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04/05/2017 | FRANCE | N°15BX00223,15BX02063

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 04 mai 2017, 15BX00223,15BX02063


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...A...a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 9 décembre 2011 par laquelle le recteur de l'académie de la Réunion l'a radiée du corps des professeurs certifiés pour abandon de poste, d'enjoindre à l'administration de la réintégrer en tant que chercheur et de condamner l'Etat à lui verser sous astreinte la somme de 1 615 907 euros au titre de rappels de traitement et en réparation du préjudice résultant des mesures de radiation des cadres dont elle a fait l'ob

jet et du harcèlement moral subi.

Par un jugement n° 1200024 du 23 octobre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...A...a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 9 décembre 2011 par laquelle le recteur de l'académie de la Réunion l'a radiée du corps des professeurs certifiés pour abandon de poste, d'enjoindre à l'administration de la réintégrer en tant que chercheur et de condamner l'Etat à lui verser sous astreinte la somme de 1 615 907 euros au titre de rappels de traitement et en réparation du préjudice résultant des mesures de radiation des cadres dont elle a fait l'objet et du harcèlement moral subi.

Par un jugement n° 1200024 du 23 octobre 2014, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I/ Par une requête et des mémoires, enregistrés les 19 janvier 2015, 26 février 2015, 19 mars 2015, 10 avril 2015, 6 juillet 2015, 6 septembre 2016 et 16 septembre 2016 sous le numéro 15BX00223, MmeA..., représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 23 octobre 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2011 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de procéder à sa réintégration et à la régularisation de sa situation administrative ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 099 763,19 euros assortie des intérêts capitalisés en réparation de différents chefs de préjudice liés aux mesures de radiation illégales dont elle a fait l'objet ;

5°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de la protection fonctionnelle, sous astreinte de 2 500 euros par jour de retard dans un délai de dix jours à compter de la notification de l'arrêt ;

6°) de reconnaître et sanctionner les fautes graves commises par quatre fonctionnaires et de les condamner à lui verser des sommes de 50 000 euros en raison d'une part de faux et usage de faux et harcèlement moral pour MM H...D...et C...E..., d'autre part de faux pour permettre une escroquerie pour M.B... G..., et enfin de fraude aux examens et concours pour MmeI...;

7°) de suspendre l'ordonnance n° 1200025 du tribunal administratif de La Réunion du 30 janvier 2012 ;

8°) de suspendre le refus tacite du ministre de l'éducation nationale de retirer les arrêtés de radiation des cadres pris à son encontre et de la condamner à lui verser une provision de 10% des sommes demandées, soit 209 976,31 euros;

9°) d'enjoindre à l'Etat de la réintégrer et de la reclasser comme chercheure à l'Institut de France au service du dictionnaire de l'Académie française ;

10°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier car le rapporteur public s'est borné à porter à la connaissance des parties exclusivement le sens de ses conclusions relatives aux conclusions à fin d'annulation, sans se prononcer sur les conclusions à fin d'injonction et sur les conclusions indemnitaires ;

- le jugement n'a pas répondu au moyen tiré de ce qu'elle ne pouvait pas faire l'objet d'une mesure de radiation des cadres dès lors qu'elle était en congé maladie depuis plus d'une année et qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une décision de radiation des cadres sans avoir été soumise à une visite médicale de reprise et convoquée devant un comité médical, ce qui n'a pas été fait en l'espèce ;

- la décision du 9 décembre 2011 est entachée d'incompétence, son signataire ne justifiant pas d'une délégation de signature régulière ; le signataire des mises en demeure des 25 novembre et 1er décembre 2011 ne justifiait pas non plus d'une délégation de signature régulière ; dans l'académie de la Réunion, le recteur ne pouvait déléguer sa signature qu'à son adjoint inspecteur d'académie et non pas au secrétaire général de l'académie qui a signé l'arrêté litigieux ;

