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11/07/2017 | FRANCE | N°15BX01943

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 11 juillet 2017, 15BX01943


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande enregistrée sous le n°1304635, M. B...I...et Mme E...I...ont sollicité du tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, la condamnation solidaire du centre hospitalier universitaire de Bordeaux, de l'Agence de la biomédecine et du groupe hospitalier du Havre à verser à M. I..., en réparation des préjudices consécutifs à la myélinose qu'il a contractée à la suite de sa greffe hépatique, la somme de 1 614 768,80 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octob

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande enregistrée sous le n°1304635, M. B...I...et Mme E...I...ont sollicité du tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, la condamnation solidaire du centre hospitalier universitaire de Bordeaux, de l'Agence de la biomédecine et du groupe hospitalier du Havre à verser à M. I..., en réparation des préjudices consécutifs à la myélinose qu'il a contractée à la suite de sa greffe hépatique, la somme de 1 614 768,80 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 et à Mme I...la somme de 16 022,08 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 en réparation de ses préjudices, et à titre subsidiaire, la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à M.I..., en réparation des préjudices consécutifs à la myélinose qu'il a contractée, la somme de 1 544 768,80 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 et à Mme I... la somme de 6 022,08 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 en réparation de ses préjudices.

Par une demande enregistrée sous le n°1400362, les époux I...ont sollicité du tribunal administratif de Bordeaux la condamnation du centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux, de l'Agence de la biomédecine et du groupe hospitalier du Havre à verser à M. I..., en réparation des préjudices consécutifs à la myélinose qu'il a contractée à la suite de sa greffe hépatique, une indemnité provisionnelle de 412 949,45 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 et à Mme I...une indemnité provisionnelle de 6 022,08 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013, en réparation de ses préjudices, la condamnation de l'ONIAM à verser à M.I..., en réparation des préjudices consécutifs à la myélinose qu'il a contractée, une indemnité provisionnelle de 377 948,45 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 et à Mme I... une provision de 1 028,08 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 en réparation de ses préjudices et la condamnation du CHU de Bordeaux, à verser à M. I...et à Mme I...la somme de 5 000 euros chacun, majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 à titre d'indemnité provisionnelle, due en vertu de l'obligation de réparation des souffrances psychologiques ayant eu pour origine le défaut de consentement éclairé.

Par un jugement n°1304635 et 1400362 en date du 14 avril 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné le centre hospitalier universitaire de Bordeaux à verser à M. et Mme I...la somme de 10 000 euros chacun.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juin 2015, des mémoires complémentaires enregistrés les 21 août 2015, 30 novembre 2015, 8 avril 2016, 14 avril 2016, 24 novembre 2016, un mémoire récapitulatif enregistré le 15 avril 2017, et un dernier mémoire enregistré le 10 mai 2017, M. et Mme B...I..., représentés par MeC..., demande à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement du 14 avril 2015 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions dirigées contre la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM) et en tant qu'il rejette leurs conclusions présentées sur la responsabilité pour faute du CHU de Bordeaux, du groupe hospitalier du Havre et de l'Agence de la biomédecine, ainsi que leurs conclusions présentées au titre de la solidarité nationale ;

2°) de prescrire la réalisation d'un complément d'expertise sur le rôle causal des phases d'hépatectomie et d'anhépatie dans la survenue de la myélinose centra et extra-pontine ainsi que sur la détermination de l'ampleur de la perte chance d'échapper à la complication ;

3°) à titre principal, de condamner in solidum le CHU de Bordeaux, l'Agence de la biomédecine et le groupe hospitalier du Havre à leur verser :

- à M. I...la somme de 1 614 768,80 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013, en réparation de ses préjudices ;

- à Mme I...la somme de 16 022,08 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 en réparation de ses préjudices ;

4°) de les condamner à payer la créance due à la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime pour un montant de 240 025,63 euros ;

5°) de condamner l'ONIAM à leur verser :

- à M. I...la somme de 1 544 768,80 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013, en réparation de ses préjudices ;

- à Mme I...la somme de 6 022,08 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 en réparation de ses préjudices ;

6°) de condamner le CHU de Bordeaux à leur verser à chacun la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice généré par le défaut de consentement éclairé, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 ;

7°) à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où seul l'existence d'un aléa thérapeutique serait retenu, de condamner l'ONIAM à verser :

- à M.I..., la somme de 3 159 537,70 euros en réparation des préjudices subis, majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 ;

- à Mme I...la somme de 12 044,17 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 en réparation de ses préjudices ;

8°) de condamner l'ONIAM à payer la créance due à la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime pour un montant de 480 051,26 euros ;

9°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Bordeaux, l'Agence de la biomédecine et le groupe hospitalier du Havre à payer les sommes de :

