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13/07/2017 | FRANCE | N°15BX00938

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 13 juillet 2017, 15BX00938


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

Par des recours enregistrés les 13, 19, 21, 23 et 30 mars 2012 et le 5 avril 2012 , sous les numéros 1352 T, 1368 T, 1370 T, 1373 T, 1384 T, 1389 T, 1398 T et 1399 T, les sociétés SADEF, Distribution Casino France, Elliott et Miss et Sovendex, le syndicat départemental des associations et syndicats des commerçants et artisans des Hautes-Pyrénées, la société SDC, l'association En toute franchise-département des Hautes-Pyrénées et l'association des exploitants du centre commercial de l'Univers de Tarbes-Laloubère on

t demandé à la Commission nationale d'aménagement commercial d'annuler la dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

Par des recours enregistrés les 13, 19, 21, 23 et 30 mars 2012 et le 5 avril 2012 , sous les numéros 1352 T, 1368 T, 1370 T, 1373 T, 1384 T, 1389 T, 1398 T et 1399 T, les sociétés SADEF, Distribution Casino France, Elliott et Miss et Sovendex, le syndicat départemental des associations et syndicats des commerçants et artisans des Hautes-Pyrénées, la société SDC, l'association En toute franchise-département des Hautes-Pyrénées et l'association des exploitants du centre commercial de l'Univers de Tarbes-Laloubère ont demandé à la Commission nationale d'aménagement commercial d'annuler la décision en date du 28 février 2012 par laquelle la commission départementale d'aménagement commercial des Hautes-Pyrénées a accordé à la SAS " Grand Tarbes Investissement " l'autorisation préalable requise en vue de créer un ensemble commercial d'une surface totale de 42 626 m² sur les communes de Soues et Séméac.

Par décision n°s 1352 T, 1368 T, 1370 T, 1373 T, 1384 T, 1389 T, 1398 T et 1399 T en date du 13 juin 2012, la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté ces recours.

Par une décision n° 361577, 362648, 362779, 362959, 362980 du 18 décembre 2013, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi par les sociétés Sadef, Sovendex et autre, Elliott et Miss, Distribution Casino France, et l'association des exploitants du centre commercial de l'Univers de Tarbes-Laloubère et autre, a annulé la décision du 13 juin 2012 de la commission nationale d'aménagement commercial.

Après réexamen, par une nouvelle décision du 17 décembre 2014, la Commission nationale d'aménagement commercial a rejeté les recours et autorisé le projet.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 13 mars 2015, 10 mai et 24 juin 2016 sous le numéro 15BX00938, la SAS Sadef, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 1352 T du 17 décembre 2014 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la SAS Grand Tarbes Investissement l'autorisation requise en vue de la création d'un ensemble commercial d'une surface totale de vente de 42 626 m² à Soues (Hautes-Pyrénées), comportant un hypermarché à l'enseigne Auchan d'une surface de vente de 10 000 m², une galerie marchande d'une surface totale de vente de 6 116 m², un " retail park " composé de 15 moyennes surfaces spécialisées d'une surface totale de vente de 15 054 m², un magasin spécialisé dans le bricolage d'une surface de vente de 11 000 m² et un centre automobile d'une surface de vente de 456 m² ;

2°) de mettre à la charge de la SAS Grand Tarbes Investissement la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial méconnaît l'article R. 752-49 du code de commerce dans la mesure où il n'apparaît pas que ses membres auraient eu suffisamment de temps pour prendre connaissance de l'ensemble des documents énoncés au deuxième alinéa de cet article : par ailleurs, il n'est pas établi que le quorum aurait été respecté ;

- la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial méconnaît les articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce dans la mesure où le projet emporte des effets négatifs en matière d'aménagement du territoire ; si le schéma de cohérence territoriale (SCOT) Tarbes-Ossun-Lourdes a pointé un déficit de l'offre commerciale dans la partie Est de l'agglomération tarbaise, l'importance du projet et le caractère disproportionné de la zone de chalandise démontrent qu'il ne peut être regardé comme répondant aux besoins locaux ; un projet de plus de 40 000 m² de surface de vente ne peut se concevoir qu'à l'échelon d'une agglomération de 300 000 à 400 000 habitants et non à la périphérie d'une commune comprenant 45 000 habitants ; compte tenu de la zone de chalandise qui s'étend sur trois départements, il ne s'agit pas de rééquilibrer l'offre commerciale à l'Est de l'agglomération tarbaise mais de créer un pôle commercial à dimension régionale ; l'attractivité du projet, combinant un hypermarché, un magasin spécialisé dans le bricolage et une galerie marchande, conduira à délaisser les commerces de proximité dans les centres-villes de Tarbes et des communes avoisinantes et à les fragiliser ; le projet se justifie d'autant moins qu'il existe déjà sur les communes de Tarbes et d'Orleix des ensembles commerciaux significatifs dotés d'hypermarchés de nature à répondre aux besoins des consommateurs locaux ; de même, plusieurs enseignes nationales de bricolage sont déjà présentes sur Tarbes ; l'évasion commerciale vers Pau ou Toulouse n'est pas constituée alors qu'il ressort de l'étude de l'observatoire du commerce et de la consommation des Hautes-Pyrénées que le taux global d'évasion est de 8 % et qu'il a atteint un seuil incompressible en matière alimentaire et non alimentaire ; au demeurant, il convient de rappeler que la Commission nationale d'aménagement commercial a refusé un précédent projet de la société Grand Tarbes Investissement comme contraire à un aménagement harmonieux du territoire alors même que sa surface de vente était inférieure de 20% au projet contesté ; le Conseil d'Etat, saisi de cette décision, n'a pas statué sur le bien-fondé de ce motif, selon le principe de l'économie de moyens ;

- la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial méconnaît les articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce dans la mesure où le projet emporte des conséquences négatives sur les flux de transport ; il ressort du dossier de demande que le projet entraînera une augmentation des flux routiers évaluée à 8 822 véhicules par jour et de 15 156 véhicules par jour le samedi ; une telle augmentation contredit les préoccupations exprimées par la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 qui préconise en son chapitre III une gestion économe des transports afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre ; en particulier, le projet ne répond pas aux préoccupations des articles 10 et 13 de cette loi ; par ailleurs, les aménagements prévus sur l'avenue Bouchayé sont insuffisants ; la dangerosité du passage à niveau qu'emprunteront les voitures aurait dû conduire le porteur du projet à l'éviter ; la solution de construction d'un ouvrage de franchissement a été abandonnée pour un schéma technique plus économique et moins sécurisé ; par ailleurs, les rapports OCTE et ADEMA sur l'impact du centre commercial sur le trafic routier concluent à des flux de circulation le samedi identiques voire inférieurs à ceux de la semaine, en contradiction avec le dossier de demande ; compte tenu de ces incohérences, leurs conclusions ne sauraient être retenues pour convaincre d'une absence d'influence négative du projet sur les flux de transport ; le maintien du passage à niveau est envisagé alors même que l'augmentation du flux de circulation au droit de ce passage serait de 145 % en semaine et de 426 % en heure de pointe le samedi ;

- le projet ne répond pas aux préoccupations environnementales ; près de 22 hectares d'espaces naturels vont être artificialisés ; la circonstance que le surplus sera engazonné et planté importe peu dans la mesure où l'empreinte d'un projet dans un espace non bâti se mesure en considération de l'emprise imperméabilisée qu'il va générer et non au regard de son accompagnement paysager ; aucune aire de stationnement sur les 2 896 prévues ne seront non imperméabilisées, ce qui générera des écoulements d'hydrocarbures ou autres effluents vers le milieu naturel ; par ailleurs, son linéaire de façade et sa forme imposante emportent un " effet-masse " du bâtiment.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 mars, 9 juin et 12 juillet 2016, la SAS Grand Tarbes Investissement, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société requérante d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- aucun élément n'est produit par la société requérante pour démontrer la méconnaissance de l'article R. 752-49 du code de commerce ; au demeurant, la lecture du procès-verbal de la réunion de la Commission nationale d'aménagement commercial démontre que la condition de quorum est satisfaite ;

