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28/09/2017 | FRANCE | N°15BX02938

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 28 septembre 2017, 15BX02938


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Groléjac et la communauté de communes du canton de Domme ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat, représenté par le préfet de la Dordogne en sa qualité d'autorité de tutelle de la direction départementale de l'équipement (DDE) de la Dordogne, à les relever indemnes et à les garantir des condamnations prononcées à leur encontre par le juge judiciaire à la demande de M. et MmeA....

Par un jugement n° 1400011 du 30 juin 2015, le tribunal administratif

de Bordeaux a rejeté la demande de la commune de Groléjac et de la communauté de co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Groléjac et la communauté de communes du canton de Domme ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner l'Etat, représenté par le préfet de la Dordogne en sa qualité d'autorité de tutelle de la direction départementale de l'équipement (DDE) de la Dordogne, à les relever indemnes et à les garantir des condamnations prononcées à leur encontre par le juge judiciaire à la demande de M. et MmeA....

Par un jugement n° 1400011 du 30 juin 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de la commune de Groléjac et de la communauté de communes du canton de Domme.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er septembre 2015, et un mémoire en réplique enregistré le 17 févier 2017, la commune de Groléjac et la communauté de communes de Domme-Villefranche du Périgord venant aux droits de la communauté de communes du canton de Domme, représentées par Me Nunez, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 juin 2015 ;

2°) de condamner l'Etat, en garantie des condamnations prononcées à leur encontre par le juge judiciaire à la demande des épouxA..., au paiement de la somme de 138 377, 20 euros indexée sur l'indice de la construction à compter du 22 juin 2012, correspondant aux dommages et intérêts versés aux épouxA..., de la somme de 3 000 euros allouée au titre de l'indemnité versée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile par le tribunal d'instance de Bergerac à M. et Mme A...et de 2 256,50 euros au titre des dépens, soit une somme globale de 140 633,70 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le tribunal administratif a fait une mauvaise appréciation de la convention ATESAT conclue le 9 janvier 2004 entre la communauté des communes du canton de Domme et la DDE de la Dordogne ;

- les fautes commises par ce service de l'Etat au titre de la mauvaise exécution des travaux publics de voirie ont été relevées au cours de la procédure judiciaire ;

- la DDE assurait la maîtrise d'oeuvre globale de ces travaux, consistant en l'élargissement d'une voie communale, dont elles étaient maître d'ouvrage ; cet aménagement a été réalisé par la société Eurovia, qui a sous-traité la réfection du talus à l'entreprise Garrigou, sous la conduite de ce service ;

- parmi les missions confiées à ce dernier par la convention du 9 janvier 2004 figurait l'assistance à la réalisation des plans d'alignement ; il avait donc pouvoir pour délimiter la voirie communale ;

- le ministre de l'écologie soutient que la DDE n'était pas chargée de ce travail de délimitation mais la teneur du courrier du 10 juillet 2006 adressé par ses soins à l'assureur protection juridique des époux A...prouve qu'elle avait une mission globale relative aux travaux et, en particulier, à la délimitation des propriétés ;

- elle a donc commis une faute en démolissant le mur de soutènement situé sur la propriété de M. et MmeA... ; elle a procédé à une opération d'aménagement de la voirie communale en-dehors des limites du domaine public ;

- le régime de l'action en garantie diffère selon le caractère, facultatif ou obligatoire, de l'intervention d'un service de l'Etat dans une opération de travaux publics réalisés pour le compte d'une collectivité locale ; le Conseil d'Etat considère que, lorsqu'un service étatique intervient à titre facultatif dans le cadre d'un accord avec une collectivité locale qui a demandé son concours, la convention passée entre eux constitue un contrat de louage d'ouvrage dont l'inexécution ou la mauvaise exécution engage, à moins de stipulations expresses ou contraires, la responsabilité de l'Etat ; cette jurisprudence est applicable dans le cas d'espèce ; dans ces conditions, l'Etat doit les relever indemnes et les garantir de toutes condamnations prononcées à leur encontre compte tenu de la faute commise par la DDE ;

- le ministre de l'écologie ne peut utilement demander, à titre subsidiaire, que la condamnation de l'Etat soit ramenée à de justes proportions puisque les décisions rendues par la juridiction judiciaire sont définitives ; elles ont été condamnées à verser aux époux A...une indemnité fixée à 138 377,20 euros, somme indexée sur le coût de l'indice de la construction à compter du 22 juin 2012, ainsi que 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ; le montant des condamnations a été réglé dès lors que le tribunal de grande instance de Bergerac a ordonné l'exécution provisoire de son jugement du 8 novembre 2013.

