Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F...a demandé au tribunal administratif de Basse-Terre d'annuler la décision du 21 mai 2014 du directeur du centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre la maintenant dans ses fonctions au pôle parents-enfants, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 13 juin suivant contre cette décision et d'enjoindre sa réintégration dans ses attributions de responsable d'unité.
Par un jugement n° 1400963 du 26 février 2015, le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté ses demandes.
Par deux autres requêtes, Mme E...a demandé au même tribunal, d'une part, d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le CHU de Pointe-à-Pitre sur sa demande du 18 octobre 2013 tendant à la réintégration dans ses fonctions de sage-femme, responsable de l'unité d'orthogénie et du centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, d'autre part, d'annuler le refus implicite né le 17 avril 2014 sur sa demande de protection fonctionnelle en raison du harcèlement moral qu'elle estimait subir et de condamner l'établissement à lui payer une indemnité de 30.000 euros.
Par un jugement n°s 1400164, 1400564 du 26 février 2015 le tribunal administratif de Basse-Terre a annulé cette décision implicite et condamné le CHU de Pointe-à-Pitre à payer à Mme E...une indemnité de 1 000 euros en réparation du préjudice occasionné par l'illégalité de cette décision ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, puis a rejeté le surplus de ses demandes.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 12 mai 2015 sous le n° 15BX01588, MmeE..., représentée par MeC..., demande à la cour d'annuler le jugement n° 1400963 du 26 février 2015 du tribunal administratif de Basse-Terre, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 mai 2014, d'enjoindre au CHU de Pointe-à-Pitre, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de la réintégrer sans délai dans ses fonctions de responsable d'unité et de mettre à la charge du centre universitaire de Pointe-à-Pitre la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision qui lèse gravement ses intérêts lui fait grief ;
- les articles 39 et 40 de la loi du 9 janvier 1986 ont été méconnus ; elle n'exerce plus les fonctions de sage-femme ; jusqu'alors elle n'avait travaillé qu'à la maternité ; le pôle parents-enfants comprend également la procréation médicalement assistée, la pédiatrie, la néonatalogie, la chirurgie pédiatrique, le psychiatrie infanto-juvénile, les centres médico psychologiques d'action médico-sociale précoce et l'unité transversale de drépanocytose, compétences dont elle est dépourvue, dépassant très largement le cadre de la maternité ; la fiche de poste est créée de toutes pièces pour les besoins de la cause et révèle l'intention de l'exclure des fonctions de chef d'unité ; elle est affectée sans autres précisions à un pôle ce qui est illégal ; toute affectation doit être prononcée dans un service ; elle n'a pas été réintégrée dans ses fonctions mais a fait l'objet d'un changement d'affectation ; depuis le 23 septembre 2013, aucune tâche ne lui est confiée, ce dont s'est ému le représentant syndical par un courrier du 17 septembre 2014 déplorant l'absence de moyens logistiques et humains nécessaires à sa réintégration effective ; sa fiche de paye mentionne toujours une affectation à l'unité de gynécologie-obstétrique ;
- la nouvelle fiche de poste qui prévoit des attributions sans rapport avec les fonctions d'une sage-femme est illégale ; elle ne correspond pas à la fiche ministérielle ; certaines des missions, telles l'organisation de la représentation des professionnels et l'accompagnement du référent relèvent de la compétence du cadre supérieur ; d'autres sont temporaires, telle la mise en oeuvre de la circulaire ; certaines, telles la modification du référentiel dont l'actualisation est à l'initiative des instances nationales sont fantaisistes et impossibles à mettre en oeuvre, inutiles et illégales ; elle ne connaît toujours pas le référent désigné, n'a pas