- à MmeI..., 10 000 euros en réparation de son préjudice d'affection, assortie des intérêts de retard ;

- à M. et MmeI..., 10 000 euros chacun, en réparation du préjudice générée par le défaut de consentement éclairé ;

10°) de condamner la SHAM à garantir le CHU de Bordeaux de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

11°) à titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothèse où le CHU de Bordeaux, l'Agence de la biomédecine et le groupe hospitalier du Havre seraient tenus seuls responsables des dommages liés à la survenue de la myélinose centro et extra-pontine, de les condamner à verser :

- à M.I..., la somme de 3 159 537,70 euros en réparation des préjudices subis, majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 ;

- à Mme I...la somme de 12 044,17 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2013 en réparation de ses préjudices ;

12°) de condamner l'ONIAM à payer la créance due à la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime pour un montant de 480 051,26 euros ;

13°) de condamner le CHU de Bordeaux, l'Agence de la biomédecine et le groupe hospitalier du Havre à payer à M. et Mme I...la somme de 10 000 euros chacun en réparation du préjudice générée par le défaut de consentement éclairé ;

14°) de condamner la SHAM à garantir le CHU de Bordeaux de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

15°) de mettre les frais d'expertise à la charge de l'ONIAM, du CHU de Bordeaux, de l'Agence de la biomédecine, du groupe hospitalier du Havre, ainsi qu'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

16°) d'assortir les condamnations d'une injonction à fin de paiement des indemnités dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 400 euros par jour de retard.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier en tant qu'il ne statue pas sur les conclusions dirigées contre la SHAM ;

- les fautes retenues par l'expert ont un lien direct et certain dans la survenue de la myélinose ;

- les conditions d'engagement de la solidarité nationale sont réunies ;

- ils justifient des préjudices qu'ils invoquent ;

- M. I...a perdu une chance de ne pas se soumettre à l'aléa qui s'est réalisé.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 juillet 2015, 16 septembre 2015, 10 mars 2016, 27 mars 2017 et un mémoire récapitulatif enregistré le 5 mai 2017, l'ONIAM, représenté par MeD..., conclut à sa mise hors de cause.

Il fait valoir que les conditions de la mise en oeuvre de la solidarité nationale ne sont pas réunies.

Par des pièces enregistrées le 18 septembre 2015, des mémoires, enregistrés les 2 novembre 2015, 24 mars 2016 et un mémoire récapitulatif enregistré le 14 avril 2017, la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) de condamner solidairement toutes personnes déclarées responsables du dommage subi par M. I...ainsi que toutes personnes tenues à garantie, en l'occurrence les centres hospitaliers de Bordeaux et du Havre, de même que leur assureur, la SHAM, ainsi que l'Agence de biomédecine, à lui verser la somme de 480 051,26 euros en remboursement de ses dépenses médicales, ainsi que la somme de 1 055 euros, en application de l'article L. 376-1

alinéa 4 du code de la sécurité sociale ;

2°) de mettre à la charge des défendeurs la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l'imputabilité de ses débours est établie par l'attestation d'un médecin conseil, indépendant, et entièrement justifiée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 mars 2016, 12 avril 2016 et un mémoire récapitulatif enregistré le 24 avril 2017, le CHU de Bordeaux, le groupe hospitalier du Havre, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentés par MeH..., concluent au rejet des conclusions présentées par les époux I...et la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime à leur encontre.

Ils font valoir que :

- le jugement est régulier ;

- aucune faute n'est établie ;

- aucune perte de chance liée au défaut d'information n'est établie ;

- les conclusions présentées pour la première fois en appel par la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde sont irrecevables.

Par des mémoires enregistrés les 1er avril 2016, 7 novembre 2016 et 6 avril 2017, l'Agence de la biomédecine, représentée par la Selarl Houdart et associés puis par Me G...etF..., conclut au rejet de la requête et de toutes autres demandes et conclusions et à ce que soit mis à la charge des requérants le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a commis aucune faute ou négligence ni dans la sélection du donneur ni dans l'absence de recherche d'antécédents, ni dans l'appréciation de la qualité du greffon ;

- en tout état de cause, comme l'a jugé le tribunal, aucun lien de causalité ne peut être retenu entre les fautes relevées et la survenue de la myélinose ;

- les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie ne sont pas recevables et la caisse ne justifie pas de l'intégralité des débours dont elle fait état.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Philippe Delvolvé ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