- la procédure de radiation des cadres n'a pas été régulièrement suivie ;

- la circonstance qu'un agent n'ait pas déféré à une mise en demeure ne manifeste pas une quelconque intention de l'intéressé de rompre avec le service, si cette absence est justifiée par une incapacité physique de l'agent ayant justifié d'une impossibilité médicalement constatée de reprendre son poste, elle ne pouvait donc être regardée comme ayant entendu rompre tout lien avec le service ; l'impossibilité de reprendre son poste répondait également à une situation de harcèlement moral et se justifiait par l'exercice d'un droit de retrait ;

- la décision attaquée est entachée d'une rétroactivité illégale ; elle ne pouvait être regardée comme ayant rompu les liens avec le service avant le 9 décembre 2011, soit à une date antérieure à celle de la notification des arrêtés de mise en demeure ;

- l'annulation de la décision de radiation implique sa réintégration et son affectation à l'Institut de France au service du dictionnaire de l'Académie française ;

- les illégalités fautives des décisions de radiation des 2 décembre 2008, 24 mai 2011 et 9 décembre 2011 devaient engager la responsabilité de l'Etat ; le jugement ne pouvait écarter les conclusions indemnitaires fondées sur l'illégalité des mesures de radiation des 2 décembre 2008 et 24 mai 2011 aux motifs qu'elles avaient déjà été rejetées par la cour administrative d'appel de Bordeaux dans un arrêt du 8 avril 2014, dès lors que cet arrêt fait l'objet d'un pourvoi en cassation pendant devant le Conseil d'Etat sous le n° 382147 ;

- le harcèlement moral dont témoignent les nombreuses mesures discriminatoires dont a elle fait l'objet engage également la responsabilité de l'Etat ; l'origine de la dégradation de ses conditions de travail réside dans l'action judiciaire qu'elle a intentée afin de protéger ses droits contre les auteurs des plagiats de sa thèse ;

- elle a été victime d'une escroquerie de la part d'un agent du rectorat ;

- en qualité de professeur certifié nommé par arrêté du ministre de l'éducation nationale, elle ne pouvait faire l'objet d'une radiation prononcée par le recteur de l'académie ;

- des agents du rectorat ont commis des détournements de pouvoir et de procédure à son égard ;

- elle a droit au versement d'une somme de 2 099 763,19 euros en réparation des différents chefs de préjudice liés aux illégalités des décisions procédant à sa radiation du corps des professeurs certifiés ;

- elle a droit à la protection fonctionnelle et l'Etat devra lui verser la somme de 30 000 euros à ce titre ;

- le jugement n'est pas intervenu dans un délai raisonnable ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2015, la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- les premiers juges n'avaient pas à répondre au moyen inopérant tiré de ce que Mme A...ne pouvait pas faire l'objet d'une mesure de radiation des cadres dès lors qu'elle était en congé maladie depuis plus d'une année et qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une décision de radiation des cadres sans avoir été soumise à une visite médicale de reprise et convoquée devant un comité médical ;

- le délai dans lequel s'est prononcé le tribunal est sans influence sur la légalité de la décision attaquée ;

- les recteurs d'académie disposent d'une délégation permanente de pouvoir du ministre chargé de l'éducation pour prononcer une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste à l'encontre d'un professeur certifié ; M. H...D..., nommé recteur de l'académie de La Réunion par décret du 14 janvier 2009 régulièrement publié au journal officiel de la République française, était ainsi compétent pour signer l'arrêté de radiation du 9 décembre 2011 ;

- l'article D. 222-20 du code de l'éducation, dans sa rédaction en vigueur au moment des faits, prévoit que : " Le recteur est autorisé à déléguer sa signature: 1 a) Au secrétaire général de l'académie (...) " ; dans ces conditions, la circonstance que l'article R. 222-10 du code de l'éducation prévoit, en son deuxième alinéa, que: " Dans l'académie de La Réunion, le recteur est assisté par un adjoint, directeur académique adjoint des services de l'éducation nationale, auquel il peut déléguer sa signature dans les domaines relatifs aux écoles, aux collèges ou aux lycées " n'exclut nullement que le recteur puisse déléguer sa signature au secrétaire général de l'académie ;