reçu le règlement intérieur de l'établissement, ignore le nombre des représentants des sages-femmes et le nom de son interlocuteur pour organiser cette représentation ; elle n'a pas été associée à l'élaboration du plan de formation ; le plan développement professionnel continu n'a pas encore été mis en place au CHU ; aucun des documents de travail ne lui a été communiqué et elle ne peut identifier ses interlocuteurs dans les autres directions fonctionnelles ; s'agissant de la veille professionnelle, elle ne dispose pas d'un moteur de recherche et n'a pas bénéficié d'une formation de réactualisation de ses connaissances ; la direction n'a diffusé aucune note informant la communauté hospitalière de ses nouvelles attributions en l'invitant à l'aider dans ses nouvelles tâches ; elle est toujours " au placard " sans entourage professionnel, ce qui caractérise une atteinte grave à ses droits et à sa dignité et un traitement dégradant et humiliant ; toutes ses fonctions d'encadrement, mission " clé " comme en témoigne la fiche de poste ministérielle ont été supprimées ; la fiche de poste n'a pas été approuvée par la direction de la qualité et des relations avec les usagers ; les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen ;
- elle n'a pas été mise à même de consulter son dossier en violation de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 alors qu'elle faisait l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne ;
- l'avis de vacance du poste n'a pas été publié en méconnaissance de l'article 36 de la loi du 9 janvier 1986 alors que d'autres agents auraient le profil pour ces fonctions ;
- cette prétendue réintégration constitue un harcèlement moral ayant pour objet de la pousser à la démission ; sa situation ne correspond à aucune des positions prévues par la loi ; le courrier du chef de pôle du 17 février 2014 lui enjoignant de quitter le local des consultations externes est particulièrement vexatoire ; la maternité compte deux unités, diagnostic prénatal et consultations externes qui ne produisent pas de RUM, dans lesquelles elle pourrait être affectée ; l'ordre national des sages-femmes a estimé que le codage et la saisie des RUM incombent aux médecins.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 septembre 2015, le CHU de la Guadeloupe, représenté par MeB..., demande à la cour de rejeter la requête de Mme E...et de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- par la décision contestée du 21 mai 2014, la direction des ressources humaines a confirmé Mme E...dans ses fonctions de sage-femme en lui octroyant un bureau et des moyens ; un rendez-vous a été fixé au 4 juin 2014 auquel elle ne s'est pas présentée ;
- cette décision est une mesure d'organisation du service n'impactant ni le statut, ni le grade ou la rémunération, ni les conditions de travail de l'agent ; si la requérante estime que le poste ne correspond pas aux responsabilités antérieures, transposition de la circulaire du 10 avril 2014, veille professionnelle et formation, tâches impliquant des travaux de recherche active des documents nécessaires, au-delà du problème de la saisie des RUM, l'intéressée a fait preuve de mauvaise volonté dans l'exécution de ses tâches, dès l'année 2003 et a persisté dans ses lacunes dans la gestion des effectifs et des conflits, dans son manque d'implication et de collaboration avec les équipes, voire dans son refus de participer à la bonne organisation du service ;
- elle est affectée à une unité en contact direct avec les aspects de la maternité et des compétences en chirurgie pédiatrique, psychiatrie infanto-juvénile ou drépanocytose ne sont pas requises ; il ressort de la fiche de poste dont la requérante se prévaut que ses missions, mêmes celles centrées sur la recherche et la contribution à l'évolution de la profession, sont conformes à sa compétence et à son statut ; elle ne dispose d'aucun droit acquis au maintien dans ses fonctions et le changement d'affectation dans l'intérêt du service n'a pas à être précédé d'une procédure contradictoire ou disciplinaire.
II. Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 avril 2015, 26 avril 2016, et 1er juin 2016 sous le n° 15BX01440, MmeE..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 1400164, 1400564 du 26 février 2015 du tribunal administratif de Basse-Terre en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses demandes ;
2°) d'enjoindre au CHU de la Guadeloupe de la réintégrer dans ses fonctions ;
3°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née le 17 avril 2014 sur sa demande de protection fonctionnelle ;
4°) de condamner le CHU de la Guadeloupe à lui payer une indemnité de 40 000 euros ainsi qu'une indemnité de 2 710 euros en application de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ;
5°) avant-dire droit, de prescrire une enquête sur les faits ;
6°) de condamner le CHU de la Guadeloupe à lui payer la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision qui lèse gravement ses intérêts lui fait grief ;
- les articles 39 et 40 de la loi du 9 janvier 1986 ont été méconnus ; elle n'exerce plus les fonctions de sage-femme cadre responsable d'une unité ; sa situation ne correspond à aucune des positions prévues par la loi ; elle n'a été destinataire d'aucune décision officielle de dessaisissement de la responsabilité des deux unités d'orthogénie et du centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, grief sur lequel le défendeur ne se prononce pas ; la responsabilité des deux pôles a été confiée à la sage-femme cadre déjà responsable du pôle gynécologie-urgences-consultations externes ; elle n'est plus en charge d'aucun service ; depuis le mois de septembre 2013, aucune tâche ne lui est confiée et elle est " mise eu placard " ; ses codes d'accès aux logiciels de travail ont été supprimés ; jusqu'alors elle n'avait travaillé qu'à la maternité ; le pôle parents-enfants comprend également la procréation médicalement assistée, la pédiatrie, la néonatalogie, la chirurgie pédiatrique, le psychiatrie infanto-juvénile, les centre médico-psychologiques qui dépassent très largement le cadre de la maternité ; le centre d'action médico-sociale précoce et l'unité transversale de drépanocytose ; elle n'a pas de compétence dans ces domaines ; la fiche de poste est créée de toutes pièces pour les besoins de la cause et révèle l'intention de l'exclure des fonctions de chef d'unité ; elle est affectée sans autres précisions à un pôle ce qui est illégal ; toute affectation doit être prononcée dans un service ; elle n'a pas été réintégrée dans ses fonctions mais a fait l'objet d'un changement d'affectation, ce dont s'est ému le représentant syndical par un courrier du 17 septembre 2014 déplorant l'absence de moyens logistiques et humains nécessaires à sa réintégration effective ; sa fiche de paye mentionne toujours une affectation à l'unité de gynécologie-obstétrique ;
- la nouvelle fiche de poste qui prévoit des attributions sans rapport avec les fonctions d'une sage-femme est illégale ; elle ne correspond pas à la fiche ministérielle ; certaines des missions, telles l'organisation de la représentation des professionnels et l'accompagnement du référent relèvent de la compétence du cadre supérieur ; d'autres sont temporaires, telle la mise en oeuvre de la circulaire ; certaines, telles la modification du référentiel dont l'actualisation, est à l'initiative des instances nationales sont fantaisistes et impossibles à mettre en oeuvre, inutiles et illégales ; elle ne connaît toujours pas le référent désigné, n'a pas reçu le règlement intérieur de l'établissement, ignore le nombre des représentants des sages-femmes et le nom de son interlocuteur pour organiser cette représentation ; elle n'a pas été associée à l'élaboration du plan de formation ; le plan développement professionnel continu n'a pas encore été mis en place au CHU ; aucun des documents de travail ne lui a été communiqué et elle ne peut identifier ses interlocuteurs dans les autres directions fonctionnelles ; s'agissant de la veille professionnelle, elle ne dispose pas d'un moteur de recherche et n'a pas bénéficié d'une formation de réactualisation de ses connaissances ; la direction n'a diffusé aucune note informant la communauté hospitalière de ses nouvelles attributions en l'invitant à l'aider dans ses nouvelles tâches ; elle est toujours " au placard " sans entourage professionnel ce qui caractérise une atteinte grave à ses droits et à sa dignité et un traitement