Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 18 septembre 2013 par lequel le président de la région Poitou-Charentes lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois jours et de condamner la région Poitou-Charentes à lui payer une indemnité de 5 000 euros.
Par un jugement n° 1302563 du 7 janvier 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 mars 2015, un mémoire et des pièces présentées les 10 juin 2017, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 janvier 2015 du tribunal administratif de Poitiers et d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 septembre 2013 ;
2°) de condamner la région Poitou-Charentes à lui payer l'indemnité sollicitée et la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les quatre pièces auxquelles se référait le courrier du 8 février 2013 n'y étaient pas annexées ; l'autorité disciplinaire a délibérément tardé à lui remettre son dossier, dont il n'a pu obtenir une copie complète qu'après avoir saisi la commission d'accès aux documents administratifs ; les pièces transmises ne permettent pas de caractériser les griefs, dont le juge ne peut apprécier la matérialité ; le dossier ne comportait notamment aucune plainte d'élève et le courrier du 14 janvier 2013 d'un médecin du travail n'y figurait pas ; il n'a pas été mis en mesure de se défendre ;
- la matérialité des griefs n'est pas établie ; le compte-rendu de l'entretien du 13 mars 2013 est incomplet et partial ; le coordonnateur de restauration a adressé un courriel énumérant les dysfonctionnements relevés du 12 au 30 novembre 2012 sans lui en avoir préalablement parlé ; les difficultés proviennent de la nécessité de gérer une affluence irrégulière ; les préparations présentées la veille ont toujours été jetées à la fin du service ; il a participé au repas de La Poste ; le coordonnateur a confondu les quantités de pâtes cuites et non cuites ; il y a lieu de prendre en compte les goûts des élèves ; l'ajout d'entrées non prévues au menu visait à éviter le gaspillage ; le second de cuisine a commis des erreurs de calcul des portions ; les connaissances culinaires du coordonnateur de restauration ne peuvent être comparées aux siennes ; les contraintes logistiques, notamment les variations importantes du flux des élèves en fonction des variations des emplois du temps ne peuvent lui être reprochées ; au-delà de 400 élèves, la capacité d'absorption est saturée et il a alerté sa hiérarchie à ce sujet ; en ce qui concerne son absence, il est mis à contribution pour pallier les absences des agents contractuels ; cette journée s'est déroulée sans difficultés ; l'agent chef n'est pas habilité à lui donner des ordres ; il a respecté le planning prévu ce jour ; l'attestation non conforme à l'article 202 du décret du 5 décembre 1975 ne constitue pas une preuve ; les consignes sont contraires tant à ses missions de gestion de l'approvisionnement dans le respect du budget qu'aux préconisations du gouvernement en matière de lutte contre le gaspillage ;
- la sanction est disproportionnée ;
- elle est dépourvue de base légale et lui a occasionné un préjudice ;
- le harcèlement subi, établi tant par le courrier du 14 janvier 2013 du médecin du travail que par la dégradation de son état de santé justifie l'allocation d'une indemnité de 5 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2015, la région Poitou-Charentes conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. B... à lui payer la somme de 700 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'intéressé, mis à même de consulter son dossier à tout le moins le 4 juillet 2013, a bénéficié d'un délai suffisant ; les plaintes ont été formées directement auprès du proviseur dont le témoignage ne peut être mis en cause, pas plus que le compte rendu de l'entretien du 13 mars ; M.B..., qui avait déjà fait l'objet de rappels à l'ordre et d'une sanction disciplinaire, a persisté à préparer des quantités insuffisantes ou à resservir les plats de la veille ; la volonté de lutter contre le gaspillage ne justifie pas le refus d'obéissance, qui est établi ;
- l'absence irrégulière est également établie ; l'agent chef avait prévenu l'intéressé que sa présence était indispensable le matin ; il a été agressé verbalement le lendemain ;
- M. B...bénéficie d'un accompagnement et d'un stage dans un autre établissement ; il n'apporte aucun élément permettant de caractériser un harcèlement moral et produit un courrier du médecin du travail contestant des modes de management qui n'ont affecté que l'intéressé ;
- le service juridique a consacré 3 jours de travail, compte non tenu du secrétariat, à la présente instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau,
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant M.B....
