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27/06/2017 | FRANCE | N°15BX03090

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 27 juin 2017, 15BX03090


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Cayenne d'annuler la décision en date du 16 mai 2014 par laquelle le vice-recteur de la Polynésie française a rejeté sa demande d'affectation dans un établissement scolaire de Polynésie et de confirmer son départ pour l'établissement auquel il avait été affecté par une décision en date du 26 mars 2014.

Par un jugement n°1400830 en date du 15 juillet 2015, le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa requête.

Procédure devant la cou

r :

Par une requête, enregistrée le 14 septembre 2015, M. A...B..., représenté par Me C......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Cayenne d'annuler la décision en date du 16 mai 2014 par laquelle le vice-recteur de la Polynésie française a rejeté sa demande d'affectation dans un établissement scolaire de Polynésie et de confirmer son départ pour l'établissement auquel il avait été affecté par une décision en date du 26 mars 2014.

Par un jugement n°1400830 en date du 15 juillet 2015, le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 septembre 2015, M. A...B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 juillet 2015 du tribunal administratif de Cayenne ;

2°) d'annuler en conséquence la décision en date du 30 juin 2014 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a rejeté sa demande d'affectation dans un établissement scolaire de Polynésie ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de procéder à sa mise à disposition en Polynésie, dans l'établissement où il avait été affecté par une décision du 26 mars 2014 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa demande de première instance devait bien être regardée comme dirigée contre la décision du ministre en date du 30 juin 2014 refusant sa demande de mutation ;

- la décision n'est pas signée par le ministre et le signataire ne justifie pas d'une délégation de signature ;

- elle ne comporte aucun énoncé des considérations de droit et de fait susceptibles d'en constituer le fondement ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 14 bis de la loi du 13 juillet 1983 ;

- elle méconnaît les dispositions de la circulaire du 19 novembre 2009 ;

- elle n'est pas justifiée par des raisons objectives et particulières ;

- elle est entachée d'une erreur de droit, l'administration ne pouvant plus au-delà du délai légal de deux mois procéder au rejet de sa demande ;

- elle procède d'une erreur de fait en l'absence de preuve du déficit d'enseignants de mathématiques dans l'académie de Guyane ;

- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préjudice moral est avéré en raison du caractère particulièrement humiliant de la décision contestée et de la perte des avantages mis en place par l'arrêté du 28 juillet 1967 relatif au coefficient de majoration applicable aux rémunérations des fonctionnaires en service en Polynésie française.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2016, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 27 septembre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 novembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention n°HC/56-07 du 4-4-2007 relative à l'éducation en Polynésie française ;

- le code de l'éducation ;

- la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;

- la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 ;

- la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnel dans la fonction publique ;

- le décret n°85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat et à certaines modalités de cessation de fonctions ;

- le décret n°96-1026 du 26 novembre 1996 relatif à la situation des fonctionnaires de l'Etat et de certains magistrats dans les territoires d'outre-mer de Nouvelle-Calédonie, de Polynésie française et de Wallis-et-Futuna ;

- la circulaire du 19 novembre 2009 relative aux modalités d'application de la loi n°2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Philippe Delvolvé ;

- et les conclusions de M. David Katz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...B..., professeur certifié de mathématiques affecté au lycée Lama-Prévôt de Rémire-Montjoly dans l'académie de la Guyane, a sollicité sa mise à disposition de l'académie de la Polynésie française à compter de la rentrée scolaire 2014-2015. Par un courriel en date du 16 mai 2014, le vice-recteur de la Polynésie française l'a informé du rejet de sa demande par le ministre de l'éducation nationale. M. B...relève appel du jugement en date du 15 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre rejetant sa demande de mise à disposition.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Pour rejeter la demande présentée par M.B..., les premiers juges ont estimé que ce dernier s'était borné à solliciter l'annulation de la décision en date du 16 mai 2014 par laquelle le vice-recteur de la Polynésie française a rejeté sa demande d'affectation dans un établissement scolaire de Polynésie sans formuler de conclusions contre la décision du ministre de l'éducation nationale. Cependant, il ressort clairement des écritures de première instance que M. B...a, dès sa requête introductive d'instance, enregistrée le 18 juin 2014 au tribunal administratif de Cayenne, entendu contester la décision du ministre. Il a formé, parallèlement au recours contentieux, un recours gracieux à l'encontre de cette décision le 26 mai 2014, qui a été rejetée par un courrier du ministre de l'éducation nationale en date du 30 juin 2014. M. B...a, en outre, précisé, dans ses écritures ultérieures, que son recours était bien dirigé contre la décision ministérielle dûment formalisée par la lettre du 30 juin 2014. Le requérant devait donc être regardé comme demandant l'annulation de cette décision. Ainsi, en ne se prononçant pas sur la légalité de cette dernière, les premiers juges ont méconnu leur office et entaché le jugement attaqué d'irrégularité. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'annuler ce jugement et de statuer sur la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Cayenne par la voie de l'évocation.