- selon la jurisprudence, le positionnement d'un projet en périphérie ne constitue pas en soi un obstacle à l'objectif d'animation de la vie urbaine et rurale ; le critère des effets sur l'animation urbaine et rurale ne s'apprécie pas à l'échelle du seul centre-ville de Tarbes mais à l'échelle de l'agglomération tarbaise et, plus largement encore, de la zone de chalandise ; par ailleurs, l'aménagement d'un territoire ne se limite pas à favoriser le centre-ville mais tient compte également des territoires urbains et ruraux qui l'entourent ; la zone de chalandise, qui ne se réduit pas à la commune de Tarbes, tient compte de la nature et de la taille du projet et comprend une population de 263 579 habitants ; le projet participe d'un rééquilibrage de l'offre commerciale à l'Est de l'agglomération, lequel est prévu depuis 1996 par le schéma directeur de l'agglomération tarbaise, auquel s'est substitué le SCOT Tarbes-Ossun-Adour ; le projet répond également au phénomène d'évasion commerciale des habitants de la zone de chalandise vers Pau et Toulouse et également à l'accroissement de la population de l'agglomération tarbaise ; au-delà de la dimension commerciale, le projet répond aux orientations du SCOT, en complétant les tissus urbains existants alors qu'il s'inscrit dans un espace partiellement en friche, en préservant des espaces de respirations dans la mesure où il propose 42 % d'espaces non bâtis dédiés aux espaces verts et aux bassins paysagés, et en intégrant dans les nouvelles voies des modes doux ; le projet apporte une offre commerciale complémentaire à celle développée en centre-ville dans la mesure où il prévoit la création de surfaces supérieures à 300 m² inexistantes en centre-ville et où il permet l'implantation d'une enseigne nationale de bricolage (Leroy-Merlin) non encore présente dans le département ; par ailleurs, la ville de Tarbes est, d'un point de vue commercial, très dynamique, accueillant 600 commerces environ et un marché très réputé ; en outre, la pétitionnaire a souscrit à des mesures d'accompagnement qui profiteront à l'animation urbaine du centre-ville telle l'attribution préférentielle aux commerçants de cellules de la galerie marchande et la création d'un fonds de soutien de 300 000 euros sur quatre ans afin de permettre l'accompagnement du centre-ville et d'assurer son rôle d'acteur local en matière économique et commerciale ; enfin, le moyen tiré de la surabondance d'offre commerciale dans la zone de chalandise est inopérant depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ; si la requérante fait état du projet refusé de 2011, le Conseil d'Etat a validé le refus sur le seul motif de l'existence d'un risque partiel d'inondation ;

- tant la direction départementale des territoires que Réseau ferré de France ont validé la solution tendant à accroître les conditions de sécurité du franchissement du passage à niveau dans la perspective d'une augmentation des flux motorisés sur l'avenue Bouchayé ; par ailleurs, l'étude ADEMA de juin 2014 complétée en octobre, dont l'objet était le bon fonctionnement des flux routiers sur cette voie pendant les heures d'ouverture du futur centre commercial, a ainsi démontré que la fermeture des barrières ferroviaires du PN 156 n'impacte pas les trafics routiers sur la période d'ouverture du centre commercial, ni sur les heures de pointe routières ou commerciales et que l'avenue Bouchayé possède des réserves de capacité à écouler le trafic routier, même revu à la hausse ; les incohérences de chiffres dont fait état la société SADEF n'existent pas ; les chiffres de la demande d'autorisation concernent les trafics générés par la totalité des accès de l'équipement commercial tandis que les études OTCE et ADEMA concernent les flux au droit du PN 156, avenue Bouchayé ;

- l'impact du projet en matière environnementale n'est pas démontré, la requérante, à qui la charge de la preuve incombe, se contente d'affirmations générales ; l'artificialisation des terrains résulte moins du projet que de la création de la zone d'aménagement concerté ; les espaces non imperméabilisés représentent 42 % de l'assiette foncière ; un effort conséquent est prévu pour renforcer l'insertion du projet dans son environnement ; le dossier de demande d'autorisation a accordé la plus grande attention au traitement des eaux pluviales mais également des " eaux de voiries ", c'est-à-dire " les chaussées lourdes, les zones de stationnements, les trottoirs, parvis, les aires de vente extérieure et les cours de livraisons " par la création de noues enherbées et plantées de roseaux et rhizomes et d'un bassin de rétention ; enfin, les documents graphiques du dossier révèlent notamment les efforts d'intégration dans l'environnement du projet.

Par ordonnance du 10 juin 2016, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 13 juillet 2016 à 12 heures.

II) Par une requête et sept mémoires complémentaires, enregistrés le 26 mars 2015, les 4 mars, 4 avril, 15 avril, 15 novembre et 27 décembre 2016, 24 janvier et 3 mars 2017 enregistrés sous le numéro 15BX01115, la SA Sovendex, représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de la commission nationale d'aménagement commercial analysée sous le n° 15BX00938 ;

2°) de mettre à la charge de la CNAC une somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commission départementale d'aménagement commercial aurait dû être saisie en lieu et place de la commission nationale d'aménagement commercial dès lors que le projet a été modifié ; trois années se sont écoulées entre le dépôt du dossier et la décision attaquée ; les analyses économiques durant ce laps de temps, tenant à l'évolution de la population et à la fragilisation des commerces de centres-villes, n'ont pas été prises en compte ; de même, l'évolution du commerce, et notamment la montée en puissance d'Internet, n'a pas été analysée ; il n'a pas été tenu compte de l'assujettissement des " drives " à autorisation d'aménagement commercial, à compter de la loi ALUR du 24 mars 2014, qui est sur ce point d'application immédiate ; enfin, l'actualisation du dossier est conséquente ; le changement de législation résultant de la loi ALUR ne permettait donc pas à la pétitionnaire de présenter une demande ne comportant pas le " drive ", tout en indiquant qu'une autorisation de ce dernier équipement serait sollicitée par la suite ; les circonstances de droit ont évolué puisque le dossier fait état de documents administratifs nouveaux et même futurs ; ainsi, la compatibilité du projet est appréciée au regard du futur SCOT du Grand Tarbes, non encore approuvé ; de même, des décisions administratives nouvelles, toutes favorables au projet, sont également intervenues ; enfin, les pièces nouvelles des annexes sont plus nombreuses que celles du dossier initial ;

- le dossier de demande est erroné ; la délimitation de la zone de chalandise ne respecte pas le critère de 65 minutes. En effet, sont omis le pôle commercial de Pau, à 45 kms soit à 30 minutes d'autoroute, et le pôle commercial de Saint-Gaudens à 60 kms, soit à 35 minutes d'autoroute , ce qui impliquait que siègent à la CDAC des représentants des Hautes-Pyrénées et de la Haute-Garonne, irrégularité qui ne peut être neutralisée alors que le vote en CDAC peut influer sur celui de la CNAC ;

- l'achèvement du contournement de Soues est incertain puisqu'il résulte de la note de présentation du dossier actualisé que le conseil général s'est seulement engagé à réaliser une première tranche de travaux, et que rien n'est dit sur la date d'achèvement de l'ouvrage;

- le franchissement du passage à niveau rue Bouchayé révèle un problème de sécurité ; la direction départementale des territoires et l'établissement public Réseau Ferré de France ont exigé un comptage permanent du trafic au niveau du passage à niveau, pour vérifier si une augmentation significative du trafic entraînerait un danger de nature à nécessiter la suppression du passage à niveau et la réalisation d'un tunnel ; de même, la commune de Séméac s'est engagée à le réaliser, sans échéance, cependant, déterminée ; or, le dossier est muet sur la maîtrise d'ouvrage du tunnel et son financement ;

