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13/06/2017 | FRANCE | N°17BX00413

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 13 juin 2017, 17BX00413


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 24 août 2016 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1602136 du 29 décembre 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires enregistrées les 6 février et

19 avril 2017, M.B..., représenté par la SCP Breillat-Dieumegard-Masson, demande à la cour :

1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 24 août 2016 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1602136 du 29 décembre 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires enregistrées les 6 février et 19 avril 2017, M.B..., représenté par la SCP Breillat-Dieumegard-Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 décembre 2016 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 août 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'un an, subsidiairement, de lui délivrer dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt et sous la même astreinte une autorisation provisoire de séjour portant autorisation de travail, très subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à payer à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la délégation de signature accordée est extrêmement large et ne permet pas de déterminer les attributions accordées au secrétaire général, notamment, elle ne permet pas d'apprécier s'il bénéficiait de l'habilitation pour signer les arrêtés bien spécifiques relatifs aux obligations de quitter le territoire ; la délégation de signature du 26 octobre 2015 visée dans la décision préfectorale contestée du 24 août 2016 est une délégation générale ; un arrêté spécifique relatif aux délégations de signature concernant spécifiquement la mise en oeuvre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers a été édicté par les services préfectoraux ; l'administration n'a produit en première instance que la délégation de signature relative à la mise en oeuvre du code de l'entrée et du séjour des étrangers du 6 septembre 2016 postérieurement à l'arrêté contesté du 24 août 2016 ;

- le refus de séjour ne répond pas aux exigences de motivation prévues par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ; la convention franco-togolaise relative à la circulation et au séjour des personnes signée le 13 juin 1996 et publiée par le décret n° 2001-1268 du 20 décembre 2001 était applicable à sa situation ;

- sa demande d'admission exceptionnelle en raison de ses liens privés et familiaux présentée le 25 janvier 2016 n'a fait l'objet d'aucun examen, l'article correspondant n'étant même pas visé par le préfet qui s'est borné à viser l'article L 313-11-7° du code sans faire référence à l'article L. 313-14 et sans indiquer que les éléments de la situation personnelle de l'intéressé feraient obstacle à ce que sa demande puisse être regardée comme relevant d'un motif exceptionnel ;

- le préfet n'a pas apprécié si la situation justifiait son admission au séjour sur le fondement de l'article L 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la durée de son séjour, l'absence d'attaches au Togo, la réalité et l'intensité de sa relation avec une Française et ses efforts d'intégration constituent des motifs exceptionnels au sens de ce texte ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ; il a tissé en France où il réside depuis l'année 2012 des liens personnels, affectifs et familiaux ; il vit en concubinage avec une Française avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité le 23 décembre 2015 ; il s'occupe avec attention de l'enfant mineure de sa compagne avec laquelle il vit depuis mai 2015, soit depuis plus de quinze mois à la date du refus de séjour ; sa compagne a fourni des déclarations circonstanciées sur le début de leur vie commune en mai 2015, confirmé par leurs proches et par l'attestation du maire de leur commune ; il y a lieu de tenir compte de l'intensité de la vie commune et pas seulement de sa durée, en particulier de la spécificité de la situation des partenaires liés par un pacte civil de solidarité qui se distingue de la relation de concubinage ; la circulaire NOR INTD0400134C du 30 octobre 2004 précise aux services préfectoraux de considérer comme satisfaite la condition de stabilité des liens en France, dès lors que les intéressés justifieraient d'une durée de vie commune en France égale à un an, ce qui est le cas de l'espèce ; sa soeur jumelle de nationalité française vit en Angleterre et son demi-frère est également de nationalité française ; il justifie être dépourvu de lien dans son pays d'origine ; il entretient des bonnes relations avec la famille de sa compagne et établit, alors que sa situation administrative ne lui permet pas d'exercer une activité professionnelle, ses efforts d'intégration, notamment ses démarches tendant à l'échange de son permis de conduire togolais contre un permis de français ;

- la mesure d'éloignement est privée de base légale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ; les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ; l'exécution de la mesure implique qu'il soit séparé de sa compagne, chargée de famille, qui ne peut quitter la France même temporairement ;

- la décision fixant le pays de renvoi, qui ne fait état d'aucune considération de fait, est insuffisamment motivée par la formule laconique précisant qu'il n'est pas contrevenu aux dispositions des articles 3 et 8 de la convention susmentionnée, sans précision sur les risques encourus au Togo et sans mention sur son exposition à des peines ou traitements inhumains et dégradants.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 mars 2017.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 avril 2017, le préfet de la Charente-Maritime conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que :

- le signataire de l'arrêté contesté disposait de délégations consenties par deux arrêtés des 26 octobre et 15 décembre 2015 ;

- la motivation est suffisante ;

-l'intéressé n'invoquait pas de considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels ; en tout état de cause, aucun élément de sa situation ne révèle l'existence de tels éléments ; la circulaire invoquée est dépourvue de valeur règlementaire ;