Par les mémoires, enregistrés les 14 janvier et 16 novembre 2016, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la commune de Groléjac ne peut agir sur le fondement de la convention conclue le 9 janvier 2004 entre la communauté de communes du canton de Domme et la direction départementale de l'équipement de la Dordogne dès lors qu'elle n'était pas partie à ce document contractuel ;

- contrairement à ce que soutiennent les collectivités concernées, la délimitation du domaine public communal ne faisait pas partie des missions confiées à la direction départementale de l'équipement par cette convention ;

- ce document contractuel précise les missions de base transférées à ce service de l'Etat, parmi lesquelles figurent deux seules missions dans le domaine de la voirie, l'assistance à la définition des compétences à transférer à un groupement de communes et l'assistance à la mise en place d'un service technique, qui correspondent aux compétences exercées par la communauté de communes du canton de Domme ;

- cette convention n'avait pas pour objet de charger la direction départementale de l'équipement d'assurer la maîtrise d'oeuvre globale des travaux d'élargissement et de rénovation de la voirie communale ;

- en tout état de cause, la responsabilité de l'Etat ne pourrait être engagée au titre des opérations de délimitation de la voirie communale puisque les collectivités territoriales n'ont pas eu recours devant le juge judiciaire à la procédure d'alignement telle que prévue aux articles L. 112-1 et R. 112-1 du code de la voirie routière ;

- le rapport d'expertise du 24 mai 2012, qui n'avait pas pour objet de déterminer si le mur de soutènement appartenait au domaine public ou au domaine privé mais portait sur la seule évaluation du coût de sa reconstruction ainsi que sur sa nouvelle implantation, ne démontre pas que la responsabilité de l'Etat serait engagée ;

- subsidiairement, l'éventuelle condamnation de l'Etat à garantir les collectivités devrait être ramenée à de justes proportions dès lors que les collectivités savaient que le mur n'appartenait pas au domaine public communal ; la cour d'appel de Bordeaux avait relevé cet état de fait dans son arrêt du 12 janvier 2012.

Par ordonnance du 22 novembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 6 janvier 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi d'orientation n° 92-125 du 6 février 1992 modifiée relative à l'administration territoriale de la République ;

- la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (MURCEF) ;

- le décret n° 2002-1209 du 27 septembre 2002 relatif à l'assistance technique fournie par les services de l'Etat au bénéfice des communes et de leurs groupements et pris pour l'application du III de l'article 1er de la loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laurent Pouget,

- les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public,

- et les observations de Me Nunez, avocat de la commune de Groléjac et de la communauté de communes de Domme-Villefranche du Périgord.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A...sont propriétaires sur le territoire de la commune de Groléjac (Dordogne), au lieu-dit Les Chauprades, d'une parcelle où est implantée leur maison, bordée pour partie par une voie communale dont elle est séparée par un mur de soutènement en pierres sèches. A l'occasion de travaux d'élargissement de cette voie, réalisés du 30 août au 5 septembre 2005 pour le compte de la commune sous la maîtrise d'ouvrage de la communauté de communes du canton de Domme, avec l'assistance technique des services de l'Etat, ce mur a été supprimé. M. et MmeA..., faisant valoir leur qualité de propriétaires de ce bien, ont assigné la commune de Groléjac et la communauté de communes devant le tribunal de grande instance de Bergerac, sur le fondement de la voie de fait, afin qu'elles soient condamnées à reconstruire le mur et à les indemniser du préjudice subi. Par un jugement du 8 novembre 2013 devenu définitif, le tribunal de grande instance de Bergerac a constaté la voie de fait et a condamné la commune et la communauté de communes à verser aux époux A...la somme totale de 140 633,70 euros. La commune de Groléjac et la communauté de communes de Domme-Villefranche du Périgord, venant aux droits de la communauté de communes du canton de Domme, ont alors saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à les relever indemnes et à les garantir de la condamnation prononcée à leur encontre par le juge judiciaire. Elles relèvent appel du jugement du 30 juin 2015 par lequel le tribunal a rejeté leur demande.

