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13/07/2017 | FRANCE | N°15BX02550

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 13 juillet 2017, 15BX02550


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme G...et F...B...ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la commune de L'Houmeau à leur verser la somme de 525 409,69 euros en réparation du préjudice résultant du caractère inconstructible de leur terrain, avec intérêts de droit à compter du 19 avril 2012.

Par un jugement n° 1201832 du 13 mai 2015, le tribunal administratif de Poitiers a condamné la commune de L'Houmeau à verser à M. et Mme B...la somme de 18 365,90 euros, avec intérêts au taux légal à compte

r du 19 avril 2012, a mis à sa charge la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme G...et F...B...ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la commune de L'Houmeau à leur verser la somme de 525 409,69 euros en réparation du préjudice résultant du caractère inconstructible de leur terrain, avec intérêts de droit à compter du 19 avril 2012.

Par un jugement n° 1201832 du 13 mai 2015, le tribunal administratif de Poitiers a condamné la commune de L'Houmeau à verser à M. et Mme B...la somme de 18 365,90 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2012, a mis à sa charge la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2015, et deux mémoires enregistrés les 2 et 15 novembre 2016, M. et MmeB..., représentés par MeC..., demandent dans le dernier état de leurs écritures à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 13 mai 2015 en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à leur demande indemnitaire ;

2°) de condamner la commune de L'Houmeau à leur verser la somme de 636 317,88 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2012 et capitalisation des intérêts ;

3°) de condamner la commune de L'Houmeau aux entiers dépens ;

4°) de mettre à la charge de la commune de L'Houmeau la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier à défaut de s'être prononcé sur la capitalisation des intérêts et doit être annulé ;

- le considérant n°3 est insuffisamment motivé ;

- la responsabilité de la commune doit être engagée du fait du classement de la parcelle qu'ils ont acquise le 21 novembre 2006 en zone constructible ; le classement de la parcelle section ZA n° 251 en zone UEb méconnaît les dispositions de l'article L. 146-4 I et III du code de l'urbanisme car le terrain, compris dans la bande des 100 mètres à compter du rivage et éloigné du centre du bourg, n'est pas situé en continuité avec une agglomération ou un village existant ni dans un hameau nouveau intégré à l'environnement ; le tribunal administratif de Poitiers, par un jugement du 17 juillet 2008, a annulé pour ce motif le permis de construire qui leur avait été délivré ; cette illégalité est imputable à la commune de L'Houmeau , dès lors qu'elle n'a produit aucune délibération démontrant le transfert de la planification locale de l'urbanisme à un établissement public de coopération intercommunale ; l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme applicable au plan local d'urbanisme révisé en 2005 mentionne expressément que le plan d'urbanisme est élaboré à l'initiative et sous la responsabilité de la commune ; enfin, sauf à rappeler que les communes membres d'un établissement intercommunal intervenaient au cours de l'élaboration ou la révision d'un plan local d'urbanisme, apporter la preuve d'une faute de la commune dans le cadre de la procédure de classement de la parcelle leur appartenant est difficile ;

- à supposer que la cour confirme que seule la communauté d'agglomération est responsable du classement, la commune ne peut davantage s'exonérer de sa responsabilité ; elle a délivré un certificat d'urbanisme en son nom, confortant leur croyance que le plan local d'urbanisme avait été approuvé par la commune; en méconnaissance de l'article 10 du code civil selon lequel chacun est tenu d'apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité, ce n'est que plus d'un an après l'engagement de l'action contentieuse qu'elle a indiqué que le plan local d'urbanisme avait été approuvé par la communauté d'agglomération de La Rochelle ; la commune s'est abstenue de communiquer les pièces fondant son argumentation, les empêchant de formuler toute réclamation à l'encontre de la communauté d'agglomération de La Rochelle ; de même, en méconnaissance de l'article 20 de la loi du 12 avril 2000, à réception de la requête indemnitaire préalable, la commune ne les a pas avisés de son incompétence ni n'a transféré la requête à l'autorité compétente ;