- la mise en demeure qui a été adressée à Mme A...par courrier du 25 novembre 2011, notifié le 28 novembre 2011, exposait clairement qu'à défaut de rejoindre son poste, elle serait radiée des cadres de la fonction publique sans application des garanties disciplinaires, et la sommait expressément de rejoindre son poste dans un délai de trois jours ouvrables à compter de la réception du courrier ;

- Mme A...ne justifie pas avoir été placée pendant une période de douze mois consécutifs en congé de maladie, elle ne saurait donc utilement se prévaloir des dispositions de l'article 27 du décret du 14 mars 1986 qui ne prévoient pas la consultation du comité médical préalablement au prononcé d'une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ;

- MmeA..., qui justifiait d'un congé de maladie jusqu'au 17 novembre 2011, aurait dû rejoindre son poste au collège de Montgaillard dès le lendemain ou, à défaut, justifier de son absence ; elle n'a pas repris son poste après la mise en demeure qui lui a été adressée le 25 novembre 2011 et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical de nature à expliquer le retard qu'elle aurait eu à manifester un lien avec le service, le recteur a régulièrement pu prononcer sa radiation des cadres pour abandon de poste ;

- Mme A...n'établit en rien que dans le cadre de l'exercice de ses fonctions de professeur certifié, elle aurait été dans une situation de danger grave et imminent susceptible de porter atteinte à sa santé et sa vie, justifiant qu'elle ait pu cesser ses fonctions par la mise en oeuvre du droit de retrait ; le seul fait qu'elle aurait été victime d'un plagiat de ses travaux universitaires n'est pas de nature à justifier l'exercice de son droit de retrait ;

- le fait qu'après l'avoir mise en demeure de rejoindre son poste, le recteur a radié Mme A..., qui n'avait pas donné suite à cette mise en demeure, du corps des professeurs certifiés pour abandon de poste, n'est pas à lui seul de nature à établir qu'elle serait victime de harcèlement moral au sens des dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; le fait, pour MmeA..., d'avoir été réintégrée au collège de Montgaillard pour y exercer les fonctions de professeur certifié d'anglais ne saurait, contrairement à ce qu'elle soutient, s'apparenter à une " placardisation " au regard des services d'enseignement qui peuvent lui être confiés. L'intéressée a reçu une affectation conforme aux missions des professeurs certifiés fixées à l'article 4 du décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs certifiés qui prévoit qu'ils ont vocation à enseigner " dans les établissements de second degré et dans les établissements de formation " et elle n'apporte aucune précision ni aucune justification au soutien de ses allégations ; Mme A...ne produit aucun élément de nature à permettre de faire présumer qu'elle aurait été victime de faits de harcèlement moral pouvant constituer un motif légitime de son abandon de poste ;

- selon la jurisprudence, une mesure de radiation des cadres peut rétroagir à la date à laquelle il est certain que l'agent a entendu rompre le lien avec l'administration ;

- la décision de radiation des cadres étant justifiée légalement, les conclusions indemnitaires de la requérante ne peuvent qu'être rejetées ; les demandes indemnitaires fondées sur l'illégalité des précédentes décisions de radiation des cadres ont été rejetées par la cour dans un arrêt du 8 avril 2014 ;

- la requérante n'établissant pas avoir fait l'objet d'un harcèlement moral ou avoir été victime de discrimination, ses conclusions indemnitaires sur ce point ne peuvent qu'être rejetées ;

Par ordonnance du 4 janvier 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 9 février 2017 à 12 heures.