dégradant et humiliant ; toutes ses fonctions d'encadrement, mission-clé comme en témoigne la fiche de poste ministérielle ont été supprimées ; les unités Gynécologie-urgences et consultations externes lui ont été retirées et confiées à la cadre responsable des unités d'orthogénie et d'échographie ; depuis le 23 septembre 2013, aucune tâche ne lui est confiée ; ses codes d'accès aux logiciels de travail ont été supprimés ; sa nouvelle fiche de poste est créée pour les besoins de la cause ; elle a été affectée sans autres précisions à ce pôle ; par un courrier du 17 septembre 2014, le représentant syndical s'en est ému auprès du CHU ; sa fiche de paye mentionne toujours son ancienne affectation ; alors qu'elle se trouve en position d'activité, elle n'exerce pas ses fonctions de façon effective et a fait l'objet d'une sanction déguisée ; elle a fait également l'objet d'annotations illégales sur ses fiches de notation de l'année 2014 ; en décembre 2003, son nom a été enlevé de sa boite aux lettres, elle ne reçoit plus aucun courrier et ne dispose d'aucun moyen logistique ou humain pour travailler à l'exception des travaux inutiles et illégaux tels la modification des référentiels nationaux ; la maternité compte deux unités, diagnostic prénatal et consultations externes qui ne produisent pas de RUM, dans lesquelles elle pourrait être affectée ; l'ordre national des sages-femmes estimé que le codage et la saisie des RUM incombent aux médecins en vertu notamment des articles R. 6113-1 et R. 6113-4 du code de la santé publique ; l'ordre donné aux sages-femmes de procéder à ces opérations délicates est manifestement illégal et de nature à compromettre un intérêt public, alors même que ses confrères l'exécutent ;
- après avoir été menacée de sanction par courrier du 18 mars 2013, elle subit un harcèlement moral ayant pour objet de la pousser à la démission ; le courrier du chef de pôle du 17 février 2014 lui enjoignant de quitter le local des consultations externes est particulièrement vexatoire.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 mai 2016, le CHU de la Guadeloupe, représenté par MeB..., demande à la cour d'annuler le jugement n°s 1400164, 1400564 du 26 février 2015 en tant qu'il a annulé le refus de réintégration de Mme E...et a mis à sa charge une indemnité de 1 000 euros, de rejeter l'intégralité des demandes de Mme E...et de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- c'est à tort que le tribunal a annulé la décision du 18 décembre 2013 ; la demande de protection fonctionnelle a été adressée le 15 octobre 2013, reçue le 18 octobre suivant, ce qui a fait naître une décision implicite de rejet le 18 décembre 2013 qui n'entrait pas dans le champ d'application des cas prévus par l'article R. 421-3 du code de justice administrative ; la demande formée le 12 juin 2014 auprès du tribunal était donc tardive ; le défaut de réponse au courrier du 17 février 2014 n'a pu rouvrir le délai de recours ;
- l'intéressée qui refusait d'appliquer les consignes a fait l'objet, le 24 septembre 2013, d'une mesure d'ordre intérieur nécessitée par la réorganisation du service elle-même occasionnée par ce refus et ne peut être regardée ni comme une sanction disciplinaire, ni comme une mesure prise en considération de la personne ;
- l'intéressée ayant été réintégrée, sa demande à cette fin est sans objet ;
- l'intéressée qui refusait d'exécuter des ordres légaux n'a subi ni harcèlement ni " mise au placard " ; elle dispose d'un bureau et de moyens et a conservé sa rémunération ; la suppression des codes d'accès de son ancien bureau est une mesure liée à la réorganisation du service tirant les conséquences de ce refus ; le fait que le responsable du département informatique ait qualifié cette démarche de cavalière est inopérant ; la requérante se borne à communiquer un arrêt de travail pour " épuisement " et ne produit aucun témoignage et aucun rapport du comité d'hygiène et de sécurité ou de la direction de la qualité et des relations avec les usagers ; la simple mésentente avec son supérieur hiérarchique et la demande de libération des locaux adressée par le chef de pôle ne traduisent aucun harcèlement ;
- la requête est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir contre une mesure d'ordre intérieur ;
- la décision du 21 mai 2014 répond à la demande formée le 17 février 2014 par l'intéressée qui a reçu une affectation conforme à son grade.
