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09/05/2017 | FRANCE | N°14BX02673

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 09 mai 2017, 14BX02673


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...H...a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier de Rochefort à lui verser la somme de 159 464,48 euros en réparation des préjudices subis à la suite d'une erreur médicale commise lors de son hospitalisation dans cet établissement au mois d'avril 2006 et de mettre à la charge de l'établissement une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1201239, n° 101240, n° 1201241, n° 1201242

, n° 1201243 et n° 1201342 du 17 juillet 2014, le tribunal administratif de Poiti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...H...a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier de Rochefort à lui verser la somme de 159 464,48 euros en réparation des préjudices subis à la suite d'une erreur médicale commise lors de son hospitalisation dans cet établissement au mois d'avril 2006 et de mettre à la charge de l'établissement une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1201239, n° 101240, n° 1201241, n° 1201242, n° 1201243 et n° 1201342 du 17 juillet 2014, le tribunal administratif de Poitiers a partiellement fait droit à la demande de Mme H...en condamnant le centre hospitalier de Rochefort à lui verser une somme de 29 350 euros en réparation de ses préjudices ainsi qu'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime les sommes de 290 607,57 euros au titre de ses débours et 1 028 euros au titre de l'indemnité forfaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 11 septembre 2014, 14 décembre 2015 et 12 janvier 2016, MmeH..., représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 juillet 2014 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Rochefort à lui verser une somme globale de 151 621,88 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices résultant d'une erreur médicale imputable au centre hospitalier de Rochefort ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Rochefort les dépens, ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement doit être confirmé en tant qu'il a reconnu l'existence d'une erreur médicale exclusivement imputable au centre hospitalier de Rochefort ;

- en revanche, elle conteste le jugement en ce qu'il n'a pas indemnisé le préjudice de la perte de gains professionnels actuels, qui s'élève à la somme de 7 640,10 euros pour la période pertinente prenant en compte la date de consolidation retenue par la CRCI ; le tribunal administratif de Poitiers a donc, à tort, estimé que la somme perçue au titre des indemnités journalières était supérieure à la perte subie ;

- elle peut également prétendre à une indemnisation d'un montant de 202,50 euros au titre des frais divers que ses enfants ont été contraints d'avancer dans le but de lui rendre visite au CHU de Bordeaux ; le tribunal administratif de Poitiers a, à tort, estimé que le lien entre la faute commise par l'établissement de santé et ces dépenses n'était pas prouvé ;

- elle souffre aussi d'une perte de gains professionnels futurs à hauteur de 83 029,28 euros ; elle ne travaille plus aujourd'hui, et ce depuis son licenciement le 26 janvier 2014 ;

- elle subit également une incidence professionnelle, puisque du fait de son handicap, elle ne peut travailler que de nuit ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Poitiers, le lien de causalité entre la faute du centre hospitalier de Rochefort et ce préjudice est clairement établi par le rapport des professeurs Pivat et Gainant, par l'avis de la CRCI et par le certificat médical du docteur Chasseriaud ; elle sollicite à ce titre une indemnité de 10 000 euros ;

- son déficit fonctionnel temporaire, évalué par le tribunal à 5 000 euros, doit être porté à 5 400 euros ;

- son déficit fonctionnel permanent, dont le taux est de 7%, a été justement évalué à la somme de 7 350 euros par le tribunal ;

- les souffrances endurées, évaluées à 5,5/7, justifient une indemnité de 20 000 euros, d'après le référentiel indicatif régional des cours d'appel du sud-ouest ;

- son préjudice esthétique permanent doit donner lieu à une indemnité de 3 000 euros conformément au jugement attaqué ;

- elle subit un préjudice d'agrément justifiant une indemnité de 10 00 euros du fait des répercussions de son handicap sur sa vie sociale et culturelle ;

- elle subit enfin un préjudice sexuel justifiant une indemnité de 5 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 novembre 2015 et 29 décembre 2015, le centre hospitalier de Rochefort, représenté par MeI..., conclut au rejet de la requête ainsi qu'au rejet des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime.

