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13/06/2017 | FRANCE | N°15BX00399

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 13 juin 2017, 15BX00399


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération nationale des associations d'usagers des transports (F.N.A.U.T.) a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande d'annulation de la décision du 9 juin 2011 par laquelle le conseil d'administration de Réseau Ferré de France a décidé la fermeture à tout trafic de la section entre les PK 660, 268 et 728. 876 de l'ancienne ligne n° 724000 de Cahors à Capdenac.

Par un jugement n° 1103928 du 5 décembre 2014, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Pr

océdure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 février 2015, la Fédération...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Fédération nationale des associations d'usagers des transports (F.N.A.U.T.) a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande d'annulation de la décision du 9 juin 2011 par laquelle le conseil d'administration de Réseau Ferré de France a décidé la fermeture à tout trafic de la section entre les PK 660, 268 et 728. 876 de l'ancienne ligne n° 724000 de Cahors à Capdenac.

Par un jugement n° 1103928 du 5 décembre 2014, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 février 2015, la Fédération nationale des associations d'usagers des transports, représentée par MeA..., demande à la cour d'annuler ce jugement du 5 décembre 2014 du tribunal administratif de Toulouse, d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 9 juin 2011 et de mettre à la charge de Réseau Ferré de France la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la consultation a été menée en juin 2010 sur la base d'un dossier incomplet et partial, dépourvu de toute analyse objective, qui laisse croire à l'existence d'un consensus ; il ne présente pas les enjeux de la fermeture de façon loyale et a été monté pour démontrer l'inutilité de la ligne ; il ressort du compte-rendu de la réunion du 3 mai 2010 qu'elle n'a pas permis contrairement à ce qui est mentionné de recueillir un consensus ; sur 6 interventions, 2 soutiennent la fermeture ; le principal atout de la ligne, qualifiée par la presse locale de " fleuron touristique du Lot ", train touristique le plus fréquenté avec 15 000 voyageurs par saison, n'est pas mentionné ; Querçyrail est simplement mentionnée dans l'historique ; en avril 2009, cette association qui avait trouvé des financements pour les travaux était prête à reprendre l'exploitation de la ligne ; aucun chiffre n'est donné sur le trafic routier des 2 routes départementales, ce qui aurait pu éclairer sur le potentiel ferroviaire ; le trafic routier sur la route D 13 Cahors-Figeac est intense en période estivale ; la ligne constitue en outre un axe de délestage ou accueillant des circulations ponctuelles ; s'agissant des flux permanents, la seule analyse concerne les flux domicile-travail de ou vers Capdenac, gare ferroviaire avec une population et une activité économique limitées ; les flux Cahors-Figeac, Cahors-Aurillac et Rodez et les flux universitaires concernant ces 4 villes, sites universitaires, sont également ignorés ; le dossier ignore les flux potentiels de voyageurs captables en se bornant à mettre en évidence la faible attractivité de Capdenac ; en interne Réseau Ferré de France admet dans un document de travail élaboré en 2013 la nécessité d'une nouvelle méthode d'évaluation de l'opportunité des fermetures de ligne ;

- le tribunal ne répond pas au moyen et se borne à relever que les opposants ont pu s'exprimer ; la concertation est gravement irrégulière ; au cours de la réunion du 12 avril 2010, la moitié des participants était favorable au maintien de la ligne ; 9 mois avant, en août 2009 Réseau Ferré de France avait transmis un projet de convention de l'emprise ferroviaire impliquant la fermeture et le conseil général s'était prononcé en faveur de la voie verte ; cette opération de concertation n'était qu'un faux semblant cautionnant une décision déjà prise ; le courrier d'invitation à la réunion évoquait l'avenir de l'infrastructure sans préciser que Réseau Ferré de France envisageait la fermeture ; comme l'a indiqué RFF, cette réunion visait à expliquer la fermeture et ses conséquences ; la formule de fermeture sans déclassement étaient ambiguë et rassurante pour les partisans du maintien de la ligne non informés que la fermeture permet la dépose de la voie ;

- la proposition de fermeture par courrier du 7 mars 2011 au ministre chargé des transports relevait en vertu de l'article 31 du décret du 5 mai 1997 du conseil d'administration et non du secrétaire général qui n'avait reçu aucune délégation à cet effet ; l'habilitation évoquée par les premiers juges ne repose sur aucun texte ou principe général ;