Par ordonnance du 2 mai 2015, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 6 juin 2016.
Un mémoire présenté par le CHU de la Guadeloupe a été enregistré le 16 juin 2016.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 89-611 du 1er septembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau,
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant le centre hospitalier universitaire (CHU) de Guadeloupe.
Considérant ce qui suit ;
1. Sage-femme cadre depuis l'année 2003, affectée au service de gynécologie-obstétrique de l'un des établissements du centre hospitalier universitaire (CHU) de Guadeloupe, Mme E...a persisté en dépit des rappels adressés par la direction les 19 janvier 2012, 19 septembre 2012 et 18 mars 2013 dans son refus de procéder à la saisie informatique des résumés d'unité médicale (RUM), indiquant à l'administration, notamment par un courrier du 22 avril 2013 adressé par son conseil, que ces tâches n'entraient pas dans ses attributions. Le 24 septembre 2013, le chef de Pôle a pris une note de service l'affectant au pôle parent-enfant. Le 15 octobre suivant, s'estimant victime de harcèlement, Mme E...a présenté une demande de protection fonctionnelle assortie d'une demande de réintégration dans ses fonctions de responsable d'unité. Par deux requêtes, elle a saisi le tribunal administratif de Basse-Terre d'une demande d'annulation de la décision implicite de rejet née le 18 décembre 2013 du silence gardé par le CHU de Pointe-à-Pitre sur sa demande reçue le 18 octobre 2013 tendant à la réintégration dans ses fonctions antérieures de sage-femme, responsable de l'unité d'orthogénie et du centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, d'une demande d'annulation de la décision lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle en raison du harcèlement moral qu'elle estimait subir et d'une demande tendant à la condamnation de l'établissement à lui payer une indemnité de 30 000 euros. Par une ordonnance du 26 mars 2014, le juge des référés du même tribunal, également saisi, a suspendu l'exécution de la décision de refus de réintégration et a enjoint la réintégration de l'intéressée dans ses fonctions de sage-femme cadre au centre hospitalier. Par une décision n° 2014/155 du 21 mai 2014, prise en application de cette ordonnance, Mme E...a été maintenue dans ses fonctions au pôle parents-enfants et invitée à un entretien le 4 juin suivant par le directeur des ressources humaines. Saisi le 28 avril 2014 sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative d'une demande d'exécution du jugement, le juge des référés a par une ordonnance du 4 juin suivant, estimé que l'intéressée avait été réintégrée dans ses fonctions et rappelé que l'appréciation de l'équivalence des emplois ne relevait pas de son office. Par un jugement n° 1400164, 140056 du 26 février 2015, le tribunal administratif de Basse-Terre, après avoir joint les demandes de MmeE..., a annulé le refus de réintégration comme présentant le caractère, non d'une mutation dans l'intérêt du service, mais d'une sanction déguisée non assortie des garanties de la procédure disciplinaire et a condamné le centre hospitalier à payer à la requérante une indemnité de 1 000 euros en réparation du préjudice occasionné par l'illégalité de cette décision ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, puis a rejeté le surplus de ses demandes.