- le trafic automobile actuel a été minimisé par la demande ; l'étude Adema dont se prévaut la société pétitionnaire a retenu le flux du jeudi alors que la saturation du trafic est le vendredi ;

- si la note de présentation du dossier mentionne qu'un nouveau PPRI, adopté le 16 avril 2012, aurait placé les terrains de Soues en zone blanche, non exposée au risque d'inondation en raison de la réalisation de travaux hydrauliques entre novembre 2010 et janvier 2011, ces travaux n'ont pas été exécutés ; en autorisant plusieurs dizaines de milliers de mètres carrés en zone bleue du PPRI de Séméac, dont les voies d'accès, le projet ne maîtrise pas le risque d'inondation ; ce risque est d'autant plus grave que le projet comporte l'imperméabilisation de 21 hectares ; le projet contrevient donc au critère du développement durable ;

- ainsi que l'avait retenu la commission nationale d'aménagement commercial dans sa première décision de refus intervenue en 2011, en raison de sa localisation, le projet contribuera à développer un nouveau pôle périphérique ; de même, il engendrera un accroissement conséquent des déplacements motorisés, dès lors que la partie de la zone de chalandise en croissance démographique n'est pas la plus proche du projet ; le projet manque cruellement de transports alternatifs ;

- la protection des consommateurs n'est pas caractérisée ; à cet égard, le rapport d'instruction indique qu'un aspect positif du projet, pour les consommateurs, résulterait à terme du service rendu par un futur Drive ; or, on ne peut justifier légalement l'autorisation actuelle par la perspective d'une demande future d'autorisation pour le Drive ; l'implantation d'enseignes nouvelles dans la zone de chalandise ne doit pas être prise en compte depuis la loi du 4 août 2008 ; au demeurant, la baisse du chiffre d'affaires des hypermarchés Auchan révèle que ce modèle est dépassé ;

- le tribunal administratif de Pau a, le 30 décembre 2014, annulé partiellement le SCOT de l'agglomération de Tarbes, précisément en ce qui concerne les dispositions relatives à l'urbanisme commercial imposant que " la création d'ensembles commerciaux de plus de 1 000 m² ou l'extension d'ensembles existants qui conduirait à dépasser ce seuil, ne pourra se faire que dans les centres-villes ou dans les pôles commerciaux d'intérêt régional ou secondaires "; or, l'avis de la direction départementale des Territoires, favorable au projet, se fondait d'une manière fondamentale sur le fait que les orientations du SCOT de Tarbes-Ossun-Lourdes qualifient de " pôle commercial d'intérêt régional " la zone commerciale du Parc de l'Adour ;

- le projet ne comporte pas des aménagements compensatoires suffisants de l'imperméabilisation des sols, dans un secteur à proximité immédiate de tout un réseau de circulation aquatique en provenance des Pyrénées ;

- l'annulation totale du SCOT de l'agglomération de Tarbes par un second jugement du tribunal administratif de Pau du 17 novembre 2015 imposait que l'autorisation d'aménagement commercial en litige soit précédée de la dérogation définie par l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme, en vigueur à la date de l'acte attaqué ; situé à moins de 15 kilomètres de la limite extérieure de l'unité urbaine de Tarbes, non couvert par un SCOT et soumis à autorisation d'aménagement commercial, le terrain en litige remplit les trois conditions cumulatives exigeant la dérogation de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme ; une dérogation semblable était nécessaire à la modification en 2006 des plans d'occupation des sols de Séméac et de Souès, nécessaires à la délivrance des permis de construire ; les pièces produites au dossier démontrent que les parcelles en litige n'étaient pas ouvertes à l'urbanisation antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 2 juillet 2003, alors que le SDAU faisait état d'une ZAC de 10 hectares seulement, au lieu de 42 hectares aujourd'hui ;

- en admettant d'appliquer d'abord l'article L. 600-12, l'annulation du SCOT par le tribunal administratif en 2015 ramènerait à l'application de l'ancien schéma directeur ; toutefois, par application de l'article L. 122-18, ce retour au schéma directeur était impossible, puisque l'ancien schéma directeur est caduc depuis 2010 ou 2013 ; ainsi, la dérogation prévue à l'article L. 122-2-1 du code de l'urbanisme était indispensable ;

- le projet est incompatible avec le SDAU qui a précédé le SCOT en 1996, qui est au demeurant caduc depuis le 1er janvier 2016 ; s'il mentionne la ZAC du Parc de l'Adour, dans l'assiette foncière de laquelle se situe l'autorisation critiquée, il indique une zone commerciale de 10 hectares seulement et non de 42 hectares aujourd'hui ;

- pour la commune de Séméac, la totalité des terrains concernés par le centre commercial était classée en zone 2NAb par le plan d'occupation des sols de 1998 pour laquelle l'ouverture à l'urbanisation était conditionnée par la mise en oeuvre d'une procédure telle que la modification du plan d'occupation des sols ou la création d'une zone d'aménagement concerté ; pour la commune de Soues, pour l'essentiel, le centre commercial se situe en zone 3 NA, laquelle au vu du règlement, n'était pas ouverte à l'urbanisation à la date du 2 juillet 2003.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 mars, 7 avril et 10 mai 2016 et le 3 janvier 2017, la SAS Grand Tarbes Investissement, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société requérante de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le projet présenté pour autorisation à la commission départementale et à la commission nationale était, dans les deux cas, identique ; si le " drive " était évoqué dans le dossier initial, la demande actualisée ne porte pas sur lui et il fera l'objet d'une demande d'autorisation ultérieure, ce que le dossier précise expressément ; la compatibilité du projet a été appréciée au regard du SCOT approuvé le 19 décembre 2012 ; au demeurant, le projet était également compatible avec le SDAU de l'agglomération de Tarbes, qui prévoyait un pôle commercial à l'Est et auquel s'est substitué, à compter du 19 décembre 2012, le SCOT précité ; en tout état de cause, la commission nationale d'aménagement commercial, comme toute autorité administrative devant statuer sur une demande d'autorisation, a 1'obligation de tenir compte des circonstances de fait et de droit applicables à la date de la décision ; enfin, les caractéristiques du projet n'ont pas été modifiées ;

- la pétitionnaire a respecté les exigences de l'article R. 752-8 du code de commerce en délimitant la zone de chalandise ; celle-ci n'a pas été définie en retenant un temps de trajet général de 65 minutes, mais en fonction de temps de déplacements pertinents selon les caractéristiques des zones ; la non inclusion dans cette zone des pôles de Pau et de Saint-Gaudens, lesquels sont situés à 45 et 50 minutes du projet en litige, ne contredit pas les principes de la délimitation de la zone de chalandise ; par ailleurs, le pôle commercial de Saint-Gaudens n'est pas comparable à celui en litige, tandis que le pôle de Pau est directement concurrent du projet, ce qui limite l'attractivité de celui-ci de ce côté;

- les travaux routiers relevant de maîtres d'ouvrage différents, le conseil général n'est engagé que sur le contournement de Soues ; le conseil général, le 6 juin 2014, a décidé de la réalisation des travaux de contournement de Soues d'un montant estimé de 7 millions d'euros avant le mois d'octobre 2017 ; le nouveau boulevard d'entrée de l'agglomération qui sera relié à la RD 8 sera réalisé par la Communauté d'agglomération du Grand Tarbes ; son financement a fait l'objet d'une délibération du conseil général du 12 octobre 2012 et d'une convention passée avec l'aménageur du 26 octobre 2012 ; la circonstance que les travaux n'auraient pas démarré en 2016 est sans incidence sur la légalité de la décision en litige ;

