Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
MmeH... J..., M. D...J..., Mme I...A...néeJ..., M. E...J..., Mme L...J...et Mme C...veuve G...née J...ont demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2011 par lequel le président du conseil régional de La Réunion a fixé les limites de la parcelle cadastrée section AC 449 appartenant à la Région par rapport à leur parcelle cadastrée section AH 243.
Par un jugement n° 1200250 du 2 octobre 2014, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, un mémoire en production de pièces et un mémoire en réplique, enregistrés le 3 janvier 2015, le 16 décembre 2015 et le 21 avril 2017, MmeH... J..., M. D...J..., Mme I...A...néeJ..., M. E...J..., Mme L... J...et Mme C...veuve G...néeJ..., représentés par Me K..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 2 octobre 2014 ;
2°) à titre principal, de fixer la délimitation de la parcelle cadastrée section AH 243 par rapport à la parcelle cadastrée section AC 449 conformément au rapport du géomètre qu'ils ont mandaté ;
3°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire droit une expertise afin de procéder à l'arpentage et à la délimitation entre ces deux parcelles ;
4°) de mettre à la charge de la région Réunion la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la délimitation retenue se fonde sur la ligne de crête alors que les mesures figurant dans les actes, et notamment l'acte de donation du 9 octobre 1962, sont suffisamment claires pour pouvoir être prises en compte. Faute de prendre en compte ces mesures, l'arrêté de délimitation est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Deux mémoires en défense présentés pour la région Réunion, prise en la personne du président du conseil régional, représentée par MeB..., ont été enregistrés le 23 janvier 2017 et le 28 février 2017. La région Réunion conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des consorts J...la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'arrêté litigieux, qui mentionne les voies et délais de recours, a été notifié le 20 octobre 2011. La requête ayant été enregistrée plus de deux mois après cette date est tardive ;
- le signataire de l'arrêté en litige a été régulièrement habilité par une délégation de compétence. En outre, le moyen tiré de l'incompétence du signataire n'est pas repris en appel ;
- l'arrêté litigieux se fonde sur un rapport établi par des géomètres-experts le 22 avril 2009. La parcelle appartenant à la région fait partie du domaine public de sorte que l'action en bornage serait irrecevable devant le juge judiciaire. En effet, cette parcelle a été acquise dans le cadre du programme régional d'action foncière et était donc destinée dès son acquisition à être affectée à un service public et à être aménagée pour les besoins de ce service. La circonstance que ce terrain ne soit pas encore totalement aménagé est sans incidence sur son appartenance au domaine public selon la théorie de la domanialité publique virtuelle. D'ailleurs, le tribunal d'instance de Saint-Paul s'est reconnu incompétent pour connaître de l'action en bornage. Il ressort des titres de propriété des parcelles en cause que leurs limites sont décrites au regard d'éléments du relief naturel et, s'agissant de la limite en cause, par le rempart de la Grande Ravine des Lataniers. La délimitation retenue est donc parfaitement justifiée à l'inverse de la contestation des requérants qui ne repose sur aucun document.
Par un courrier en date du 31 janvier 2017, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen d'ordre public tiré de l'incompétence des juridictions administratives pour connaître des conclusions tendant à l'annulation d'un arrêté portant délimitation entre une propriété privée et une parcelle faisant partie du domaine privé.
Par ordonnance du 28 février 2017, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 24 avril 2017 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Paul-André Braud,
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
- et les observations de Me K...représentant les consortsJ....
Considérant ce qui suit :
1. La successionJ..., composée de MmeH... J..., M. D...J..., Mme GuylèneA...néeJ..., M. E...J..., Mme L...J...et Mme C...veuve G...néeJ..., est propriétaire de la parcelle cadastrée section AH 243 située à la Possession, au lieu-dit Ravine des Lataniers. La parcelle limitrophe, cadastrée section AC 449, appartient à la région Réunion. En l'absence de délimitation précise, les consorts J...ont saisi en 2006 les juridictions judiciaires d'une demande de bornage. A la suite du rejet de leur demande comme étant portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, les consorts J...ont adressé le 15 septembre 2007 au président du conseil régional de La Réunion une demande de bornage. Après avoir mandaté à cet effet un géomètre-expert, le président du conseil régional de La Réunion a, par un arrêté du 6 octobre 2011, défini la limite entre ces deux parcelles. Les consorts J...relèvent appel du jugement du tribunal administratif de La Réunion du 2 octobre 2014 rejetant leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 octobre 2011.