- la responsabilité de la commune doit être engagée du fait de l'illégalité du certificat d'urbanisme délivré ; les mentions du certificat d'urbanisme sont erronées puisqu'elles indiquent que le terrain est constructible ; elles sont également incomplètes, à défaut d'avoir attiré leur attention, sur le fondement de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, sur l'application de la loi Littoral alors que ses dispositions sont directement opposables à une autorisation individuelle d'urbanisme ;

- ils sollicitent la réparation du préjudice résultant de la perte de valeur vénale du terrain qu'ils évaluent à 399 102,16 euros ; doivent également être remboursés les frais notariés et les frais de commission du cabinet immobilier à hauteur respectivement de 5 985,43 euros et 19 955,11 euros ; si le terrain avait été classé inconstructible, il aurait eu une valeur vénale inférieure qui n'aurait pas nécessité de contracter un prêt ; les frais financiers de l'emprunt, qu'ils n'auraient pas contracté si le terrain avait été inconstructible, s'élèvent à 114 981,05 euros ; il en va de même de la taxe foncière dont le montant pour les années 2007 à 2014 totalise 3 791 euros ; ils ont subi enfin un préjudice moral qu'ils évaluent à 50 000 euros ; ils demandent également 50 000 euros sauf à parfaire au titre des frais d'avocats engagés pour les instances précédentes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2016, la commune de L'Houmeau, représentée par MeE..., conclut :

1°) à titre principal, à la réformation du jugement en tant qu'il a omis de statuer sur la demande de capitalisation des intérêts présentée par M. et Mme B...et au rejet du surplus des conclusions d'appel ;

2°) à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la commune serait condamnée, à la minoration des sommes sollicitées en réparation des préjudices subis ;

3°) à la condamnation de M. et Mme B...à verser à la commune les sommes de 2 500 euros et 13 euros sur le fondement respectif des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le jugement ne peut être réformé qu'en tant qu'il est entaché d'omission à statuer sur la capitalisation des intérêts ;

- il résulte des dispositions combinées des articles L. 123-6 et L. 123-18 du code de l'urbanisme que si la commune est compétente pour élaborer et approuver son plan local d'urbanisme, elle peut néanmoins transférer cette compétence à l'établissement public de coopération intercommunale dont elle fait partie ; outre la délibération du conseil communautaire de la communauté d'agglomération de La Rochelle approuvant le plan local d'urbanisme, elle a produit des pièces établissant la compétence de la communauté d'agglomération ; les requérants, à qui la charge de la preuve incombe, n'apportent aucun élément de nature à démontrer la faute de la commune ;

- les requérants tentent de faire rejaillir sur la commune leur propre carence ; dès le 17 juillet 2008, date du premier jugement du tribunal administratif de Poitiers, il leur appartenait de solliciter la délibération du 25 février 2005 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune ; de plus, la commune de L'Houmeau n'avait pas à transmettre le recours préalable indemnitaire à la communauté d'agglomération de la Rochelle dans la mesure où les deux fautes invoquées résultaient de la délivrance du permis de construire et du certificat d'urbanisme ;

- aucune faute n'entache la délivrance du certificat d'urbanisme ; la délivrance d'une note de renseignements, ce que constitue le certificat d'urbanisme délivré sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, n'est susceptible d'engager la responsabilité de son auteur qu'à la condition qu'elle soit incomplète au regard de l'état du droit existant au moment où elle a été délivrée ; or, le certificat d'urbanisme délivré le 30 janvier 2006 a mentionné le classement applicable aux parcelles et la loi du 3 janvier 1986 ;

- à supposer que la cour considère que la responsabilité de la commune doive être engagée en raison de l'illégalité du classement ou l'illégalité du certificat d'urbanisme, les requérants ont commis une imprudence ; ils ne pouvaient ignorer la situation particulière de leur terrain situé dans la bande littorale des 100 mètres et dans un secteur à vocation ostréicole classé en espace naturel sensible ; ils connaissaient également les règles d'urbanisme applicables ; il résulte de l'acte d'acquisition du 21 novembre 2006 qu'ils ont entendu acheter le terrain sans attendre l'obtention du permis de construire ; cette imprudence est exonératoire de toute responsabilité ;