- l'étude ADEMA de juin 2014 complétée en octobre, dont l'objet était le bon fonctionnement des flux routiers sur la rue Bouchayé pendant les heures d'ouverture du futur centre commercial, a démontré que la fermeture des barrières ferroviaires du PN 156 n'impacte pas les trafics routiers sur la période d'ouverture du centre commercial, ni sur les heures de pointe routières ou commerciales et que la rue Bouchayé possède des réserves de capacité à écouler le trafic routier, même revu à la hausse ; si la direction départementale des territoires et Réseau ferré de France ont recommandé un dispositif de comptage, cette circonstance ne peut être regardée comme la reconnaissance de 1'existence d'un risque qui serait lié au franchissement du passage à niveau ; la lecture de l'étude ADEMA révèle que les comptages ont été effectués sur tous les jours de la semaine ; si le jeudi de 17 h à 19 h et le samedi de 15 h à 17 h ont été pris en compte pour estimer les trafics horaires futurs, c'est qu'il s'agit des heures de pointes d'un jour ouvré et d'un week-end ;

- les risques d'inondation ne sont pas avérés ; seul le magasin de bricolage est situé en zone bleue du PPRI de Séméac, dans laquelle les constructions sont au demeurant autorisées ; sous l'égide du nouveau PPRI, approuvé le 4 juin 2015, par le préfet des Hautes-Pyrénées, la zone bleue a été réduite et aucune construction n'y sera réalisée ; les aménagements hydrauliques ont été réalisés ou sont suffisamment certains ;

- le projet participe d'un rééquilibrage de l'offre commerciale à l'Est de l'agglomération, lequel est prévu depuis 1996 par le schéma directeur de l'agglomération tarbaise, auquel s'est substitué le SCOT Tarbes-Ossun-Adour ; le projet répond également au phénomène d'évasion commerciale des habitants de la zone de chalandise vers Pau et Toulouse et également à l'accroissement de la population de l'agglomération tarbaise ; au-delà de la dimension commerciale, le projet répond aux orientations du SCOT, en complétant les tissus urbains existants alors qu'il s'inscrit dans un espace partiellement en friche, en préservant des espaces de respirations dans la mesure où il propose 42 % d'espaces non bâtis dédiés aux espaces verts et aux bassins paysagés et en intégrant dans les nouvelles voies des modes doux ; par ailleurs, le projet s'inscrit en cohérence avec la volonté des collectivités publiques de favoriser le développement des modes de transports doux prévus par le plan de déplacement urbain du Grand Tarbes, dont les mesures sont développées pages 181 et suivants du dossier de demande ;

- le projet apporte une offre commerciale complémentaire à celle développée en centre-ville dans la mesure où il prévoit l'introduction de l'enseigne Auchan absente de la zone de chalandise, la création de surfaces supérieures à 300 m² inexistantes en centre-ville et où il permet l'implantation d'une enseigne nationale de bricolage (Leroy-Merlin) non encore présente dans le département ;

- l'annulation du SCOT de Tarbes-Ossun-Lourdes par le tribunal administratif de Pau le 17 novembre 2015 est sans incidence sur l'octroi d'une autorisation d'aménagement commercial ; au demeurant, l'annulation du SCOT a été prononcée pour des motifs sans lien avec le projet en litige ;

- le dossier de demande comporte toutes les précisions nécessaires permettant de vérifier la compatibilité du projet avec les critères de développement durable ; le parc de stationnement, en particulier, sera paysagé et végétalisé ;

- le III de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme interdit la délivrance d'une autorisation commerciale " à 1'intérieur d'une zone ou d'un secteur rendu constructible après 1'entrée en vigueur de la loi n°200-590 du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat" ; or, si la société Sovendex affirme que le terrain d'assiette du projet aurait été ouvert à l'urbanisation après cette date, la réalité de cette affirmation n'est démontrée par aucune pièce du dossier ; l'annulation du SCOT a eu pour effet, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme, de remettre en vigueur le schéma directeur de 1'agglomération de Tarbes ; ce schéma valant SCOT, il en résulte que la dérogation de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme n'était pas nécessaire ; en tout état de cause, l'absence de dérogation serait sans conséquence dans la mesure où il n'est pas démontré par la requérante qu'une telle dérogation serait impossible à obtenir.

Par ordonnance du 10 avril 2017, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 2 mai 2017 à 12 heures.

III) Par une requête, enregistrée le 2 avril 2015 sous le numéro 15BX01225, la SCI SDC, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de la CNAC analysée sous le n° 15BX00938 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

-elle est propriétaire de plusieurs lots dans la galerie commerciale de l'hypermarché Géant Casino à Laloubère ;

- compte tenu des modifications apportées au projet et de son fondement juridique, la Commission nationale d'aménagement commercial ne pouvait se prononcer sans que la commission départementale d'aménagement commercial ne soit saisie au préalable ;

- la zone de chalandise ne respecte pas le critère de 65 minutes ;

- la date d'achèvement du contournement de Soues est incertaine ; le projet imposerait la suppression du passage à niveau rue Bouchayé ; or il n'existe aucune garantie pour assurer la maîtrise d'ouvrage et le financement d'un tunnel routier afin de supprimer le franchissement du passage à niveau ;

- la partie du projet située sur le territoire de la commune de Séméac est classée en zone bleue par le PPRI, c'est-à-dire en zone d'aléa modéré constructible sous conditions ; ce risque d'inondation, qui concerne plusieurs dizaines de millier de m², n'est pas maîtrisé ;

- le projet ne participe pas d'un aménagement harmonieux de l'agglomération tarbaise ; il se situe à proximité du centre Géant Casino, dans une zone où la population est décroissante ; par ailleurs, le contexte économique a évolué, ce qui nécessiterait une nouvelle étude d'impact du projet ;

- aucun argument pertinent favorable aux consommateurs n'est avancé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2016, la SAS Grand Tarbes Investissement, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société requérante de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le moyen tiré de l'incompétence de la Commission nationale d'aménagement commercial doit être écarté, faute de précision de nature à en établir la réalité ; en tout état de cause, le projet soumis à la commission nationale du fait de l'annulation prononcée par le Conseil d'Etat le 18 décembre 2013 est strictement identique à celui dont la commission départementale des Hautes-Pyrénées avait été saisie ; la pétitionnaire s'est limitée à actualiser le dossier ;

- la pétitionnaire a respecté les exigences de l'article R. 752-8 du code de commerce en définissant la zone de chalandise, en tenant compte des temps de déplacement ; la non inclusion dans cette zone des pôles de Pau et de Saint-Gaudens ne contredit donc pas la délimitation de la zone de chalandise ;

- la réalisation des infrastructures routières présente un caractère certain ; le conseil général, le 6 juin 2014, a décidé de la réalisation des travaux de contournement de Soues d'un montant estimé de 7 millions d'euros avant le mois d'octobre 2017 ; le nouveau boulevard d'entrée de l'agglomération qui sera relié à la RD 8 sera réalisé par la Communauté d'agglomération du Grand Tarbes ; son financement a fait l'objet d'une délibération du conseil général du 12 octobre 2012 et d'une convention passée avec l'aménageur du 26 octobre 2012 ;

- tant la direction départementale des territoires que Réseau ferré de France ont validé la solution tendant à accroître les conditions de sécurité du franchissement du passage à niveau dans la perspective d'une augmentation des flux motorisés sur la rue Bouchayé ; par ailleurs, l'étude ADEMA de juin 2014 complétée en octobre, dont l'objet était le bon fonctionnement des flux routiers sur la rue Bouchayé pendant les heures d'ouverture du futur centre commercial, a ainsi démontré que la fermeture des barrières ferroviaires du PN 156 n'impacte pas les trafics routiers sur la période d'ouverture du centre commercial, ni sur les heures de pointe routières ou commerciales et que la rue Bouchayé possède des réserves de capacité à écouler le trafic routier, même revu à la hausse ;

- s'agissant des risques d'inondation, seule une partie des emplacements de stationnements qui seront utilisés pour la surface de bricolage sera située en zone bleue ;