- les intérêts dont Réseau Ferré de France avait la charge en vertu de l'article 1er de la loi du 13 février 1997 n'ont pas été pris en compte ; le tribunal n'a pas répondu au moyen, distinct de celui abandonné en appel tiré du détournement de pouvoir et a renversé la charge de la preuve ; le potentiel touristique, le potentiel de fret et le potentiel voyageurs autre que les trajets domicile-travail de Capdenac (domicile-études vers les 4 villes susmentionnées, potentiel touristique et potentiel d'axe de délestage) n'ont pas été pris en compte ; seuls les flux domicile-travail entre Cahors et Capdenac ont été pris en compte, alors même que l'étude d'un cabinet indépendant estime le potentiel de la ligne Cahors-Capdenac à 2 000 voyages quotidiens et 650 000 tonnes par an ; pourtant invité par son ministre de tutelle en 2008 et 2009 à une véritable vision prospective sans céder aux exigences des élus locaux désireux de réaliser des aménagements sur les emprises ferroviaires, Réseau Ferré de France n'a pris en compte que les seuls intérêts des projets non ferroviaires, principalement la création d'une voie verte en s'abstenant d'examiner l'intérêt d'une reprise du trafic ;

- l'article L. 120-1 du code de l'environnement a été méconnu ; la suppression de la ligne qui implique de lourds travaux de dépose et l'augmentation du trafic routier plus polluant et a pour seul but de permettre des aménagements importants a une incidence sur l'environnement tout comme les opérations de remise en ligne qui perturbent le milieu naturel ;

- l'avis émis par la commission permanente du conseil régional est irrégulier ; la délégation de compétence exclut les cas où une délibération du conseil régional en séance plénière est exigée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2015, SNCF Réseau, venants aux droits de Réseau ferré de France, représenté par la SCP Meier-Bourdeau-Lécuyer, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la FNAUT à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- l'absence de rentabilité de la ligne et de perspectives sérieuses de reprise du trafic à court et moyen terme qui ressort de la synthèse du dossier de consultation ressortait déjà de l'étude réalisée en 2009 par le bureau ITER, qui est distincte ; le dossier expose de façon objective les données factuelles, historiques, socio-économiques, démographiques et celles relatives à l'offre de transport puis propose des perspectives ; Réseau Ferré de France n'a jamais admis d'insuffisances ; le document de travail d'ordre général postérieur à la décision contestée est purement interne ; l'appelante n'apporte aucun élément permettant d'infirmer l'absence de rentabilité de la ligne et de perspectives sérieuses de reprise du trafic ; le compte-rendu de la réunion du 3 mai 2010 mentionne les interventions puis en conclusion note l'accord sur la fermeture à la circulation ferroviaire ; la CCI s'interrogeait sur la possibilité de réactivation sans s'opposer à la fermeture, comme la communauté de communes de Figeac et l'association Quercy Rail ; le consensus relevé dans le dossier en cause est donc réel ; le dossier mentionne à plusieurs reprises l'exploitation d'un train touristique par l'association Quercy Rail et l'attractivité de la ligne ; cette question fait même partie des propositions d'évolution ; les éléments sont suffisants en ce qui concerne les principaux flux de voyageurs, Cahors représentant plus de 75 % de la population des communes traversées par la ligne ; il analyse les possibilités de transport routier individuel et collectif ; le potentiel voyageurs a donc été pris en compte ; d'autres itinéraires ferroviaires permettent de rejoindre Cahors ;

- aucun texte ou principe général ne prévoit qu'un transfert de gestion doive être précédé d'une décision de fermeture ; les échanges avec le département du Lot antérieurement à la procédure de concertation n'entachent pas d'irrégularité la décision contestée et ne révèlent aucun manquement au principe de loyauté ; il peut être mis à tout moment un terme à la procédure de fermeture, qui n'a pas par elle-même pour effet de contraindre le gestionnaire à la dépose des voies, laquelle n'est d'ailleurs toujours pas intervenue ; une fermeture peut permettre la circulation des trains touristiques ; aucun transfert de gestion ou ouverture d'une voie verte sur la totalité de la ligne n'ont été constatés à ce jour ;

