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04/05/2017 | FRANCE | N°16BX04248

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 04 mai 2017, 16BX04248


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 15 février 2016 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1602500 du 31 octobre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2016, Mme B...épouseC..., représentée par Me C

esso, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 31 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 15 février 2016 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1602500 du 31 octobre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2016, Mme B...épouseC..., représentée par Me Cesso, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 31 octobre 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 15 février 2016 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde à titre principal de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " et à titre subsidiaire de réexaminer sa demande en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour et ce, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, en application des articles 37-2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat en cette matière.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le signataire de l'arrêté :

- le signataire de l'arrêté est incompétent ;

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où la commission du titre de séjour aurait dû être saisie compte tenu de l'ancienneté de sa présence en France ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision méconnaît encore les dispositions de l'article L. 313-14 dès lors qu'elle justifie d'une situation lui permettant d'être admise au séjour pour des motifs exceptionnels ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 paragraphe 1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

- l'illégalité de la décision portant refus de séjour entraîne l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 paragraphe 1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2017, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient en se référant au mémoire en défense présenté devant le tribunal et dans lequel il soulevait au préalable une fin de non-recevoir pour tardiveté, qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Mme B...épouse C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux du 1er décembre 2016.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Philippe Pouzoulet,

- et les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...est une ressortissante marocaine né le 22 septembre 1968 à Aklim (Maroc). Elle est entrée en France le 5 janvier 2005 à la suite de son époux affecté à la mission culturelle auprès du poste consulaire du royaume du Maroc à Bordeaux. Mme C..., son époux et leurs quatre enfants ont séjourné en France sous couvert de titres de séjour spéciaux délivrés par le ministre des affaires étrangères. La mission de M. C... a pris fin en 2014 et tous les membres de la famille ont restitué leurs titres de séjour spéciaux au ministère des affaires étrangères. Le 5 juillet 2015, Mme C...a sollicité un titre de séjour auprès des services de la préfecture de la Gironde au titre de la vie privée et familiale. Par arrêté en date du 15 février 2016, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de renvoi. Mme C...relève appel du jugement du 31 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet :

2. Aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction du premier degré, [...] l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter : / a) De la notification de la décision d'admission provisoire ; / b) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; / c) De la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive ; / d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ". En vertu des articles 23 de la loi du 10 juillet 1991 et 56 du décret du 19 décembre 1991, le ministère public ou le bâtonnier peuvent former un recours contre une décision du bureau d'aide juridictionnelle dans un délai " de deux mois à compter du jour de la décision ".

3. Lorsque le demandeur de première instance a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, seuls le ministère public ou le bâtonnier ont vocation à contester, le cas échéant, cette décision, qui devient ainsi définitive, en l'absence de recours de leur part, à l'issue d'un délai de deux mois. Toutefois, en raison de l'objet même de l'aide juridictionnelle, qui est de faciliter l'exercice du droit à un recours juridictionnel effectif, les dispositions précitées de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 selon lesquelles le délai de recours contentieux recommence à courir soit à compter du jour où la décision du bureau d'aide juridictionnelle devient définitive, soit, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice, ne sauraient avoir pour effet de rendre ce délai opposable au demandeur tant que cette décision ne lui a pas été notifiée.

4. Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale le 16 mars 2016 en vue d'introduire un recours pour excès de pouvoir contre l'arrêté en litige devant le tribunal administratif. Si le préfet soutient que le délai de recours contentieux a recommencé à courir à cette date qui correspond à la désignation de son conseil, il n'a justifié ni devant le tribunal, ni devant la cour, de la date à laquelle la décision du bureau d'aide juridictionnelle a été notifiée à la requérante. Dès lors, le délai de recours contentieux n'est pas opposable à cette dernière et la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la demande introductive d'instance doit être écartée.

Sur la légalité de l'arrêté du 15 février 2016 et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

5. Aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ". L'article L. 312-2 du même code dispose que : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12 (...) ". L'article L. 313-14 du même code prévoit : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".

6. En premier lieu, il résulte de l'article 9 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 que Mme C...peut se prévaloir de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle a sollicité un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale et que l'accord ne traite pas de sa situation.

7. En second lieu, il n'est pas contesté par le préfet que Mme C...peut justifier avoir résidé en France habituellement depuis 2005, et par conséquent depuis plus de dix ans à la date du refus de séjour en litige. Quand bien même les années passées en France par la requérante l'ont été sous le régime des privilèges fondés sur l'article 46 de la convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires, et au bénéfice du titre de séjour spécial délivré par le ministre des affaires étrangères, ainsi que l'objecte le préfet, ce dernier n'en était pas moins tenu de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 précité la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par Mme C.... Cette dernière ayant été privée de cette garantie, le refus de séjour opposé par le préfet doit dès lors être regardé comme pris à l'issue d'une procédure irrégulière : le refus de séjour et, par voie de conséquence, la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination doivent être annulés.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 15 février 2016.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement que le préfet procède au réexamen de la situation de MmeC.... Il y a lieu de lui enjoindre de procéder à ce réexamen dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions présentées au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Mme C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Cesso, avocat de Mme C..., de la somme de 1 500 euros au titre du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 1602500 en date du 31 octobre 2016 du tribunal administratif de Bordeaux et l'arrêté du préfet de la Gironde en date du 15 février 2016 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la situation de Mme C... dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Cesso, avocat de MmeC..., la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...épouseC..., au ministre de l'intérieur, au préfet de la Gironde et à Me Cesso, avocat de MmeC....

Délibéré après l'audience du 23 mars 2017 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Marianne Pouget, président-assesseur,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 4 mai 2017.

Le président-assesseur,

Marianne Pouget

Le président,

Philippe Pouzoulet

Le greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 16BX04248 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX04248
Date de la décision : 04/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POUZOULET
Rapporteur ?: M. Philippe POUZOULET
Rapporteur public ?: Mme MUNOZ-PAUZIES
Avocat(s) : CESSO

Origine de la décision
Date de l'import : 16/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-05-04;16bx04248 ?
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