commission statutaire nationale, a été mise à même de présenter des observations, ce qu'elle a fait effectivement, sur le rapport provisoire d'inspection de l'agence régionale de santé réalisé à la suite de l'inspection qui s'est déroulée le 20 août 2013, à la demande du centre précité, et a eu communication du rapport définitif d'inspection préalablement à la réunion de la commission statutaire nationale du 29 novembre 2013 à laquelle son dossier a été une nouvelle fois soumis.

En ce qui concerne la légalité interne ;

6. Contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'arrêté en cause n'a pas été pris au regard de l'insuffisance de volume de travail de Mme D...et de la divulgation par celle-ci de notes confidentielles d'ordre médical, ces motifs n'ayant été avancés que par le centre hospitalier de Niort dans sa demande de licenciement de l'intéressée.

7. Cet arrêté est motivé par l'absence d'esprit d'équipe de cette dernière, le rejet de toute contrainte institutionnelle de sa part, l'existence de conflits entre elle et des membres de l'encadrement médical et paramédical et, plus largement, par un comportement pouvant avoir des conséquences dommageables sur la qualité et la continuité des soins.

8. Aux termes de l'article R. 4127-64 du code de la santé publique : " Lorsque plusieurs médecins collaborent à l'examen ou au traitement d'un malade, ils doivent se tenir mutuellement informés ". Aux termes de l'article R. 4127-56 de ce code : " Les médecins doivent entretenir entre eux des rapports de bonne confraternité ", et aux termes de l'article R. 4127-71 du même code : " (...) [Le médecin] ne doit pas exercer sa profession dans des conditions qui puissent compromettre la qualité des soins et des actes médicaux ou la sécurité des personnes examinées. "

9. En premier lieu, les avis émis, le 13 mai 2013, par le chef de pôle, le président de la commission médicale d'établissement et le directeur du centre hospitalier, tous défavorables à la titularisation de l'appelante à l'issue de sa période probatoire, attestent de façon concordante que le comportement de cette dernière a pu créer un risque médical pour certains patients qui aurait pu être dommageable dans leur prise en charge et un risque social vis-à-vis de certains membres du personnel. En outre, la mission d'inspection de l'agence régionale de santé de Poitou-Charentes diligentée, le 26 avril 2013, par la directrice générale du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, a conclu, dans son rapport rendu le 22 octobre 2013, à un comportement préjudiciable à l'activité du service et à un risque important de mise en danger des patients pris en charge. Enfin, la commission statutaire nationale le 29 novembre 2013 s'est prononcée pour un licenciement pour inaptitude aux fonctions par neuf voix favorables et deux abstentions.

10. Si l'intéressée soutient que le rapport de l'agence régionale de santé est partial, il ressort du contenu de ce document que ce rapport relate l'existence de difficultés relationnelles au sein du pôle d'oncologie du centre hospitalier préalablement à l'arrivée de MmeD.... De même, ce rapport souligne les compétences techniques de celle-ci et la qualité de ses relations avec les patients.

11. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée n'adhère pas aux règles de fonctionnement du service public hospitalier, en particulier en refusant d'assurer autant de périodes d'astreinte que ses collègues ou d'être présente en fonction du planning des congés durant la période estivale. Comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, un tel comportement porte atteinte à la continuité des soins. De plus, ses nombreuses absences aux réunions de consultation pluridisciplinaires perturbent tant le déroulement des soins que la prise en charge des patients dans un secteur caractérisé par la collégialité quant aux décisions à prendre pour la mise en place et le suivi de leurs traitements. Il s'agit également d'un comportement de nature à compromettre la qualité de la prise en charge des patients.

12. Il ressort, en outre, des pièces du dossier que son attitude avec l'ensemble des équipes, médicales et paramédicales, est empreinte de difficultés relationnelles récurrentes, qui dépassent largement le conflit qui l'oppose avec le responsable du pôle d'oncologie, et qui ont abouti à une absence de communication verbale avec certains agents, les transmissions ne s'effectuant que par la forme de brèves annotations manuscrites. À cet égard, si Mme D...produit diverses attestations qui lui sont favorables, elles ne sont pas de nature à remettre en cause les constatations précitées, dans la mesure, notamment, où ces documents, pour l'essentiel, concernent l'appréciation de ses compétences techniques et de ses relations avec les patients, qui n'ont pas été remises en cause par l'arrêté critiqué. Du reste, certaines de ses attestations comportent des passages confirmant certaines difficultés relationnelles de l'intéressé.

13. Par conséquent et compte tenu de ce qui a été dit aux points 9 à 12, en prononçant le licenciement pour inaptitude à l'exercice des fonctions de praticien hospitalier de Mme D...à l'issue de sa période probatoire, la directrice générale du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de la fonction publique hospitalière n'a entaché son arrêté d'aucune erreur de fait et d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de la fonction publique hospitalière, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par MmeD..., au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

16. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'appelante le paiement d'une somme de 1 500 euros au centre hospitalier de Niort au titre de l'article précité.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Mme D...versera au centre hospitalier de Niort une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D..., au Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de la fonction publique hospitalière et au centre hospitalier de Niort. Copie en sera adressée, pour information, à l'agence régionale de santé Nouvelle-Aquitaine.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 17 octobre 2017.

Le président-assesseur,

Didier Salvi

Le président

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 15BX01861


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX01861
Date de la décision : 17/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-11-01 Fonctionnaires et agents publics. Dispositions propres aux personnels hospitaliers. Personnel médical.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : COUTANT PEYRE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-10-17;15bx01861 ?
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