Il soutient que :

- le jugement attaqué doit être confirmé en ce qu'il ne reconnaît pas l'existence d'une perte de gains professionnels actuels du fait que Mme H...a bénéficié du versement d'indemnités journalières par la CPAM ; le moyen de l'appelante ne peut qu'être rejeté, en premier lieu car la demande préalable indemnitaire présentée ne fait pas état de ce préjudice, en deuxième lieu car l'appelante a reçu des indemnités compensatrices de la part d'une mutuelle ou d'une assurance complémentaire, en troisième lieu car l'appelante a perçu des sommes de ses employeurs au mois de mai 2006 dont elle ne fait pas état dans ses calculs, et enfin, en quatrième lieu car elle ne tient pas compte de toutes les sommes perçues par la CPAM, ce qui fausse également ses calculs ;

- la demande de remboursement des frais avancés par les enfants de Mme H...pour lui rendre visite à Bordeaux est irrecevable puisque seuls ses enfants ont qualité pour présenter cette demande, or, ils n'ont pas interjeté appel ; en tout état de cause, le jugement attaqué doit être confirmé en ce que l'appelante ne justifie pas que ces dépenses sont en lien avec la faute commise par l'établissement de santé ; en effet, le lien de causalité entre la faute commise et les dépenses en question n'est pas établi, d'une part, du fait du caractère illisible des pièces versées au dossier par l'appelante et, d'autre part, du fait que les dépenses ont été exposées en 2008 et 2009, alors que la faute a été commise en avril 2006 ;

- la demande d'indemnisation de perte de gains professionnels futurs ne pourra qu'être rejetée puisque Mme H...a continué d'exercer son activité professionnelle après la consolidation du dommage, et ce jusqu'au 26 janvier 2014 ; de plus, son actuelle inactivité professionnelle est sans lien de causalité avec la faute commise par le centre hospitalier de Rochefort en avril 2006 ;

- l'appelante ne justifie aucunement que la faute commise par l'établissement aurait eu une incidence professionnelle ; en effet, Mme H...avait retrouvé un emploi à partir de novembre 2008, et ce jusqu'au 26 janvier 2014 ; le fait qu'elle soit aujourd'hui sans emploi est sans lien de causalité avec la faute commise par l'établissement, quand bien même son licenciement serait prouvé, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

- le déficit fonctionnel temporaire ne peut être indemnisé que sur la base de 5 000 euros, comme l'a justement évalué le tribunal ;

- le déficit fonctionnel permanent doit être évalué à 7 350 euros, conformément au jugement attaqué ;

- les souffrances endurées doivent être indemnisées, conformément à la jurisprudence des juridictions administratives, à hauteur de 14 000 euros pour des souffrances de 5,5/7 ;

- le préjudice esthétique permanent doit être évalué à la somme de 3 000 euros ;

- la demande d'indemnisation du préjudice d'agrément ne pourra qu'être rejetée puisque l'appelante ne pratiquait aucune activité de loisir spécifique avant l'accident ;

- les prétentions de l'appelante quant au préjudice sexuel doivent être rejetées.

Par un mémoire d'appel, enregistré le 24 décembre 2014, la caisse primaire d'assurance maladie de Charente-Maritime, représentée par Me J...D..., conclut à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il condamne le centre hospitalier de Rochefort à lui verser une somme inférieure à 293 476,87 euros en remboursement de ses débours et à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Rochefort une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'état de santé actuel de Mme H...n'est pas la conséquence de l'évolution prévisible de sa pathologie initiale mais celle d'un manquement au respect des règles de l'art ;

- le centre hospitalier de Rochefort a commis une faute de nature à engager sa responsabilité au sens de l'article L. 1142 du code de la santé publique ;

- le total de sa créance doit être évalué à 293 476,87 euros auxquels doit s'ajouter l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un mémoire enregistré le 8 décembre 2014, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me A..., conclut à la confirmation du jugement et à sa mise en hors de cause.

