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20/06/2017 | FRANCE | N°16BX04262

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 20 juin 2017, 16BX04262


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 17 mai 2016 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1603264 du 20 octobre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 décembre 2016, M.A..., rep

résenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 17 mai 2016 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1603264 du 20 octobre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 décembre 2016, M.A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 20 octobre 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement doit être annulé en toutes ses dispositions ;

- il réunit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la pathologie dont il est atteint est en lien direct avec les événements traumatisants vécus en Turquie, rendant impossible un traitement approprié dans ce pays ;

- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, tel que protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et méconnaissent le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il vit depuis l'année 2008 en France où se trouvent des membres de sa famille et où il est intégré ; il dispose de plusieurs promesses d'embauche ;

- la décision fixant le pays de renvoi a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; sa vie serait particulièrement menacée en cas de retour en Turquie en raison de son appartenance à la communauté kurde, du climat de violence existant actuellement dans ce pays et du fait qu'il ne pourrait bénéficier de soins adaptés eu égard à l'origine de sa pathologie.

Par le mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2017, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête de M. A...en se prévalant de ses écritures de première instance.

Par ordonnance du 17 février 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 30 mars 2017 à 12h00.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du tribunal de grande instance de Bordeaux du 24 novembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier,

- et les observations de MeC..., représentant M.A....

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., de nationalité turque, né le 15 septembre 1990, est entré irrégulièrement en France en octobre 2008 selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 30 décembre 2008 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 4 septembre 2009. Il a alors présenté une demande d'admission au séjour sur le fondement des articles L. 313-11 7°, L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a fait l'objet, le 31 mars 2010, d'un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. Cette décision a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 16 septembre 2010 et par un arrêt de la cour du 30 juin 2011. Le 25 février 2013, l'intéressé a sollicité un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Le préfet de la Gironde a rejeté sa demande et a prononcé à son encontre une mesure d'éloignement par un arrêté du 5 juillet 2013, annulé par un jugement du 12 décembre 2013 du tribunal administratif de Bordeaux au motif que l'administration préfectorale n'avait pas communiqué l'avis du médecin de l'agence régionale de santé au requérant. La nouvelle demande d'admission au séjour présentée par ce dernier, en date du 23 juin 2014, formulée sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été classée sans suite, à défaut pour M. A...de s'être présenté aux rendez-vous fixés par la préfecture. Le 5 mars 2015, il a sollicité un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 11° et L. 313-11 7° du même code. Après avoir recueilli l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, le préfet de la Gironde a, par un arrêté du 17 mai 2016, rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi. M. A...relève appel du jugement du 20 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. A supposer que M. A...ait entendu soulever les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée, du vice de procédure dont elle serait entachée faute pour le préfet d'avoir produit l'avis du médecin de l'agence régionale de santé et de son insuffisante motivation, le requérant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement les réponses apportées par le tribunal administratif. Il y a dès lors lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

3. L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé (...) ".

4. M. A...fait valoir qu'il souffre d'un syndrome de stress post-traumatique consécutif aux événements vécus en Turquie et que la nature de sa pathologie fait en elle-même obstacle à ce que sa prise en charge médicale se poursuive sur les lieux où il a subi ce traumatisme. Pour rejeter la demande de titre de séjour temporaire, le préfet s'est fondé notamment sur un avis du médecin de l'agence régionale de santé Aquitaine du 7 janvier 2016 précisant que l'état de santé de l'intéressé nécessitait un suivi médical dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Les documents médicaux produits par M. A... ne se prononcent pas sur la disponibilité des soins appropriés en Turquie. Par ailleurs, l'intéressé ne produit aucun élément de nature à établir qu'il ne pourrait pas se procurer dans ce pays les médicaments qui lui ont été prescrits, ou des traitements substituables comprenant les mêmes molécules, ou encore qu'il n'y existerait pas d'établissements prodiguant les soins requis par son état de santé. Enfin, les médecins psychiatres et généralistes qui l'ont suivi en France et qui se fondent, pour rédiger leurs attestations, sur les seules déclarations du requérant, n'établissent pas de manière circonstanciée que le lien entre sa pathologie et les événements qu'il aurait subis en Turquie serait tel qu'il ne permettrait pas d'envisager un traitement effectivement approprié dans son pays d'origine. Par suite, les pièces produites ne remettent pas en cause l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet de la Gironde aurait fait une inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

5. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.". En vertu des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République.". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

6. M. A...soutient qu'il réside en France depuis 2008, qu'il possède de fortes attaches sur le sol national où vivent des membres de sa famille et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche. Toutefois, les attestations produites sont insuffisamment circonstanciées et les autres justificatifs en nombre insuffisant pour attester de la réalité, de la durée et de la continuité du séjour alléguées. Ainsi qu'il a été dit au point 4, il ne démontre pas ne pas pouvoir bénéficier en Turquie des soins nécessités par son état de santé. En outre, il est célibataire et sans enfant, et ne justifie pas d'une intégration particulière dans la société française. Enfin, il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où séjournent ses parents et trois membres de sa fratrie. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le refus de séjour et la mesure d'éloignement n'ont pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A...une atteinte disproportionnée eu égard aux buts en vue desquels ils ont été pris et n'ont ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, l'arrêté n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de M.A....

7. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

8. M.A..., dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile respectivement les 30 décembre 2008 et 4 septembre 2009, n'apporte pas d'éléments suffisamment probants permettant de tenir pour établis la réalité et le caractère personnel et actuel, à la date de la décision attaquée, des risques qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine en raison des faits allégués ou de son état de santé. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande M. A...au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2017 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 juin 2017

Le rapporteur,

Sylvie CHERRIER

Le président,

Aymard de MALAFOSSELe greffier,

Virginie MARTY

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

6

N° 16BX04262


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX04262
Date de la décision : 20/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : BLAISE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-06-20;16bx04262 ?
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