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27/06/2017 | FRANCE | N°15BX02407

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 27 juin 2017, 15BX02407


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le GAEC Le Marais Poitevin a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2012 par lequel la préfète de la Charente-Maritime l'a mis en demeure de déposer un dossier de demande d'autorisation au titre de la loi sur l'eau incluant l'étude d'évaluation des incidences au regard des objectifs de conservation du site Natura 2000.

Par un jugement n° 1202957 du 13 mai 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :
>Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2015 et un mémoire présenté le 23 janvier 2017,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le GAEC Le Marais Poitevin a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2012 par lequel la préfète de la Charente-Maritime l'a mis en demeure de déposer un dossier de demande d'autorisation au titre de la loi sur l'eau incluant l'étude d'évaluation des incidences au regard des objectifs de conservation du site Natura 2000.

Par un jugement n° 1202957 du 13 mai 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2015 et un mémoire présenté le 23 janvier 2017, le GAEC Le Marais Poitevin, représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 13 mai 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 5 octobre 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal n'a pas statué sur le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige est entaché d'une erreur de fait en ce qu'il mentionne que les travaux ont été entrepris " sans procédure préalable " alors qu'il avait déposé un dossier de déclaration préalable au titre de la loi sur l'eau.

Sur la légalité de l'arrêté :

- en estimant que les travaux qu'il avait effectués relevaient de la rubrique 3.3.1.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement pour le mettre en demeure de produire un dossier d'autorisation au titre de la loi sur l'eau, le préfet a entaché son arrêté d'erreurs d'appréciation, de fait et de droit. Il a également commis un détournement de procédure ;

- le tribunal ne pouvait, après avoir relevé que le terrain en cause se situait au sein d'une " zone de marais ", dans le parc naturel régional du Marais-Poitevin, assimiler cette " zone de marais " à une " zone humide " au sens de l'arrêté du 24 juin 2008. D'une part, la notion de " zone de marais " n'a pas d'existence juridique. D'autre part, il ne peut y avoir de " zone de marais " en l'absence de " zone humide ". Or, le projet n'était couvert ni par les ZIC, ni par la ZPS du Marais-Poitevin. De même, la circonstance que par le passé, le secteur constituait une " zone humide " est sans incidence dès lors que la zone en cause doit être qualifiée au vu des caractéristiques hydrauliques actuelles du terrain d'assiette ;

- une opération de drainage ne saurait être assimilée à une opération d'assèchement, quand bien même ces travaux de drainage seraient entrepris " en zone humide ou de marais " dès lors que ces travaux relèvent de deux rubriques distinctes 3.3.1.0 et 3.3.2.0. Une opération d'assèchement ayant pour finalité de supprimer les volumes d'eau, elle serait incohérente sur des terres à vocation agricole. Il s'est borné à modifier son système de drainage. Le préfet ne démontre pas que l'assèchement de la zone n'était pas antérieur au dispositif de drainage en litige ;

- la motivation de l'arrêté ne permet pas de comprendre les motifs de droit justifiant que les travaux de drainage soient effectivement soumis, en tant que travaux d'assèchement, à l'obligation d'autorisation au titre de la loi sur l'eau, à défaut d'avoir requalifié ces travaux de drainage en opération d'assèchement et d'avoir visé l'article R. 214-1 du code de l'environnement. Le tribunal ne pouvait valider la motivation de l'arrêté par référence à une correspondance antérieure de plusieurs mois à l'édiction de cet arrêté dès lors que ce courrier n'avait pas été annexé à l'arrêté attaqué. La circonstance qu'il ait présenté des observations dans le respect du principe du contradictoire ne saurait suffire à remédier à l'insuffisance de motivation. Le tribunal ne pouvait davantage écarter ce moyen en retenant la compétence liée du préfet. Les faits de l'espèce impliquaient une appréciation et une qualification. L'arrêté ne justifie pas davantage l'obligation qui lui a été faite de joindre une étude d'incidence ;

- cet arrêté méconnaît les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 dans la mesure où il ne mentionne pas les nom et prénom de la préfète de la Charente-Maritime, signataire de la décision. Le tribunal ne pouvait écarter ce moyen au motif que le préfet aurait été en situation de compétence liée. Il est d'autant plus difficile d'identifier le signataire de cet arrêté qu'il a été pris sur en-tête de la direction départementale des territoires et de la mer ;