- la délivrance d'une autorisation d'aménagement commercial n'est subordonnée à aucun critère d'ordre démographique ; en tout état de cause, sur la période 1999/2009, et même si la progression s'est ralentie entre 2006 et 2009, l'accroissement démographique est incontestable avec un taux de 4%, ce qui conduit à un gain de plus de 10 000 habitants sur la zone de chalandise;

- le projet participe d'un rééquilibrage de l'offre commerciale à l'Est de l'agglomération, lequel est prévu depuis 1996 par le schéma directeur de l'agglomération tarbaise, auquel s'est substitué le SCOT Tarbes-Ossun-Adour ; le projet répond également au phénomène d'évasion commerciale des habitants de la zone de chalandise vers Pau et Toulouse et également à l'accroissement de la population de l'agglomération tarbaise ; au-delà de la dimension commerciale, le projet répond aux orientations du SCOT, en complétant les tissus urbains existants alors qu'il s'inscrit dans un espace partiellement en friche, en préservant des espaces de respirations dans la mesure où il propose 42 % d'espaces non bâtis dédiés aux espaces verts et aux bassins paysagés et en intégrant dans les nouvelles voies des modes doux ; le projet apporte une offre commerciale complémentaire à celle développée en centre-ville dans la mesure où il prévoit la création de surfaces supérieures à 300 m² inexistantes en centre-ville et où il permet l'implantation d'une enseigne nationale de bricolage (Leroy-Merlin) non encore présente dans le département ; par ailleurs, la ville de Tarbes est, d'un point de vue commercial, très dynamique, accueillant 600 commerces environ et un marché très réputé ; en outre, la pétitionnaire a souscrit à des mesures d'accompagnement qui profiteront à l'animation urbaine du centre-ville, telles l'attribution préférentielle aux commerçants de cellules de la galerie marchande et la création d'un fonds de soutien de 300 000 euros sur quatre ans afin de permettre l'accompagnement du centre-ville et assurer son rôle d'acteur local en matière économique et commerciale ;

- le moyen tiré de la protection des consommateurs est dépourvu de précisions ; l'existence d'un Drive, qui fait l'objet d'une autorisation séparée, n'est évoquée qu'à titre indicatif ; contribuera à la protection des intérêts des consommateurs l'arrivée, d'une part, de l'enseigne Auchan, dans un département dans lequel s'exerce un quasi-monopole au profit du groupe Leclerc et, d'autre part, d'enseignes nouvelles exploitant des moyennes surfaces dont le centre-ville et les autres pôles commerciaux sont dépourvus.

Par ordonnance du 7 avril 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 9 juin 2016 à 12 heures.

IV) Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 avril 2015 et 6 juin 2016 sous le numéro 15BX01244, la SAS Distribution Casino France, représentée par MeD..., demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de la CNAC analysée sous le n° 15BX00938 ;

2°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la pétitionnaire la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée méconnaît l'article R. 752-51 du code de commerce à défaut pour les avis des ministres intéressés d'avoir été signés par des autorités régulièrement habilitées ;

- les documents devant permettre à la Commission nationale d'aménagement commercial d'apprécier les effets du projet au regard du critère d'évaluation en matière d'aménagement du territoire prévus par l'article L. 752-6 du code de commerce étaient insuffisants ; le pétitionnaire n'a pas fourni d'informations suffisamment fiables sur les flux de voitures particulières générés par le projet, les estimations de trafic ayant été limitées aux journées du jeudi de 17 h à 18 h et du samedi de 16 h à 17 h ; les études de trafic datées de 2010 étaient obsolètes ; la présentation de la desserte du site par les modes de transports en commun est lacunaire dans la mesure où le pétitionnaire n'a communiqué ni les horaires de desserte des lignes 8 et 11 du réseau de bus Alezan, ni leur fréquence de passage ;

- les documents devant permettre à la Commission nationale d'aménagement commercial d'apprécier les effets du projet au regard des critères d'évaluation en matière de développement durable, prévus par l'article L. 752-6 du code de commerce, étaient insuffisants ; le dossier se limite à quelques généralités énoncées en matière de gestion des eaux pluviales et de traitement des déchets ; le dossier ne contient pas plus d'indications chiffrées concernant les consommations énergétiques ;

- le projet ne présente pas d'intérêt pour les consommateurs ; l'offre commerciale dans la zone de chalandise est déjà très conséquente ; par ailleurs, la variation de la population entre 2006 et 2008 sur l'ensemble de la zone de chalandise de 1,2 % est particulièrement faible ; ce projet, fréquenté par des clients qui effectuent déjà leurs achats dans les commerces existants, aura pour conséquence un risque d'affaiblissement et de disparition des commerces existants, au détriment des consommateurs ; les risques attachés au projet ont été soulignés par les services de l'Etat ;

- le projet qui porte sur 42 000 m² de surface de vente créera un déséquilibre dans la zone de chalandise ;

- le projet situé en périphérie de toute agglomération, ne contribuera pas à l'animation de la vie urbaine de Soues, de Séméac ou des communes environnantes ; les petits commerces du bourg risquent de transférer leur activité vers ce vaste projet, qui prévoit notamment une importante galerie marchande de 5 163 m² ainsi qu'un retail-park de 15 054 m2 de surface de vente ; le risque d'impact négatif sur les commerces de centre-ville est d'autant plus prégnant que les communes de Tarbes, Aureilhan et Séméac ont récemment bénéficié de subventions FISAC ;

- le projet, qui aggrave les conditions de circulation, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat le 18 juin 2013, ne peut être autorisé ; la réalisation des voies devant desservir le site n'apparaît pas certaine à la date de la décision attaquée, alors qu'il est constant que les axes sont saturés ; ainsi que l'ont souligné la direction départementale des territoires et les ministres chargés de l'urbanisme et de l'environnement, la desserte immédiate du projet verra sa capacité s'approcher du seuil de saturation ; les aménagements routiers nécessaires au franchissement du passage à niveau, qui conditionnent la réalisation du projet, n'étaient ni réalisés ni garantis lorsque la Commission nationale d'aménagement commercial s'est prononcée ; de simples délibérations ou " accords " ne suffisent pas à garantir la réalisation des travaux avant l'ouverture du projet et leur financement ; l'ensemble des travaux n'ont pas été déclarés d'utilité publique par arrêté préfectoral en date du 13 juillet 2007 ; aucun document de nature à décrire le financement du projet et le calendrier des travaux n'a été présenté à la Commission nationale d'aménagement commercial ; enfin, la saturation des accès ne sera pas compensée par l'accessibilité en transports en commun ni par des pistes cyclables ;

- le projet ne comporte aucun élément concret, que ce soit en matière de gestion des espaces verts, de consommations énergétiques et de pollution, ou d'atteinte aux écosystèmes, de nature à démontrer qu'il aurait été conçu dans une perspective de développement durable ; il porte sur 43 hectares d'espaces vierges, situés pour partie en zone inondable et à proximité d'une zone Natura 2000, et se trouve en totale contradiction avec le critère tiré de l'indispensable économie des sols ; aucune mesure n'est apportée pour compenser les pertes subies en matière de biodiversité ;

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 14 mars 2016 et 12 juillet 2016, la SAS Grand Tarbes Investissement, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société requérante de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les signataires des avis des ministres intéressés justifient d'une délégation de signature régulière ;

- le dossier de demande, complété par des études de trafic en novembre 2010 et avril 2012, révèle que les comptages n'ont pas été effectués seulement sur deux créneaux horaires et sur deux jours ; la requérante ne précise pas en quoi ces études auraient été obsolètes ; si le jeudi de 17 h à 19 h et le samedi de 15 h à 17 h ont été pris en compte pour estimer les trafics horaires, c'est qu'il s'agit des heures de pointes d'un jour ouvré et d'un weekend ; la direction départementale des territoires a conclu devant la commission que la réalisation du projet n'aura pas d'effet d'engorgement sur le réseau de voieries prévu dans le dossier de réalisation de la zone d'aménagement concerté ;