- et les observations de MeC..., représentant M. et MmeI..., de MeD..., représentant l'ONIAM, et de MeF..., représentant l'agence de la biomédecine.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...I..., né en 1952, souffrait d'un diabète de type II, insulino-requérant depuis 2009, et d'une cirrhose hépatique avec hypertension portale découverte en 2002, pour lesquels il était suivi au centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux. En 2008, il a connu une première hémorragie digestive qui a nécessité des ligatures de varices oesophagiennes et en février 2009 il a présenté une décompensation oedémato-ascitique de sa cirrhose. Après la découverte en octobre 2009 d'un nodule de carcinome hépatocellulaire, le constat en juillet 2010 de la reprise de cette lésion tumorale, malgré un traitement par chimio-embolisation, et en septembre 2010 de l'apparition de nouvelles lésions tumorales hépatiques, une greffe hépatique a été décidée par l'équipe du CHU de Bordeaux. L'intervention de transplantation a débuté à 8h 20, le 26 janvier 2011. Après avoir procédé à l'ablation du foie, l'équipe chirurgicale du centre hospitalier universitaire de Bordeaux chargée de réaliser la greffe a été informée que le greffon hépatique qui devait être transplanté présentait une volumineuse adénopathie para-rénale droite à caractère suspect nécessitant des examens histologiques complémentaires. La nature cancéreuse de l'adénopathie ayant été confirmée, il a été décidé de ne pas implanter le foie prélevé et d'effectuer en urgence une nouvelle demande de greffon auprès de l'Agence de la biomédecine. Un second greffon, proposé par le centre hospitalier de Cholet, a pu être implanté à 21 heures. Devant l'absence de récupération de l'état neurologique du malade à la suite de la transplantation, des examens ont mis en évidence la survenue d'une myélinose centro et

extra-pontine. Le 26 mars 2011, le patient a présenté une crise convulsive généralisée qui a nécessité une prise en charge en réanimation et le 15 mai 2011 un oedème aigu pulmonaire ischémique a été diagnostiqué. M.I..., qui reste lourdement handicapé dans les gestes de la vie quotidienne, et Mme I...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le CHU de Bordeaux, l'Agence de la biomédecine, le groupe hospitalier du Havre et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à l'indemniser des préjudices subis par eux du fait de la survenue de la myélinose. Ils relèvent appel du jugement en date du 14 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux s'est borné à condamné le CHU de Bordeaux à leur verser à chacun la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice d'impréparation aux conséquences préjudiciables de la survenue de la myélinose en l'absence d'une information relative à cet aléa thérapeutique.

2. L'expert, désigné par ordonnance du président du tribunal administratif du

22 août 2012, a déposé son rapport le 28 juin 2013, concluant que les lourdes séquelles neurologiques à type de tétraparésie spastique dont M. I... est atteint ont pour origine la survenue d'une myélinose centro et extra-pontine, identifiant des fautes dans l'organisation du prélèvement du premier greffon hépatique par les médecins du donneur, l'Agence de la biomédecine et le service de greffe hépatique du CHU de Bordeaux et retenant que la réalisation de ce risque de myélinose relève aussi d'un aléa thérapeutique et que l'état antérieur du patient, constitué d'une cirrhose décompensée et d'un diabète, a joué un rôle dans la survenue de la myélinose.

3. Les requérants soutiennent que la survenue de la myélinose centro et extra-pontine à l'origine des graves séquelles neurologiques dont M. I...reste atteint est la conséquence de fautes commises par l'Agence de la biomédecine, par le groupe hospitalier du Havre et par le CHU de Bordeaux dans le déroulement de la transplantation hépatique

4. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise que le premier greffon prélevé à l'hôpital du Havre, présentait une adénopathie para rénale droite de nature cancéreuse, qui n'a pas permis son implantation et que la mauvaise qualité de ce greffon a nécessité le recours à un autre donneur de l'hôpital de Cholet, imposant de différer de plusieurs heures la greffe alors que l'hépatectomie avait déjà eu lieu. L'expert retient que la sélection de ce premier greffon hépatique, sous la responsabilité conjointe des médecins du donneur et de la coordination interrégionale de l'Agence de la biomédecine n'a pas respecté, par négligence, les règles sur l'élimination d'un donneur potentiel en fonction de critères médicaux et qu'il existait des éléments concordants - tels qu'un patient sans suivi médical connu, sans médecin traitant ou personne proche joignable, aux antécédents de tabagisme et présentant des anomalies radiologiques pulmonaires - qui auraient dû conduire à la réalisation d'un scanner pulmonaire et plus probablement d'un scanner thoraco-abdominopelvien. En l'absence de tels examens, l'Agence de la biomédecine et le groupe hospitalier du Havre ont bien commis une faute dans la sélection du donneur. De plus, l'équipe de prélèvement du CHU de Bordeaux, présente au Havre, a eu connaissance, dès 7h20, d'un ganglion suspect sur le hile rénal droit concernant le donneur et le pédicule hépatique de M. I...a été clampé à 9 h ce qui rendait l'hépatectomie irréversible alors qu'une meilleure communication entre les équipes du centre hospitalier aurait permis de reporter une opération qui ne présentait pas un caractère d'urgence vitale et de la réaliser sans risque pour le patient. Il y a bien eu une erreur de transmission de l'information entre son équipe responsable à l'hôpital du Havre du prélèvement du greffon et celle à l'hôpital de Haut-Levêque en charge de l'implantation de la greffe, là encore, constitutive d'une faute médicale.

