La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/10/2017 | FRANCE | N°16BX01830

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 03 octobre 2017, 16BX01830


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de la décision en date du 31 décembre 2014 par laquelle le président du conseil général de la Gironde lui a infligé la sanction de l'avertissement et qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge du département de la Gironde en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1502320 du 8 avril 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté son recours.

Procédure deva

nt la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 3 juin 2016, le 2 mai e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de la décision en date du 31 décembre 2014 par laquelle le président du conseil général de la Gironde lui a infligé la sanction de l'avertissement et qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge du département de la Gironde en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1502320 du 8 avril 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté son recours.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 3 juin 2016, le 2 mai et le 1er juin 2017, MmeA..., représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 8 avril 2016 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'avertissement du 31 décembre 2014 pris à son encontre ;

3°) de mettre à la charge du département de la Gironde la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle aurait été convoquée

le 19 septembre 2014 pour une réunion du 22 septembre suivant et aurait commis en refusant d'exécuter les tâches qui lui étaient confiées une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ;

- la procédure est entachée d'irrégularité dès lors qu'elle n'a pas bénéficié d'un délai suffisant pour consulter son dossier, dont elle n'a au demeurant pas pu prendre connaissance dans le calme et n'a pas bénéficié d'un entretien préalable à la mesure disciplinaire ;

- la sanction attaquée est insuffisamment motivée ;

- la matérialité des faits reprochés n'est pas démontrée ;

- elle est victime de discrimination en raison de son état de santé et d'un harcèlement de ses collègues de travail et du collège Vauban.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2017, le département de la Gironde, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de Mme A...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A...ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 10 mai 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 9 juin 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de MmeB...,

- les conclusions de M. Katz, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant le département de la Gironde.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...A..., titulaire du grade d'adjoint technique territorial de 2ème classe des établissements d'enseignement, exerce des fonctions d'agent d'entretien au collège Sébastien Vauban de Blaye depuis le 1er janvier 2008. Elle relève appel du jugement du 8 avril 2016, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'avertissement qui lui a été infligé le 31 décembre 2014, par le président du conseil général de la Gironde.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe ;

2. En premier lieu, en vertu de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, applicable à la date de la décision attaquée, et dont les dispositions ont été reprises par le code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) infligent une sanction ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. La décision contestée du 31 décembre 2014 indique clairement les faits reprochés à Mme A...et sur lesquels le président du conseil général de la Gironde a entendu fonder la sanction, à savoir le " refus d'exécuter un ordre donné à deux reprises les 9 et 12 septembre 2014 par l'adjointe gestionnaire du collège [lui] demandant d'aller nettoyer les sols des deux laboratoires de sciences " et le " refus de [se] présenter aux convocations données par [son] chef d'établissement et son adjointe gestionnaire le 22 septembre 2014 à 14 heures et ce malgré un rappel ". L'administration a ainsi suffisamment précisé les griefs qu'elle a entendu retenir à l'encontre de l'intéressée de sorte que cette dernière a pu, à sa seule lecture, connaitre les motifs de l'avertissement infligé. Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation en fait doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux : " L'autorité investie du pouvoir disciplinaire informe par écrit l'intéressé de la procédure disciplinaire engagée contre lui, lui précise les faits qui lui sont reprochés et lui indique qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel au siège de l'autorité territoriale et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix. / L'intéressé doit disposer d'un délai suffisant pour prendre connaissance de ce dossier et organiser sa défense. Les pièces du dossier et les documents annexés doivent être numérotés. ".

5. Une sanction ne peut être légalement prononcée à l'égard d'un agent public sans que l'intéressé ait été mis en mesure de présenter utilement sa défense. S'agissant des sanctions du premier groupe, dont fait partie, pour les fonctionnaires territoriaux, l'avertissement en vertu des dispositions de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984, cette garantie procédurale est assurée, en application des dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, par l'information donnée par l'administration à l'intéressé qu'une procédure disciplinaire est engagée, et qu'il dispose du droit à la communication de son dossier individuel et de tous les documents annexes, ainsi qu'à l'assistance des défenseurs de son choix. En revanche, il ne résulte d'aucune disposition légale ou principe général qu'avant l'édiction d'une sanction du premier groupe, un agent puisse présenter des observations orales.

6. Il ressort des pièces du dossier que, par lettre du 28 octobre 2014, le président du conseil général de la Gironde a informé Mme A...de la procédure disciplinaire engagée à son encontre et de la possibilité de venir consulter son dossier accompagné d'un défenseur de son choix à l'occasion d'un rendez-vous. La requérante n'établit pas que les conditions de la consultation à laquelle elle a effectivement procédé le 14 novembre 2014, ne lui auraient pas permis de préparer utilement sa défense alors en outre qu'elle a obtenu un délai supplémentaire durant lequel elle aurait pu demander à consulter à nouveau son dossier, ce qu'elle n'a pas fait avant de présenter des observations écrites le 28 novembre 2014. Dans ces conditions, alors même qu'aucun entretien préalable n'a été formalisé, entretien qu'au demeurant aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait, le moyen invoqué relatif à la régularité de la procédure disciplinaire doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne ;

7. Aux termes de l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires: " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public.(...) ". Aux termes de l'article 29 de la même loi : "Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ".