- alors qu'aucun texte ni aucun principe n'imposent la transmission d'informations aussi détaillées que les horaires des lignes de bus, le dossier de demande actualisé fait état de leurs cadences ;

- les atteintes à la protection de l'environnement ne sont pas étayées ; conformément à l'article R. 752-7 du code de commerce, le dossier de demande comporte de nombreux développements concernant les dispositions qui seront prises pour maîtriser et réduire les consommations énergétiques ; par ailleurs, aucun texte n'impose la transmission d'éléments chiffrés concernant les consommations énergétiques ;

- le dossier de demande expose, de façon très précise, ses effets sur l'aménagement du territoire ; le projet contribuera au rééquilibrage vers 1'Est de 1'agglomération ; l'atteinte aux petits commerces des centres bourgs n'est pas démontrée alors qu'il s'agit de créer des surfaces commerciales supérieures à 300 m² qui ne sont pas présentes en centre-ville ;

- l'impact négatif sur les flux de circulation n'est pas démontré ; le dossier de demande actualisé justifie du caractère certain des aménagements routiers nécessaires pour tenir compte des flux futurs ; de même, il est justifié au dossier du financement des différents travaux et de leur date d'achèvement, avant l'ouverture du projet ; il appartient de souligner que les travaux de la zone d'aménagement concerté ont été déclarés d'utilité publique par un arrêté du 13 juillet 2007 dont les effets ont été prorogés par un arrêté du 15 juillet 2010 ; de même, les travaux qui seront réalisés sur la RD 8 ont, également, été déclarés d'utilité publique ;

- le dossier expose les conditions de la desserte, actuelle et future, du site, notamment concernant les transports collectifs, de même que les modes de transports " doux " (pistes cyclables) ; en tout état de cause, le seul fait que le site ne soit pas desservi par un réseau de transports collectifs ne justifie pas nécessairement un refus de l'autorisation sollicitée ;

- le dossier décrit de manière suffisante les effets du projet en matière de développement durable et les mesures qui ont été prévues pour ne pas compromettre cet objectif ;

- les services de l'Etat, dans leur avis ou rapport d'instruction, ne constatent aucun risque ni difficulté liés aux inondations ; concernant la commune de Soues, le projet est situé en zone blanche du plan de prévention des risques d'inondation ; concernant la commune de Séméac, une partie du projet, sur laquelle ne sera réalisée aucune construction, est située en zone bleue.

Par ordonnance du 7 juin 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 13 juillet 2016 à 12 heures.

V) Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 avril 2015 et 27 mai 2016 sous le numéro 15BX01284, le syndicat départemental des associations et syndicats des commerçants et artisans des Hautes-Pyrénées, représenté par MeH..., demande à la cour :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de la CNAC analysée sous le n° 15BX00938 ;

2°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et la pétitionnaire la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il justifie d'un intérêt pour agir contre la décision attaquée dès lors qu'il a pour vocation de défendre les intérêts collectifs des associations et syndicats de commerçants et artisans du département des Hautes-Pyrénées et donc de la zone de chalandise du projet autorisé ; il défend également spécifiquement les intérêts des commerçants et artisans adhérents d'un syndicat professionnel ou groupement, ces derniers groupements étant eux-mêmes membres du syndicat demandeur ;

- la Commission nationale d'aménagement commercial a commis une erreur d'appréciation en considérant que le projet contribuera au rééquilibrage de l'offre commerciale et implicitement à l'animation de la vie urbaine ; il résulte de l'étude d'impact de janvier 2015 réalisée à la demande de la chambre de commerce et d'industrie de Tarbes que la progression d'activité sur la zone de chalandise est en quasi-stagnation alors que le taux d'évasion se trouve extrêmement faible ; ainsi, l'emprise du projet de Séméac/Soues se fera exclusivement au détriment des pôles commerciaux de périphérie, en l'occurrence de Laloubère et d'Orleix et du centre-ville de Tarbes ; la méthodologie retenue par la société AID, acteur majeur du conseil d'urbanisme commercial, n'est pas sujette à caution ; les taux d'évasion commerciale tiennent compte de la totalité de la zone de chalandise tandis que ceux de la pétitionnaire se limitent à l'agglomération tarbaise ; de même, le taux de densité commerciale sur lequel se fonde la pétitionnaire ne prend pas en compte la commune d'Ibos, comprise dans l'unité urbaine de Tarbes et principal pôle commercial du département ; de plus, si l'évolution ou la régression de la population ne peut à elle seule justifier la délivrance ou le refus d'une autorisation d'exploitation commerciale, les facteurs démographiques peuvent néanmoins, à titre accessoire, être pris en considération par la commission nationale d'aménagement commercial au soutien des critères d'analyse fixés par l'article L. 752-6 du code de commerce ; or, la population stagne au sein de la commune de Tarbes et plus largement dans le département de sorte que le projet, compte tenu de son ampleur, est de nature à assécher la fréquentation du centre-ville ; enfin, les références au SCOT Tarbes-Ossun-Adour apparaissent fragiles dès lors que la délibération l'approuvant a été annulée par le tribunal administratif de Pau le 17 novembre 2015 ; contrairement à ce qui est soutenu, des surfaces de plus de 300 m² structurent le centre-ville de Tarbes ; trois locaux de plus de 300 m² sont actuellement disponibles et leur réouverture est rendue difficile par le projet en litige ; avec un taux de vacance commerciale supérieur à 12% au 1er janvier 2016, le centre-ville présente des signes de fragilité qui ne pourront que s'accroître avec la réalisation d'un centre commercial de la taille envisagée ; enfin, le centre-ville de Tarbes a bénéficié, dans la cadre de la réhabilitation de la Halle Brauhauban, de subventions de 1'Etat (FISAC, ANRU et FNADT) ;

- la Commission nationale d'aménagement commercial a commis une erreur d'appréciation en considérant les accès suffisants ; les difficultés liées à l'augmentation du trafic routier prévisible ne sont pas levées car il demeure un doute sur la réalisation des acquisitions foncières nécessaires aux aménagements prévus ;

- la Commission nationale d'aménagement commercial a commis une erreur d'appréciation en considérant que la desserte du site en matière de transports en commun serait assurée par le principe d'une desserte de bus validé par le gestionnaire du réseau ;

- pour les mêmes motifs que ceux développés dans le cadre de l'appréciation de la compatibilité du projet avec l'animation urbaine, l'intérêt pour le consommateur de voir se développer une offre commerciale tout à fait similaire à ce qui est déjà présent en très grand nombre sur le territoire de l'agglomération n'est pas constitué.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 13 mars et 13 juillet 2016, la SAS Grand Tarbes Investissement, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société requérante une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable à défaut pour le syndicat de justifier d'un intérêt pour agir ; d'une part, il ne produit pas ses statuts permettant de corroborer son affirmation selon laquelle il a pour vocation de défendre les intérêts collectifs des associations et syndicats de commerçants et artisans du département des Hautes-Pyrénées ; en tout état de cause, il ne peut se prévaloir que des intérêts propres desdites associations et syndicats et non des commerçants eux-mêmes étant rappelé, également, que " nul ne plaide par procureur " ; si des commerçants peuvent prétendre que le projet pourrait avoir des effets sur leurs activités, il n'est pas démontré que les intérêts propres des organismes composant le syndicat requérant pourraient être impactés ;

- l'étude de janvier 2015, rédigée à la demande expresse de la chambre commerciale et de l'industrie de Tarbes, montre également, outre une augmentation très sensible de la demande, estimée à 11% entre 2014 et 2020, des taux d'évasion commerciale qui sont également importants ; cette étude est par ailleurs fondée sur une évolution de la densité commerciale alors qu'il ne s'agit plus d'un critère à prendre en compte depuis la loi n°2008-776 du 4 aout 2008, codifiée aux articles L. 751-1 à L. 752-26 du code de commerce ; par ailleurs, les chiffres mentionnés sont sujet à caution alors qu'ils diffèrent de ceux indiqués par l'Institut Français du Libre Service, organisme reconnu en matière de densité commerciale ; enfin, les développements sur l'impact sur les commerces existants ne sont pas étayés ;