- en estimant qu'il se trouvait en situation de compétence liée, le préfet a commis une erreur de droit dans la mesure où le préfet devait apprécier l'existence d'un assèchement et qualifier le secteur en cause de " zone humide " ou " zone de marais " ;

- le tribunal ne pouvait écarter les moyens de forme au motif que le préfet aurait été en situation de compétence liée ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de fait. Contrairement à ce qu'a indiqué le préfet, il n'avait pas entrepris des travaux " sans procédure préalable " au titre de la loi sur l'eau dans la mesure où il avait déposé un dossier de déclaration ;

- l'arrêté en litige a retiré illégalement la décision créatrice de droits née de la non-opposition à la déclaration préalable au-delà du délai de deux mois suivant son édiction, en méconnaissance des articles L. 214-3 et R. 214-35 du code de l'environnement. Ce retrait aurait dû intervenir dans le respect du principe du contradictoire ;

- il n'avait pas à produire une étude d'incidences. Si l'administration invoque les articles L. 414-4, R. 414-19 et R. 214-6 du code de l'environnement, elle ne présente aucun moyen de fait justifiant cette exigence alors que la modification du réseau de drainage préexistant n'est pas susceptible d'affecter de manière significative un site Natura 2000. En outre, cette opération n'est pas soumise à autorisation au sens des articles R. 414-19 et R. 214-6 du code de l'environnement. En estimant que la seule inscription des travaux dans la " liste nationale " aujourd'hui codifiée à l'article R. 414-19 du code de l'environnement suffisait à imposer une étude d'incidence, le ministre de l'environnement a commis une erreur de droit.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2016, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête du GAEC Le Marais Poitevin.

Il se réfère aux écritures présentées par la préfète de la Charente-Maritime devant le tribunal administratif de Poitiers et soutient en outre que :

- le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté est inopérant dès lors qu'en vertu de l'article L. 216-1 du code de l'environnement, la préfète était tenue, après avoir constaté la nature des travaux en cause, de le mettre en demeure de déposer un dossier de demande d'autorisation au titre de la loi sur l'eau. En tout état de cause, l'arrêté était suffisamment motivé ;

- la rubrique 3.3.1.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement concerne les opérations d'assèchement, mise en eau, imperméabilisation, remblais de zones humides ou de marais et prévoit qu'une autorisation est nécessaire dès lors que la surface impactée est supérieure ou égale à un hectare. L'article L. 211-1 du code de l'environnement définit les zones humides et l'article R. 211-108 CE indique les critères à prendre en compte. L'arrêté du 24 juin 2008 établit la liste des types de sols et plantes qui caractérisent une zone humide pour l'application de la police de l'eau. Ainsi, toutes les zones humides ne sont pas systématiquement en zone de marais et toutes les zones de marais ne répondent pas aux critères de définition de l'arrêté du 24 juin 2008. Selon le plan national d'action en faveur des milieux humides 2014-2018, les marais agricoles aménagés sont des milieux humides lesquels se composent notamment mais pas exclusivement de zones humides. La Cour administrative d'appel de Bordeaux et la Cour de cassation se sont d'ailleurs prononcées en ce sens ;

- en l'espèce, les terrains en cause se trouvent dans une zone de marais au sens de la rubrique 3.3.1.0. Ce périmètre du marais poitevin a été délimité dans le cadre du plan d'action gouvernemental pour les zones humides et cette délimitation a été reprise dans le cadre du SDAGE du Bassin Loire-Bretagne, notamment dans la mesure 7C4 relative à la gestion du marais poitevin, ainsi que dans le plan d'aménagement et de gestion durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques du SAGE Sèvre-Niortaise Marais Poitevin. Les parcelles en cause se trouvent dans le périmètre de l'ASA du Marais sauvage et sont bordées par le canal du marais sauvage qui constitue un lien avec le marais mouillé ;

