Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme G...E..., M. F...E...et Mme F...D...ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 5 août 2014 par lequel le maire de la commune de Baie-Mahault a accordé à la SCI Kefras un permis de construire modificatif portant sur un immeuble à usage de bureaux et de commerces dans la ZAC de Houelbourg Sud.
Par un jugement n° 1400957 du 10 mars 2016, le tribunal administratif de la Guadeloupe a prononcé un non-lieu sur cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 mai 2016 sous le numéro 16BX01594, et un mémoire, enregistré le 7 avril 2017, Mme E...et autres, représentés par MeA..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 10 mars 2016 ;
2°) de prononcer l'annulation de l'arrêté du 5 août 2014 du maire de la commune de Baie-Mahault ;
3°) de condamner la commune de Baie-Mahault à leur verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux " entiers dépens de l'instance " ;
Ils soutiennent que :
- le tribunal n'a pu estimer la requête privée d'objet alors que l'arrêt du 9 juillet 2015 par lequel la cour a statué, après avoir sursis par application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sur la légalité du permis de construire modificatif n'était pas définitif ;
- le sursis à statuer ne saurait priver les requérants du double degré de juridiction ;
- le permis de construire modificatif était illégal ; il ne pouvait être délivré après l'achèvement des travaux ; le dossier de demande était toujours incomplet s'agissant du cahier des charges du lotissement ; il est en outre entaché de contradictions dans les plans, ce qui n'a pas permis au service instructeur de se prononcer sur l'application de l'article UV7 du règlement de zone ; il avait pour effet de modifier l'implantation du bâtiment et l'emprise au sol du projet par adjonction d'un escalier extérieur, ce qui ne relevait pas des motifs attachés à l'arrêt de sursis à statuer, et le tribunal administratif était donc compétent pour statuer ; l'escalier ajouté modifie la distance à la voie publique, qui méconnait l'article UV6 ;
Par des mémoires enregistrés les 24 juin 2016 et 23 février 2017, la commune de Baie-Mahault, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête, et en outre à ce que soit mise à la charge de Mme E...et autres la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la cour ne saurait statuer une seconde fois sur la même affaire ; le permis modificatif visant à régulariser le permis initial à l'invitation du juge ne saurait faire l'objet d'une autre instance devant un autre juge, et les requérants ne pouvaient faire obstacle à la compétence de la cour administrative d'appel de Bordeaux ;
- la règle du double degré de juridiction ne constitue pas un principe général du droit ;
- la cassation n'étant pas un troisième degré de juridiction, le tribunal administratif n'était pas tenu d'attendre l'issue du pourvoi ; au demeurant, celui-ci a été rejeté le 22 février 2017 ;
Par un mémoire, enregistré le 6 avril 2017, la SCI Kefras conclut au rejet de la requête, et en outre à ce que soit mise à la charge de Mme E...et autres la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt du 22 février 2017 par lequel le Conseil d'Etat a jugé qu' " il appartient au juge d'appel, lorsqu'il a sursis à statuer en application de ces dispositions, de se prononcer directement sur la légalité du permis de construire modificatif délivré à fin de régularisation " fait obstacle à ce que la Cour statue à nouveau sur le permis dont elle a reconnu la validité le 9 juillet 2015. C'est à bon droit que le tribunal administratif a reconnu la requête sans objet.
- subsidiairement, le tribunal administratif était incompétent pour statuer en application de l'article L.600-5-1 du code de l'urbanisme ; les requérants ne justifient pas de leur intérêt pour agir ; les moyens à l'encontre du permis de construire ne sont pas fondés ;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Catherine Girault, président,
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
- et les observations de Me Merlet-Bonnan, avocat de la SCI Kefras.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 18 décembre 2007, le maire de Baie-Mahault a délivré un permis de construire à la SCI Kefras en vue de l'édification d'un immeuble de bureaux et de commerces. Par un jugement du 20 septembre 2012, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté la demande de Mme E...et autres tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ce permis. Par un premier arrêt du 12 juin 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux a jugé que le permis attaqué était entaché de vices tenant à l'insuffisance du dossier de demande de permis de construire, mais que ces vices étaient susceptibles de régularisation par la délivrance d'un permis de construire modificatif. Après avoir écarté les autres moyens soulevés par les requérants, elle a décidé, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, de surseoir à statuer et d'impartir à la société pétitionnaire un délai de trois mois aux fins d'obtenir la régularisation du permis de construire initialement délivré. Le maire de Baie-Mahault a délivré le 5 août 2014 un permis de construire modificatif à la SCI Kefras, dont la légalité a été contestée tant devant la cour que devant le tribunal administratif. Par un deuxième arrêt du 9 juillet 2015, devenu irrévocable, la cour a jugé que le permis initial avait été régularisé par ce permis de construire modificatif et a, en conséquence, rejeté l'appel des intéressés. Le tribunal administratif de la Guadeloupe a alors, par un jugement du 10 mars 2016, constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande présentée devant lui contre le permis modificatif. Mme E...et autres relèvent appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations ". Ainsi que l'a souligné le Conseil d'Etat dans la décision n°392998 rejetant le pourvoi des consorts E...contre l'arrêt précité du 9 juillet 2015, il appartient au juge d'appel, lorsqu'il a sursis à statuer en application de ces dispositions, de se prononcer directement sur la légalité du permis de construire modificatif délivré à fin de régularisation. Il en résulte que le moyen tiré d'un droit à un double degré de juridiction, lequel n'est pas un principe général du droit, ne peut qu'être écarté. Le tribunal administratif ne pouvant se prononcer sur un permis modificatif délivré après sursis à statuer de la cour administrative d'appel, c'est donc à tort que le tribunal administratif de la Guadeloupe n'a pas décliné sa compétence, sans que la circonstance que l'arrêt ait fait l'objet d'un pourvoi en cassation puisse avoir une quelconque incidence. Son jugement doit donc être annulé.
3. Il y a lieu pour la cour d'évoquer, et de constater qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur les conclusions tendant à l'annulation du permis de construire modificatif, dès lors que sa légalité a déjà été appréciée par l'arrêt du 9 juillet 2015, devenu irrévocable.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
4. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 10 mars 2016 est annulé.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de se prononcer sur les conclusions tendant à l'annulation du permis de construire modificatif du 4 août 2014.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme E...et autres est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Baie Mahault et de la SCI Kefras au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...E..., à M. C...E...et à Mme F...D..., à la SCI Kefras et à la commune de Baie Mahault.
Délibéré après l'audience du 13 avril 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, président,
M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,
M. Paul-André Braud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 mai 2017.
Le président-assesseur,
Jean-Claude PAUZIÈSLe président-rapporteur,
Catherine GIRAULT
Le greffier,
Delphine CÉRON
La République mande et ordonne au ministre du logement et de l'habitat durable en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 16BX01594