Des mémoires présentés par Mme A...ont été enregistrés le 27 février 2017, le 17 mars 2017 et le 30 mars 2017.

Les parties ont été informées par lettres du 24 mars 2017, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être partiellement fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions des requêtes de Mme A...tendant à mettre en jeu la responsabilité personnelle de fonctionnaires ou d'agents publics ne relèvent pas de la compétence de la juridiction administrative.

En réponse à la communication de ces moyens d'ordre public, Mme A...a présenté des observations par des mémoires enregistrés les 29 et 30 mars 2017.

II/ Par ordonnance en date du 8 juin 2015, enregistrée le 18 juin 2015 au greffe de la cour sous le numéro 15BX02063, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a transmis pour attribution à la cour de Bordeaux une requête présentée par Mme F...A...,, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'État le 15 mai 2015, par laquelle Mme A...demande :

1°) d'annuler la décision par laquelle la ministre de l'éducation nationale a tacitement refusé de retirer l'arrêté du 9 décembre 2011 du recteur de l'académie de La Réunion procédant à sa radiation du corps des professeurs certifiés pour abandon de poste ;

2°) d'enjoindre à la ministre de l'éducation nationale de retirer l'arrêté du 9 décembre 2011 ;

3°) d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2011 ;

4°) d'enjoindre à la ministre de l'éducation nationale de procéder à sa réintégration et à la régularisation de sa situation administrative ;

5°) de condamner l'Etat à lui verser d'une part, la somme de 2 099 763,19 euros assortie des intérêts capitalisés en réparation de différents chefs de préjudice liés aux mesures de radiation illégales dont elle a fait l'objet, sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à compter de la date de l'arrêt, et d'autre part la somme de 30 000 euros au titre de la protection fonctionnelle, sous astreinte de 2 500 euros à compter de l'expiration d'un délai de dix jours suivant la notification de l'arrêt ;

6°) d'enjoindre à l'Etat de la réintégrer et de la reclasser comme chercheure à l'Institut de France au service du dictionnaire de l'Académie française ;

7°) de reconnaître et sanctionner les fautes graves commises par quatre fonctionnaires et de les condamner à lui verser trois sommes de 50 000 euros en raison d'une part de faux et usage de faux et harcèlement moral, d'autre part de faux pour permettre une escroquerie, et enfin de fraude aux examens et concours ;

8°) de suspendre l'ordonnance n° 1200025 du tribunal administratif de La Réunion du 30 janvier 2012 ;

9°) de suspendre le refus tacite du ministre de l'éducation nationale de retirer les arrêtés de radiation des cadres pris à son encontre ;

Elle soutient que :

- le refus tacite de retirer l'arrêté du 9 décembre 2011 est illégal en raison de l'illégalité de cet arrêté ;

- la décision du 9 décembre 2011 est entachée d'incompétence, son signataire ne justifiant pas d'une délégation de signature régulière ; le signataire des mises en demeure des 25 novembre et 1er décembre 2011 ne justifiait pas non plus d'une délégation de signature régulière ; dans l'académie de la Réunion, le recteur ne pouvait déléguer sa signature qu'à son adjoint inspecteur d'académie et non pas au secrétaire général de l'académie qui a signé l'arrêté litigieux ;

- la procédure de radiation des cadres n'a pas été régulièrement suivie ;

- la circonstance qu'un agent n'ait pas déféré à une mise en demeure ne manifeste pas une quelconque intention de l'intéressé de rompre avec le service, si cette absence est justifiée par une incapacité physique de l'agent ayant justifié d'une impossibilité médicalement constatée de reprendre son poste et elle ne pouvait donc être regardée comme ayant entendu rompre tout lien avec le service ; l'impossibilité de reprendre son poste répondait également à une situation de harcèlement moral et se justifiait par l'exercice d'un droit de retrait ;

