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22/06/2017 | FRANCE | N°15BX02718

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 22 juin 2017, 15BX02718


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée G. E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2009.

Par un jugement n° 1401485 du 11 juin 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 juillet

2015 et le 21 juin 2016, la SAS GE..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée G. E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2009.

Par un jugement n° 1401485 du 11 juin 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 juillet 2015 et le 21 juin 2016, la SAS GE..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification n'est pas suffisamment motivée car elle ne comporte pas de description précise des termes de comparaison retenus par l'administration ;

- l'administration n'apporte pas la preuve d'une insuffisance du prix de cession de l'immeuble situé à Pessac et vendu en 2009 à la SARL I2F dès lors que les termes de comparaison retenus par l'administration ne sont pas pertinents : les superficies sont différentes, les biens en cause sont situés dans des communes différentes, plus attractives, les superficies des bâtiments sont très inférieures, ainsi que la surface des terrains ;

- l'immeuble présente des caractéristiques particulières du fait de l'activité qu'elle y exerçait, ce qui explique son faible prix ; elle exerce une activité spécifique de fabrication de matériel de manutention pour l'industrie marine qui nécessite l'emploi d'un matériel particulier, raison pour laquelle le terrain a fait l'objet de travaux importants ; l'achat de ces locaux par tout tiers nécessiterait le démantèlement préalable de cette superstructure qui pourrait être estimée à 465 600 euros HT ;

- l'administration utilise une méthode de valorisation erronée, correspondant au prix d'acquisition des locaux en 1992 augmenté de la valeur nette de frais d'aménagement réalisés en 1995 et 2009 pour une somme totale de 412 792 euros, mais qui ne présente pas d'intérêt pour un acquéreur en 2009 ; cette méthode n'aboutirait d'ailleurs qu'à un prix de 567 674 euros ;

- il ressort de l'expertise effectuée le 9 novembre 2006 que la valeur vénale de l'ensemble immobilier dont s'agit s'élève à 550 000 euros par application de la méthode dite de comparaison de prix de cession de biens intrinsèquement similaires ;

- sur les cinq biens étudiés par l'expert, trois demeurent... ;

- la comparaison avec des biens situés à Mérignac et Gradignan aboutirait à des valorisations de 392 605 et 564 475 euros ;

- le caractère normal de cet acte est établi par le calcul d'une plus-value taxable de 402 659 euros correspondant à la différence entre le prix de vente de l'ensemble immobilier et son prix de revient fiscal de 197 340 euros ;

- l'ensemble des opérations accomplies par la société G. E...depuis sa constitution a été dicté par son intérêt économique lui permettant en l'occurrence de conserver la maîtrise de l'ensemble immobilier ; l'opération a permis de maintenir l'immeuble dans le groupe familial.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2016 et un mémoire en réplique, enregistré le 21 juillet 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société SAS G. E...ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 23 juin 2016, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 22 juillet 2016.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Madelaigue,

- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant la SAS G.E.pertinents car cédés après la cession du bien concerné

Considérant ce qui suit :

1. La société G. E...exploite une activité de fabrication de gréements industriels et navals dans un établissement constitué de deux ensembles immobiliers contigus situés 21 rue Jean Perrin et 44 avenue Gustave Eiffel à Pessac. Elle a cédé le 30 novembre 2009 à la SARL I2F le lot immobilier situé 44, avenue Gustave Eiffel à Pessac d'une superficie de 7714 m² pour un prix de 600 000 euros hors taxes et a immédiatement repris celui-ci en location. En 2012, la société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause le prix de la cession de l'immeuble qu'elle a regardée comme un acte anormal de gestion. La société G. E...relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux qui a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale à cet impôt auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2009 à raison de la rectification du prix de cession porté à 1 500 000 euros et de la réintégration dans le résultat imposable de la société de l'avantage indû consenti, selon l'administration, à la société I2F.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...). ".

3. La société requérante fait valoir que la proposition de rectification du 15 juin 2012 n'est pas suffisamment motivée en l'absence de description précise des termes de comparaison retenus.