- réserve faite des chefs de préjudice résultant d'un dommage à caractère continu ou en cas d'aggravation des préjudices postérieurement au jugement de première instance, les conclusions d'appel sont irrecevables en tant qu'elles tendent à la condamnation de la commune à une indemnité d'un montant supérieur à la somme demandée devant le tribunal ; les requérants sollicitent en appel réparation du préjudice moral qu'ils ne demandaient pas en première instance ;

- la perte de valeur vénale, résultant du classement de la parcelle, ne peut être imputée à la commune ; en tout état de cause, les requérants ne sont pas fondés à demander l'indemnisation de la perte de valeur vénale de l'ensemble de la surface correspondant à la parcelle qu'ils ont acquise, mais seulement des 730 m² qui étaient classés en zone constructible ;

-de même, le classement relevant de la communauté d'agglomération, les frais notariés, les frais de commission et les frais d'emprunt sont sans lien avec une faute de la commune ;

- les taxes foncières sont établies en fonction de la valeur cadastrale de la parcelle et sont déterminées et actualisées selon les règles fixées par le code général des impôts, de sorte que le montant de ces impositions, dues quelle que soit 1'utilisation du terrain, est sans lien avec une éventuelle faute commise par la commune ;

- les conclusions tendant à la réparation du préjudice moral sont nouvelles en appel et excèdent la limite du montant de l'indemnité chiffrée en première instance ; à défaut de les déclarer irrecevables, le montant sollicité devra être réduit.

-le montant sollicité au titre des frais irrépétibles est exorbitant ;

Par ordonnance du 14 novembre 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 16 janvier 2017 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cécile Cabanne ;

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- et les observations de MeD..., représentant M. et Mme B...et de MeA..., représentant la commune de L'Houmeau ;

Considérant ce qui suit :

1. Par acte notarié du 21 novembre 2006, M. et Mme B...ont acquis, pour la somme de 400 000 euros, une parcelle cadastrée section ZA n° 251 située rue du port à L'Houmeau. Par arrêté du 12 avril 2007, le maire de L'Houmeau leur a délivré un permis de construire une maison d'habitation sur ce terrain. Saisi par un tiers, le tribunal administratif de Poitiers a annulé ce permis de construire par jugement du 17 juillet 2008 au motif qu'il méconnaissait les dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme. Par un arrêt du 15 juin 2009, devenu irrévocable par suite de la non-admission du pourvoi en cassation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé ce jugement. Par courrier du 16 avril 2012, reçu le 19 avril suivant, M. et Mme B...ont formé auprès de la commune de L'Houmeau une demande préalable d'indemnisation des préjudices qu'ils estiment liés à l'illégalité fautive du permis de construire mais également à celles entachant le classement de la parcelle en zone constructible et le certificat d'urbanisme informatif délivré le 30 janvier 2006 préalablement à l'achat du terrain. En l'absence de réponse, M. et Mme B...ont sollicité auprès du tribunal administratif de Poitiers la condamnation de la commune à leur verser la somme de 525 409,69 euros en réparation des préjudices subis. Par le jugement attaqué, les premiers juges, après avoir estimé que seule l'illégalité du permis de construire était constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de L'Houmeau, ont condamné cette dernière à verser à M. et Mme B... la somme de 18 365,90 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2012, au titre des frais de géomètre et d'architecte. M. et Mme B...interjettent appel de ce jugement en tant qu'il ne leur a pas donné entièrement satisfaction et demandent désormais la condamnation de la commune à leur verser la somme de 636 317,88 euros.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort du jugement que les premiers juges ont explicité suffisamment les motifs qui les ont conduits à rejeter l'action en responsabilité introduite par M. et Mme B...à l'encontre de la commune de L'Houmeau du fait de l'illégalité du classement de leur parcelle, comme étant mal dirigée du fait de l'approbation du plan local d'urbanisme par la communauté d'agglomération de La Rochelle. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement sur ce point, qui n'est au demeurant assorti d'aucune précision, ne peut qu'être écarté.

