Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière Les Endrevies a demandé par requête du 10 août 2013 au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2007 au 31 mars 2010 et des pénalités y afférentes.
Par un jugement n° 1303013 du 13 novembre 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a fait partiellement droit à sa demande et a rejeté le surplus de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 janvier 2015 et un mémoire du 17 mai 2016, la société civile immobilière Les Endrevies, représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 novembre 2014 en tant qu'il a rejeté partiellement sa requête ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités restant en litige ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'administration ne pouvait engager à l'encontre de la société une vérification de comptabilité dès lors qu'il s'agit d'une société civile immobilière, elle ne pouvait que procéder à un contrôle sur place " sui generis " des documents comptables ; la procédure de redressement est donc irrégulière ;
- le fondement juridique sur lequel s'est fondée l'administration pour procéder aux redressements est erroné puisque la société n'a pas pour activité de louer en meublé mais de louer des locaux nus ; seule MmeA..., associée, exerce à titre personnel l'activité de loueur en meublé dans l'immeuble ;
- l'administration ne démontrant pas qu'une partie de l'immeuble aurait fait l'objet d'une livraison à soi-même à MmeA..., elle ne pouvait remettre en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 7 768 euros ;
- l'administration ne démontre pas que les sommes de 12 980 euros et 7 724 euros correspondraient respectivement à des dépenses privées et mixtes non déductibles ;
- l'administration ne justifiant pas de la mauvaise foi de la société, la pénalité n'est pas fondée.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 31 juillet 2015 et le 28 juin 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 28 juin 2016, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 28 juillet 2016 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caroline Gaillard ;
- et les conclusions de Mme Munoz-Pauzies, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Les Endrevies a été créée le 5 mai 2006 et a pour activité l'acquisition, la gestion, la construction et la propriété de tout bien immobilier. Elle a opté le 1er juillet 2006 pour l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée de la location d'un immeuble situé à Saint André d'Allas (24200), non encore achevé à la date de déclaration d'option. A l'issue d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er janvier 2007 au 31 mars 2010, l'administration fiscale lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. La société fait appel du jugement en date du 13 novembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé la société d'une partie des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et a rejeté le surplus de la requête.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article 13 du livre des procédures fiscales : " les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ". L'article 195 A de l'annexe II au code général des impôts précise : " Les personnes qui exercent l'option sont soumises à l'ensemble des obligations qui incombent aux assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée. Les règles relatives à l'assiette, à la liquidation, au recouvrement, au contrôle et au contentieux de ladite taxe leur sont applicables. "
3. En application de l'article 260 du code général des impôts, la SCI Les Endrevies a opté en 2006 pour l'assujettissement de son activité à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu des dispositions précitées de l'article L. 195 A précité de l'annexe II au code, elle était de ce fait astreinte à la tenue de documents comptables et elle était susceptible de faire l'objet d'une vérification sur place de ces documents ainsi que le prévoit l'article 13 précité du livre des procédures fiscales. Par suite, l'administration a pu à bon droit procéder à une vérification de comptabilité de la société sur la période du 1er janvier 2007 au 31 mars 2010.
Sur le bien fondé des impositions litigieuses :
En ce qui concerne le caractère erroné du fondement juridique du redressement :
4. Ainsi que l'a déjà pertinemment jugé le tribunal, d'une part, la déclaration d'option du 1er juillet 2006 ne précisait pas au titre de quelle activité elle était exercée et aucun document postérieur n'a clarifié ce point ; d'autre part, l'administration, en notant dans la proposition de rectification que l'immeuble était destinée à une exploitation future de locations meublées sans préciser qui assurerait cette exploitation, ne peut être regardée comme s'étant explicitement prononcée sur ce point ; enfin, le redressement n'était pas fondé sur le type d'activité de location exercé, mais sur la circonstance que la requérante n'avait pas respecté le principe selon lequel le bien loué devait être utilisé pour la réalisation d'opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée.
5. Il résulte en effet de l'instruction que le service, sans remettre en cause l'option exercée par la société, s'est borné à constater que l'immeuble faisait en partie l'objet d'une utilisation privative par MmeA..., et a opéré un rappel de taxe à proportion de la surface habitée par cette dernière. Le service a de plus remis en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé des dépenses partiellement ou intégralement exposées par la société, voire même exposées antérieurement à la création de la société, dans l'intérêt privé de MmeA.... En l'absence de tout élément nouveau développé en appel à l'encontre des motifs pertinents retenus par les premiers juges, le moyen tiré de ce que l'administration aurait fondé le redressement en retenant à tort que la société exploitait une activité de loueur en meublé ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne le rappel de taxe pour utilisation privative d'une partie de l'immeuble par un associé :
6. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...)". Aux termes du 1 de l'article 230 de l'annexe II au code général des impôts, en vigueur jusqu'au 1er janvier 2008 : " La taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services que les assujettis à cette taxe acquièrent ou qu'ils se livrent à eux-mêmes n'est déductible que si ces biens et services sont nécessaires à l'exploitation. (...) ".