- le projet participe d'un rééquilibrage de l'offre commerciale à l'Est de l'agglomération, lequel est prévu dès 1996 par le schéma directeur de l'agglomération tarbaise, auquel s'est substitué le SCOT Tarbes-Ossun-Adour ; au-delà de la dimension commerciale, le projet répond aux orientations du SCOT, en complétant les tissus urbains existants alors qu'il s'inscrit dans un espace partiellement en friche, en préservant des espaces de respirations dans la mesure où il propose 42 % d'espaces non bâtis dédiés aux espaces verts et aux bassins paysagés et en intégrant dans les nouvelles voies des modes doux ; le projet répond également au phénomène d'évasion commerciale des habitants de la zone de chalandise vers Pau et Toulouse et également à l'accroissement de la population de l'agglomération tarbaise ; le projet apporte une offre commerciale complémentaire à celle développée en centre-ville dans la mesure où il prévoit la création de surfaces supérieures à 300 m² inexistantes en centre-ville et où il permet l'implantation d'une enseigne nationale de bricolage (Leroy-Merlin) non encore présente dans le département ; Les difficultés de commercialisation qui peuvent exister dans le centre-ville de Tarbes procèdent essentiellement de prétentions financières excessives des propriétaires ;

- le moyen relatif au flux des transports n'est assorti d'aucun commencement de preuve ; la note de présentation synthétique jointe au dossier permet de justifier du caractère certain de la réalisation des travaux nécessaires à l'accroissement du trafic routier qui résultera du projet ; enfin, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a mis fin à la suspension de l'arrêté de cessibilité d'une des parcelles nécessaires à la réalisation d'un rond-point ;

- le moyen relatif aux difficultés affectant le réseau des transports collectifs n'est assorti d'aucune précision ; en tout état de cause, le dossier de demande actualisé expose toutes les précisions à ce sujet ;

- l'intérêt des consommateurs est de pouvoir bénéficier d'une concurrence suffisante dans la zone de chalandise, qui se trouve favorisée par la présence de nouvelles enseignes non installées à ce jour ;

- les motifs d'annulation du SCOT Tarbes-Ossun-Adour par le tribunal administratif de Pau sont sans lien avec le projet.

Par ordonnance du 7 juin 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 13 juillet 2016 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n°2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cécile Cabanne, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- et les observations de MeG..., représentant la SA Sovendex, MeB..., représentant la SDC, MeC..., représentant la SAS Distribution Casino France, MeH..., représentant le syndicat départemental des associations et syndicats des commerçants et artisans des Hautes-Pyrénées, et de MeE..., représentant le SAS Grand Tarbes Investissement ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées les 9 et 16 juin 2017 à la cour, présentées respectivement pour la SA Sovendex et la société Grand Tarbes Investissement par Me F...et MeE....

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision en date du 13 juin 2012, la commission départementale d'aménagement commercial des Hautes-Pyrénées a délivré à la SAS " Grand Tarbes Investissement " une autorisation d'exploiter un ensemble commercial d'une surface totale de 42 626 m² comportant un hypermarché à l'enseigne Auchan d'une surface de vente de 10 000 m², une galerie marchande d'une surface totale de vente de 6 116 m², un " retail park " composé de 15 moyennes surfaces spécialisées d'une surface totale de vente de 15 054 m², un magasin spécialisé dans le bricolage d'une surface de vente de 11 000 m² et un centre automobile d'une surface de vente de 456 m². Saisie sur recours des sociétés Sadef, Distribution Casino France, Elliott et Miss et Sovendex, du Syndicat départemental des associations et syndicats des commerçants et artisans des Hautes-Pyrénées, de la société SDC, de l'association En toute franchise-département des Hautes-Pyrénées et de l'association des exploitants du centre commercial de l'Univers de Tarbes-Laloubère, la Commission nationale d'aménagement commercial a confirmé cette décision le 13 juin 2012. Le Conseil d'Etat a annulé cette décision de la commission nationale, par une décision n° 361577, 362648, 362779, 362959, 362980 du 18 décembre 2013, pour défaut de justification suffisante des aménagements routiers rendus nécessaires par le projet. Après cette annulation, la SAS Grand Tarbes Investissement a demandé à la commission nationale de réexaminer sa demande. Par une décision du 17 décembre 2014, la Commission nationale d'aménagement commercial a délivré l'autorisation sollicitée. Les sociétés Sadef, Sovendex, SDC, Distribution Casino France et le syndicat départemental des associations et syndicats des commerçants et artisans des Hautes-Pyrénées demandent l'annulation de cette décision.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées respectivement sous les numéros 15BX00938, 15BX01115, 15BX01225, 15BX01244, 15BX01284 concernent la même décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 17 décembre 2014 et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la fin de non recevoir opposée par la SAS Grand Tarbes Investissement :

3. La SAS Grand Tarbes Investissement soutient que la qualité de fédération d'associations et de syndicats du Syndicat départemental des associations et syndicats des commerçants et artisans des Hautes-Pyrénées ne lui donnait pas intérêt à agir contre la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial. Cependant, eu égard à la portée de cette décision qui autorise un ensemble commercial d'une surface de vente totale de 42 626 m², et de la zone de chalandise couvrant notamment le département des Hautes-Pyrénées, le syndicat qui est un groupement de syndicats ou d'associations locales de commerçants et d'artisans indépendants dont l'objet est de défendre " les intérêts de leur profession dans les mutations actuelles et futures des circuits de distribution dans les Hautes-Pyrénées afin d'affirmer et promouvoir leurs activités " justifie, alors même qu'une ou plusieurs de ses associations ou syndicats membres bénéficieraient d'un intérêt plus direct, d'un intérêt suffisant lui donnant qualité pour demander l'annulation de l'autorisation accordée par la Commission nationale d'aménagement commercial. Il suit de là que la fin de non recevoir opposée par la SAS Grand Tarbes Investissement tirée du défaut d'intérêt à agir du Syndicat départemental des associations et syndicats des commerçants et artisans des Hautes-Pyrénées doit être écartée.

Sur les conclusions en annulation :

4. Selon l'article L. 752-6 du code du commerce, dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsqu'elle statue sur l'autorisation d'exploitation commerciale visée à l'article L. 752-1, la commission départementale d'aménagement commercial se prononce sur les effets du projet en matière d'aménagement du territoire, de développement durable et de protection des consommateurs. Les critères d'évaluation sont : 1° En matière d'aménagement du territoire : a) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne (...). "

5. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles se prononcent sur un projet d'exploitation commerciale soumis à autorisation en application de l'article L. 752-1 du code de commerce, d'apprécier la conformité de ce projet aux objectifs prévus à l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et à l'article L. 750-1 du code de commerce, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du même code. L'autorisation ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet compromet la réalisation de ces objectifs.

6. Il ressort des pièces du dossier que l'ensemble commercial autorisé par la décision attaquée, d'une surface de vente totale de 42 626 m², comporte un hypermarché à l'enseigne Auchan d'une surface de vente de 10 000 m², une galerie marchande d'une surface totale de vente de 6 116 m², intégrant deux magasins de 360 et 593 m² et environ 50 boutiques et kiosques d'une surface de 5163 m², un " retail park " composé de 15 moyennes surfaces spécialisées de 15 054 m², un magasin spécialisé dans le bricolage d'une surface de vente de 11 000 m² et un centre automobile d'une surface de vente de 456 m². Il doit se réaliser sur une parcelle en friche de la zone d'aménagement concerté située sur les communes de Séméac et de Soues, en entrée sud-est de l'agglomération tarbaise, à environ 2,5 km du centre-ville de Séméac et 3,5 kilomètres de ceux de Tarbes et de Soues.

