Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du préfet du Gers en date du 18 avril 2016 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1601159 du 4 octobre 2016, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2017 sous le n° 17BX00108, M.A..., représenté par Me Allene Ondo, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 4 octobre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 18 avril 2016 par lequel le préfet du Gers a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gers de lui délivrer une carte de résident de dix ans ou une carte de séjour temporaire dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, en application des articles 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 200 euros à verser au profit de son conseil sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- l'arrêté en date du 18 avril 2016 ne répond pas aux exigences de motivation posées par les articles 1 et 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre le public et l'administration ;
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- le préfet du Gers a commis une erreur de droit en appliquant les dispositions de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en considérant que les années de résidence passées sous le couvert de titres de séjour étudiant ne pouvaient être prises en compte pour calculer les trois années de résidence ininterrompue en France exigées par les stipulations de l'article 11 de la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation de sa situation en considérant qu'il ne justifiait pas de ressources suffisantes pour prétendre à la délivrance d'une carte de résident alors dès lors qu'il a démontré disposer d'une autonomie financière ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3.2.1 de l'accord franco sénégalais du 23 septembre 2006 en vertu desquelles peuvent prétendre à la délivrance d'une carte de séjour salarié les ressortissants sénégalais justifiant d'un contrat de travail à durée déterminée ou indéterminée, quel que soit le secteur d'exercice et sans que la situation de l'emploi ne leur soit opposable ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie d'une présence régulière et ininterrompue en France depuis plus de trois années, qu'il a accompli des activités salariées stables depuis 2012, que son employeur a souhaité poursuivre leur relation professionnelle dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, qu'il dispose d'un logement et d'une assurance maladie, qu'il est intégré à la société française et qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;
- le préfet a commis une erreur de droit en s'abstenant d'analyser sa demande de titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 13 alinéa 3 des accords ACP à effet direct ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- cette décision est insuffisamment motivée.
Par ordonnance du 1er février 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 24 février 2017 à 12h00.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux du 1er décembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
-la convention du 1er août 1995 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la circulation et le séjour des personnes ;
-l'accord entre la France et le Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires signé à Dakar le 23 septembre 2006 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
-le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marianne Pouget,
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. M. A...est un ressortissant sénégalais né le 8 février 1982. Il est entré régulièrement en France le 26 novembre 2006. Il a bénéficié de plusieurs titres de séjour portant la mention " étudiant " jusqu'au 27 novembre 2014. Il a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour mention " étudiant en recherche d'emploi " valable jusqu'au 22 octobre 2015, puis introduit, le 28 juin 2015, une demande de titre de séjour auprès des services de la préfecture du Gers en sollicitant, à titre principal, une carte de résident de dix ans, à titre subsidiaire, un titre de séjour mention " salarié " et à titre infiniment subsidiaire, un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 13 alinéa 3 des accords ACP ou des dispositions du 7° de l'article L 313 11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté en date du 18 avril 2016, le préfet du Gers a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté son recours tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le présent code régit l'entrée et le séjour des étrangers en France métropolitaine (...). Ses dispositions s'appliquent sous réserve des conventions internationales ". Aux termes de l'article 11 de la convention franco-sénégalaise relative à la circulation et au séjour des personnes du 1er août 1995 : " Après trois années de résidence régulière et non interrompue, les ressortissants de chacune des Parties contractantes établis sur le territoire de 1 'autre Partie peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. / Ce titre de séjour est renouvelable de plein droit dans les conditions prévues par l'État d'accueil. Les droits et taxes exigibles lors de sa délivrance ou de son renouvellement doivent être fixés selon un taux raisonnable ". L'article 13 de la même convention stipule que : "Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l''application de la législation respective des deux États sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger qui justifie d'une résidence ininterrompue d'au moins cinq années en France, conforme aux lois et règlements en vigueur, sous couvert de l'une des cartes de séjour mentionnées aux articles L. 313-6, L. 313-8 et L. 313-9, aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 313-10, aux articles L. 313-11, L. 313-11-1, L. 313-14 et L. 314-9, aux 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7° et 9° de l'article L. 314-11 et aux articles L. 314-12 et L. 315-1 peut obtenir une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-CE " s'il dispose d'une assurance maladie. La décision d'accorder ou de refuser cette carte est prise en tenant compte des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France, notamment au regard des conditions de son activité professionnelle s'il en a une, et de ses moyens d'existence. Les moyens d'existence du demandeur sont appréciés au regard de ses ressources qui doivent être stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues aux articles L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles et L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance et sont appréciées au regard des conditions de logement (...) ".
4. Il résulte de la combinaison de ces stipulations et dispositions que si, en application des stipulations précitées de l'article Il de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995, les ressortissants sénégalais peuvent prétendre à la délivrance d'une carte de résident dès qu'ils justifient de trois années de résidence régulière et ininterrompue sur le territoire français, et non à l'issue des cinq années de présence prévues à l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ils ne peuvent obtenir ce titre que s'ils remplissent les autres conditions cumulatives prévues par les autres dispositions de l'article.