- la décision attaquée est entachée d'une rétroactivité illégale ; elle ne pouvait être regardée comme ayant rompu les liens avec le service avant le 9 décembre 2011 soit à une date antérieure à celle de la notification des mises en demeure ;

- l'annulation de la décision de radiation implique sa réintégration et son affectation à l'Institut de France au service du dictionnaire de l'Académie française ;

- les illégalités fautives des décisions de radiation des 2 décembre 2008, 24 mai 2011 et 9 décembre 2011 devaient engager la responsabilité de l'Etat ; le jugement ne pouvait écarter les conclusions indemnitaires fondées sur l'illégalité des mesures de radiation des 2 décembre 2008 et 24 mai 2011 au motif qu'elles avaient déjà été rejetées par la cour administrative d'appel de Bordeaux dans un arrêt du 8 avril 2014, dès lors que cet arrêt fait l'objet d'un pourvoi en cassation pendant devant le Conseil d'Etat n° 382147 ;

- le harcèlement moral et les nombreuses mesures discriminatoires dont a elle fait l'objet engagent également la responsabilité de l'Etat ; l'origine de la dégradation de ses conditions de travail réside dans l'action judiciaire qu'elle a intentée afin de protéger ses droits contre les auteurs des plagiats de sa thèse ;

- elle a été victime d'une escroquerie de la part d'un agent du rectorat ;

- en qualité de professeur certifié nommé par arrêté du ministre de l'éducation nationale, elle ne pouvait faire l'objet d'une radiation prononcée par le recteur de l'académie ;

- des agents du rectorat ont commis des détournements de pouvoir et de procédure à son égard ;

- elle a droit à la protection fonctionnelle et l'Etat devra lui verser la somme de 30 000 euros à ce titre ;

- elle a droit au versement d'une somme de 2 099 763,19 euros en réparation des différents chefs de préjudice liés aux illégalités des décisions procédant à sa radiation du corps des professeurs certifiés ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2015, la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête et s'en rapporte à ses écritures en défense produites dans la requête n° 15BX00223.

Par ordonnance du 26 octobre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 7 janvier 2016 à 12 heures.

Par lettres du 24 mars 2017, les parties ont été informées de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions aux fins de suspension de l'ordonnance n° 1200025 du tribunal administratif de La Réunion du 30 janvier 2012 sont sans objet.

En réponse à la communication de ce moyen d'ordre public, Mme A...a présenté des observations par des mémoires enregistrés les 29 et 30 mars 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ;

- le décret n° 85-899 du 21 août 1985 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 modifié relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physiques pour l'admission aux emplois et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;

- l'arrêté du 9 août 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès ;

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

Des notes en délibéré présentées par Mme A...ont été enregistrées les 10 et 13 avril 2017.

Considérant ce qui suit :