5. Il résulte également de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la survenue de la myélinose centro et extra-pontine est en rapport avec l'importance et la rapidité de la correction de l'hyponatrémie dont souffrait M. I...à la suite des volumineuses quantités de sérum salé qui lui ont été administrées et qui ont accompagné les transfusions sanguines indispensables pour le maintenir en vie. L'expert, et le tribunal administratif de Bordeaux, ont relevé que ces apports intraveineux salés ont été imposés en raison de conditions opératoires extrêmement hémorragiques résultant de l'état antérieur du patient marqué par l'existence d'une hypertension portale secondaire à la cirrhose, compliquée par des troubles de coagulation en relation avec la cirrhose et par un hépatocarcinome et en raison de la nature de l'intervention chirurgicale qui est en soi très hémorragique comme ses suites immédiates. Cependant, l'expert relève dans son rapport que : " Cumulée avec le premier temps opératoire, la phase d'anhépatie a concouru à la réalisation du risque de survenue de la myélinose centra et extra-pontine, sans qu'il s'agisse d'un lien certain ou exclusif, sans qu'il soit possible de déterminer sa part de responsabilité. " Une telle rédaction présente une contradiction dès lors qu'elle affirme à la fois que la phase d'anhépatie a concouru à la survenue de la myélinose mais reconnaît en même temps que le lien de causalité n'est pas certain. L'expertise ainsi rédigée ne permet pas à la cour de se prononcer sur le lien de causalité entre les fautes commises et la survenue de la myélinose. Il y a lieu, dès lors, avant de statuer sur les droits des requérants, d'ordonner la réalisation d'une nouvelle expertise aux fins précisées au dispositif du présent arrêt.

DECIDE :

Article 1er : Avant de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme B...I...et sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime, il sera procédé à une nouvelle expertise aux fins d'apprécier l'existence d'un lien de causalité entre les fautes relevées par le tribunal administratif de Bordeaux et confirmées par le présent arrêt et la survenue de la myélinose dont a été victime M. I...et d'évaluer l'éventuelle perte de chance dont aurait été privé ce dernier que le risque de myélinose ne se réalise pas.

Article 2 : L'expert aura pour mission :

- d'examiner M. I...et de prendre connaissance de son dossier médical ;

- de donner tous les éléments utiles d'appréciation sur le point de savoir si les fautes commises par le groupe hospitalier du Havre, l'Agence de la biomédecine et le centre hospitalier universitaire de Bordeaux exposées ci-dessus ont été à l'origine de la myélinose dont a été victime le patient et de donner, en cas de causes multiples de la myélinose, les indications permettant d'apprécier la part des fautes commises dans la survenue de cette pathologie ;

- de donner, en fonction de la date de consolidation à retenir pour chaque évènement, tous les éléments permettant d'évaluer les préjudices de M. I...s'y rapportant, en particulier la durée de l'incapacité temporaire totale et le taux de l'incapacité permanente partielle, ainsi que tous les éléments permettant d'évaluer les autres postes de préjudices tels que les troubles dans les conditions d'existence, le préjudice d'agrément et le préjudice subi du fait des souffrances endurées ;

- de donner, plus généralement, toute indication utile à la détermination des différents éléments du préjudice subi par M.I....

Article 3 : Pour l'accomplissement de sa mission, l'expert pourra se faire remettre, en application de l'article R. 621-7-1 du même code, tous documents utiles et notamment, tous ceux relatifs aux examens et soins pratiqués sur l'intéressé.

Article 4 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Après avoir prêté serment, il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du

code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président de la cour.

Article 5 : Conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 621-9 du code de justice administrative, l'expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires dans le délai fixé par le président de la cour dans la décision le désignant. Il en notifiera une copie à chacune des parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique.

Article 6 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...I..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Charente Maritime, au centre hospitalier universitaire de Bordeaux, à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, à l'agence de la biomédecine, à la société hospitalière d'assurances mutuelles et au groupe hospitalier du Havre.

Copie en sera adressée au docteur Pierre-Emmanuel Henneresse, expert.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Gil Cornevaux, président-assesseur,

M. Philippe Delvolvé, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juillet 2017.

Le rapporteur,

Philippe DelvolvéLe président,

Elisabeth Jayat

Le greffier,

Delphine Céron

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme,

Le greffier

Delphine Céron

2

No 15BX01943


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX01943
Date de la décision : 11/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-01 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Préjudice.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Philippe DELVOLVÉ
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : ABIDOS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-07-11;15bx01943 ?
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