4. Il ressort de la proposition de rectification que la justification de l'acte anormal de gestion n'est pas seulement motivée par référence à des termes de comparaison. En effet, le service rappelle au préalable le prix d'acquisition du bien, les travaux d'aménagement réalisés par la société G. E...dont elle donne le montant, et avance une évaluation de la somme investie par la société dans l'ensemble immobilier permettant d'estimer la valeur propre du bien cédé par cette dernière. La proposition de rectification ajoute : " l'examen des termes de comparaison tirés des cessions de biens immobiliers de même nature dans un environnement géographique proche semble corroborer le caractère minoré du prix de cession convenu au regard du marché, tel qu'il résulte de l'analyse suivante qui repose sur une étude de termes de comparaison portant sur des transactions antérieures relatives à des biens immobiliers comparables. ". Suit la présentation de trois termes de comparaison situés à Cestas, Eysines et Pessac avec l'adresse de chacun des ensembles industriels retenus, leur superficie, la date et le prix de cession, complétée en annexe par des extraits d'actes de vente donnant la consistance de ces biens : le service en déduit un prix moyen au m² de 863 euros qui, appliqué à l'ensemble en litige, recoupe l'estimation de la sous-évaluation du prix de cession établie sur la base des éléments spécifiques à ce dernier précédemment énoncés. Enfin, la proposition de rectification constate l'existence d'une " communauté d'intérêt " entre la société cédante G. E...et la société cessionnaire I2 F toutes deux contrôlées directement ou indirectement par MM. A...et D...E..., eux-mêmes dirigeants de la société G.E..., le reste du capital du groupe familial étant réparti entre M. et Mme G. E...et M. B...E... : l'administration en déduit que " cette communauté d'intérêt caractérise l'élément intentionnel de l'acte anormal de gestion ainsi constaté ".

5. Dans ces conditions, les termes de comparaison exploités par le service pour conforter l'estimation de la valeur propre du bien en fonction de son prix d'acquisition et du coût des aménagements réalisés par la société G. E...pour les besoins spécifiques de son activité étaient suffisamment explicités pour mettre la société G. E...en mesure non seulement de les critiquer, mais encore de présenter utilement ses observations sur tous les éléments avancés par le service pour justifier l'acte anormal de gestion : elle satisfait ainsi aux exigences de motivation prévues par l'article 57 du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

6. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. Le fait, pour une entreprise, de céder un bien à un prix notablement inférieur à sa valeur vénale ne relève pas, en règle générale, d'une gestion normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant un tel avantage, l'entreprise a agi dans son propre intérêt. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que l'avantage consenti sans contrepartie à l'occasion de cette cession constitue un acte anormal de gestion, à concurrence de l'insuffisance du prix stipulé, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties.

7. En l'espèce, il n'est pas contesté qu'il existe une communauté d'intérêt entre les deux sociétés G. E...et I2F faisant partie du même groupe familial, tout comme la société Labas dont le capital est réparti à égalité entre MM. A...et D...E...et qui a cédé à bail à la société G. E...le terrain et les bâtiments industriels situés 21 rue Jean Perrin à Pessac. Il appartient alors à l'administration d'apporter la preuve que la cession de l'ensemble immobilier en litige, même si elle présentait un intérêt pour le groupe familial, n'a pas été opérée dans l'intérêt propre de la société G. E...en raison d'un prix de cession sous-évalué qu'aucun autre motif que la communauté d'intérêt entre associés ne justifiait.

8. En premier lieu, l'administration relève que la société G. E...a acquis l'ensemble immobilier en litige en 1977, qu'elle l'a cédé puis repris dans le cadre d'une opération de crédit-bail de 1992 à 2007, date à laquelle elle a racheté le bien ; celui-ci a fait l'objet d'équipements nécessaires à son activité tels que, notamment, un banc de coulée pour haubans, des ponts roulants, un banc de pré-étirage, des bancs d'épreuves et du matériel de coupe qui ont exigé un important aménagement foncier du terrain industriel (semelle en béton, dallage en béton, massifs isolés, rampe d'accès, fondations renforcées) ; ces aménagements ont été réalisés par la société pendant l'exécution du crédit-bail mais la société G. E...en est restée propriétaire au terme du crédit-bail. L'administration est fondée à faire valoir, sans d'ailleurs être sérieusement contredite que, lors du rachat de l'ensemble immobilier par la société G. E...en 2007, celui-ci pouvait déjà être évalué à 1 371 665 euros, compte tenu d'une valeur de reprise de 487 836 euros, des loyers versés pendant 15 ans (471 037 euros) et des aménagements fonciers réalisés (412 792 euros).

9. La société G. E...objecte toutefois que le prix de cession de l'immeuble sur le marché accuserait une décote importante en raison du coût de démantèlement des aménagements qu'elle y a réalisés pour les besoins propres de son activité, sans intérêt pour un autre opérateur. Toutefois, la transaction n'a pas eu pour objet de céder le bien à un tiers sur le marché immobilier, en vue de l'exploitation d'une autre activité, mais de réorganiser la propriété foncière de l'établissement industriel spécialement aménagé pour les besoins de l'entreprise familiale. Et la valeur du bien pour la société G. E...est d'autant plus importante qu'il est attenant à un autre terrain équipé notamment d'un bâtiment de stockage que la société familiale Labas, contrôlée également par MM. A...et D...E..., lui a cédé à bail et qui est complètement intégré à son site de fabrication. Par conséquent, la valeur vénale de l'ensemble immobilier en litige, qui présentait un intérêt unique pour la société cédante en vue de la poursuite de son activité, ne saurait être ramenée au prix du foncier et du bâtiment après démantèlement des équipements attachés au terrain.