Sur la responsabilité de l'Etat :

2. Lorsqu'une commune et l'Etat conviennent de confier aux services de la direction départementale de l'équipement des travaux d'études, de direction et de surveillance de projets communaux, pour lesquels l'intervention de ce service n'est pas obligatoire, la convention ainsi conclue est un contrat de louage d'ouvrage dont l'inexécution ou la mauvaise exécution est susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat dans les conditions du droit commun, alors même que cette mission s'exécute sous l'autorité du maire.

3. La commune de Groléjac et la communauté de communes de Domme-Villefranche du Périgord font valoir que les travaux d'élargissement du chemin rural longeant la propriété des époux A...ont été conduits sous la maîtrise d'oeuvre de la direction départementale de l'équipement (DDE) de la Dordogne agissant, selon les requérantes, dans le cadre d'une convention dite ATESAT (assistance technique fournie par l'Etat pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire), conclue le 9 janvier 2004 entre la communauté de communes du canton de Domme et les services de l'Etat en vertu de l'article 7-1 de la loi du 6 février 1992 et du décret du 27 septembre 2002 susvisés. Les requérantes soutiennent que la responsabilité de l'Etat se trouve engagée à leur égard en raison d'une mauvaise exécution par la DDE de la mission qui lui était dévolue en application de cette convention, qui impliquait selon elles une maîtrise d'oeuvre globale des travaux et, à tout le moins, que préalablement à l'exécution de ces travaux et à la démolition du mur de soutènement longeant la voie, les services de l'Etat mettent en oeuvre une procédure d'alignement ou mènent des études confirmant la domanialité publique de l'ouvrage et la possibilité de sa suppression.

4. Il résulte toutefois des termes de la convention-type du 9 janvier 2014 qui, après avoir indiqué à son article 1er quelles sont les missions d'assistance technique de base et les missions complémentaires susceptibles d'être confiées à la DDE et avoir précisé que ce service étatique ne peut apporter son concours que dans les limites des compétences de la collectivité, renvoie à des annexes pour le détail des missions qui lui sont effectivement confiées, que les prestations contractuellement attribuées en l'occurrence à la DDE de la Dordogne par la communauté de communes du canton de Domme en matière de voirie étaient limitées à " l'assistance à la définition de la compétence à transférer à un groupement de communes ", à " l'assistance à la mise en place d'un service technique " et à la " Préparation du programme annuel d'investissement sur le réseau classé d'intérêt intercommunal ". Dès lors, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la DDE aurait été chargée, en application de cette convention, de la maîtrise d'oeuvre des travaux litigieux d'élargissement du chemin rural et, notamment, d'une mission d'étude préalable de la délimitation du domaine public qu'elle n'aurait pas mise en oeuvre, en méconnaissance de ses obligations contractuelles. Par suite, et ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée à l'égard de la commune et de la communauté de communes sur ce fondement.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée à la requête en tant qu'elle émane de la commune de Groléjac, que cette dernière et la communauté de communes de Domme-Villefranche du Périgord ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Groléjac et la communauté de communes de Domme-Villefranche du Périgord demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Groléjac et de la communauté de communes de Domme-Villefranche du Périgord est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Groléjac, à la communauté de communes de Domme-Villefranche du Périgord et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Délibéré après l'audience du 31 août 2017 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 septembre 2017.

Le rapporteur,

Laurent POUGETLe président,

Aymard de MALAFOSSELe greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 15BX02938


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX02938
Date de la décision : 28/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : CABINET NUNEZ-LAGARDE COUDERT-MARTINS DA SILVA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-09-28;15bx02938 ?
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