7. Si le projet peut participer au rééquilibrage de l'offre commerciale au profit de l'Est de l'agglomération tarbaise, il s'ajoute cependant aux nombreux pôles commerciaux existants, témoignant d'une offre commerciale importante dans le secteur d'activité envisagé. Il existe ainsi au sein de l'agglomération tarbaise des pôles commerciaux majeurs à l'ouest à Ibos, au nord à Orleix, au sud à Laloubère ainsi que le centre-ville de Tarbes, tous situés entre huit et treize minutes en voiture du projet. En particulier, le pôle périphérique du Méridien à Ibos, situé à 10 kilomètres du projet, comporte un hypermarché E. Leclerc de 9 615 m² et une galerie marchande composée de trois grandes et moyennes surfaces et de 45 boutiques pour une surface de vente totale de 7 873 m². La commission nationale d'aménagement commercial a également autorisé le 14 novembre 2012 l'extension de cette zone commerciale par la création d'un ensemble commercial d'une surface de vente de 8 188 m² composé de 13 cellules spécialisées dans l'équipement de la personne et de la maison. Une autre autorisation a également été donnée le 17 décembre 2014 permettant l'extension de l'ensemble commercial composé d'un hypermarché situé à Orleix, à 7,5 km du projet, en portant sa surface de vente à 14 572 m² avec également la création d'un magasin de bricolage de 5 500 m², deux magasins d'équipement de la maison, un magasin de vêtements, un magasin de chaussures et une solderie et d'un point permanent de retrait à l'enseigne Leclerc, pour des surfaces de vente excédant toutes 400 m². De même, dans la commune de Tarbes, le dossier d'autorisation commerciale relève, sans les recenser d'ailleurs précisément, que " tous les secteurs d'activités sont représentés dans le centre-ville, avec une part non négligeable d'enseignes nationales et notamment dans le domaine de l'équipement de la personne ". S'il indique que le centre-ville ne compte que 3% de magasins de plus de 300 m² de surface de vente et n'est pas en capacité d'offrir des surfaces suffisantes à ce type de commerce, il souligne également, de manière contradictoire, l'attractivité du centre ville grâce à l'arrivée de nouvelles enseignes, soulignant qu'une enseigne spécialisée dans l'équipement de la personne occupera prochainement une surface de vente de plus de 1 000 m².

8. Par ailleurs, s'il est constant que la population de la zone de chalandise, qui regroupe les communes de trois départements, a cru de 3,9 % de 1999 à 2009 pour s'élever à 263 579 habitants, en revanche, depuis cette date, cette tendance n'est pas confirmée par les pièces du dossier. Au contraire, les communes de Tarbes, Souès et Séméac ont connu une baisse respective de la population de -7,6 %, -1,7 %, -1,9 % en 2011, avec une stagnation du nombre d'habitants pour l'agglomération tarbaise et le département des Hautes-Pyrénées, qui représentent pourtant respectivement 35 % et 85 % de la population de la zone de chalandise.

9. En outre, si l'ensemble commercial, qui desservira une zone de chalandise plus étendue que l'agglomération tarbaise, peut contribuer à freiner l'évasion commerciale vers d'autres pôles plus éloignés, il a vocation également selon le dossier de demande à prélever 73 % de la clientèle au sein de la zone de chalandise, dont près de 7 % pourra être réalisé au détriment des commerces du centre-ville de Tarbes. Or, la situation des commerces des centres-villes de Tarbes et Séméac a justifié l'allocation de fonds publics, sous forme de subventions du FISAC, une telle circonstance étant de nature à démontrer qu'il existe une situation de fragilité des commerces de centre-ville. Le rapport en date de février 2015 commandé par la chambre de commerce et d'industrie de Tarbes et des Hautes-Pyrénées, qui relève que le chiffre d'affaires attendu du projet en 2020 serait supérieur à celui de l'ensemble des commerces du centre-ville de Tarbes en 2014, conclut également parmi les principaux impacts du projet à la fragilisation des commerces du centre-ville, de même que ceux des pôles périphériques situés sur les communes de Laloubère et d'Orleix. La pétitionnaire fait valoir qu'elle a souscrit à des mesures d'accompagnement qui profiteront à l'animation urbaine du centre-ville. Toutefois, d'une part la création d'un fonds de soutien de 300 000 euros sur quatre ans est temporaire dans ses effets et d'autre part, il n'est pas démontré en quoi l'attribution préférentielle aux commerçants des villes environnantes de cellules de la galerie marchande participerait à préserver l'offre du centre-ville.

10. Dans ces conditions, même si le projet participe au rééquilibrage de l'offre commerciale à l'Est de l'agglomération tarbaise, cet ensemble commercial majeur ne se limitera pas à compléter une offre qui ne serait pas présente ou à offrir des services à une clientèle insuffisamment desservie en commerces. Par l'importance considérable de la surface commerciale créée, notamment de sa galerie marchande, le projet contribuera à développer un nouveau pôle périphérique dont l'attractivité est susceptible d'entraîner la fermeture ou le déplacement de commerces, au détriment des centres-ville et des pôles commerciaux périphériques et nuira ainsi à l'animation de la vie urbaine . Il s'ensuit que la décision attaquée méconnaît l'un des objectifs prévus par les dispositions précitées au titre de l'aménagement du territoire.

11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, que les requérants sont fondés à demander l'annulation de la décision du 17 décembre 2014 de la commission nationale d'aménagement commercial autorisant la SAS Grand Tarbes Investissement à créer un ensemble commercial de 42 626 m² composé d'un hypermarché, une galerie marchande, un " retail park ", un magasin spécialisé et un centre automobile.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés Sadef, Sovendex, SDC, Distribution Casino France et du syndicat départemental des associations et syndicats des commerçants et artisans des Hautes-Pyrénées, qui n'ont pas la qualité de parties perdantes dans la présente instance, les sommes que la SAS Grand Tarbes Investissement demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Grand Tarbes Investissement les sommes sollicitées au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La décision n° 1352 T du 17 décembre 2014 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la SAS Grand Tarbes Investissement l'autorisation requise en vue de la création d'un ensemble commercial d'une surface totale de vente de 42 626 m² est annulée.

Article 2 : Les conclusions présentées par les sociétés Grand Tarbes Investissement, Sadef, Sovendex, SDC, Distribution Casino France et le syndicat départemental des associations et syndicats des commerçants et artisans des Hautes-Pyrénées, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés Sadef, Eliott et Miss, Sovendex, SDC, Distribution Casino France, au syndicat départemental des associations et syndicats des commerçants et artisans des Hautes-Pyrénées, à la société Grand Tarbes investissement et au ministre de l'économie et des finances (Commission nationale d'aménagement commercial).

Copie sera adressée au préfet des Hautes-Pyrénées

Délibéré après l'audience du 8 juin 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 juillet 2017.

Le rapporteur,

Cécile CABANNELe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Delphine CÉRON

La République mande et ordonne au ministre de l'économie en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 15BX00938, 15BX01115, 15BX01225, 15BX01244, 15BX01284


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX00938
Date de la décision : 13/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

14-02-01-05-03 Commerce, industrie, intervention économique de la puissance publique. Réglementation des activités économiques. Activités soumises à réglementation. Aménagement commercial. Règles de fond.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Cécile CABANNE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CABINET ALEO AVOCATS ; SCP BOUYSSOU et ASSOCIES ; CABINET ALEO AVOCATS ; CABINET D'AVOCATS LARROUY-CASTERA ; SCP AMEILHAUD A.A - ARIES-BERRENGER-BURTIN PASCAL-SENMARTIN ; TERNEYRE ; CONCORDE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-07-13;15bx00938 ?
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