- le drainage par drains enterrés provoque une transformation irréversible des sols rendant impossible la réimplantation des prairies humides sur ces surfaces. Ces travaux modifient le fonctionnement hydrologique des milieux et doivent être considérés comme des travaux d'assèchement au sens des dispositions de la rubrique 3.3.1.0 ;

- compte tenu des conséquences du projet sur la biodiversité protégée par le réseau Natura 2000, c'est à bon droit que le préfet l'a mis en demeure de produire une étude évaluant les incidences sur cette zone.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 24 juin 2008 précisant les critères de définition et de délimitation des zones humides en application des articles L. 214-7-1 et R. 211-108 du code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sabrina Ladoire,

- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant le GAEC Le Marais Poitevin.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'opérations de contrôle effectuées le 7 juin 2012, un procès-verbal d'infraction a été dressé à l'encontre du GAEC Le Marais Poitevin, au motif que ce dernier avait réalisé des travaux de drainage par drains enterrés sur des parcelles d'une superficie de 49,79 hectares situées dans le lieu-dit " Le Marais sauvage ", sans avoir déposé de dossier de demande d'autorisation au titre de la loi sur l'eau. Par un arrêté n° 12-2495 du 5 octobre 2012, le préfet de la Charente-Maritime a alors mis ce dernier en demeure de déposer, dans un délai de six mois, un dossier d'autorisation au titre de la loi sur l'eau incluant une étude détaillant notamment l'évaluation des incidences au regard des objectifs de conservation des sites Natura 2000. Le GAEC Le Marais Poitevin relève appel du jugement n° 1202957 du 13 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 5 octobre 2012.

Sur la régularité du jugement :

2. Le GAEC Le Marais Poitevin soutient que le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de ce qu'étant titulaire d'une décision de non-opposition à travaux, l'arrêté en litige ne pouvait, sans commettre d'erreur de fait, être fondé sur le motif qu'il aurait réalisé des travaux " sans procédure préalable " au titre de la loi sur l'eau alors qu'il avait déposé, le 2 février 2011, un dossier de déclaration de travaux conformément à la rubrique 3.3.2.0 figurant à l'article R. 214-1 du code de l'environnement. Toutefois, le jugement attaqué n'a pas omis de répondre à ce moyen mais l'a expressément écarté au point 13 comme inopérant. Par suite, le GAEC n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, le GAEC Le Marais Poitevin soutient que le préfet a entaché sa décision d'erreurs d'appréciation, de fait et de droit, en le mettant en demeure de produire un dossier d'autorisation au titre de la loi sur l'eau, en regardant les travaux effectués comme relevant de la rubrique 3.3.1.0 de la nomenclature annexée à l'article R. 214-1 du code de l'environnement dès lors, d'une part, que les parcelles en cause ne comportaient pas de " zone humide " au sens de l'arrêté du 24 juin 2008, et d'autre part, qu'une opération de drainage par drains enterrés ne saurait être assimilée à une opération d'assèchement.

4. Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement : " Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : 1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; on entend par zone humide les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année ; (...) ". Aux termes de l'article L. 214-3 du même code : " I. Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles. (...) ". L'article R. 214-1 de ce code prévoit la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-6. Figure dans cette nomenclature une rubrique 3.3.1.0 soumettant à autorisation l'assèchement, la mise en eau, l'imperméabilisation et les remblais réalisés au sein de zones humides ou de marais sur une surface supérieure ou égale à un hectare et une rubrique 3.3.2.0 soumettant les travaux de drainage à autorisation lorsque la superficie des terres concernées est supérieure à 100 hectares (1°) et à déclaration lorsque cette superficie est comprise entre 20 et 100 hectares (2°).

5. Il résulte des termes mêmes de cette rubrique 3.3.1.0 qu'elle régit la situation non seulement des travaux d'assèchement de terres pouvant être qualifiées de " zones humides " au sens de l'article 1er de l'arrêté du 24 juin 2008 précisant les critères de définition et de délimitation des " zones humides " pour la mise en oeuvre de cette rubrique, mais également celles des terres qui, sans répondre aux critères de pédologie et de végétation posés par cet arrêté, sont néanmoins situées en " zone de marais " sans qu'y fasse obstacle l'absence de définition législative ou réglementaire de cette dernière notion.

