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04/05/2017 | FRANCE | N°17BX00095

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 04 mai 2017, 17BX00095


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 17 mai 2016 par lequel le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays dont il a la nationalité comme pays de renvoi. Par arrêté du 4 août 2016, le préfet du Tarn a ordonné l'assignation à résidence de M.B....

Par un jugement n° 1603573 du 11 août 2016, le magistrat désigné par le préside

nt du tribunal administratif de Toulouse a annulé d'une part, l'arrêté du 17 mai 2016 du pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 17 mai 2016 par lequel le préfet du Tarn a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays dont il a la nationalité comme pays de renvoi. Par arrêté du 4 août 2016, le préfet du Tarn a ordonné l'assignation à résidence de M.B....

Par un jugement n° 1603573 du 11 août 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé d'une part, l'arrêté du 17 mai 2016 du préfet du Tarn en tant qu'il a fait obligation à M. B...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et d'autre part, l'arrêté du 4 août 2016 par lequel le préfet du Tarn a assigné M. B...à résidence.

Par un jugement n° 1602772 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté les conclusions de la requête dirigées contre le refus de titre de séjour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 10 janvier 2017, le 3 mars 2017 et le 14 mars 2017, M.B..., représenté par Me Brel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 15 décembre 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Tarn du 17 mai 2016 en tant qu'il porte refus de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens du procès ainsi que le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ou, si l'aide juridictionnelle n'est pas accordée, le versement au requérant de la même somme au titre de cet article L. 761-1.

Il soutient que :

- la décision de refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et va provoquer l'éclatement de la cellule familiale dès lors que sa concubine MmeC..., entrée en France en 2012 avec leurs trois enfants, qui bénéficie de la protection subsidiaire, ne retournera pas en République démocratique du Congo ; il est père de trois enfants nés à Kinshasa en 2005, 2007 et 2010 de sa relation avec MmeC... ; en 2012, ils ont fui séparément leur pays d'origine ; il est entré en France le 6 décembre 2013 en sachant que sa compagne et ses enfants y étaient précédemment entrés au mois d'octobre 2012, et les a retrouvés grâce à l'OFII ; ils n'ont pas pu vivre ensemble en France pendant l'instruction de leur demande d'asile car, ne disposant pas d'un récépissé constatant le dépôt de sa demande d'asile, il ne pouvait être accueilli dans le centre d'accueil de demandeurs d'asile dans lequel se trouvait sa compagne, admise au séjour, et leurs enfants ; l'absence de vie commune matérielle ne saurait pourtant remettre en cause la réalité de leur vie commune affective, ainsi que la réalité de sa participation à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, comme en atteste l'intervenante sociale dans une note du 27 mai 2016 ; à la suite de la décision en date du 6 octobre 2015 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a annulé la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 17 novembre 2014 et a accordé à Mme C...le bénéfice de la protection subsidiaire, il a été autorisé à vivre avec sa compagne dans le centre d'hébergement provisoire d'Albi ; sa présence aux côtés de ses enfants ne saurait être remise en cause depuis qu'ils séjournent à Albi ;

- la décision de refus de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2017, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête de M. D...B...ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 janvier 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 20 mars 2017 à 12 heures.

M. D...B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 janvier 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer les conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Jean-Claude Pauziès a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D...B..., ressortissant de la République démocratique du Congo, né le 3 mars 1976 à Kinshasa, est entré irrégulièrement en France le 6 décembre 2013 selon ses déclarations. Le 24 février 2014, il a demandé son admission au séjour au titre de l'asile. L'Office français de protection des réfugiés et des apatrides a rejeté sa demande dans le cadre de la procédure prioritaire par décision du 28 avril 2014, décision confirmée le 3 mars 2015 par la Cour nationale du droit d'asile. Par arrêté du 24 janvier 2015, le préfet de l'Essonne a refusé d'admettre l'intéressé au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. M. D... B...s'est maintenu sur le territoire et il a sollicité le 15 janvier 2016 la délivrance d'un titre de séjour. Par arrêté du 17 mai 2016, le préfet du Tarn a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par arrêté du 4 août 2016, le préfet du Tarn a ordonné son assignation à résidence. Par jugement n° 1603573, du 11 août 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé d'une part, l'arrêté du 17 mai 2016 du préfet du Tarn en tant qu'il a fait obligation à M. B...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et d'autre part, l'arrêté du 4 août 2016 par lequel le préfet du Tarn a assigné M. D... B...à résidence. Par un jugement n° 1602772 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté les conclusions de la requête dirigées contre le refus de titre de séjour. M. D...B...relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de l'arrêté de refus de séjour :

2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

3. M. D...B...est entré en France, selon ses déclarations le 6 décembre 2013 alors que sa concubine et deux de ses enfants sont entrés sur le territoire national le 25 octobre 2012, leur fille aînée étant arrivée en France le 20 décembre 2013 avec son oncle. M. D... B...soutient sans que cela soit contesté qu'il n'a été informé de la présence de sa femme et de ses enfants sur le territoire français qu'après le dépôt de sa demande d'asile au mois de février 2014, et si le préfet fait valoir qu'il a vécu séparé de ses enfants pendant près de deux ans, et qu'après les retrouvailles, la famille vivait toujours séparée, M. D...B...étant hébergé chez un ami à Montgeron dans l'Essonne alors que sa concubine et ses enfants résidaient dans un centre d'accueil de demandeurs d'asile dans la même commune, la note sociale établie le 26 mai 2016, certes postérieurement à la décision attaquée, atteste de la réalité des liens qu'il a entretenus avec ses enfants au cours de cette période. De même, à la date de la décision attaquée, il est constant qu'après la reconnaissance de la protection subsidiaire à Mme C... par la cour nationale du droit d'asile, la famille est réunie depuis le mois de décembre 2015 au centre provisoire d'hébergement pour les réfugiés du Comité d'accueil et de solidarité avec les réfugiés d'Albi. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale pourrait se reconstituer aisément hors de France, ou que le requérant pourrait revenir en France à bref délai. Dans ces conditions, l'arrêté litigieux, qui impliquait nécessairement, dès lors que le refus de séjour devait conduire l'intéressé à quitter le territoire, que les enfants du couple fussent séparés de l'un de leurs parents, doit être regardé comme portant atteinte à l'intérêt supérieur de ces enfants et comme méconnaissant ainsi les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relatives aux droits de l'enfant.

4. Il résulte de ce qui précède que M. D...B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

5. Compte tenu des motifs sur lesquels elle repose, l'annulation de l'arrêté contesté implique nécessairement que soit délivré un titre de séjour à M. D...B.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Tarn de délivrer ce titre dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à verser à Me Brel, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-64 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de sa renonciation au versement de l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 15 décembre 2016 et l'arrêté du préfet du Tarn du 17 mai 2016 en tant qu'il comporte refus de séjour sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Tarn de délivrer un titre de séjour à M. D...B...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Brel, avocat de M. D...B..., la somme de 800 euros, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...B..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Tarn.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 mai 2017.

Le rapporteur,

Jean-Claude PAUZIÈSLe président,

Catherine GIRAULTLe greffier,

Delphine CÉRON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 17BX00095


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00095
Date de la décision : 04/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-05-04;17bx00095 ?
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