Il soutient que :

- les préjudices subis par Mme H...résultent exclusivement des fautes commises par le centre hospitalier de Rochefort, comme l'a jugé le tribunal ;

- les conditions pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies ; il doit donc être mis hors de cause.

Par un mémoire enregistré le 19 octobre 2016, l'institution de prévoyance des emplois de la famille, dite Ircem Prévoyance, représentée par MeB..., conclut à la condamnation du centre hospitalier de Rochefort au paiement de la somme de 10 282,71 euros au titre de ses débours et au paiement des dépens et de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- selon son décompte en date du 9 décembre 2015, les prestations versées à la victime entre le 8 janvier 2007 et le 4 juillet 2012 atteignent la somme de 10 282,71 euros.

Par un courrier du 15 novembre 2016, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la société Ircem Prévoyance dès lors qu'elles sont nouvelles en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Elisabeth Jayat,

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,

- et les observations de MeF..., représentant MmeH..., et de MeC..., représentant l'ONIAM.

Considérant ce qui suit :

1. Le 28 avril 2006, MmeH..., alors âgée de 42 ans, souffrant de douleurs abdominales, a subi au centre hospitalier de Rochefort un examen qui a mis en évidence une sténose colique inflammatoire entrainant une occlusion. Le 30 avril 2006, a été réalisée dans ce même établissement une colectomie gauche qui a été suivie de graves et nombreuses complications infectieuses péritonéales liées à l'apparition de fistules ayant entrainé notamment une défaillance respiratoire au mois de mai 2006 qui a nécessité une trachéotomie et une ventilation assistée pendant plus de deux mois. Ces complications ont donné lieu à cinq nouvelles interventions entre le mois de mai 2006 et le mois de mars 2007, la patiente ayant été transférée le 19 juin 2006 au centre hospitalier de Bordeaux où les fistules ont été traitées après plusieurs hospitalisations. Mme H...a saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Rochefort à lui verser la somme de 159 464,48 euros en réparation des préjudices qu'elle soutient avoir subis à la suite de son opération du 30 avril 2006. Elle relève appel du jugement du 17 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif a limité son indemnisation à 29 350 euros. La caisse primaire d'assurance maladie de Charente-Maritime demande également la réformation du jugement qui condamne le centre hospitalier à lui verser 290 607,57 euros et non 293 476, 87 euros, montant de ses débours. Enfin, l'institution de prévoyance des emplois de la famille, dite Ircem Prévoyance, conclut à la condamnation du centre hospitalier de Rochefort au paiement de la somme de 10 282,71 euros au titre de ses débours.

Sur la recevabilité des conclusions présentées par Ircem prévoyance :

2. Il résulte de l'instruction que l'organisme Ircem Prévoyance, mis en cause en première instance, n'a pas demandé le remboursement des prestations versées à Mme H...devant le tribunal administratif. Il n'est donc pas recevable à demander en appel le remboursement de ses débours, qui ne concernent pas des prestations nouvelles postérieures au jugement du 17 juillet 2014. Ces conclusions doivent dès lors être rejetées.

Sur le principe de la responsabilité du centre hospitalier de Rochefort et les droits à indemnisation de Mme H...au titre de la solidarité nationale :

3. Aux termes de l'article L.1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) II. Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire (...) ".

4. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise établi le 28 septembre 2009 par les professeurs Piva et Gainant, désignés par la commission régionale de conciliation, et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, que le diagnostic d'occlusion colique a été posé par le centre hospitalier de Rochefort conformément aux données acquises de la science et que l'indication opératoire était justifiée mais que la colectomie avec rétablissement immédiat de la continuité digestive, pratiquée le 30 avril 2006, était l'option la plus dangereuse compte-tenu de la dilatation du côlon et de sa mauvaise qualité signalée dans le compte-rendu opératoire initial, que l'anastomose sur un colon distendu et non préparé est contre-indiquée et ne peut être envisagée que si un lavage colique per opératoire est effectué, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce, et que, si le diagnostic de l'infection survenue après l'intervention a été posé conformément aux règles de l'art, il y a eu un retard de douze jours dans la mise en oeuvre du traitement étiologique de l'infection ayant entraîné l'aggravation du tableau sceptique et une altération des fonctions vitales de Mme H..., avec en particulier une défaillance respiratoire. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, l'état de santé de Mme H...après l'intervention du 30 avril 2006 n'est pas la conséquence de l'évolution prévisible de sa pathologie initiale mais celle de manquements aux règles de l'art commis par le centre hospitalier de Rochefort, qui ne conteste d'ailleurs pas le principe de sa responsabilité.