10. En second lieu, afin de corroborer la minoration du prix de cession ainsi consenti par la société G. E...à la société I2F pour cette vente, l'administration a recouru à trois termes de comparaison situés dans l'ouest de l'agglomération bordelaise, un local situé à Cestas, à 7 km de l'ensemble immobilier de la société d'une superficie totale de 950 m², vendu le 18 mai 2009 pour un prix de 1 050 000 euros, soit une valeur de 1 105,26 euro/m2, un local situé à Eysines, à 13 km de l'ensemble immobilier en litige, d'une superficie totale de 1 010 m², vendu le 4 avril 2008 pour un prix de 685 000 euros, soit une valeur de 678,22 euro/m² et un local situé à Pessac, à 1,6 km de l'ensemble immobilier en litige, d'une superficie totale de 680 m², vendu le 20 avril 2006 pour un prix de 548 816 euros, soit une valeur de 807,08 euros/m2. Ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, le service en a déduit une valeur moyenne de 863 euros au m² de local industriel qu'elle a appliquée à la superficie totale des locaux de la société afin d'obtenir la valeur vénale des locaux cédés rectifiée à 1 500 000 euros.

11. En dépit du fait que la superficie des terrains et des bâtiments soit différente et que la localisation des biens présente une certaine dispersion, les termes de comparaison retenus par le service et décrits ci-dessus ne peuvent pas être regardés comme inappropriés car les biens sont suffisamment proches, ont la nature de bâtiments à usage industriel dont la superficie est précisée et présentent des caractéristiques voisines de celles du bien en litige, y compris en ce qui concerne la date de cession.

12. La société G. E...conteste les termes de comparaison de l'administration et y oppose les siens, en produisant un rapport établi par un expert foncier le 11 janvier 2013 présentant cinq termes de comparaison. L'expert détermine la valeur vénale de l'immeuble en litige à la somme de 550 000 euros avec une actualisation à 575 873 euros compte tenu d'un coefficient d'érosion monétaire de 1,047 en 2009, par comparaison avec deux immeubles situés à Pessac qui permettent de le valoriser à 466 745 euros et 543 570 euros au lieu de 1 500 000 euros, et avec trois immeubles situés à Mérignac, Gradignan et Cestas aboutissant à des valorisations respectives de 392 605 euros, 493 705 euros et 564 475 euros.

13. Mais, comme le relève à juste titre l'administration, les termes de comparaison mentionnés dans le rapport de l'expert sont peu appropriés : deux biens situés à Gradignan et Cestas ont fait l'objet de transactions en 2010 et, pour l'un d'entre eux, le cédant était une société en liquidation judiciaire. L'acte du 20 décembre 2006 ne précise pas la superficie du bâtiment à usage industriel du bien situé à Pessac. L'acte du 14 février 2008 ne permet pas de connaître la nature du bâtiment industriel. L'acte du 28 juin 2010 porte sur un immeuble à Gradignan, à usage de bureaux, d'entrepôts et ateliers dont les caractéristiques ne sont pas précisées. Enfin, l'acte du 10 mars 2011 ne donne aucune précision sur les caractéristiques du bâtiment industriel. Les superficies des bâtiments sont indiquées par l'expert mais leur nature de bâtiment industriel n'est pas établie avec suffisamment de précision sauf pour la vente du bien situé à Mérignac, mais qui a été autorisée par le Tribunal de commerce pour une société en liquidation. Ces termes de comparaison ne permettent donc pas d'écarter ceux choisis par l'administration pour établir l'évaluation et, en tout état de cause, ils ne peuvent utilement contredire les justifications de l'administration fondées sur la valeur vénale propre du bien en fonction des modalités de son acquisition et des aménagements qu'y a réalisés la société G.E.pertinents car cédés après la cession du bien concerné

14. Dès lors, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que la cession conclue par la société G. E...avec la société I2F, avec laquelle elle formait une communauté d'intérêt, constitue un acte anormal de gestion de la part de la société G. E...et comme justifiant le rehaussement du prix de cession à la somme de 1 500 000 euros.

15. Il résulte de ce qui précède que la société SAS G E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

DECIDE

Article 1er : La requête de la SAS G E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société SAS G E...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2017 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Marianne Pouget, président-assesseur,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 22 juin 2017.

Le rapporteur,

Florence Madelaigue

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 15BX02718


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