3. Dans leur demande présentée le 19 juillet 2012 devant le tribunal administratif de Poitiers, M. et Mme B...ont sollicité la condamnation de la commune de L'Houmeau à leur verser les intérêts des intérêts afférents aux indemnités réclamées. Les premiers juges ont omis de statuer sur ces conclusions. Le jugement attaqué doit, dès lors, être annulé dans cette mesure.

4. Il y a donc lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de capitalisation présentée par M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Poitiers, et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions.

En ce qui concerne le principe de la responsabilité :

5. D'abord, aux termes de l'article L. 5211-17 du code général des collectivités territoriales : " Les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale peuvent à tout moment transférer, en tout ou partie, à ce dernier, certaines de leurs compétences dont le transfert n'est pas prévu par la loi ou par la décision institutive ainsi que les biens, équipements ou services publics nécessaires à leur exercice. / Ces transferts sont décidés par délibérations concordantes de l'organe délibérant et des conseils municipaux se prononçant dans les conditions de majorité requise pour la création de l'établissement public de coopération intercommunale. Le conseil municipal de chaque commune membre dispose d'un délai de trois mois, à compter de la notification au maire de la commune de la délibération de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale, pour se prononcer sur les transferts proposés. A défaut de délibération dans ce délai, sa décision est réputée favorable. Le transfert de compétences est prononcé par arrêté du ou des représentants de l'Etat dans le ou les départements intéressés. Il entraîne de plein droit l'application à l'ensemble des biens, équipements et services publics nécessaires à leur exercice, ainsi qu'à l'ensemble des droits et obligations qui leur sont attachés à la date du transfert, des dispositions des trois premiers alinéas de l'article L. 1321-1, des deux premiers alinéas de l'article L. 1321-2 et des articles L. 1321-3, L. 1321-4 et L. 1321-5. (...) L'établissement public de coopération intercommunale est substitué de plein droit, à la date du transfert de compétences, aux communes qui le composent dans toutes leurs délibérations et tous leurs actes. (...) ". Aux termes de l'article L.123-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le plan local d'urbanisme est élaboré à l'initiative et sous la responsabilité de la commune. La délibération qui prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme et précise les modalités de concertation, conformément à l'article L. 300-2, est notifiée au préfet, au président du conseil régional, au président du conseil général et, le cas échéant, au président de l'établissement public prévu à l'article L. 122-4, ainsi qu'aux représentants de l'autorité compétente en matière d'organisation des transports urbains et des organismes mentionnés à l'article L. 121-4. (...) ". Aux termes de l'article L. 123-18 du même code, alors en vigueur : " Lorsque la commune fait partie d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme, les dispositions du présent chapitre sont applicables à cet établissement public, qui exerce cette compétence en concertation avec chacune des communes concernées. Le débat prévu au premier alinéa de l'article L. 123-9 est également organisé au sein des conseils municipaux des communes couvertes par le projet de plan local d'urbanisme ou concernées par le projet de révision. Le projet arrêté leur est soumis pour avis. Cet avis est donné dans un délai de trois mois ; à défaut, il est réputé favorable. (...) ".

6. Il résulte de l'instruction que la parcelle 251, appartenant à M. et MmeB..., a été classée pour partie en zone Ueb par le plan local d'urbanisme de L'Houmeau, tel qu'approuvé par délibération du 25 février 2005 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération de La Rochelle. Les statuts de la communauté d'agglomération de La Rochelle, dont fait partie la commune de L'Houmeau, ont été approuvés par un arrêté du préfet de la Charente-Maritime n° 99-4392 du 24 décembre 1999. Ces statuts mentionnent, parmi les compétences facultatives retenues, les plans d'occupation des sols. Ainsi, en application des dispositions de l'article L. 5211-17 du code général des collectivités territoriales, la communauté d'agglomération de La Rochelle, établissement public de coopération intercommunale, exerce de plein droit, en lieu et place des communes membres, les compétences relatives aux plans locaux d'urbanisme. Si, en vertu de l'article L. 123-18 du code de l'urbanisme, cette compétence s'exerce en concertation avec les communes concernées, la communauté d'agglomération demeure l'unique auteur desdits documents d'urbanisme. Par suite, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la commune de L'Houmeau ne peut voir sa responsabilité engagée à raison d'un classement approuvé par la communauté d'agglomération de La Rochelle. Par ailleurs, les requérants, à qui la charge de la preuve incombe, n'apportent aucun élément de nature à établir que la commune de L'Houmeau aurait commis une faute lors de l'élaboration concertée de ce plan local d'urbanisme.