5. Les dispositions précitées de l'article L.1142-1 du code de la santé publique font obstacle à ce que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales supporte, au titre de la solidarité nationale, la charge de réparations incombant aux personnes responsables d'un dommage. Elles excluent toute indemnisation par l'Office si le dommage est entièrement la conséquence directe d'un fait engageant leur responsabilité. La responsabilité pour faute du centre hospitalier de Rochefort étant ici engagée, les conditions pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies. Il y a donc lieu de faire droit aux conclusions de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales tendant à sa mise hors de cause.

Sur la réparation :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des dépenses de santé :

6. La caisse primaire d'assurance maladie de Charente-Maritime fait état d'une créance de 270 666,71 euros au titre des dépenses de santé exposées à la suite des complications dont a été victime son assurée. Ainsi que l'a jugé le tribunal, au regard des conclusions de l'expertise médicale établie par les professeurs Piva et Gainant, notamment de la chronologie de la prise en charge médicale de MmeH..., les frais hospitaliers, médicaux et pharmaceutiques exposés après le 30 avril 2006 et jusqu'au 23 septembre 2009, date de la consolidation de l'état de santé de MmeH..., d'un montant total de 267 797,41 euros, peuvent être regardés comme étant en rapport direct avec la faute commise par l'établissement ce qui n'est d'ailleurs pas contesté. Contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, les frais de transport exposés durant cette période, d'un montant de 1 145,08 euros, doivent également donner lieu à remboursement en l'absence de contestation sur ce point et dès lors qu'aucun élément de l'instruction ne permet de douter qu'ils aient été exposés à la suite des fautes médicales imputables à l'établissement, Mme H...ayant dû se rendre à plusieurs reprises à Bordeaux en consultation ou pour des hospitalisations. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas de l'expertise ordonnée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation, que l'état de santé de Mme H...à la suite des erreurs médicales dont elle a été victime, aurait nécessité des appareillages. Les premiers juges ont rejeté les conclusions de la caisse sur ce point en relevant que la caisse primaire n'apportait pas de précision sur l'appareillage qu'elle avait pris en charge et la caisse primaire n'apporte pas davantage de précision en appel sur ce point. Dans ces conditions, ces frais, d'un montant de 1 724,22 euros, ne peuvent donner lieu à remboursement. Les dépenses de santé dont le remboursement doit être mis à la charge du centre hospitalier s'établissent donc à 268 942,49 euros.

S'agissant de la perte de gains professionnels actuels :

7. Le tribunal administratif, dont le jugement n'est pas contesté sur ce point, a condamné le centre hospitalier de Rochefort à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Charente-Maritime une somme de 22 810,16 euros au titre des indemnités journalières servies à MmeH....

8. MmeH..., qui exerce l'activité d'assistante de vie, a bénéficié notamment du versement d'indemnités journalières par la CPAM de la Charente-Maritime pour la somme totale de 22 810,16 euros, comme il vient d'être dit, du versement d'indemnités par l'organisme Ircem Prévoyance, du paiement d'un salaire net d'un montant de 543,13 euros pour le mois de mai 2006, ainsi que du versement de salaires à partir du mois de novembre 2008, période à laquelle elle a repris une activité professionnelle à plein temps. Elle ne justifie pas que le total de ces versements serait inférieur aux salaires qu'elle aurait perçus en l'absence des complications post-opératoires qu'elle a subies. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses conclusions sur ce point.