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que les parcelles du GAEC Le Marais Poitevin se situent au sein du parc naturel régional du Marais Poitevin, dans le périmètre du marais desséché, lequel est partie intégrante de l'écosystème global que constitue ce marais. Ces parcelles appartiennent à l'ASA du Marais sauvage et sont bordées par le canal du Marais sauvage qui constitue un lien avec le marais mouillé. Eu égard à leur localisation, elles doivent être regardées comme situées dans des " zones de marais " au sens des dispositions de la rubrique 3.3.1.0, quand bien même elles recouvriraient un marais desséché et ne seraient situées ni dans un site d'intérêt communautaire ni dans une zone de protection spéciale. Dans ces conditions, et alors même que selon l'étude de sol versée au dossier, ces parcelles ne sauraient être qualifiées de " zone humide " au sens de l'arrêté du 24 juin 2008, elles constituent une " zone de marais " visée par l'article 3.3.1.0.

7. D'autre part, les travaux déclarés consistent à substituer aux drains en rigoles existants en surface un réseau d'assainissement constitué de drains enterrés. Or, selon l'étude de sol jointe au dossier, le sol des parcelles est constitué d'argiles imperméables. Les premiers juges ont ainsi estimé que la technique de lavage des argiles utilisée par le requérant avait pour effet de transformer la texture des sols en les rendant perméables et conduisait ainsi à leur assèchement irréversible. Le GAEC Le Marais Poitevin ne produit en outre aucun élément de nature à contredire le rapport de contrôle établi par l'administration, selon lequel, la mise en place de drains enterrés aurait pour conséquence d'assécher la zone en cause ni à établir, ainsi qu'il le soutient, que l'assèchement de ces parcelles aurait été antérieur au dispositif de drainage en litige. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les travaux réalisés par l'intéressé, qui ne se limitaient pas à la mise en place d'un réseau permettant le " drainage d'une superficie " au sens de la rubrique 3.3.2.0 de la nomenclature susmentionnée, mais avaient pour effet d'assécher une " zone de marais ", relevaient de la rubrique 3.3.1.0 soumettant à autorisation les opérations d'assèchement de zones de marais couvrant une superficie égale ou supérieure à 1 hectare. Enfin, la circonstance que les travaux réalisés par l'intéressé relèveraient également de la rubrique 3.3.2.0 concernant le " drainage " est sans incidence sur la légalité de l'arrêté dans la mesure où lorsque des travaux sont susceptibles d'entrer dans deux rubriques distinctes, l'autorité administrative compétente est tenue de faire application du régime de protection le plus strict.

8. Aux termes de l'article L. 216-1-1 du code de l'environnement alors en vigueur, dont la teneur a été reprise à l'article L. 171-7 du même code : " Lorsque des installations ou ouvrages sont exploités ou que des travaux ou activités sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation ou de la déclaration requise par l'article L. 214-3, l'autorité administrative met en demeure l'exploitant ou, à défaut, le propriétaire de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine en déposant, suivant le cas, une demande d'autorisation ou une déclaration (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsque des agents ont constaté la réalisation de travaux qui auraient nécessité une autorisation au titre de la protection de la ressource en eau et des écosystèmes aquatiques, le préfet, sans procéder à une nouvelle appréciation de la violation constatée, est tenu d'édicter une mise en demeure de déposer une telle demande dans un délai déterminé.

9. L'arrêté du 5 octobre 2012 est fondé sur la circonstance que le GAEC Le Marais Poitevin a " réalisé des travaux de drainage par drains enterrés... sans procédure préalable au titre de la loi sur l'eau (dépôt d'un dossier d'autorisation) ". Il est constant que si le GAEC Le Marais Poitevin avait déposé, le 2 février 2011, une déclaration de travaux de drainage, à laquelle le préfet a d'ailleurs fait opposition le 1er avril 2011, aucune demande d'autorisation n'avait été présentée alors que, comme il vient d'être dit aux points 7 et 8, les travaux réalisés relevant de la rubrique 3.3.1.0. devaient être précédés d'une autorisation au titre de la loi sur l'eau. Par suite, le GAEC Le Marais Poitevin n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté est entaché d'erreur de fait.