7. Lors du contrôle, le vérificateur a constaté que le sous-sol de la maison était composé d'un local aménagé destiné à l'habitation personnelle de Mme A...depuis décembre 2007. L'administration a dès lors remis en cause le droit à déduction de la taxe grevant la construction de cette partie de l'immeuble au motif que son affectation était étrangère aux besoins de l'exploitation.
8. La SCI Les Endrevies fait de nouveau valoir en appel que Mme A...n'a jamais admis lors du contrôle qu'elle vivait pendant la période contrôlée avec son concubin. Elle produit une attestation d'hébergement de ce dernier rédigée le 5 août 2010. Cependant, ainsi que l'ont pertinemment estimé les premiers juges, " Mme A...avait mentionné cet immeuble comme son adresse personnelle dans ses déclarations d'impôt sur le revenu depuis 2006, elle s'acquittait d'une taxe d'habitation à cette adresse, et elle avait déclaré vivre seule avec un enfant à charge sur la période considérée, ce qui est contradictoire avec l'attestation de son concubin ; enfin, le vérificateur avait pu constater l'existence d'un local à usage d'habitation et les factures d'eau, d'électricité et de travaux confirmant l'occupation de ce local ".
9. Alors que la SCI n'établit pas non plus que l'immeuble aurait été donné à bail à Mme A..., l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'utilisation à titre privé d'une partie de l'immeuble par un associé et, par suite, du bien-fondé du rappel de taxe opéré à ce titre, à due proportion de la partie de l'immeuble occupée à titre privatif.
En ce qui concerne le rappel de taxe afférent à la taxe ayant grevé des dépenses regardées comme personnelles :
10. En premier lieu, l'administration a remis en cause le droit à déduction de diverses dépenses de la SCI Les Endrevies au motif qu'elles n'ont pas été effectuées pour les besoins de son activité. Plus précisément, l'administration a regardé comme des dépenses à caractère personnel l'achat d'un véhicule acquis en 2003 et d'un quad acquis en 2005, antérieurement à la création de la société et dont les factures ont été établies au nom de MmeA..., des dépenses d'aménagement du sous-sol qu'elle occupe à titre privatif, des dépenses diverses d'achats de vêtements, de produits de beauté, d'ameublement et de décoration, des frais d'avocat liés à la liquidation judiciaire de Mme A...pour une activité antérieure et des dépenses alimentaires.
11. En appel la SCI Les Endrevies ne produit aucun élément nouveau et pertinent permettant d'infirmer les constatations du service et de justifier que ces achats avaient été effectués pour les besoins de son activité.
12. En second lieu, l'administration a également estimé que les dépenses d'électricité, d'eau et de téléphone ainsi que les dépenses de construction de l'immeuble appartenant à la société constituaient des dépenses mixtes qui avaient été exposées concurremment pour les besoins de l'activité et pour le profit personnel de MmeA.... Elle a donc accepté leur déduction au taux respectivement de 0,40 pour les dépenses concernant l'immeuble, sur la base d'une évaluation contradictoire réalisée avec Mme A...et de 2/3 au titre des dépenses exposées pour la construction de l'immeuble, sur la base de la proportion de la partie occupée par Mme A...rapportée à la superficie totale de l'immeuble.
13. La SCI Les Endrevies n'apporte aucun élément nouveau de nature à contester l'estimation par le service de la part des dépenses qui n'ont pas été exposées pour l'activité de la société. Ainsi qu'il a été dit aux points 4 et 5 ci-dessous, la société ne peut pas utilement se prévaloir de ce que le service aurait fait une confusion sur la nature de son activité dès lors que celle-ci n'est pas le motif des rectifications.
Sur les pénalités :
14. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'administration qui entend appliquer les pénalités de mauvaise foi d'établir l'intention du contribuable d'éluder l'impôt.
15. En ayant rappelé l'importance du montant des dépenses engagées sur l'ensemble de la période vérifiée dans l'intérêt personnel de MmeA..., de même que l'antériorité de certaines dépenses exposées avant même la création de la société ayant donné lieu à déduction de taxe ainsi que leur nature indubitablement privée, l'administration établit l'intention de la SCI Les Endrevies d'éluder l'impôt et justifie l'application de la majoration prévue par les dispositions précitées du a de l'article 1729 du code général des impôts aux redressements en litige.
16. Il résulte de ce qui précède que La SCI Les Endrevies n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté le surplus de sa demande en décharge. Par voie de conséquence, sa demande tendant au paiement des frais de procès ne peut qu'être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCI Les Endrevies est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Les Endrevies et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera délivrée au directeur du contrôle fiscal sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2017 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 octobre 2017.
Le rapporteur,
Caroline Gaillard
Le président,
Philippe Pouzoulet
Le greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 15BX00079