- l'article 31 du décret du 5 mai 1997 autorise le conseil d'administration à prendre les décisions engageant l'établissement sur la base de travaux préparatoires élaborés par ses services internes ; il peut seul par une décision expresse décider de la fermeture quelle que soit la personne à l'origine de la procédure ; par suite la circonstance que le secrétaire général ait adressé au ministre la proposition de fermeture, mesure purement interne et acte préparatoire sans caractère de décision est sans incidence sur la légalité de la décision contestée du conseil d'administration ; les articles 22 et 31 du décret du 5 mai 1997 n'imposent pas au conseil d'administration de mettre en oeuvre lui-même chaque étape de la procédure ;

- aucun élément n'établit l'intérêt de s'abstenir de fermer la ligne ; la procédure d'information et de concertation menée révèle que Réseau Ferré de France a pris en compte les intérêts dont il a la charge, c'est-à-dire l'ensemble des éléments structurels, économiques, budgétaires et financiers (rentabilité, coût d'entretien et de surveillance des ouvrages, sécurité) et ainsi que d'autres intérêts publics à concilier avec ses propres missions ; la décision contestée répond aux objectifs d'aménagement du territoire et du réseau national assignés par le législateur ; les directives invoquées sans valeur normative ont été appliquées ; la fermeture n'a pas été décidée précipitamment ; la voie verte permet de conserver le linéaire de l'emprise ferroviaire rendant aisée une réouverture ;

- en l'absence d'incidence spécifique, directe et avérée sur l'environnement au sens de l'article 7 de la charte de l'environnement d'une décision de fermeture tirant les conséquences de l'arrêt de l'exploitation, l'article L. 120-1 du code de l'environnement est inapplicable en l'espèce ; la dépose des rails, traverses, ballast et signalisation n'est qu'une faculté ouverte par la fermeture d'ailleurs sans impact important sur l'environnement au regard notamment des travaux d'entretien de la voie en cas d'ouverture ;

- l'organe délibérant n'est pas précisé par l'article 22 ; l'article L. 4221-5 du code général des collectivités territoriales autorise la délégation des attributions du conseil régional à la commission permanente, comme en l'espèce par la délibération du 26 mars 2010 ; cette délégation a pour effet de dessaisir le conseil régional de ses compétences ; l'avis n'est pas au nombre des délibérations qui ne peuvent être prises que par le conseil régional en application de l'article L. 4221-5 ; l'avis du 16 décembre 2010 a été régulièrement émis par la commission permanente au nom de la Région.

Par une ordonnance du 16 juillet 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 septembre suivant.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- le code de l'environnement, notamment son article L. 120-1 ;

- le code des transports ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 97-135 du 13 février 1997 ;

- le décret n° 97-444 du 5 mai 1997 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau,

- et les conclusions de M. David Katz, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La Fédération nationale des associations d'usagers des transports (F.N.A.U.T.) relève appel du jugement du 5 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté son recours pour excès de pouvoir formé à l'encontre de la décision du 9 juin 2011 du conseil d'administration de Réseau Ferré de France décidant la fermeture à tout trafic de la section entre les points kilométriques 660, 268 et 728. 876 de l'ancienne ligne n° 724000 de Cahors à Capdenac.

Sur la régularité du jugement :

2. Si l'appelante soutient que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen, distinct de celui tiré du détournement de pouvoir expressément abandonné en appel, tiré de l'absence de prise en compte des intérêts dont Réseau Ferré de France avait la charge en vertu de l'article 1er de la loi du 13 février 1997, les premiers juges ont estimé au point 8 de leur jugement que " la ligne en litige est fermée au trafic voyageurs depuis le 1er avril 1989 et depuis le 1er octobre 1990 au trafic de fret ; que si l'association Quercyrail a assuré dans le cadre d'une convention conclue avec RFF et le département du Lot un service touristique entre Cahors et Cajarc, ce service a dû être arrêté en 2003 pour des raisons de sécurité ferroviaire ; que les études qui ont été menées et qui ne sont pas sérieusement contredites par aucune des pièces produites par la fédération requérante montrent l'absence de toute perspective de développement ou de reprise du trafic voyageurs ou de fret ; qu'il n'est ni établi ni même allégué que les entreprises ferroviaires intéressées aient fait connaître leur opposition au projet de fermeture ; qu'enfin, et contrairement aux allégations de la requérante, un projet de circuit touristique ferroviaire a bien été envisagé sur une portion de la ligne ; qu'ainsi, la FNAUT n'est pas fondée à soutenir que RFF a pris en l'espèce une décision qui méconnaîtrait les objectifs de sa mission de gestionnaire du réseau ferré qui consiste à mettre des sillons à disposition des entreprises ferroviaires ". Le tribunal a ainsi répondu de manière suffisante au moyen invoqué.