S'agissant des frais divers :

9. Mme H...n'est pas fondée à demander le paiement, par le centre hospitalier de Rochefort, de la somme de 202,50 euros au titre de frais divers exposés non par elle, mais par les membres de sa famille pour lui rendre visite lorsqu'elle était hospitalisée à Bordeaux. A supposer qu'elle ait entendu demander ce versement au nom de ses enfants, ses conclusions, ainsi que le soutient le centre hospitalier de Rochefort, ne sont pas recevables en l'absence de qualité de la requérante à agir au nom de ses enfants, qui sont tous majeurs, la plus jeune étant née en 1990. Les enfants de Mme H...avaient d'ailleurs présenté devant le tribunal des conclusions en réparation de préjudices qu'ils soutenaient avoir subis du fait des complications dont leur mère avait été victime et ils n'ont pas fait appel du jugement qui a rejeté leurs conclusions.

S'agissant de la perte de gains professionnels futurs :

10. Il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas des constatations des experts, que les troubles de transit dont Mme H...reste atteinte l'empêcheraient d'exercer une activité professionnelle. Elle a d'ailleurs repris une activité professionnelle entre le mois de novembre 2008 et le mois de janvier 2014. Si les troubles à type de diarrhées dont elle reste atteinte rendent difficile le travail de jour et se traduisent par la nécessité de travailler de nuit, ses troubles, ainsi que l'ont relevé les experts, étant moins fréquents la nuit, elle ne produit aucun élément permettant d'estimer que cette nécessité de travailler de nuit aurait une incidence sur le nombre de contrats dont elle peut bénéficier ou, plus généralement, sur le montant des rémunérations qu'elle peut percevoir. Elle n'est, dès lors, pas fondée à demander une indemnisation au titre de la perte de gains professionnels futurs.

S'agissant de l'incidence professionnelle :

11. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport du 28 septembre 2009 des professeurs Piva et Gainant, qu'en raison du handicap résultant de la faute commise par le centre hospitalier de Rochefort, Mme H...n'est plus en mesure de travailler le jour, ainsi qu'il a été dit ci-dessus. Eu égard à l'âge de la victime, qui n'était pas susceptible de faire valoir prochainement ses droits à la retraite, il sera fait une juste appréciation de l'incidence professionnelle qu'elle subit du fait de la nécessité de travailler de nuit, en l'évaluant à 10 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

12. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise ordonnée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, que Mme H... a connu une période d'incapacité fonctionnelle totale du 16 mai 2006 au 9 octobre 2006, du 24 au 26 janvier 2007 et du 6 mars au 6 avril 2007, ce qui n'est pas contesté. Elle a également connu une période d'incapacité fonctionnelle partielle du 9 octobre 2006 au 24 janvier 2007, puis du 26 janvier au 6 mars 2007, et enfin du 6 avril 2007 au 23 septembre 2009, date de consolidation de son état de santé. Si le tribunal a, par erreur, mentionné comme date de fin de la période de déficit fonctionnel temporaire partiel le 7 septembre 2007 au lieu du 23 septembre 2009 et à supposer que le taux de ce déficit fonctionnel temporaire partiel soit, jusqu'au mois de juin 2007, de 50 % et non de 20 % puis 15 % comme l'a retenu le tribunal, les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante du préjudice résultant du déficit fonctionnel temporaire en condamnant le centre hospitalier de Rochefort à verser à Mme H...à ce titre une somme de 5 000 euros.

S'agissant du déficit fonctionnel permanent :

13. Le déficit fonctionnel permanent lié à l'état de santé de Mme H...du fait de l'erreur commise par le centre hospitalier de Rochefort a été évalué à 7 % par les professeurs Piva et Gainant. Mme H...ne conteste pas le montant de 7 350 euros alloué à ce titre en première instance.