7. Ensuite, si les requérants reprochent à l'intimée de les avoir confortés dans la croyance que le plan local d'urbanisme avait été approuvé par la commune, les comportements qu'ils invoquent sont, en tout état de cause, sans lien avec les préjudices se rapportant à l'inconstructibilité du terrain dont ils demandent réparation.

8. Enfin, aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de délivrance du certificat d'urbanisme du 30 janvier 2006 : " Le certificat d'urbanisme indique les dispositions d'urbanisme et les limitations administratives au droit de propriété et le régime des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. Lorsque la demande précise l'opération projetée, en indiquant notamment la destination des bâtiments projetés et leur superficie de plancher hors oeuvre, le certificat d'urbanisme précise si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération. Lorsque toute demande d'autorisation pourrait, du seul fait de la localisation du terrain, être refusée en fonction des dispositions d'urbanisme et, notamment, des règles générales d'urbanisme, la réponse à la demande de certificat d'urbanisme est négative. (...) ".

9. Il résulte de l'instruction que le certificat d'urbanisme en date du 30 janvier 2006 délivré par le maire de L'Houmeau indiquait au titre des dispositions applicables au terrain la loi littoral n°86-2 du 3 janvier 1986 et le classement de la parcelle en litige en trois zones, la zone Nm dans laquelle sont autorisées les constructions nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau, la zone UEb d'habitat de faible hauteur et la zone Aor, espace naturel sur territoires terrestres et maritimes où sont autorisés les aménagements de 50 m² maximum, nécessaires aux activités. Alors même que ce certificat ne revêtait qu'un caractère informatif, M. et Mme B...sont recevables à exciper de l'illégalité du classement de leur parcelle en zone UEb. Ce terrain est situé dans la bande dite des cent mètres à partir du rivage, dans un secteur à vocation ostréicole, éloigné d'environ 500 mètres du centre ville de L'Houmeau et comportant un habitat diffus. Dans ces conditions, la mention du classement du terrain en zone Ueb, alors que le terrain ne peut être regardé comme un espace urbanisé au sens des dispositions du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, est de nature à constituer un motif d'illégalité du certificat d'urbanisme. Les requérants sont donc fondés à soutenir que cette mention d'un classement illégal est de nature à engager la responsabilité de la commune de L'Houmeau.

En ce qui concerne la faute de la victime :

10. La commune de L'Houmeau fait valoir que M. et Mme B...ont commis une imprudence fautive en se portant acquéreurs de la parcelle litigieuse sans assortir le contrat d'une condition suspensive d'obtention d'un permis de construire devenu définitif. Il résulte des stipulations de l'acte de vente du 21 novembre 2006 que " L'acquéreur déclare vouloir faire la présente acquisition sans attendre l'obtention d'un permis de construire pour l'édification d'une maison à usage d'habitation. Il déclare avoir été parfaitement informé par le notaire soussigné des conséquences pouvant résulter de cette circonstance, notamment : - des difficultés qu'il pourrait rencontrer pour l'obtention de ce permis de construire au cas où son projet de construction ne respecterait pas les dispositions du Plan Local d'Urbanisme, ou à défaut le Règlement National d'Urbanisme , (...) - et enfin des difficultés ou retards qu'il pourrait rencontrer pour la réalisation de son projet en cas de recours par des tiers contre son permis de construire dans le délai de deux mois suivant son affichage en mairie et sur le terrain. Malgré ces mises en garde, il déclare acheter le terrain en toute connaissance de cause, et vouloir en faire son affaire personnelle. ". Cette clause témoigne de ce que les époux B...ont été informés des difficultés qu'ils pourraient rencontrer dans l'obtention du permis de construire compte tenu des caractéristiques de la parcelle. Ainsi, quand bien même M. et Mme B...n'étaient pas des professionnels du droit, cette mise en garde du notaire, laquelle n'est pas une clause de style ainsi que l'a d'ailleurs relevé la cour d'appel de Poitiers le 14 juin 2013 en confirmant le rejet de leur demande d'annulation du contrat de vente en application de la garantie des vices cachés, leur permettait de se défier du classement en zone Ueb mentionné dans le certificat d'urbanisme informatif. En se portant cependant acquéreurs de la parcelle sans soumettre le contrat à une clause suspensive d'obtention du permis de construire purgé de recours, M. et Mme B...ont commis une imprudence fautive qui, dans les circonstances de l'espèce, exonère la commune de sa responsabilité à hauteur de la moitié des conséquences dommageables.