3. Le tribunal, qui a écarté dans son considérant 3 de façon suffisamment motivée le moyen tiré du caractère incomplet et partial du dossier de consultation et a relevé en outre que " les avis opposés au projet ont pu s'exprimer lors de la concertation mise en oeuvre par le préfet du Lot ", n'était pas tenu de répondre à l'ensemble de l'argumentation dont il était saisi.

Sur la légalité de la décision du 9 juin 2011 :

4. Aux termes des deux premiers alinéas de l'article 22 du décret du 5 mai 1997 dans sa rédaction issue du décret du 26 juillet 2011 : " Lorsque RFF envisage la fermeture d'une ligne ou d'une section de ligne, il soumet le projet de fermeture à la région compétente pour organiser les services ferroviaires régionaux de voyageurs sur la ligne ou la section de ligne en cause.... La région ... dispose d'un délai de trois mois pour faire connaître son avis. L'absence de réponse de l'organe délibérant dans ce délai vaut avis favorable. Parallèlement, RFF publie dans une publication professionnelle du secteur des transports un avis relatif à ce projet de fermeture. Les entreprises ferroviaires, les gestionnaires d'infrastructure de réseaux raccordés ou embranchés et les titulaires de contrat ou de convention prévus aux articles 1er-1 et 1er-2 de la loi du 13 février 1997 susvisée disposent d'un délai de trois mois pour lui faire connaître leurs observations. Dès l'engagement des consultations, RFF informe de son projet le ministre chargé des transports qui s'assure notamment que la fermeture projetée ne présente pas d'inconvénient au regard des impératifs de défense. Après avoir recueilli les avis et observations mentionnés aux premier et deuxième alinéas et s'il entend poursuivre son projet, RFF adresse au ministre chargé des transports une proposition motivée de fermeture, accompagnée des avis reçus et du bilan des observations recueillies. ". Par ailleurs, une irrégularité éventuellement commise dans le déroulement d'une procédure suivie à titre facultatif par l'administration est de nature à vicier la validité de la décision intervenue.