Considérant ce qui suit :
1. Adjoint technique territorial de première classe des établissements d'enseignement, affecté dans un lycée en qualité de chef de cuisine, M. B...s'est vu infliger par un arrêté du 18 septembre 2013 du président de la région Poitou-Charentes la sanction d'exclusion temporaire pendant trois jours. Il relève appel du jugement du 7 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette sanction et à la condamnation de la région Poitou-Charentes à lui payer une indemnité de 5 000 euros en réparation du préjudice occasionné par les agissements de harcèlement moral qu'il estimait avoir subis.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, l'article 4 du décret du 18 septembre 1989 impose à l'autorité disciplinaire d'informer par écrit l'agent de la procédure disciplinaire engagée à son encontre, de lui préciser les faits reprochés et de l'informer de son droit à la communication intégrale de son dossier en lui laissant un délai suffisant pour prendre connaissance de ce dossier, composé de pièces numérotées, et organiser sa défense. Par un courrier du 8 février 2013, M. B... a été informé de son droit à obtenir la communication intégrale de son dossier. S'il soutient que les quatre pièces auxquelles se référait ce courrier n'y étaient pas annexées, il est constant que ces pièces, précédent courrier du 5 décembre, compte-rendu de la réunion du 18 décembre, témoignage et liste des anomalies constatées du 12 au 30 novembre, lui ont été transmises le 4 juillet 2013 suite à l'avis favorable émis le même jour par la commission d'accès aux documents administratifs. Si le requérant soutient que l'autorité disciplinaire a sciemment retardé la transmission de ces pièces, il ressort des pièces du dossier qu'il a disposé de plus de deux mois pour préparer sa défense. S'il fait valoir, enfin, que son dossier dépourvu de pièces permettant de " caractériser " les griefs, ne comprenait pas notamment le courrier adressé en sa faveur par le médecin du travail le 14 janvier 2013 à la région et les plaintes de deux élèves, il ne conteste pas sérieusement avoir été mis à même de se défendre utilement.
3. En second lieu, l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 prévoit que toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire. En vertu de l'article 28 de la même loi, tout fonctionnaire, responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées, doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. L'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 prévoit quatre groupes de sanctions et, pour les sanctions du premier groupe : " l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ". Le moyen tiré sans autres précisions du défaut de " base légale et règlementaire " de la sanction en cause ne peut qu'être écarté.
4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
5. L'autorité disciplinaire a reproché à M. B... les dysfonctionnements relevés dans l'exercice de ses missions du 12 au 30 novembre 2012, une absence irrégulière le 12 décembre 2012 et la transgression répétée des consignes.
6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. B..., dont l'attention avait été attirée notamment les 24 octobre et 5 décembre 2012 sur l'insuffisance quantitative et qualitative des repas servis aux élèves et qui avait été en particulier invité à ne pas resservir un plat déjà proposé la veille, a réitéré ces manquements à plusieurs reprises du 12 au 30 novembre suivant. D'autre part, alors qu'il devait effectuer son service en deux fractions avec une pause en cours d'après-midi, il n'établit pas avoir été autorisé à ne reprendre ce service que le soir, alors qu'il est formellement contredit sur ce point par le témoignage non dépourvu de valeur probante du 17 décembre 2012. Il ne conteste pas sérieusement la matérialité du grief tiré de l'absence irrégulière le matin du 12 décembre 2012 en faisant valoir qu'aucune difficulté n'a entaché le déroulement de la journée et qu'il n'est pas responsable de l'absence de deux agents. La matérialité de ce grief est établie notamment par les mentions du compte-rendu de la réunion de service du 18 décembre 2012, confirmées par le témoignage écrit d'un agent que son absence de conformité aux prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile ne prive pas de toute valeur probante. En admettant que certaines des consignes en cause seraient contraires aux recommandations gouvernementales en matière de lutte contre le gaspillage, elles ne sont pas manifestement illégales au sens des dispositions rappelées ci-dessus de l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983. Malgré les difficultés de gestion des flux d'élèves dans un self-service et le gaspillage, pour regrettable qu'il soit et à le supposer établi, d'un cinquième de la production, le refus de se conformer à ces consignes constitue une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire. Eu égard tant à la manière de servir de M.B..., déjà été sanctionné quelques mois avant, le 3 janvier 2013, à raison, notamment, de faits similaires de désobéissance et en dépit des erreurs à les supposer établies également commises par son second cuisinier, la sanction du premier groupe d'exclusion temporaire de fonctions pendant trois jours, n'est pas disproportionnée.