8. Il résulte des mentions de la décision contestée, ainsi qu'il a été dit au point 3, que l'avertissement infligé à MmeA..., sanction du premier groupe, a été pris aux motifs que cette dernière avait refusé d'exécuter un ordre et refusé de se présenter à une convocation du chef d'établissement et de son adjointe gestionnaire. Il est constant qu'à la suite du départ de l'adjoint technique de recherche et de formation, les tâches effectuées par ce dernier devaient être réorganisées, notamment concernant le ménage des laboratoires de sciences attenants aux salles de sciences.

9. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la lettre du 28 novembre 2014 de MmeA..., que cette dernière, qui ne conteste pas utilement avoir été reçue

les 9 et 12 septembre 2014 par l'adjointe gestionnaire sur ce sujet, a refusé d'assurer le nettoyage au sol des laboratoires qui lui était demandé, à raison d'une fois par semaine. Elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas reçu un ordre clair à cet égard alors qu'elle indique avoir été la seule concernée par ce report de charge de travail et a critiqué cette répartition. Par ailleurs, les contre-indications du médecin de prévention, aux travaux en extérieur et sur tous les sites non chauffés durant l'hiver ainsi que la préconisation de l'utilisation de gants pour le lavage ayant conduit à des aménagements de son poste pour tenir compte de la pathologie dont elle souffre, et les recommandations des médecins de l'intéressée concernant la protection stricte contre le froid et l'humidité, ne faisaient pas obstacle à ce qu'elle assurât l'entretien de ces salles. Il ne ressort pas ainsi des pièces du dossier que Mme A...aurait légitimement contesté un ordre manifestement illégal, ni de nature à compromettre gravement son état de santé.

10. Si Mme A...n'a, par ailleurs, pas reçu de convocation écrite à l'entretien

du 22 septembre 2014 avec le principal du collège, auquel elle ne s'est pas présentée à l'heure prévue, elle ne conteste ni en avoir été informée oralement, le 19 septembre 2014, par l'adjointe gestionnaire alors qu'elle demandait une autorisation d'absence pour se rendre la matinée

du 23 septembre 2014 à un rendez-vous à l'hôpital Pellegrin, ni avoir été appelée le jour dit par le secrétariat du principal. Il ressort des pièces du dossier et notamment d'une attestation

du 23 novembre 2015 que malgré ce rappel, et alors qu'elle se trouvait dans les

locaux, Mme A...a refusé de se rendre à cet entretien sans que la circonstance qu'il ait été fixé la veille d'une consultation médicale, soit de nature, en tout état de cause, à l'en dispenser.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme A...a refusé d'exécuter une tâche conformément aux instructions de son supérieur hiérarchique et a refusé de se rendre à une convocation de ce dernier. La matérialité des faits est établie et en estimant qu'ils constituaient une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire ne les a pas inexactement qualifiés.

12. En ce qui concerne l'existence d'un harcèlement moral ou de pratiques discriminatoires, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime de discrimination ou d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'une telle discrimination ou d'un tel

harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les discriminations alléguées ou les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.

13. Si Mme A...soutient être victime de harcèlement et d'une discrimination en raison d'une surcharge de travail par rapport à ses collègues, elle n'apporte pas d'éléments suffisants pour permettre de regarder comme au moins plausible le harcèlement moral dont elle se prétend victime de la part de ses collègues de travail, ou de nature à révéler que la mesure dont elle a fait l'objet serait empreinte de discrimination. La circonstance que le comité médical départemental a émis, le 20 mai 2003, un avis d'inaptitude au poste d'ouvrier d'entretien mais que l'Etat n'a pas procédé alors à son reclassement dans un poste sédentaire au regard de sa situation médicale est sans incidence sur la légalité de la mesure disciplinaire contestée, prise après son intégration dans la fonction publique territoriale pour laquelle elle a opté en 2008. Ces faits ne peuvent, en tout état de cause, être considérés comme constitutifs d'une discrimination. Il en est de même du jugement du 31 juillet 2013, dont l'appelante se prévaut, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé une décision du 12 octobre 2010 du principal du collège Vauban à Blaye ayant décidé à titre conservatoire de lui interdire de se présenter au service de distribution des repas jusqu'à ce qu'elle ait suivi une formation relative à la méthode et aux principes de gestion de sécurité sanitaire des aliments, qui n'est pas de nature à révéler de tels agissements.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Gironde, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par MmeA..., au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante la somme demandée par le département, au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département de la Gironde présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au département de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2017 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

M. Didier Salvi, président-assesseur,

Mme Aurélie Chauvin, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 3 octobre 2017.

Le rapporteur,

Aurélie B...Le président,

Éric Rey-BèthbéderLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

5

N° 16BX01830


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX01830
Date de la décision : 03/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09 Fonctionnaires et agents publics. Discipline.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Aurélie CHAUVIN
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : TERRIEN-CRETTE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-10-03;16bx01830 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award