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19/06/2017 | FRANCE | N°15BX02620

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 19 juin 2017, 15BX02620


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...E...a demandé au tribunal administratif de Mayotte, d'une part, d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 24 octobre 2013 rejetant sa candidature au concours interne de capitaine de sapeurs-pompiers professionnels organisé au titre de l'année 2013, ainsi que la décision du 11 décembre 2013 rejetant son recours gracieux et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'inscrire sur la liste des candidats admis à concourir au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1300613 du 7 mai 20

15, le tribunal administratif de Mayotte a annulé les décisions susmentionnées...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...E...a demandé au tribunal administratif de Mayotte, d'une part, d'annuler la décision du ministre de l'intérieur du 24 octobre 2013 rejetant sa candidature au concours interne de capitaine de sapeurs-pompiers professionnels organisé au titre de l'année 2013, ainsi que la décision du 11 décembre 2013 rejetant son recours gracieux et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'inscrire sur la liste des candidats admis à concourir au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1300613 du 7 mai 2015, le tribunal administratif de Mayotte a annulé les décisions susmentionnées et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 juillet 2015, le ministre de l'intérieur demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Mayotte du 7 mai 2015.

Il soutient que :

- en considérant que les deux conditions prévues par le II de l'article 3 du décret n° 2012-523 du 20 avril 2012 s'appréciaient, pour la première, à la date du concours, et pour la seconde, au 1er janvier 2013, alors qu'il résulte de la simple lecture du texte que ces deux conditions doivent s'apprécier toutes deux à cette dernière date du 1er janvier 2013, le tribunal a entaché son jugement d'une erreur de droit ;

- à cet égard, ce n'est que dans le cas de l'absence de précision contraire que les conditions de candidature à un concours doivent être appréciées à la date du début des épreuves ;

- contrairement à ce qu'a relevé le tribunal, il ressort tant des deux décisions attaquées des 24 octobre et 11 décembre 2013 que des écritures en défense du ministère de l'intérieur devant le tribunal que l'administration a toujours considéré qu'il existait deux conditions cumulatives et qu'elle a rejeté la candidature de l'intéressé au motif qu'il ne remplissait pas l'une de ces conditions au 1er janvier 2013 ;

- pour le reste, il s'en remet à ses observations de première instance.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 septembre 2015, M.E..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête d'appel du ministre est tardive et, partant, irrecevable, dès lors qu'elle n'a été enregistrée au greffe de la cour que le 22 juillet 2015, soit postérieurement au délai de deux mois suivant la notification aux parties du jugement attaqué, le 15 mai 2015 ;

- le signataire de la requête ne justifie pas qu'il dispose d'une délégation de signature à l'effet de signer celle-ci au lieu et place du ministre de l'intérieur en appel ;

- sur le fond, le tribunal administratif de Mayotte n'a pas commis d'erreur de droit et s'est borné à appliquer une jurisprudence constante du Conseil d'Etat selon laquelle les conditions doivent être remplies par les candidats à la date d'ouverture du concours qui doit être entendue comme celle de la date des épreuves ;

- en l'espèce, la condition à remplir au 1er janvier de l'année du concours n'est pas d'être lieutenant de 1ère classe et lieutenants hors classe mais de compter au moins trois ans de services effectifs dans le cadre d'emplois des lieutenants de sapeurs-pompiers professionnels ;

- d'ailleurs, à suivre le raisonnement du ministre de l'intérieur, aucun concours n'aurait pu être organisé au titre de l'année 2012 puisqu'au 1er janvier 2012, aucun candidat ne pouvait justifier être titulaire des grades de 1ère classe et de hors classes, lesquels n'existaient pas encore puisqu'ils n'ont été créés que par le décret n° 2012-522 du 12 avril 2012, entré en vigueur le 1er mai 2012.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;

- le décret n° 2001-681 du 30 juillet 2001 portant statut particulier du cadre d'emplois des majors et lieutenants de sapeurs-pompiers professionnels, abrogé par le décret n° 2012-522 du 20 avril 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des lieutenants de sapeurs-pompiers professionnels ;

- le décret n° 2001-682 du 30 juillet 2001 modifié par le décret n° 2012-523 du 20 avril 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Axel Basset,

- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 1er août 2013, M.E..., qui a commencé sa carrière de sapeur-pompier professionnel le 1er décembre 1981 avant d'accéder au grade de major au 1er juin 2007, a transmis aux services du ministère de l'intérieur compétents sa candidature au concours interne de capitaine de sapeur-pompier professionnel, ouvert au titre de l'année 2013. Par une décision du 24 octobre 2013 confirmée le 11 décembre 2013 sur recours gracieux formé par l'intéressé, le ministre de l'intérieur a rejeté sa candidature au motif qu'il ne remplissait pas les conditions requises par un décret n° 2012-523 du 20 avril 2012. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 7 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Mayotte, saisi par M.E..., a annulé ces décisions.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. (...) ". Selon l'article 811-2 du même code : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. / Si le jugement a été signifié par huissier de justice, le délai court à dater de cette signification à la fois contre la partie qui l'a faite et contre celle qui l'a reçue. ". En vertu de l'article R. 751-3 de ce code : " Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sans préjudice du droit des parties de faire signifier ces décisions par acte d'huissier de justice ". Selon l'article R. 811-4 du même code, en vigueur à la date d'enregistrement de la requête d'appel du ministre : " A Mayotte, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie, le délai d'appel de deux mois est porté à trois mois. ".

3. Il résulte de l'instruction, et notamment des accusés de réception figurant dans le dossier de première instance, que le jugement attaqué du 7 mai 2015 du tribunal administratif de Mayotte a été notifié au ministre de l'intérieur le 20 mai 2015. Conformément aux dispositions précitées de l'article R. 811-4 du code de justice administrative, celui-ci disposait alors d'un délai de trois mois pour le contester. Il s'ensuit que contrairement à ce que fait valoir M. E..., sa requête d'appel, enregistrée le 22 juillet 2015, avant l'expiration du délai de trois mois, n'est pas tardive.

4. En second lieu, aux termes de l'article 13 d'une décision du 5 mars 2015 régulièrement publiée au JORF n° 0055 du 6 mars 2015, portant délégation de signature (direction des libertés publiques et des affaires juridiques) : " Délégation est donnée à l'effet de signer, au nom du ministre de l'intérieur, dans la limite de leurs attributions respectives, tous actes, arrêtés, décisions, correspondances courantes, recours et mémoires en défense devant les juridictions, à l'exception de ceux qui sont présentés devant le Tribunal des conflits et le Conseil d'Etat (...) à : M. A...D..., administrateur civil, chef du bureau du contentieux statutaire et de la protection juridique des fonctionnaires, directement placé sous l'autorité de la sous-directrice du conseil juridique et du contentieux (...) ". Dès lors, M. A... D...avait qualité pour signer la requête d'appel présentée au nom du ministre de l'intérieur.

5. Il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées par M. E... doivent être écartées.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. D'une part, en vertu de l'article 1 du décret n° 2001-681 du 30 juillet 2001 portant statut particulier du cadre d'emplois des majors et lieutenants de sapeurs-pompiers professionnels, abrogé au 1er mai 2012 : " Les majors et les lieutenants constituent un cadre d'emplois d'officiers de sapeurs-pompiers professionnels de catégorie B au sens de l'article 5 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. / Ce cadre d'emplois comprend les grades de major et de lieutenant. ". L'article 2 de ce décret disposait : " Les majors et les lieutenants de sapeurs-pompiers professionnels (...) coordonnent et dirigent les personnels et les moyens engagés dans toutes les missions dévolues aux services départementaux d'incendie et de secours. Ils participent aux activités de formation et peuvent se voir confier des tâches de gestion administrative et technique du service départemental d'incendie et de secours auquel ils sont affectés. (...) ". L'article 2 du décret n° 2012-522 du 20 avril 2012 susvisé, dont la notice précise, d'une part, qu'il a pour objet de créer un statut particulier du cadre d'emplois des lieutenants de sapeurs-pompiers professionnels en remplacement du statut particulier du cadre d'emplois des majors et lieutenants de sapeurs-pompiers professionnels et, d'autre part, qu'il " constitue la déclinaison pour la filière des sapeurs-pompiers professionnels du nouvel espace statutaire défini par le décret n° 2010-329 du 22 mars 2010 portant dispositions statutaires communes à divers cadres d'emplois de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique territoriale en tenant compte de leurs spécificités opérationnelles ", a structuré le cadre d'emploi ainsi créé de la manière suivante : " Le cadre d'emplois des lieutenants de sapeurs-pompiers professionnels comprend les grades suivants : 1° Lieutenant de 2e classe ; / 2° Lieutenant de 1re classe ; / 3° Lieutenant hors classe. / Ces grades sont respectivement assimilés aux premier, deuxième et troisième grades mentionnés par le décret n° 2010-329 du 22 mars 2010 susvisé. ". Dans le cadre de la phase subséquente de reclassement des personnels concernés, prenant effet au 1er mai 2012, les sapeurs-pompiers professionnels alors titulaires du grade de major ont été reclassés au grade de lieutenant de 2ème classe et les sapeurs-pompiers professionnels titulaires du grade de lieutenant ont été reclassés au grade de lieutenant de 1ère classe.