5. Or, s'il ressort des pièces du dossier que M. A...justifie d'une résidence régulière et ininterrompue d'au moins trois années sur le territoire français dès lors qu'il est entré régulièrement en France en 2006 et qu'il a depuis lors bénéficié de titres de séjour et d'autorisations provisoires de séjour lui permettant de se maintenir sur le territoire français de manière régulière, il est constant que M. A...a disposé de titres de séjour en qualité d'étudiant puis d'autorisations provisoires de séjour portant la mention " étudiant en recherche d'emploi ". Or, les dispositions précitées de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile exigent que, pour bénéficier d'une carte de résident longue durée, l'étranger puisse justifier d'un séjour régulier en France sous couvert de l'une des cartes de séjour énumérées à cet article au nombre desquelles ne figure pas le titre de séjour portant la mention " étudiant ". Ainsi, le préfet du Gers pouvait, pour ce seul motif, refuser de délivrer à M. A...une carte de résident de dix ans. Dès lors, les moyens tirés de ce que le préfet du Gers aurait commis une erreur de droit en appliquant les dispositions précitées de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et une erreur d'appréciation de sa situation en considérant qu'il ne justifiait pas de ressources suffisantes pour prétendre à la délivrance d'une carte de résident de dix ans ne peuvent être qu'écartés.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3.2.1 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires : " La carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", d'une durée de douze mois renouvelable, ou celle portant la mention "travailleur temporaire" sont délivrées, sans que soit prise en compte la situation de l'emploi, au ressortissant sénégalais titulaire d'un contrat de travail visé par l'Autorité française compétente, pour exercer une activité salariée dans l'un des métiers énumérés à l'annexe IV. Lorsque le travailleur dispose d'un contrat à durée déterminée, la durée de la carte de séjour est équivalente à celle du contrat. Lorsque le travailleur dispose d'un contrat à durée indéterminée, la carte de séjour portant la mention "salarié" devient, selon les modalités prévues par la législation française, une carte de résident d'une durée de dix ans renouvelable. Les ressortissants sénégalais peuvent travailler dans tous les secteurs s'ils bénéficient d'un contrat de travail. Pour faciliter leur orientation, la France s'engage à porter à leur connaissance une liste d'emplois disponibles (Annexe IV). Cette liste peut être modifiée tous les ans par échange de lettres entre les Parties. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a saisi le préfet du Gers d'une demande de titre de séjour " salarié " sur le fondement des stipulations précitées de l'article 3.2.1 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006. Or, le préfet a instruit sa demande sur le fondement des stipulations de l'article 3.1.6 de cet accord et des dispositions de l'article L. 311- 11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mentionné par erreur de plume comme étant l'article L. 313-11 du code. Il a estimé qu'après la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, l'intéressé ne pouvait être autorisé à séjourner en France en qualité de salarié compte tenu de ce que l'emploi pour lequel le titre était sollicité n'était pas en relation avec la formation suivie et que le seuil de rémunération fixé par décret à 1,5 fois le SMIC n'était pas atteint. Aussi bien le préfet n'a pas motivé son refus au regard des dispositions combinées de l'article 3.2.1 de l'accord franco-sénégalais de 2006, de la convention bilatérale du 1er août 1995 et des dispositions de l'article L. 310-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicables.
8. M. A...est dès lors fondé à soutenir que le préfet a entaché sa décision d'un défaut de motivation et d'erreur de droit et que le refus de délivrance du titre de séjour doit être annulé.
9. Le préfet n'aurait pas pu légalement fonder le refus de séjour s'il n'avait retenu que le motif, fondé, tiré de ce que M. A...ne pouvait pas prétendre à une carte de résident. Par suite, le refus de séjour opposé à l'intéressé doit être annulé.
10. L'annulation du refus de délivrance à M. A...d'un titre de séjour entraîne, par voie de conséquence l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.
11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Gers en date du 18 avril 2016.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. L'annulation de l'arrêté en litige, eu égard à ses motifs, implique seulement que le préfet réexamine la situation de M.A.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet d'y procéder dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
13. M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Allene Ondo, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Allene Ondo de la somme de 1 500 euros.
DECIDE
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 4 octobre 2016 et l'arrêté du préfet du Gers du 18 avril 2016 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Gers de réexaminer la situation de M. A...dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Allene Ondo, avocat de M.A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Allene Ondo renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre de l'intérieur, au préfet du Gers et à Me Allene Ondo.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 4 mai 2017.
Le rapporteur,
Marianne PougetLe président,
Philippe PouzouletLe greffier,
Florence Deligey La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 17BX00108