En ce qui concerne les préjudices :

11. La responsabilité d'une personne publique n'est susceptible d'être engagée que s'il existe un lien de causalité suffisamment direct entre les fautes commises par cette personne et le préjudice subi par la victime. Il résulte de l'instruction que le terrain a été acquis sur le fondement du certificat d'urbanisme du 30 juin 2016 mentionnant un classement illégal et induisant ainsi en erreur M. et Mme B...sur les possibilités de construire sur le terrain. Un lien de causalité direct et certain est établi entre ce certificat fautif et le dommage subi par M. et Mme B...du fait de l'achat de la parcelle qu'ils ont crue, à tort, constructible.

S'agissant du préjudice moral et des frais d'instances contentieuses :

12. La personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent.dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle

13. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. et Mme B...n'avaient pas invoqué les chefs de préjudice correspondant au " préjudice moral ", qu'ils caractérisent plutôt par des troubles dans leurs conditions d'existence, et au remboursement des frais des instances contentieuses précédentes. Le montant total de l'indemnisation sollicitée devant le tribunal administratif s'élevait à 525 409,69 euros. Les conclusions de M. et MmeB..., présentées pour la première fois en appel et tendant à l'indemnisation de ces chefs de préjudice ont pour effet d'augmenter de 100 000 euros le montant de l'indemnisation totale sollicitée. Ces chefs de préjudice ne peuvent être regardés comme étant apparus postérieurement au jugement. M. et Mme B...ne sont recevables à demander leur indemnisation pour la première fois en appel que dans la limite du montant total réclamé en première instance. Au regard de la réduction de leurs prétentions au titre de la perte de valeur vénale, des frais de notaire et de la commission versée à l'agence immobilière, la recevabilité de ces conclusions est limitée à la somme de 1 206,70 euros. Compte tenu des troubles apportés dans leurs conditions d'existence, tels qu'ils sont décrits par les pièces du dossier, par les conséquences de l'inconstructibilité de leur parcelle, il y a lieu de condamner la commune à leur verser cette somme, le surplus de leurs conclusions à ces titres ne pouvant en tout état de cause qu'être rejeté.

S'agissant de la perte de valeur vénale du terrain :

14. Il résulte de l'acte notarié établi le 21 novembre 2006 que les époux B...ont acquis la parcelle 251 pour la somme de 400 000 euros. Ce terrain est à ce jour insusceptible de recevoir une maison d'habitation. Il ressort d'une attestation d'un agent immobilier non contestée par la commune que la valeur d'un terrain non constructible s'évalue à un euro le mètre carré. Si la commune de L'Houmeau fait valoir que seuls 730 m² des 2 320 m² achetés étaient classés en zone Ueb, il résulte de l'instruction que le prix de la parcelle a été majoré en son entier du fait des possibilités de construire qui étaient ouvertes sur une partie. Ainsi, le préjudice subi par M. et Mme B...peut être évalué à la somme de 397 680 euros correspondant à la différence entre le prix d'acquisition du terrain et sa valeur en tant que terrain non constructible.