S'agissant des souffrances endurées :

14. Les souffrances endurées pendant plusieurs années par MmeH..., qui a été hospitalisée à plusieurs reprises et a dû subir plusieurs examens médicaux et opérations chirurgicales, sont estimées à 5,5/7 par les experts. Dans les circonstances de l'affaire, l'appelante est fondée à soutenir qu'en condamnant le centre hospitalier de Rochefort à lui verser une somme de 14 000 euros à ce titre, le tribunal a fait une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice. Il en sera fait une juste appréciation en portant à 20 000 euros la somme allouée à ce titre.

S'agissant du préjudice esthétique permanent :

15. Le préjudice esthétique permanent de Mme H...du fait des cicatrices de trachéotomie et abdominale a été évalué à 2,5/7 par les professeurs Piva et Gainant. Mme H...ne conteste pas la somme de 3 000 euros que le tribunal a condamné le centre hospitalier à lui verser à ce titre.

S'agissant du préjudice d'agrément :

16. Mme H...ne justifie pas d'une activité de loisir spécifique avant la faute médicale dont elle a été victime. Si elle soutient avoir dû renoncer à des sorties, notamment au restaurant ou au cinéma, du fait de la nature des séquelles dont elle demeure atteinte, ces désagréments sont compensés par l'allocation d'une somme au titre du déficit fonctionnel permanent. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu ce chef de préjudice.

S'agissant du préjudice sexuel :

17. Il résulte de l'instruction que, si les erreurs médicales dont elle a été victime n'ont eu aucune conséquence anatomique sur les organes génitaux de MmeH..., celle-ci subit une altération de sa vie sexuelle du fait de la dévaluation de son image causée par la nature de son handicap. Mme H...est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses conclusions sur ce point. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en condamnant le centre hospitalier de Rochefort à verser à l'appelante une somme de 2 000 euros à ce titre.

Sur l'indemnité de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :

18. Il y a lieu de porter, en application de l'arrêté du 26 décembre 2016 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale, en vigueur à la date du présent arrêt, à 1 055 euros l'indemnité forfaitaire de gestion que le centre hospitalier de Rochefort a été condamné à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Charente-Maritime, qui obtient en appel le remboursement de débours pour un montant supérieur à celui qui a été alloué en première instance, ainsi qu'il a été dit au point 6.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la caisse primaire d'assurance maladie de Charente-Maritime est fondée à demander la condamnation du centre hospitalier de Rochefort à lui verser une somme de 291 752,65 euros au titre de ses débours, comprenant les dépenses de santé et les indemenités journalières, ainsi qu'une somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et, dans cette mesure, la réformation du jugement attaqué et que Mme H...est fondée à demander la condamnation du centre hospitalier de Rochefort à lui verser la somme de 47 350 euros en réparation de ses préjudices et, dans cette mesure, la réformation du jugement attaqué.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du centre hospitalier de Rochefort une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme H...et non compris dans les dépens. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre hospitalier de Rochefort, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance vis-à-vis de l'Ircem, le versement des sommes réclamées à ce titre par cet organisme. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du centre hospitalier la somme que demande la caisse primaire d'assurance maladie sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : L'ONIAM est mis hors de cause.

Article 2 : La somme que le centre hospitalier de Rochefort a été condamné, par le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 juillet 2014, à verser à Mme H...est portée à 47 350 euros.

Article 3 : La somme que le centre hospitalier de Rochefort a été condamné, par le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 juillet 2014, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Charente-Maritime au titre de ses débours est portée à 291 752,65 euros.

Article 4 : La somme que le centre hospitalier de Rochefort a été condamné, par le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 juillet 2014, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Charente-Maritime au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale est portée à 1 055 euros.

Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 juillet 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er à 4 ci-dessus.

Article 6 : Le centre hospitalier de Rochefort versera à Mme H...une somme de 1 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...H..., au centre hospitalier de Rochefort, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie de Charente-Maritime et à Ircem Prévoyance.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Gil Cornevaux, président-assesseur,

Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 mai 2017.

Le président-assesseur

Gil Cornevaux Le président-rapporteur,

Elisabeth Jayat

Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 14BX02673


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14BX02673
Date de la décision : 09/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : CABINET FLICHE - BLANCHÉ et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-05-09;14bx02673 ?
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