10. Le préfet de la Charente-Maritime, après avoir à juste titre estimé que le GAEC avait réalisé des travaux d'assèchement sur une superficie supérieure à un hectare sans autorisation, était ainsi tenu de le mettre en demeure de déposer un dossier d'autorisation au titre de la loi sur l'eau. Il s'en suit que les moyens tirés des vices de forme, de procédure ou de détournement de pouvoir qui entacheraient l'arrêté du 5 octobre 2012 ainsi que ceux tirés de ce que cette mise en demeure devrait être regardée comme procédant illégalement au retrait de la non-opposition de l'administration à sa déclaration préalable sont inopérants.

11. En second lieu, le GAEC Le Marais Poitevin soutient qu'il n'avait pas à produire une étude d'incidences dans la mesure où la modification du réseau de drainage préexistant ne serait pas susceptible d'affecter de manière significative un site Natura 2000. Il fait ainsi valoir que l'arrêté, en tant qu'il l'a mis en demeure de produire une telle étude, est entaché d'insuffisance de motivation, d'erreurs de fait et de droit.

12. Aux termes de l'article L. 414-4 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après " Evaluation des incidences Natura 2000 " (...) III.-Sous réserve du IV bis, les documents de planification, programmes ou projets ainsi que les manifestations ou interventions soumis à un régime administratif d'autorisation, d'approbation ou de déclaration au titre d'une législation ou d'une réglementation distincte de Natura 2000 ne font l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 que s'ils figurent : 1° Soit sur une liste nationale établie par décret en Conseil d'Etat (...). ". Selon l'article R. 414-19 du même code : " I.- La liste nationale des documents de planification, programmes ou projets ainsi que des manifestations et interventions qui doivent faire l'objet d'une évaluation des incidences sur un ou plusieurs sites Natura 2000 en application du 1° du III de l'article L. 414-4 est la suivante : (...) 4° Les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou déclaration au titre des articles L. 214-1 à L. 214-11 (...) ". Enfin, l'article R. 214-6 de ce code dispose que la demande d'autorisation doit contenir : " 4° Un document (...) b) comportant l'évaluation des incidences du projet sur un ou plusieurs sites Natura 2000, au regard des objectifs de conservation de ces sites. Le contenu de l'évaluation d'incidence Natura 2000 est défini à l'article R. 414-23 et peut se limiter à la présentation et à l'exposé définis au I de l'article R. 414-23, dès lors que cette première analyse conclut à l'absence d'incidence significative sur tout site Natura 2000 (...) ".

13. En application des dispositions précitées et compte tenu de l'impact que pourraient avoir les travaux en cause sur la zone Natura 2000 au sein de laquelle se situent les parcelles du GAEC Le Marais Poitevin, le préfet devait, en application de l'article R. 214-6 du code de l'environnement, mettre en demeure l'intéressé de produire un document comportant l'évaluation des incidences de son projet sur la zone Natura 2000. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de fait dont serait entaché l'arrêté, en tant qu'il impose la production d'une étude d'incidences, doivent être écartés. De même, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté, en tant qu'il met en demeure l'intéressé de produire cette étude est, en tout état de cause, inopérant.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le GAEC Le Marais Poitevin n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 5 octobre 2012. Par suite, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête du GAEC Le Marais Poitevin est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au GAEC Le Marais Poitevin et au ministre de la transition écologique et solidaire. Copie en sera adressée à la préfète de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2017 à laquelle siégeaient :

M. Christine Mège, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme Sabrina Ladoire, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 27 juin 2017.

Le rapporteur,

Sabrina Ladoire Le président,

Christine MègeLe greffier,

Evelyne Gay-Boissières

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Evelyne Gay-Boissières

2

N° 15BX02407


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX02407
Date de la décision : 27/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-02-02-005-02-01 Nature et environnement. Installations classées pour la protection de l'environnement. Régime juridique. Actes affectant le régime juridique des installations. Première mise en service.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEGE
Rapporteur ?: Mme Sabrina LADOIRE
Rapporteur public ?: Mme DE PAZ
Avocat(s) : SELARL ATLANTIC - JURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-06-27;15bx02407 ?
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