S'agissant des frais d'actes notariés et des honoraires d'agent immobilier :

15. Les frais d'acquisition exposés par M. et Mme B...pour l'acquisition du terrain litigieux s'élèvent aux sommes de 6 269,20 euros, s'agissant des frais d'acte, et de 20 000 euros au titre d'honoraires d'agent immobilier. Il y a lieu de déduire de ces montants la somme de 854,69 euros correspondant aux frais qu'ils auraient exposés pour l'acquisition d'un terrainnon constructible. Par suite, le préjudice s'élève à 25 414, 51 euros au titre des frais d'actes notariés et des honoraires d'agent immobilier.

S'agissant des frais bancaires :

16. Pour financer l'achat de la parcelle, M. et Mme B...justifient avoir contracté un prêt de 443 410 euros. Il résulte de l'instruction que le coût du crédit s'élève à 83 658,39 euros, auquel s'ajoutent la cotisation d'assurance décès, les frais de dossier et le coût de la convention et des garanties, soit un montant de 106 474,18 euros.

S'agissant des taxes foncières :

17. La circonstance invoquée par la commune que ces taxes sont calculées sur la valeur du terrain conformément aux règles fiscales en vigueur ne fait pas obstacle à ce que soient indemnisées ces dépenses, qui n'auraient pas été exposées si les requérants avaient été informés de l'absence de constructibilité de leur terrain. En revanche, à compter de la confirmation par la cour de l'annulation par le tribunal du permis de construire qui leur avait été accordé, M et Mme B...avaient connaissance de l'inconstructibilité de leur terrain et n'établissent pas avoir été dans l'impossibilité de le vendre. Par suite, ils ne peuvent solliciter le remboursement de la taxe foncière à partir de l'année 2010, et le préjudice indemnisable doit être limité à la somme de 1356 euros au titre des années 2007, 2008 et 2009.

18. Il résulte de ce qui précède que le préjudice s'établit à la somme totale de 532 131,39 euros. Compte tenu du partage de responsabilité effectué au point 10, M. et Mme B...sont fondés à demander la condamnation de la commune de L'Houmeau à leur verser une indemnité de 266 065,70 euros s'ajoutant à celle de 18 365,90 euros allouée par le jugement attaqué.

En ce qui concerne les intérêts et la capitalisation de ces intérêts :

19. M. et Mme B...ont droit aux intérêts des sommes de 18 365,90 allouée par le tribunal et de 266 065,70 euros ajoutée par la cour, soit au total une somme de 284 431,60 euros, à compter du 19 avril 2012, date de réception de leur demande préalable par la commune de L'Houmeau, ainsi qu'à la capitalisation des intérêts au 19 avril 2013, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les dépens :

20. La présente instance ne comportant aucuns dépens, les conclusions de la commune de L'Houmeau et de M. et Mme B...à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et MmeB..., qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande la commune de L'Houmeau au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune la somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme B...sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 13 mai 2015 du tribunal administratif de Poitiers est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de M. et Mme B...tendant au versement des intérêts des intérêts afférents aux indemnités allouées.

Article 2 : La somme que la commune de L'Houmeau a été condamnée à verser à M. et Mme B...est portée de 18 365,90 euros à 284 431,60 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 19 avril 2012.

Article 3 : Les intérêts visés à l'article 2 seront capitalisés au 19 avril 2013, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 4 : Le jugement du 13 mai 2015 du tribunal administratif de Poitiers est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 du présent arrêt.

Article 5 : La commune de L'Houmeau versera à M. et Mme B...la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B...est rejeté.

Article 7 : Les conclusions présentées par la commune de L'Houmeau sur le fondement des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...et à la commune de L'Houmeau. Copie en sera adressée à la communauté d'agglomération de La Rochelle.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 juillet 2017.

Le rapporteur,

Cécile CABANNELe président,

Catherine GIRAULTLe greffier,

Delphine CÉRON

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

No 15BX02550


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX02550
Date de la décision : 13/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-03-06 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Contentieux de la responsabilité (voir : Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Cécile CABANNE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : SCP MATHIERE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-07-13;15bx02550 ?
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