7. D'autre part, l'article 1 du décret n° 2001-682 du 30 juillet 2001 portant statut particulier du cadre d'emplois des capitaines, commandants, lieutenants-colonels et colonels de sapeurs-pompiers professionnels, abrogé à compter du 1er janvier 2017, disposait : " Les capitaines, commandants, lieutenants-colonels et colonels constituent un cadre d'emplois d'officiers de sapeurs-pompiers professionnels de catégorie A au sens de l'article 5 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. / Ce cadre d'emplois comprend les grades de capitaine, commandant, lieutenant-colonel et colonel. ". Afin d'organiser les modalités d'accès au grade de capitaine, le décret n° 2012-523 du 20 avril 2012 susvisé a créé, dans un chapitre II portant " Dispositions transitoires et finales ", un article 3, en vigueur jusqu'au 1er janvier 2017, qui prévoyait tout particulièrement que : " I. - A la date d'entrée en vigueur du présent décret et durant cinq années, le recrutement en qualité de capitaine de sapeurs-pompiers professionnels intervient après inscription sur une liste d'aptitude établie en application des dispositions des 1° et 2° de l'article 36 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, à l'exception des deux premières années où la liste d'aptitude est établie en application du 2° de l'article 36 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. / II. - Pour les deux premières années, un concours interne est ouvert aux lieutenants de 1ère classe et lieutenants hors classe du cadre d'emplois des lieutenants de sapeurs-pompiers professionnels comptant au moins trois ans de services effectifs dans ce cadre d'emplois au 1er janvier de l'année au titre de laquelle le concours est organisé. (...) ".

8. Il ressort des dispositions précitées de l'article 3 du décret n° 2012-523 du 20 avril 2012 que le concours interne ouvert à titre transitoire, au cours des deux premières années suivant la création du statut particulier du cadre d'emplois des lieutenants de sapeurs-pompiers professionnels, s'adressait de manière spécifique aux sapeurs-pompiers remplissant les deux conditions qu'elles requièrent, à savoir, d'une part, être titulaire du grade de lieutenant de 1ère classe ou de lieutenant hors classe et, d'autre part, avoir accompli au moins trois ans de services effectifs dans le cadre d'emplois des lieutenants de sapeurs-pompiers professionnels, et qui devaient toutes deux êtres appréciées à la date du 1er janvier de l'année au titre de laquelle les concours correspondants seraient organisés, soit, en l'espèce, au 1er janvier 2013. Il est constant que M.E..., qui était titulaire du grade de major depuis le 1er juin 2007 avant d'être reclassé, au 1er mai 2012, dans le grade de lieutenant de 2ème classe lors de la disparition du grade de major, ne remplissait pas, au 1er janvier 2013, la condition de grade requise par l'article 3 du décret n° 2012-523 du 20 avril 2012 pour accéder au grade de capitaine par la voie du concours interne organisé au titre de l'année 2013. Contrairement à ce qu'il fait valoir, la circonstance qu'il ait été promu au grade de lieutenant de 1ère classe le 4 juin 2013, soit avant la date du début des épreuves, est sans incidence sur l'appréciation qui devait être portée sur la validité de sa candidature. Dès lors, et contrairement à ce qu'ont relevé les premiers juges, en refusant pour ce motif la candidature de M. E...au concours organisé au titre de l'année 2013, par les décisions contestées des 24 octobre et 11 décembre 2013, le ministre de l'intérieur n'a pas commis d'erreur de droit ni inexactement apprécié la situation de l'intéressé.

9. Il résulte de ce qui précède que, en l'absence d'autres moyens soulevés par M. E...dans sa demande de première instance, dont la cour administrative d'appel serait saisie par l'effet dévolutif de l'appel, le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Mayotte a annulé les décisions contestées des 24 octobre et 11 décembre 2013.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M.E... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1300613 du 7 mai 2015 du tribunal administratif de Mayotte est annulé.

Article 2 : La demande de M. E...présentée devant le tribunal administratif de Mayotte est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. E...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C...E....

Délibéré après l'audience du 22 mai 2017, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, premier conseiller,

M. Axel Basset, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 juin 2017.

Le rapporteur,

Axel BassetLe président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 15BX02620


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX02620
Date de la décision : 19/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Axel BASSET
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS J. MUSCHEL - F. METZGER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-06-19;15bx02620 ?
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