1. MmeA..., professeur certifié d'anglais, a fait l'objet, par décision du recteur de l'académie de La Réunion du 2 décembre 2008, d'une première mesure de radiation pour abandon de poste. Cette décision a été annulée par jugement du tribunal administratif de Saint-Denis du 29 octobre 2009. A la suite de sa réintégration, le recteur de l'académie de La Réunion a pris un nouvel arrêté du 24 mai 2011, portant radiation du corps des professeurs certifiés de Mme A...pour abandon de poste. Par une ordonnance du 1er septembre 2011, le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a prononcé la suspension de l'exécution de cette décision, laquelle a été par la suite annulée par jugement du 21 mars 2012. Mme A...a été réintégrée dès le mois de septembre 2011. Mme A...a fait l'objet, par décision du 9 décembre 2011, d'une troisième mesure de radiation pour abandon de poste. Par ordonnance du 30 janvier 2012, le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a rejeté les conclusions de Mme A...tendant à la suspension de cet arrêté. Cette ordonnance a été annulée par un arrêt du Conseil d'Etat en date du 27 juillet 2012 pour défaut de motivation et la demande de Mme A...tendant à la suspension de l'arrêté litigieux a été rejetée. Mme A...a également demandé au tribunal administratif de La Réunion l'annulation de la décision du 9 décembre 2011, le prononcé de diverses injonctions et la condamnation de l'Etat à lui verser, outre des rappels de traitement, différentes indemnités au titre de l'illégalité alléguée de la radiation survenue en dernier lieu et d'un certain nombre d'agissements de l'administration antérieurs ou postérieurs à cette mesure. Par jugement n° 1200024 du 23 octobre 2014, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté l'ensemble de ses demandes. Par requête enregistrée à la cour sous le n°15BX00223 Mme A...relève appel de ce jugement. Postérieurement à cette requête, Mme A... a saisi le Conseil d'Etat d'une demande d'annulation de la décision implicte de refus de la ministre de l'éducation nationale de retirer la décision de radiation pour abandon de poste du 9 décembre 2011 et d'une demande de suspension de la décision implicite de refus du ministre ainsi que d'une demande de suspension de l'ordonnance n° 1200025 du tribunal administratif de La Réunion du 30 janvier 2012 avant de reprendre l'ensemble des conclusions présentées dans la requête n° 15BX00223. Par ordonnance du 8 juin 2015, enregistrée le 18 juin 2015 au greffe de la cour sous le n° 15BX02063, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a transmis à la cour de Bordeaux cette requête.

2. Les requêtes n° 15BX00223 et 15BX02063 présentent à juger des questions communes, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions à fin d'indemnité dirigées contre des fonctionnaires :

3. Les conclusions des requêtes de Mme A...tendant à mettre en jeu la responsabilité personnelle de fonctionnaires ou d'agents publics ne relèvent pas de la compétence de la juridiction administrative et doivent être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Sur les conclusions aux fins de " suspension de l'ordonnance n° 1200025 du tribunal administratif de La Réunion du 30 janvier 2012 :

4. Les conclusions des requêtes de Mme A...tendant à la suspension de l'ordonnance n° 1200025 du tribunal administratif de La Réunion du 30 janvier 2012 sont sans objet dès lors que le Conseil d'Etat s'est prononcé sur les conclusions tendant à l'annulation de cette ordonnance par arrêt n° 356645 du 27 juillet 2012. Elles sont par suite irrecevables.

Sur la régularité du jugement :

5. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ". La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par ces dispositions, a pour objet de mettre les parties en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public.

6. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif de La Réunion a été saisi d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 9 décembre 2011 par laquelle le recteur de l'académie de la Réunion a radié Mme A...du corps des professeurs certifiés pour abandon de poste, à ce qu'il soit enjoint à l'administration de la réintégrer en tant que chercheur et à la condamnation de l'Etat à lui verser sous astreinte la somme de 1 615 907 euros au titre des rappels de traitement et en réparation du préjudice résultant des mesures de radiation des cadres dont elle a fait l'objet et du harcèlement moral subi. Il ressort du relevé de l'application " Sagace " qu'avant la tenue de l'audience du tribunal, le rapporteur public a porté à la connaissance des parties le sens des conclusions qu'il envisageait de prononcer dans les termes suivants " annulation totale ou partielle " " annulation ". Une telle mention, qui ne permettait pas de connaître la position du rapporteur public sur les conclusions indemnitaires et sur les conclusions à fin d'injonction, ne satisfaisait pas aux prescriptions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative. Par suite, le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 23 octobre 2014 a été rendu irrégulièrement et doit être annulé, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens tirés de la régularité du jugement..

7. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de La Réunion.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

8. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 21 août 1985 susvisé relatif à la déconcentration de certaines opérations de gestion du personnel relevant du ministère de l'éducation nationale, dans sa rédaction alors applicable : " Le ministre de l'éducation nationale peut déléguer par arrêté aux recteurs d'académie, dans les conditions prévues par le présent décret, tout ou partie de ses pouvoirs en matière de recrutement et de gestion des personnels titulaires, stagiaires, élèves et non titulaires de l'Etat qui relèvent de son autorité (...). " En vertu de l'article 3 du même décret : " Pour les personnels de la catégorie A (...), ne peuvent faire l'objet de la délégation prévue à l'article 1er les décisions relatives (...) à la cessation de fonctions. / Toutefois, peuvent faire l'objet de la délégation prévue à l'article 1er ci-dessus : / (...) 3° Pour les personnels enseignants (...) : / (...) c) Les décisions de radiation des cadres prononcées : / - (...) consécutivement à un abandon de poste (...). " Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 9 août 2004 susvisé portant délégation de pouvoirs du ministre chargé de l'éducation aux recteurs d'académie en matière de gestion des personnels enseignants, d'éducation, d'information et d'orientation de l'enseignement du second degré : " Délégation permanente de pouvoirs du ministre chargé de l'éducation est donnée aux recteurs d'académie : / I. - Pour prononcer à l'égard des personnels enseignants (...) de l'enseignement du second degré (...), sous réserve des dispositions de l'article 2 ci-dessous, les décisions relatives : / (...) 22. A la radiation des cadres prononcée dans l'une des circonstances suivantes : / a) Consécutivement à un abandon de poste (...). " Il résulte de ces dispositions que M. H...D..., nommé recteur de l'académie de La Réunion par décret du 14 janvier 2009 régulièrement publié au Journal Officiel de la République française, était compétent pour signer l'arrêté de radiation du 9 décembre 2011.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article D 220 du code de l'éducation dans sa rédaction alors en vigueur : " Le recteur est autorisé à déléguer sa signature : a) Au secrétaire général de l'académie et, en cas d'absence ou d'empêchement de celui-ci, à l'administrateur de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche chargé des fonctions d'adjoint au secrétaire général d'académie, et aux chefs de division du rectorat dans la limite de leurs attributions (...) " Aux termes de l'article R. 222-10 du même code dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Dans les académies de La Réunion, de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane, le recteur exerce les fonctions de directeur des services départementaux de l'éducation. Dans l'académie de La Réunion, le recteur est assisté par un adjoint, inspecteur d'académie, auquel il peut déléguer sa signature dans les domaines relatifs aux écoles, aux collèges ou aux lycées. " Contrairement à ce que soutient la requérante, il résulte de la combinaison de ces dispositions que le recteur de l'académie de la Réunion pouvait déléguer sa signature tant à son adjoint qu'au secrétaire général de l'académie à l'effet de signer notamment les mises en demeure de reprendre son poste adressées à MmeA..., et que la procédure n'est ainsi entachée d'aucune irrégularité sur ce point. Les décision et mises en demeure ne sauraient donc en tout état de cause être regardées comme des " faux en écritures publiques ".

10. En troisième lieu, une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il court d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.

11. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 25 novembre 2011, reçu par Mme A...le 28 novembre 2011, le recteur de l'académie de La Réunion l'a mise en demeure de reprendre ses fonctions de professeur certifié dans un délai de trois jours ouvrables à compter de la réception du courrier, en appelant son attention sur le risque qu'elle soit regardée comme abandonnant son poste et radiée des cadres sans que les garanties disciplinaires lui soient applicables. Si elle fait valoir qu'elle avait manifesté son intention de ne pas abandonner son poste dès lors que , par lettre du 18 novembre 2011, elle s'était prévalue d'un certificat médical annexé à son arrêt de travail du 17 octobre 2011 faisant état du harcèlement moral dont elle se disait victime, et d'un droit de retrait impliquant la nécessité pour l'administration centrale de procéder à son déplacement, il est constant que son congé maladie était terminé depuis le 17 novembre 2011, et n'avait pas été renouvelé, et que le recteur lui a indiqué par lettre du 1er décembre qu'elle n'établissait pas l'existence d'une situation de danger grave et imminent tel que requis par le décret du 28 mai 1982, en réitérant la mise en demeure de rejoindre son poste au collège de Montgaillard où elle avait été affectée depuis le 20 septembre. Cette lettre confirmative n'avait pas à reprendre l'ensemble des mentions figurant dans la mise en demeure du 25 novembre en ce qui concerne l'éventualité d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire. La requérante n'a pas repris son poste dans le délai de la mise en demeure qui lui a été adressée le 25 novembre 2011, ni même dans les trois jours ouvrables suivant la seconde mise en demeure, et elle n'a fait valoir, postérieurement à ces mises en demeure, aucune circonstance particulière d'ordre médical expliquant son abstention. Dans ces conditions, Mme A... a été régulièrement mise en demeure de reprendre son service dans un délai approprié.

