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27/06/2017 | FRANCE | N°15BX03975

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 27 juin 2017, 15BX03975


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...A...E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'ordonner une expertise aux fins d'évaluer les préjudices subis du fait d'une aggravation de son état depuis la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), par arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 27 juin 2012, à l'indemniser des préjudices subis du fait de sa contamination au virus de l'hépatite C et de mettre à la charge de l'ONIAM une provis

ion de 4 000 euros au titre des préjudices liés à l'évolution de sa patho...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...A...E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'ordonner une expertise aux fins d'évaluer les préjudices subis du fait d'une aggravation de son état depuis la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), par arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 27 juin 2012, à l'indemniser des préjudices subis du fait de sa contamination au virus de l'hépatite C et de mettre à la charge de l'ONIAM une provision de 4 000 euros au titre des préjudices liés à l'évolution de sa pathologie.

Par un jugement n°1404969 en date du 20 octobre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2015, des pièces nouvelles enregistrées le 1er mars 2017 et un mémoire récapitulatif enregistré le 2 mars 2017, M. F...A...E..., représenté par la selarl Coubris, Courtois et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 20 octobre 2015 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'ordonner une expertise aux fins d'évaluer les préjudices subis du fait d'une aggravation de son état depuis la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), par arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 27 juin 2012, à l'indemniser des préjudices subis du fait de sa contamination au virus de l'hépatite C ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM une provision de 4 000 euros au titre des préjudices liés à l'évolution de sa pathologie ;

4°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son état de santé s'est aggravé depuis l'arrêt du 10 décembre 2007 de la cour d'appel de Bordeaux qui l'a indemnisé des préjudices consécutifs à sa contamination par le virus de l'hépatite C contracté à l'occasion de transfusions sanguines réalisées en 1986 ;

- il justifie d'une nette augmentation du résultat du fibroscan ainsi que de l'apparition d'une thrombopénie, laquelle est une manifestation extra-hépatique associée à l'infection par le VHC ;

- il est également victime de varices oesophagiennes nécessitant plusieurs interventions chirurgicales ;

- il a également souffert d'une dépression nécessitant un suivi psychiatrique et un traitement médicamenteux.

Par des mémoires, enregistrés les 24 février 2016 et 18 mai 2017, l'ONIAM, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que l'état de santé du requérant ne s'est pas aggravé depuis son indemnisation.

Par des mémoires, enregistrés le 21 mars et le 6 juillet 2016, la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) de lui donner acte qu'elle ne s'oppose pas à la demande d'expertise ;

2°) d'appeler en la cause l'Etablissement français du sang (EFS) ;

3°) de lui donner acte de ce qu'elle se réserve le droit de faire valoir sa créance à l'égard des tiers responsables ;

4°) de mettre à la charge de toute partie succombant dans la présente instance la somme de 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'il apparaît nécessaire de mettre en cause l'EFS dès lors qu'elle dispose d'une action subrogatoire contre lui.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 juin et 26 août 2016, l'Etablissement français du sang, représenté par MeC..., conclut :

1°) à sa mise hors de cause, dès lors que la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde est irrecevable et non fondée ;

2°) au rejet de la requête ;

3°) à la mise à la charge de M. A...E...d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- l'ONIAM est substitué à l'EFS ;

- la demande de la caisse primaire d'assurance maladie à son encontre est irrecevable faute d'avoir été précédée d'une demande préalable ;

- il ne saurait lui être demandé d'apporter une preuve négative sur l'assurance des établissements ayant délivré les produits sanguins ;

- l'expertise demandée ne présente aucune utilité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Philippe Delvolvé ;

- et les conclusions de M. David Katz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. F...A...E...a demandé réparation des préjudices que lui a causés sa contamination par le virus de l'hépatite C (VHC), découverte le 22 mai 2002, imputée aux transfusions sanguines qui lui ont été administrées à l'occasion de l'intervention chirurgicale réalisée au centre hospitalier de Bordeaux à la suite d'un accident de la circulation survenu en 1986. Par un arrêt en date du 27 juin 2012, devenu définitif, la cour d'appel de Bordeaux, a condamné l'ONIAM, substitué à l'Etablissement Français du Sang, à lui verser une indemnité de 71 501,16 euros. Estimant que sa pathologie s'était aggravée depuis l'état de santé décrit par le rapport d'expertise, déposé en 2004, sur lequel se serait seulement fondé l'arrêt de la cour, M. A... E...a présenté à l'ONIAM une réclamation préalable tendant au versement d'une indemnité supplémentaire qui a été rejetée par décision du 7 octobre 2014. M. A...E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de diligenter une mesure d'expertise et de lui allouer une provision de 4 000 euros à valoir sur la liquidation des préjudices liés à l'aggravation de sa pathologie. Il relève appel du jugement du 20 octobre 2015 de ce tribunal qui a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, l'article L. 1221-14 du code de la santé publique pose le principe selon lequel les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite B ou C ou le virus T-lymphotropique humain causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang sont indemnisées au titre de la solidarité nationale par l'ONIAM.