5. Le dossier de consultation, constitué avec le concours d'un bureau d'études comporte 41 pages. Il rappelle, en joignant le décret du 5 mai 1997, la procédure applicable, le processus de concertation engagé, les réflexions menées, en particulier l'étude du cabinet ITER présentée en septembre 2009 au conseil régional de Midi-Pyrénées sur le devenir des 14 lignes régionales, l'historique de la ligne, la présentation des 19 communes traversées, comptant au total 26 464 habitants, le contexte socio-économique et démographique et les possibilités de transport routier individuel et collectif . Les conclusions relatives à l'absence de perspectives de trafic " voyageurs " à court et moyen terme et de perspectives de fret compte tenu de la demande quasi inexistante de transport de marchandise par voie ferroviaire sont assorties de précisions suffisantes. Parmi les 4 annexes figurent, outre de nombreuses vues aériennes, l'historique des consultations menées et le compte-rendu de la réunion de concertation organisée le 3 mai 2010 par le préfet du Lot. Ce compte-rendu fait état notamment des interrogations de la chambre de commerce et d'industrie, de la communauté de communes de Figeac et de l'association Quercy Rail puis relève un consensus autour du projet de fermeture à la circulation ferroviaire n'excluant pas la possibilité d'exploitation d'un train touristique. Le dossier ne peut donc en tout état de cause être regardé en faisant état de ce consensus, comme présentant un caractère incomplet et partial de nature à vicier la procédure. A l'appui de son moyen, l'appelante fait valoir que les enjeux de la fermeture n'ont pas été présentés de façon " loyale ". Contrairement à ce qu'elle soutient, l'intérêt que représente la ligne compte tenu du potentiel touristique de la vallée n'est pas simplement évoqué dans l'historique et, comme en témoignent les débats lors des concertations antérieures, il a été suffisamment pris en compte pour l'élaboration et la présentation du projet de fermeture, d'autant que l'exploitation touristique de la ligne était interrompue depuis 8 ans pour des raisons de sécurité. L'absence de données précises sur, d'une part, le trafic des routes départementales 662 et 653, d'autre part, le potentiel représenté par les étudiants ne suffit pas, compte tenu notamment de ce que la ligne n'était plus exploitée de longue date, à ôter toute valeur probante aux projections sur les flux potentiels de voyageurs, alors même qu'un cabinet " indépendant ", dont l'étude ne révèle pas à elle seule le caractère partial ou incomplet du dossier de consultation, estime le potentiel de la ligne Cahors-Capdenac à 2 000 voyages quotidiens et 650 000 tonnes par an. Si la fédération fait valoir que pour l'estimation des flux permanents de voyageurs seuls les flux domicile-travail entre Cahors et Capdenac ont été pris en compte, le défendeur indique que la commune de Cahors représente plus de 75 % de la population concernée. Le document de travail interne rédigé en avril 2013 par un agent de la direction de la stratégie postérieurement à la décision contestée faisant état de façon générale de la nécessité d'une meilleure évaluation de l'opportunité des fermetures de ligne et d'une amélioration de la qualité des dossiers de consultation ne révèle à lui seul aucune irrégularité de la décision contestée et ne peut en tout état de cause être utilement invoqué. Le projet de convention de transfert de gestion de l'emprise ferroviaire adressé le 14 août 2009 par le directeur régional de Réseau Ferré de France au président du conseil général du Lot et les échanges avec le département du Lot antérieurs à la procédure de concertation révèlent, non que la consultation n'était qu'un " faux-semblant " visant à " cautionner " une décision déjà prise, mais tout au plus que Réseau Ferré de France envisageait la fermeture. Le moyen tiré de la violation du principe de loyauté doit donc en tout état de cause être écarté. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le dossier de consultation aurait pu induire en erreur les personnes consultées, notamment sur les enjeux et les conséquences de la fermeture, et ne les aurait pas mis à même de se prononcer en connaissance de cause, après avoir sollicité le cas échéant tout élément complémentaire.

6. Plus généralement, l'appelante qui soutient que la concertation est " gravement irrégulière " évoque la réunion organisée par le préfet du Lot le 3 mai 2010 et fait valoir que l'objet de la convocation du 12 avril 2010 mentionnant sans autres précisions " le devenir de la voie ferrée Cahors-Capdenac " révèle une présentation biaisée et " rassurante " du projet. Ni cette mention, ni la mention " fermeture sans déclassement " ne comportent d'ambigüités et il ne peut être sérieusement soutenu que les partisans du maintien de la ligne n'étaient pas informés des possibilités ultérieures de dépose des voies, alors d'ailleurs que ces opérations ne peuvent être exécutées qu'en application d'une décision de déclassement susceptible être contestée devant le juge de l'excès de pouvoir.

7. L'article L. 4221-1 du code général des collectivités territoriales prévoit que le conseil régional règle par ses délibérations les affaires de la région dans les domaines de compétence que la loi lui attribue. En vertu de l'article L. 4221-5 du même code, il peut déléguer une partie de ses attributions à sa commission permanente, à l'exception de celles relatives au vote du budget, à l'approbation du compte administratif et aux mesures relatives aux dépenses obligatoires. Suite à la consultation de la région Midi-Pyrénées le 28 septembre 2010, conformément à l'article 22 du décret du 5 mai 1997, la commission permanente du conseil régional qui a émis l'avis du 16 décembre suivant, était habilitée pour ce faire par une délibération du 26 mars 2010.