7. Il est vrai que la matérialité de certains des griefs énoncés dans le courriel adressé le 18 décembre 2012 à l'intendant par le supérieur hiérarchique de M.B..., tels le " minimalisme " et le manque de sauce de certains plats, l'utilisation d'une écumoire et non d'une louche pour servir les légumes, le service d'entrées supplémentaires non prévues au menu, ou les insuffisances de la gestion des stocks de nourriture, n'est pas établie et que, pris isolément ou même dans leur ensemble, ces griefs véniels ne présenteraient pas un caractère de gravité de nature à justifier légalement justifier une sanction, même du premier groupe. Il résulte toutefois de l'instruction que si elle s'était seulement fondée sur les éléments mentionnés au point précédent, en particulier sur l'absence irrégulière du 12 décembre 2012, qui suffisaient à justifier légalement la décision, l'autorité disciplinaire aurait prononcé la même sanction.
Sur les conclusions indemnitaires :
8. Compte tenu de ce qui précède, la sanction infligée le 18 septembre 2013 n'est entachée d'aucune illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
9. La loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 a introduit dans la loi du 13 juillet 1983 un article 6 quinquies, entré en vigueur le 19 janvier 2002, aux termes duquel " aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Pour être qualifiés de harcèlement moral, les faits doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
10. M. B...allègue avoir subi un " acharnement " et des agissements répétés de harcèlement. Il produit un courrier adressé le 14 janvier 2013 à son employeur par le médecin du travail, qui l'ayant reçu le même jour, avait relevé des " indicateurs de souffrance psychosociale qui semble traduire un climat de travail tout à fait anormal : mise en cause en réunion devant les agents du service, injonctions paradoxales, ordres donnés puis démentis, mise en place d'une surveillance ... depuis des mois, volonté non cachée de vouloir se passer de ses services " et émettant de vives réserves sur " ces modes de management ". Cette analyse, certes circonstanciée mais fondée sur les seuls dires de M. B...sans être corroborée par aucun autre élément du dossier, ne saurait, dans les circonstances de l'affaire, faire présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral définis, indépendamment de l'article 6 quinquies précité, comme des agissements vexatoires répétés. Si elle révèle à tout le moins l'existence de conflits interpersonnels, aggravés notamment par un mode de management inadapté, la circonstance d'ailleurs non contestée que l'état de santé de M. B...a été affecté par son environnement professionnel et qu'il a été placé de ce fait en arrêt de travail, ne permet pas davantage d'apporter cette présomption, cet arrêt de travail n'ayant en tout état de cause pas été reconnu imputable au service.
11. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 8 à 10, aucune faute n'étant susceptible d'engager la responsabilité de la région Poitou-Charentes à l'encontre de M.B..., ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées.
12. Il résulte de tout de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses demandes.
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la région Poitou-Charentes, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée sur ce fondement. Si celle-ci, qui n'a pas eu recours au ministère d'un avocat, sollicite sur le même fondement, en invoquant le surcroît de travail imposé par le traitement du litige, l'allocation d'un montant de 700 euros, elle ne fait état d'aucun frais spécifiquement exposé par ses services pour assurer la défense de la collectivité. Ses conclusions à ce titre ne peuvent donc être accueillies.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et à la région Nouvelle Aquitaine.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Gil Cornevaux, président assesseur,
Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juillet 2017.
Le rapporteur,
Marie-Thérèse Lacau Le président,
Elisabeth Jayat Le greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 15BX00821