- la réalité des liens personnels et familiaux invoqués n'est pas établie ; la relation est récente ; Mme J. a d'ailleurs été mariée 2 fois ; au surplus, l'intéressé ne justifie ni de son entrée en France avec un visa de court séjour, ni de l'ancienneté de son séjour, ni de son intégration en France ; ses attaches familiales en France, en Angleterre et au Bénin se caractérisent par leur éloignement ; l'intéressé qui se déclare Togolais a vécu hors de France jusqu'en 2012 et n'a pas fait état de craintes pour sa vie.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention franco-togolaise du 13 juin 1996 relative à la circulation et au séjour des personnes ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., de nationalité togolaise, relève appel du jugement du 29 décembre 2016 du tribunal administratif de Poitiers rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 août 2016 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

2. L'arrêté litigieux a été signé par M. Tournaire, secrétaire général de la préfecture, auquel le préfet de la Charente-Maritime avait consenti une délégation par un arrêté du 26 octobre 2015 régulièrement publié le lendemain " pour signer tous arrêtés ", sans exclure la police des étrangers, délégation ultérieurement précisée pour les mesures d'éloignement par l'arrêté du 15 décembre 2015 publié le surlendemain. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque donc en fait.

3. Le préfet n'était pas tenu de viser la convention franco-togolaise du 13 juin 1996 dès lors que la demande dont il s'estimait saisi par le courrier du 22 janvier 2016 n'entrait pas dans le champ d'application des points traités par cette convention et était régie, en vertu de l'article 13 de la même convention, par la législation interne française. Il a visé notamment les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile puis, après avoir rappelé la demande dont il s'estimait saisi sur le fondement du 7° de l'article L.313-11 et la situation familiale de l'intéressé, il a mentionné avec précision les éléments de fait fondant le refus de séjour, notamment l'absence de liens personnels et familiaux " intenses " en France, l'absence non établie de liens au Togo et le maintien irrégulier en France. Cette motivation est conforme aux exigences prévues par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. De même, en visant l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et en indiquant que M. B...n'établissait pas être exposé à des peines ou traitements contraires à ces stipulations, le préfet a suffisamment motivé sa décision fixant le pays de renvoi au regard des prescriptions susmentionnées.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique et au bien-être économique du pays (...)". En vertu du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit à l'étranger dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. M.B..., entré en France selon ses dires en mai 2012, se prévaut de la présence en France de son demi-frère de nationalité française, de la nationalité française de sa jumelle qui vit au Royaume Uni et surtout de sa vie maritale depuis le mois de mai 2015 avec une Française avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité le 23 décembre suivant. Toutefois, alors même que l'ensemble de sa fratrie aurait quitté le Togo, le requérant, célibataire et sans enfants, ne peut sérieusement être regardé comme dépourvu de toute attache dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 40 ans. Dans les circonstances de l'affaire, compte tenu tant de la durée et des conditions de séjour en France de l'intéressé, qui ne justifie pas avoir sollicité sa régularisation avant le 25 janvier 2016, que du caractère récent de sa vie maritale, le préfet n'a pas porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a donc pas fait une inexacte application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, la circulaire NOR INTD0400134C adressée aux préfets le 30 octobre 2004 par le ministre chargé de l'intérieur, ayant pour objet les " conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ", dépourvue de caractère règlementaire, ne peut être utilement invoquée.

5. Le requérant, qui se bornait à soutenir en première instance avoir sollicité un titre de séjour " au regard de ses liens personnels et familiaux en France ", sans autres précisions que la référence à l'article L. 313-11 7° du code du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fait valoir en appel que le défaut de visa de l'article L. 313-14 du même code et l'absence de mention des motifs pour lesquels les éléments dont il faisait état ne présentaient pas un caractère exceptionnel justifiant sa régularisation, révèlent le défaut d'examen de sa demande d'admission exceptionnelle " en raison de ses liens privés et familiaux " présentée le 25 janvier 2016. Le préfet s'est référé à une demande de régularisation " à raison du pacte civil de solidarité conclu le 23 décembre 2015 " et après avoir écarté le droit au bénéfice des dispositions de l'article L. 313-11 7°, a relevé que M. B... n'entrait " dans aucun cas d'attribution de titre de séjour de plein droit en application du CESEDA ". Il n'a donc pas examiné sa demande au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant la délivrance d'une carte de séjour temporaire à l'étranger dont l'admission au séjour répond à " des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir ". Le moyen tiré par M.B..., qui s'abstient de produire la demande qu'il allègue avoir adressée sur le fondement de ces dispositions, du défaut d'examen de sa situation ne peut qu'être écarté.

6. Dans les circonstances exposées aux points 2 à 5, les moyens invoqués à l'encontre de la mesure d'éloignement, tirés de l'illégalité du refus de séjour et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur. Une copie sera adressée pour information au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Gil Cornevaux, président assesseur,

Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 juin 2017.

Le rapporteur,

Marie-Thérèse Lacau Le président,

Elisabeth Jayat Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX00413


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00413
Date de la décision : 13/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Marie-Thérèse LACAU
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-06-13;17bx00413 ?
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