8. L'article L. 120-1 du code de l'environnement prévoit le régime de droit commun de participation du public à l'élaboration des décisions des autorités publiques ayant " une incidence sur l'environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière ". Cet article, qui a pour seul objet la mise en oeuvre du principe de participation qu'il énonce, doit être interprété en conformité avec l'article 7 de la Charte de l'environnement, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel. Il en résulte que la procédure qu'il prévoit ne concerne que les décisions ayant une incidence directe et significative sur l'environnement. La décision contestée, fondée notamment sur le défaut d'exploitation d'une section de ligne fermée de longue date à tout trafic et depuis près de 8 ans, pour des raisons de sécurité, à l'exploitation touristique, est par elle-même sans conséquence notable sur l'augmentation du trafic routier et plus généralement sans incidence directe et significative sur l'environnement au sens des dispositions précitées. Elle n'implique d'ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 6, pas nécessairement la dépose des voies et autres infrastructures, opérées suite à une décision de retranchement de la ligne du réseau. Enfin, les perturbations de l'écosystème lors des travaux préalables à une éventuelle reprise du trafic ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre de la décision de fermeture.

9. L'article 22 du décret du 5 mai 1997 prévoit que Réseau Ferré de France adresse au ministre chargé des transports une proposition motivée de fermeture. Cette proposition a été adressée en l'espèce par un courrier du 7 mars 2011 du secrétaire général auquel le ministre a répondu favorablement le 28 mai 2011. A supposer même que le secrétaire général, qui bénéficiait d'une délégation de pouvoirs accordée le 7 janvier 2000 par le président de l'établissement, n'aurait pas été compétent pour adresser au ministre la proposition de fermeture au nom de l'établissement public, cette circonstance sans incidence sur le sens de la décision contestée ne caractériserait au surplus aucun vice substantiel dès lors que la saisine effective du ministre le mettait à même de " demander le maintien en place de la voie ou de tout ou partie des biens constitutifs de l'infrastructure de cette ligne ou section de ligne ", comme le prévoient les dispositions de l'article 22 du décret du 5 mai 1997.

10. Le trafic des voyageurs, le trafic de fret et le service touristique assuré entre Cahors et Cajarc par l'association Quercyrail ont cessé respectivement en 1989, en 1990 et en 2003. Les conclusions claires et concordantes du dossier de consultation, qui confirment l'absence de rentabilité corroborée par l'étude réalisée en 2009 par le bureau ITER, ne sont pas sérieusement contestées par l'appelante. Dans ces conditions, aucun élément du dossier n'établit qu'en décidant la fermeture de la section de ligne en litige, compte tenu de l'absence de perspective sérieuse de reprise, même à des fins touristiques, du projet de voie verte entre Cahors et Capdenac, conforme au potentiel touristique local, permettant la conservation du linéaire de l'emprise ferroviaire pour une éventuelle réouverture, compte tenu en outre des effets de sa décision sans caractère irréversible, Réseau Ferré de France ne s'est pas livré à une appréciation entachée d'erreur manifeste, notamment au regard des objectifs fixés par la loi du 13 février 1997 " de promouvoir le transport ferroviaire en France dans une logique de développement durable, l'aménagement, le développement, la cohérence et la mise en valeur du réseau ferré national " et " d'être le gestionnaire du réseau ferré national ". Le moyen tiré de l'absence de prise en compte des intérêts dont Réseau Ferré de France a la charge ne peut qu'être écarté. Enfin, les directives ministérielles émises en 2008 et 2009 préconisant une véritable vision prospective et distanciée par rapport aux souhaits exprimés par les élus locaux désireux de réaliser des aménagements sur les emprises ferroviaires, dépourvues de valeur réglementaire, ne peuvent être utilement invoquées.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la Fédération nationale des associations d'usagers des transports n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que SNCF Réseau, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, soit condamné à payer à la Fédération nationale des associations d'usagers des transports la somme qu'elle demande à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de condamner l'appelante à payer à SNCF Réseau la somme de 1 200 euros sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports est rejetée.

Article 2 : La Fédération nationale des associations d'usagers des transports versera à SNCF Réseau la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération nationale des associations d'usagers des transports et à SNCF Réseau.

Une copie en sera adressée au ministre chargé des transports.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Gil Cornevaux, président assesseur,

Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 juin 2017.

Le rapporteur,

Marie-Thérèse Lacau Le président,

Elisabeth Jayat Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 15BX00399


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