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30/06/2017 | FRANCE | N°17BX00296

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 30 juin 2017, 17BX00296


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 28 avril 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1603192 du 10 janvier 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les

27 janvier 2017 et 10 février 2017, M. A..., représenté par Me Escudier, avocat, demande à la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 28 avril 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1603192 du 10 janvier 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 janvier 2017 et 10 février 2017, M. A..., représenté par Me Escudier, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 janvier 2017 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour repose sur une erreur manifeste d'appréciation ; il est entré régulièrement sur le territoire français et a séjourné régulièrement sous couvert d'un titre de séjour mention " étudiant " jusqu'au 30 novembre 2013 ; il n'a pu solliciter le renouvellement de ce titre en raison de la perte de son passeport ; il vit en France depuis onze ans et y a tissé des liens ; il n'a pas revu les membres de sa famille vivant au Sénégal depuis onze ans et dispose d'attaches familiales en France, notamment trois de ses cousins dont il est proche ; il est parfaitement inséré dans la société française ; il a obtenu une licence en anglais et un master en communication, tout en travaillant dans les secteurs de la sécurité et de la restauration ; à l'issue de ses études, il a tenté de monter une start-up en communication ; il a un logement, sa situation financière est stable et il dispose d'une promesse d'embauche pour occuper un emploi à temps complet ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail en refusant de l'autoriser à travailler ; il dispose d'une promesse d'embauche comme agent de sécurité, métier qui connait des difficultés de recrutement, notamment dans la région toulousaine, et pour l'exercice duquel il justifie d'une expérience professionnelle, ayant été successivement employé par les agences Sedecom Sécurité, Polyservice et Midi Protect ; le préfet a méconnu les stipulations de l'article 2 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006, en vertu desquelles il avait droit, en tant qu'agent de sécurité, à une carte de séjour en qualité de salarié ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est privée de base légale ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français n'est pas motivée ;

- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée, et sa rédaction révèle l'absence d'examen de sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 avril 2017, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête. Il soutient que les décisions attaquées ne sont entachées d'aucune illégalité.

Par une ordonnance du 13 mars 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 24 avril 2017 à 12 heures.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la circulation et le séjour des personnes ;

- l'accord du 23 septembre 2006 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires et l'avenant à cet accord signé le 25 février 2008 ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant sénégalais né le 5 juin 1982, est entré régulièrement en France le 21 octobre 2005 et a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étudiant dont il a obtenu le renouvellement jusqu'au 30 novembre 2013. Il a sollicité le 20 mars 2015 son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 28 avril 2016, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A...relève appel du jugement n° 1603192 du 10 janvier 2017 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 susvisé, dans sa rédaction issue du point 31 de l'avenant signé le 25 février 2008 : " Un ressortissant sénégalais en situation irrégulière en France peut bénéficier, en application de la législation française, d'une admission exceptionnelle au séjour se traduisant par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant : - soit la mention "salarié" s'il exerce l'un des métiers mentionnés dans la liste figurant en annexe IV de l'Accord et dispose d'une proposition de contrat de travail ; / - soit la mention "vie privée et familiale" s'il justifie de motifs humanitaires ou exceptionnels ". Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ".

3. Les stipulations du paragraphe 42 de l'accord du 23 septembre 2006, dans sa rédaction issue de l'avenant signé le 25 février 2008 renvoyant à la législation française en matière d'admission exceptionnelle au séjour des ressortissants sénégalais en situation irrégulière, rendent applicables à ces ressortissants les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet, saisi d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour par un ressortissant sénégalais en situation irrégulière, est conduit, par l'effet de l'accord du 23 septembre 2006 modifié, à faire application des dispositions de l'article L. 313-14 du code précité.

4. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

5. D'une part, le requérant fait valoir qu'il séjourne en France depuis onze années, qu'il est inséré et dispose d'attaches familiales sur le territoire français, à savoir trois de ses cousins. Cependant, l'intéressé, qui a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étudiant jusqu'en 2013, n'a été autorisé à séjourner sur le territoire qu'à titre temporaire, aux fins de mener ses études. De plus, il est célibataire et sans charge de famille et n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Sénégal, où vivent ses parents et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de 23 ans. D'autre part, si l'intéressé justifie d'une expérience professionnelle comme agent de sécurité, la promesse d'embauche en qualité d'agent de sécurité qu'il produit a été établie le 24 janvier 2017, postérieurement à l'arrêté attaqué, et le requérant n'avait produit à l'appui de sa demande de titre de séjour qu'une promesse d'embauche du 27 avril 2015 en qualité d'attaché commercial. Dans ces conditions, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'intéressé ne faisait pas état de motifs exceptionnels justifiant son admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte de séjour " vie privée et familiale " ou " salarié ".

6. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 321 de l'article 3 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 modifié par l'article 2 de l'avenant du 25 février 2008, entré en vigueur 1er août 2009 : " (...) La carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", d'une durée de douze mois renouvelable, ou celle portant la mention " travailleur temporaire " sont délivrées, sans que soit prise en compte la situation de l'emploi, au ressortissant sénégalais titulaire d'un contrat de travail visé par l'Autorité française compétente, pour exercer une activité salariée dans l'un des métiers énumérés à l'annexe IV. / Lorsque le travailleur dispose d'un contrat à durée déterminée, la durée de la carte de séjour est équivalente à celle du contrat. / Lorsque le travailleur dispose d'un contrat à durée indéterminée, la carte de séjour portant la mention " salarié " devient, selon les modalités prévues par la législation française, une carte de résident d'une durée de dix ans renouvelable. / Les ressortissants sénégalais peuvent travailler dans tous les secteurs d'activité s'ils bénéficient d'un contrat de travail (...) ". Au nombre des métiers énumérés à l'annexe IV de l'accord modifié figure celui d'agent de sécurité. Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. / Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2. ". Enfin, aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes de placement concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail / 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions combinées avec les stipulations précitées du paragraphe 321 de l'article 3 de l'accord franco-sénégalais que, pour examiner une demande d'autorisation de travail d'un ressortissant sénégalais, il incombe à l'administration de se fonder tant sur ces stipulations que sur l'ensemble des critères afférents à l'examen de la situation de cet étranger, à l'exception de la situation de l'emploi visée au 1° de l'article R. 5221-20 dans le cas où le métier envisagé figure sur la liste annexée à l'accord modifié du 23 septembre 2006.

8. M. A...fait valoir qu'il justifie d'une promesse d'embauche en qualité d'agent de sécurité, métier qui figure au nombre des métiers énumérés à l'annexe IV de l'accord franco-sénégalais, de sorte que le préfet aurait méconnu les dispositions précitées en refusant de l'autoriser à travailler et de lui délivrer un titre de séjour " salarié ". Il ressort cependant des pièces du dossier que le requérant, qui avait uniquement demandé son admission exceptionnelle au séjour, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations du paragraphe 321 de l'article 3 de l'accord franco-sénégalais. Au surplus, et ainsi qu'il a été dit au point 5, M. A...ne se prévalait pas, à l'appui de sa demande de titre de séjour, d'une promesse d'embauche en qualité d'agent de sécurité. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut ainsi, et en tout état de cause, qu'être écarté.

9. En troisième lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

10. En quatrième lieu, il ressort des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la motivation d'une décision portant obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour, dont elle découle nécessairement, et n'implique par conséquent pas de motivation spécifique pour respecter les exigences de motivation. Le préfet a motivé, en fait et en droit, la décision de refus de séjour, et a visé le 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui l'habilite à assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision d'éloignement ne peut ainsi être accueilli.

11. En cinquième lieu, il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient le requérant, le refus de séjour et la mesure d'éloignement ne sont pas entachés d'illégalité. Le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de renvoi ne peut dès lors qu'être écarté.

12. En dernier lieu, la décision contestée vise notamment l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionne que M. A...n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à ces stipulations en cas de retour dans son pays d'origine. Cette décision est, par suite, suffisamment motivée, et sa rédaction révèle que le préfet s'est livré à un examen particulier de la situation personnelle du requérant.

13. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de l'intéressé aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera à M. B...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2017 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 juin 2017.

Le rapporteur,

Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,

Aymard de MALAFOSSE

Le greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX00296


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00296
Date de la décision : 30/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre DUPUY
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : ESCUDIER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-06-30;17bx00296 ?
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