3. En second lieu, si la victime d'une contamination par le VHC, qui s'est vu reconnaître un droit à l'indemnisation au titre de la solidarité nationale et qui a bénéficié d'une indemnisation amiable ou contentieuse au regard des conséquences dommageables de sa pathologie, demande la réparation de préjudices supplémentaires qu'elle estime avoir subis, il lui appartient alors de faire état d'éléments circonstanciés, notamment d'ordre médical, attestant de l'aggravation de son état de santé en lien direct avec le caractère évolutif de cette pathologie.

4. Si la cour d'appel de Bordeaux a, par l'arrêt précité du 27 juin 2012, pris en compte, pour fixer le montant de l'indemnisation due à la date de l'arrêt, non seulement l'évolution de l'état de santé de ce dernier depuis l'année de sa contamination mais aussi le fait que

M. A...E...souffrait d'une pathologie évolutive s'agissant d'une hépatique chronique au stade d'une cirrhose active, consolidée mais non guérie, elle n'a toutefois pas pu indemniser les conséquences non prévisibles de cette affection. Il résulte de l'instruction que le requérant a, depuis l'arrêt de 2012, notamment subi des opérations chirurgicales consistant en une ligature de varices oesophagiennes et plusieurs hospitalisations. Il a, en outre, été suivi pour une dépression. Le requérant apporte suffisamment d'éléments rendant vraisemblables l'existence d'un lien de causalité entre ces troubles et sa contamination par le virus de l'hépatite C et apporte ainsi la preuve de l'utilité d'une expertise tendant à déterminer la nature et l'étendue de l'aggravation des préjudices subis par lui depuis l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 27 juin 2012, que l'état de l'instruction ne permet pas de déterminer.

5. En l'état de l'instruction, ni le lien de causalité entre les troubles subis par M. A...E...et sa contamination par le virus de l'hépatite C ni l'étendue des préjudices subis ne sont établis avec un degré suffisant de certitude justifiant la condamnation de l'ONIAM à lui verser une provision à valoir sur l'indemnisation qui lui sera, le cas échéant, due.

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions de la requête de M. A...E...tendant à la condamnation de l'ONIAM à lui verser une provision sont rejetées.

Article 2 : Avant de statuer sur le bien-fondé du surplus des conclusions de la requête de M. F... A...E...et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, il sera procédé à une expertise médicale contradictoire en présence de M. A...E..., de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, de l'Etablissement français du sang et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde.

Article 3 : L'expert aura pour mission :

1°) de prendre connaissance du dossier médical et de tous documents concernant M. A...E...et d'examiner ce dernier ;

2°) de décrire son état de santé actuel ;

3°) de préciser les traitements spécifiques dont il a fait l'objet ainsi que leur résultat ;

4°) de donner tous éléments utiles d'appréciation des préjudices subis par la victime, en relation directe avec sa contamination par le virus de l'hépatite C, depuis l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 14 juin 2012 ;

6°) de proposer l'évaluation, le cas échéant, d'un préjudice esthétique, de souffrances physiques endurées, d'un préjudice d'agrément et de déterminer la durée et le taux du déficit fonctionnel temporaire et le taux du déficit fonctionnel permanent, ainsi que le montant d'un préjudice matériel ;

5°) de préciser dans quelle mesure l'état de la victime est susceptible de modification, en aggravation ou amélioration.

Article 4 : Pour l'accomplissement de sa mission, l'expert pourra se faire remettre, en application de l'article R. 621-7-1 du même code, tous documents utiles et notamment, tous ceux relatifs aux examens et soins pratiqués sur l'intéressé.

Article 5 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Après avoir prêté serment, il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président de la cour.

Article 6 : Conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 621-9 du code de justice administrative, l'expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires dans le délai fixé par le président de la cour dans la décision le désignant. Il en notifiera une copie à chacune des parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique.

Article 7 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...A...E..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à l'Etablissement français du sang et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Gil Cornevaux, président-assesseur,

M. Philippe Delvolvé, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 juin 2017.

Le rapporteur,

Philippe DelvolvéLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme,

Le greffier

Vanessa Beuzelin

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No 15BX03975


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX03975
Date de la décision : 27/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-005 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité sans faute.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Philippe DELVOLVÉ
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : CABINET COUBRIS, COURTOIS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-06-27;15bx03975 ?
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