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11/07/2017 | FRANCE | N°17BX01156

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 11 juillet 2017, 17BX01156


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 21 avril 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°1603332 du 19 janvier 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 avril 2017, et un mém

oire complémentaire enregistré le 22 juin 2017, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 21 avril 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°1603332 du 19 janvier 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 avril 2017, et un mémoire complémentaire enregistré le 22 juin 2017, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 janvier 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 avril 2016 en ce qu'il porte refus de titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme

de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement, qui mentionne les conclusions du rapporteur public, alors que le rapporteur public a été dispensé de prononcer ses conclusions, méconnaît l'article R. 741-2 du code de justice administrative et est irrégulier ;

- la décision portant refus de certificat de résidence est insuffisamment motivée ;

- le préfet ne s'est pas livré à un examen réel et sérieux de sa situation ;

- la décision portant refus de certificat de résidence méconnaît l'autorité de la chose jugée par un arrêt n° 14BX01913 du 24 février 2015 de la cour ;

- le préfet a entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation en affirmant qu'il existe un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine et qu'il pourra être soigné en cas de retour en Algérie et a méconnu l'article 6, 7) de l'accord franco-algérien.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2017, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête et soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision

du 23 mars 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Philippe Delvolvé a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., né le 7 avril 1977, de nationalité algérienne, est entré en France

le 9 octobre 2012 sous couvert d'un visa de trente jours. Par un arrêté du 7 mai 2013, le

préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de délivrance d'un certificat de résidence en raison de son état de santé. Par un jugement du 11 mars 2014, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un arrêt

du 24 février 2015, la cour a annulé ce jugement et a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de réexaminer la situation de M. A...dans le délai de deux mois. Par arrêté du 21 avril 2016, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A...a été placé en centre de rétention par arrêté du 21 octobre 2016 du préfet de l'Isère. Par un jugement du 25 octobre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi. M. A...relève appel du jugement du 19 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande dirigée contre la décision portant refus de certificat de résidence.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " Lorsque, en application de l'article R. 732-1-1, le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions, mention en est faite ". Le jugement attaqué mentionne à tort " les conclusions de M. Guével, rapporteur public ", alors qu'il ressort des relevés des applications Télérecours et Sagace qu'une décision du président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public de prononcer des conclusions à l'audience. Le jugement attaqué ne mentionne pas la décision par laquelle le rapporteur public a été dispensé de prononcer ses conclusions. Par suite, il est irrégulier et doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur la légalité de la décision du 21 avril 2016 :

4. M. A...a été placé en centre de rétention par arrêté du 21 octobre 2016 du préfet de l'Isère. Par jugement du 25 octobre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a statué sur les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi et les a rejetées. Seules restent à juger les conclusions de la requête de M. A...dirigées contre la décision par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a rejeté sa demande de certificat de résidence.

5. La décision de refus de certificat de résidence vise notamment l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-algérien et les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquels le préfet s'est fondé. Elle mentionne les conditions d'entrée de M. A...en France, rappelle l'avis rendu le 6 juillet 2015 par le médecin de l'agence régionale de santé, relève que M. A...ne justifie pas être dans l'impossibilité d'accéder aux soins requis par son état de santé dans son pays d'origine et indique ensuite que, compte tenu des éléments du dossier et de ses déclarations, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie personnelle et familiale. Dès lors, la décision est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Il ressort de cette motivation que le préfet a procédé à un examen réel et sérieux de la situation de l'intéressé.

6. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants algériens : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...)".

7. Il résulte de ces stipulations et dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment au coût du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

8. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté a été pris après l'avis émis le 6 juillet 2015 par le médecin de l'agence régionale de santé. Si M. A...soutient que cet avis n'a pas été rendu sur la base d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier, il n'assortit pas ses allégations de précisions permettant de les tenir pour exactes alors que cet avis vise " le dossier de M. A...C... " et que le préfet a produit en première instance un courrier daté du 4 juin 2015 accompagné d'une copie de la fiche d'identification de l'intéressé à remettre à un médecin agréé ou un praticien hospitalier. Dans ces conditions, le moyen tiré d'un vice de procédure doit être écarté.

9. Il ressort des pièces du dossier que par un arrêt en date du 24 février 2015, la cour a annulé un précédent arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 7 mai 2013 refusant à M. A...la délivrance d'un certificat de résidence pour motif de santé. Cet arrêt n'a enjoint au préfet de la Haute-Garonne que de réexaminer la demande de titre du requérant et n'impliquait donc pas la délivrance d'un titre de séjour. L'arrêté en litige a été pris à la suite d'une nouvelle instruction de la demande de M.A..., sur la base de nouveaux éléments relatifs à l'évolution de son état de santé et d'un nouvel avis du médecin de l'agence régionale de santé. Par suite, le refus de séjour contesté du 21 avril 2016 n'a pas méconnu l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt de la cour en date du 24 février 2015.

10. M. A...souffre d'un déficit en G6PD (déficit en glucose 6-phosphate déshydrogénase) ainsi que d'une pathologie complexe non formellement identifiée s'apparentant à la maladie de Behçet et caractérisée par une asthénie, une altération de son état général avec une perte de poids importante, des affections dermatologiques, une désaffection articulaire et une désaffection vasculaire. Par un avis du 6 juillet 2015, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. A...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé et que le traitement doit être poursuivi pendant une durée indéterminée. Les documents médicaux produits par M.A..., dont notamment des certificats médicaux des 15 mars et 19 juin 2013, des courriers des 13 novembre, 19 et 31 décembre 2012, 25 février et 8 avril 2013 du centre hospitalier universitaire de Toulouse et des comptes-rendus d'examens médicaux réalisés en Algérie en 2011 et en 2012, bien antérieurs à la décision attaquée, les certificats d'un médecin généraliste du 21 octobre 2016 et d'un médecin spécialiste en médecine interne en Algérie du 20 novembre 2016, postérieurs à l'arrêté attaqué ainsi que les certificats médicaux des 8 et 11 mars 2017 établis par des médecins en Algérie et postérieurs au jugement attaqué, n'apportent pas d'éléments de nature à remettre utilement en cause l'avis du médecin de l'agence régionale de santé sur la disponibilité du traitement approprié dans le pays d'origine. Par ailleurs, si M. A...soutient également qu'il sera dans l'impossibilité de pouvoir accéder effectivement aux soins requis par son état de santé faute de disposer de ressources suffisantes, il ne produit aucun élément permettant d'estimer qu'il ne pourrait bénéficier du système de sécurité sociale algérien assurant la prise en charge des soins dispensés aux personnes dépourvues de ressources, ou dont les ressources sont inférieures à certains seuils. Dans ces conditions, la décision de refus de délivrer un certificat de résidence au requérant n'a pas méconnu les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Le préfet de la Haute-Garonne n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 21 avril 2016, par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1603332 du 19 janvier 2017 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Toulouse et le surplus de ses conclusions présentées devant la cour administrative d'appel de Bordeaux sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Gil Cornevaux, président-assesseur,

M. Philippe Delvolvé, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juillet 2017.

Le rapporteur,

Philippe Delvolvé

Le président,

Elisabeth Jayat Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme,

Le greffier

Vanessa Beuzelin

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N° 17BX01156


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX01156
Date de la décision : 11/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Philippe DELVOLVÉ
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : T et L AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-07-11;17bx01156 ?
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