2. Aux termes de l'article L. 2211-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Font partie du domaine privé les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1, qui ne relèvent pas du domaine public par application des dispositions du titre Ier du livre Ier. Il en va notamment ainsi des réserves foncières et des biens immobiliers à usage de bureaux, à l'exclusion de ceux formant un ensemble indivisible avec des biens immobiliers appartenant au domaine public. "
3. Lorsque, avant l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, du code général de la propriété des personnes publiques dont l'article L. 2211-1 prévoit que les réserves foncières relèvent du domaine privé des personnes publiques, un terrain a été acquis par une personne publique en vue de la constitution d'une réserve foncière, il n'a pas été, de ce seul fait et dès ce moment, soumis aux principes de la domanialité publique. Il appartient à la cour de rechercher s'il a pu entrer dans le domaine public par application des critères déterminant une telle appartenance avant l'entrée en vigueur de ces dispositions.
4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'acte authentique du 2 septembre 1988, que la région Réunion a fait l'acquisition de la parcelle cadastrée section AC 449 le 2 septembre 1988 dans le cadre de son programme régional d'action foncière. Or il résulte de ce qui est énoncé au point précédent que la seule circonstance que ce terrain a été acquis en vue de la constitution d'une réserve foncière ne peut avoir pour effet d'incorporer ce terrain dans le domaine public. Dès lors, en l'absence d'affectation de cette parcelle à l'usage du public ou de réalisation d'un aménagement spécial en vue d'un service public, la parcelle cadastrée section AC 449 relève du domaine privé de la région Réunion.
5. Une décision de bornage s'inscrivant dans un rapport de voisinage et ne comportant aucun acte de disposition ou de modification de la consistance du domaine, qu'elle se limite à constater, les conclusions tendant à l'annulation d'une décision de bornage entre une propriété privée et une parcelle appartenant au domaine privé de la région ne sont pas au nombre de celles dont il appartient à la juridiction administrative de connaître.
6. Aux termes de l'article 32 du décret du 27 février 2015 susvisé : " Lorsqu'une juridiction de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif a, par une décision qui n'est plus susceptible de recours, décliné la compétence de l'ordre de juridiction auquel elle appartient au motif que le litige ne ressortit pas à cet ordre, toute juridiction de l'autre ordre, saisie du même litige, si elle estime que le litige ressortit à l'ordre de juridiction primitivement saisi, doit, par une décision motivée qui n'est susceptible d'aucun recours même en cassation, renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et surseoir à toute procédure jusqu'à la décision du tribunal. "
7. Pour les motifs énoncés au point 5 et en l'état du dossier, il n'appartient pas à la juridiction administrative de connaître de ce litige. Toutefois, le tribunal d'instance de Saint-Paul, primitivement saisi par les consorts J...d'une action en bornage de leur parcelle cadastrée section AH 243 avec la parcelle cadastrée section AC 449 a, par un jugement du 27 juin 2006, qui est devenu définitif, décliné la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire. Dans ces conditions, il convient, en application des dispositions précitées de l'article 32 du décret du 27 février 2015, de renvoyer au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence ainsi soulevée et de surseoir à toute procédure jusqu'à la décision de ce tribunal.
DECIDE
Article 1er : L'affaire est renvoyée au Tribunal des conflits.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête des consorts J...jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel est l'ordre de juridiction compétent pour statuer sur ce litige.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...J...en qualité de représentant unique, qui en informera les autres requérants, et à la région Réunion.
Délibéré après l'audience du 22 juin 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 juillet 2017.
Le rapporteur,
Paul-André BRAUD Le président,
Catherine GIRAULT Le greffier,
Delphine CERON
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 15BX00006