2. Par une requête enregistrée sous le n° 15BX01440, Mme E...relève appel de ce jugement n° 1400164, 1400564, en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses demandes et porte respectivement à 40 000 euros et à 2 710 euros les indemnités sollicitées au titre du harcèlement moral et de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983. Par la voie de l'appel incident, le CHU de Pointe-à-Pitre en demande l'annulation en tant qu'il a annulé le refus de réintégration et a mis à sa charge une indemnité. Par une seconde requête enregistrée sous le n° 15BX01588, Mme E...relève appel du jugement n° 1400963 rendu le même jour par le tribunal administratif de Basse-Terre en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 21 mai 2014, assortie d'une demande d'injonction de réintégration dans ses attributions de responsable d'unité. Il y a lieu de joindre ces requêtes, qui ont fait l'objet d'une instruction commune, pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la décision du 21 mai 2014 maintenant l'affectation au pôle parents-enfants :
3. Tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir une affectation correspondant à son grade. Aux termes de l'article 12 de la loi du 13 juillet 1983 : " Le grade est distinct de l'emploi. Le grade est le titre qui confère à son titulaire vocation à occuper l'un des emplois qui lui correspondent ". Aux termes de l'article 3 du décret du 1er septembre 1989 portant statut particulier des sages-femmes de la fonction publique hospitalière en vigueur jusqu'au 27 décembre 2014 : " Les sages-femmes cadres sont des cadres hospitaliers dont le rôle et les missions générales sont définis par le présent statut particulier. Les sages-femmes cadres assistent, selon le cas, le praticien responsable d'un pôle d'obstétrique pour l'organisation, la gestion et l'évaluation des activités qui relèvent de leurs compétences. ". Aux termes de l'article 6 du même décret : " Les sages-femmes cadres sont chargées de fonctions d'encadrement correspondant à leur qualification : elles les exercent soit dans les services hospitaliers, soit dans les écoles relevant d'établissements d'hospitalisation publics préparant au diplôme d'Etat de sage-femme. ".
4. Si l'intéressée mutée d'office, a fait l'objet d'une sanction déguisée non assortie des garanties de la procédure disciplinaire, l'administration était à même de reprendre la même décision en respectant la formalité dont l'absence a entraîné l'illégalité constatée par le jugement n° 1400164, 1400564 du 26 février 2015. Il est constant que MmeE..., affectée sur le même site et la même autorité hiérarchique du cadre supérieur, n'a subi aucune perte financière. Elle ne conteste pas non plus sérieusement que ni ses droits statutaires, ni ses perspectives de carrière ne sont affectés. Si elle n'a pas conservé les mêmes fonctions et soutient avoir subi de ce fait un déclassement, ni la fiche de poste de la sage-femme cadre de santé qui, si elle mentionne, pour les responsables d'unité, des fonctions de gestion d'une équipe et de coordination des activités de l'unité, indique également " Il impulse et a des activités de recherche ", ni les dispositions applicables du statut ou du code de la santé publique, ni aucun autre texte ou principe général ne s'opposent à ce que l'administration affecte une sage-femme cadre dans un emploi autre que celui de responsable d'unité. La décision contestée du 21 mai 2014 attribue à l'intéressée des missions de " propositions de mise en oeuvre de la circulaire n° DGOS/RH4/2014-92 du 10 avril 2014, (et de) veille sur les textes actuels régissant l'activité de sage-femme, (ainsi que de) recueil des besoins et (d') assistance à la formation des sage femmes du pôle ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces missions ne correspondraient pas aux missions, qualifications et responsabilités afférentes au statut des sages-femmes. Contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance que ses bulletins de salaire fassent encore état de son affectation antérieure au service de gynécologie-obstétrique, celle encore et à la supposer établie qu'elle ne recevrait plus d'informations " importantes ", ne révèlent pas l'existence d'une affectation fictive sur un poste budgétaire créé pour les besoins de la cause, sans moyen pour exercer ses missions. La circonstance à la supposer établie que Mme E...aurait pu bénéficier d'une autre affectation en qualité de responsable de l'une des deux unités qui ne sont pas chargées de la saisine des RUM ne révèle aucune illégalité de la décision d'affectation en cause.
5. Il en résulte que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 1400963 du 26 février 2015, le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 mai 2014 la maintenant dans ses fonctions au pôle parents-enfants. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, tendant à ce que la cour enjoigne sa réintégration dans des fonctions de responsable d'unité, ne peuvent être accueillies.
Sur le harcèlement moral :
6. Aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction applicable : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté... ". Ces dispositions établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles l'agent est exposé, mais aussi d'assurer à celui-ci une réparation adéquate. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
7. La loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 a introduit dans la loi du 13 juillet 1983 un article 6 quinquies, entré en vigueur le 19 janvier 2002, aux termes duquel " aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter en cas de doute en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour être qualifiés de harcèlement moral, les agissements en cause doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles n'est pas constitutive de harcèlement moral.