Sur la légalité de la décision du ministre de l'éducation nationale en date du 30 juin 2014 :

3. Aux termes de l'article 14 bis de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction issue de la rédaction de l'article 4 de la loi du 3 août 2009 : " Hormis les cas où le détachement, la mise en disponibilité et le placement en position hors cadres sont de droit, une administration ne peut s'opposer à la demande de l'un de ses fonctionnaires tendant, avec l'accord du service, de l'administration ou de l'organisme public ou privé d'accueil, à être placé dans l'une de ces positions statutaires ou à être intégré directement dans une autre administration qu'en raison des nécessités du service ou, le cas échéant, d'un avis d'incompatibilité rendu par la commission de déontologie au titre du I de l'article 87 de la loi n°93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques. Elle peut exiger de lui qu'il respecte un délai maximal de préavis de trois mois. Son silence gardé pendant deux mois à compter de la réception de la demande du fonctionnaire vaut acceptation de cette demande. / Ces dispositions sont également applicables en cas de mutation ou de changement d'établissement, sauf lorsque ces mouvements donnent lieu à l'établissement d'un tableau périodique de mutations (...) ". Aux termes de l'article 8 de la

convention n°HC/56-07 du 4 avril 2007 relative à l'éducation en Polynésie française : " (...), l'Etat met chaque année à la disposition de la Polynésie française les agents relevant de son autorité nécessaires au fonctionnement du service public de l'éducation de Polynésie française (...) ". Les dispositions précitées de l'article 14 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne concernent que les positions de détachement et de disponibilité. Il résulte des dispositions précitées de l'article 8 de la convention relative à l'éducation en Polynésie française que les enseignants titulaires de l'éducation nationale, en service sur le territoire de la Polynésie française, sont mis à disposition de ce territoire.

4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. S'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance. Le cas échéant, il revient au juge, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en oeuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur.

5. M. B...soutient que le motif qui lui a été opposé par le ministre de l'éducation nationale tiré de ce que les effectifs de professeurs de mathématiques de l'académie de Guyane étaient insuffisants pour lui permettre d'accéder à sa demande de mise à disposition est entaché d'une erreur de fait dès lors que des mutations de professeurs de mathématiques vers la Guyane ont été refusées en 2014, ce que le ministre ne conteste pas. Si ce dernier, auquel il appartient de veiller au bon fonctionnement du service public lorsqu'il procède aux affectations des fonctionnaires pour pourvoir les postes vacants, fait valoir que l'académie de Guyane était, cette même année, en déficit de 70 emplois d'enseignants en mathématiques, soit 22% du total des emplois de cette catégorie, il ne l'établit nullement. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de procéder à une mesure d'instruction à destination de l'Etat qui avait la possibilité de transmettre à la cour les éléments permettant d'étayer ses allégations, le ministre de l'éducation nationale, qui n'invoque aucun autre motif pour refuser la mise à disposition de M.B..., doit être regardé comme ayant entaché sa décision d'une erreur de fait.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués par M.B..., que la décision du 30 juin 2014 du ministre de l'Education nationale doit être annulée.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

7. Eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus, le présent arrêt n'implique pas nécessairement la mise à disposition de M. B...en Polynésie. En revanche, il implique nécessairement le réexamen de sa demande par l'administration et l'intervention d'une nouvelle décision sur cette demande. Il y a lieu de prescrire l'intervention d'une nouvelle décision dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°1400830 en date du 15 juillet 2015 du tribunal administratif de Cayenne et la décision du ministre de l'éducation nationale en date du 30 juin 2014 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. B...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'éduction nationale de réexaminer la demande de M. B... et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'éducation nationale.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Gil Cornevaux, président-assesseur,

M. Philippe Delvolvé, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 juin 2017.

Le rapporteur,

Philippe DelvolvéLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Delphine Céron

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme,

Le greffier

Delphine Céron

2

No 15BX03090


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX03090
Date de la décision : 27/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-01-02 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Affectation et mutation. Mutation.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Philippe DELVOLVÉ
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : KENGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-06-27;15bx03090 ?
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