8. Dans un souci d'organisation du service et de suivi des patients, il a été demandé à chaque sage-femme cadre de prendre en charge le codage et la saisine des RUM. Si Mme E...soutient qu'à compter de son refus, elle a été privée de toute tâche, l'existence d'une affectation " purement fictive " n'est, ainsi qu'il a été dit, pas établie. Aucun des éléments invoqués, notation des années 2013 et 2014, absence de boite à courrier à son nom au service de gynécologie-obstétrique, plainte avec constitution de partie civile déposée en mai 2014 pour harcèlement moral, interception et détournement de correspondances électroniques et courrier du 17 septembre suivant, au demeurant postérieur à la décision contestée, adressé par un représentant syndical, ne sont susceptibles de faire présumer l'existence du harcèlement allégué. Si elle révèle à tout le moins l'existence de graves conflits avec sa hiérarchie d'où résulte la situation de blocage qui nécessiterait le cas échéant l'intervention d'un médiateur, la circonstance que l'état de santé de Mme E...a été affecté par son environnement professionnel ne suffit pas à apporter cette présomption. Au surplus et en tout état de cause, il est constant qu'en dépit des mises en garde répétées dont elle a fait l'objet, l'intéressée a persisté dans son refus d'exécuter les instructions de son chef de pôle qui, contrairement à ce qu'elle soutient n'étaient pas " manifestement illégales " et ne pouvaient, en dépit de possibles erreurs de codage, " compromettre gravement un intérêt public ". Compte tenu notamment de ces éléments, dans les circonstances de l'affaire, il peut être regardé comme établi en défense que, s'ils sont parfois confus ou maladroits, les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement, notamment par l'intérêt du service et ne constituent pas, dans les circonstances dans lesquelles ils sont intervenus, des mesures excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Aucune situation de harcèlement caractérisée par des agissements vexatoires répétés même sur une période relativement brève n'étant caractérisée à la date à laquelle elle était saisie, l'autorité administrative a pu légalement refuser le bénéfice de la protection fonctionnelle à MmeE.... Par voie de conséquence, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 1400164, 1400564, le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande dirigée contre la décision implicite de rejet née le 17 avril 2014 sur sa demande de protection fonctionnelle.
9. En l'absence d'illégalité fautive de la décision contestée et, plus généralement, de tout harcèlement susceptible de lui ouvrir droit à réparation, Mme E...n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté ses conclusions tendant à l'allocation d'indemnités en réparation du préjudice occasionné par le harcèlement allégué et en application de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983.
Sur l'appel incident :
10. L'appel incident du CHU de la Guadeloupe, qui n'a saisi la cour que le 2 mai 2016, plus de deux mois après la date de notification du jugement, postérieurement au délai d'appel, tend à contester l'annulation pour excès de pouvoir par le tribunal administratif du refus implicite de réintégrer Mme E...et soulève un litige distinct de celui relatif à l'indemnisation des conséquences de cette décision. Il n'est dès lors pas recevable.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée, qui aurait un caractère frustratoire, que les requêtes n° 15BX01588 et 15BX01440 présentées par Mme E...et l'appel incident du CHU de la Guadeloupe doivent être rejetés.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge du CHU de la Guadeloupe, qui n'est pas pour l'essentiel la partie perdante, les sommes que demande Mme E...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'affaire, de condamner Mme E...à payer au CHU de la Guadeloupe les sommes que celui-ci demande sur le même fondement.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes n°s 15BX01588 et 15BX01440 présentées par Mme E...sont rejetées.
Article 2 : L'appel incident formé par le centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe sous le n° 15BX01440 et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...et au centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Gil Cornevaux, président assesseur,
Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juillet 2017.
Le rapporteur,
Marie-Thérèse Lacau Le président,
Elisabeth Jayat Le greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 15BX01440,15BX01588