12. En quatrième lieu, l'article 27 du décret du 14 mars 1986 susvisé dispose que : " (...) lorsqu'un fonctionnaire a obtenu des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. " Il ressort des pièces du dossier que si Mme A...avait bénéficié, à la suite d'une précédente mise en demeure de rejoindre son poste du 21 septembre 2011, de congés de maladie du 22 au 30 septembre, puis du 17 octobre au 17 novembre 2011, elle n'avait pas été placée pendant une période de douze mois consécutifs en congé de maladie. L'administration n'était donc pas tenue en l'espèce de saisir le comité médical.

13. Mme A...soutient également qu'ayant informé le recteur de son intention de faire jouer son droit de retrait, il ne pouvait prononcer sa radiation des cadres. Aux termes des dispositions de l'article 5-6 du décret du 28 mai 1982 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la prévention médicale dans la fonction publique : " I. - L'agent alerte immédiatement l'autorité administrative compétente de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection. / Il peut se retirer d'une telle situation. / L'autorité administrative ne peut demander à l'agent qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection. / II. - Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un agent ou d'un groupe d'agents qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou la santé de chacun d'eux. " Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que le poste sur lequel Mme A...avait été affectée en qualité d'enseignante d'anglais remplaçante rattachée au collège de Montgaillard aurait comporté des caractéristiques susceptibles de porter atteinte à sa santé ou à sa vie. Ainsi, c'est à bon droit que le recteur a indiqué à l'intéressée qu'elle ne pouvait se prévaloir de ces dispositions.

14. Il n'est pas davantage démontré que cette affectation aurait été illégale, ni qu'à la date à laquelle elle a été prononcée, Mme A...aurait été inapte à exercer les fonctions. Ne s'étant pas présentée pour connaitre les tâches qui lui seraient dévolues, elle ne peut soutenir que le poste ne comporterait pas de réalité. Aussi, l'injonction de rejoindre ce poste n'était ni manifestement illégale ni de nature à compromettre gravement un intérêt public, et l'intéressée était tenue d'y déférer. En faisant état des instances en plagiat de sa thèse qu'elle a engagées notamment contre des personnes en fonction à l'Université de la Réunion, qui seraient à l'origine de l'hostilité des autorités académiques à son égard, de son souhait maintes fois réitéré en vain d'être appelée à d'autres fonctions que celles d'enseignante devant des élèves, et de la succession, en raison d'erreurs de procédure, de trois arrêtés de radiation des cadres pour abandon de poste, Mme A...ne démontre pas que le comportement des autorités académiques à son égard relèverait d'un harcèlement moral de nature à justifier son refus de rejoindre le poste sur lequel elle a été affectée. Ainsi, la décision la radiant des cadres pour abandon de poste, qui n'avait pas à viser sa lettre du 18 novembre 2011 antérieure à la mise en demeure, n'est entachée ni d'une erreur de fait ni d'une erreur de droit.

15. En cinquième lieu, si la décision du 9 décembre 2011 fixe la date d'effet de la radiation des cadres le même jour alors que l'intéressée en a accusé réception le 15 décembre 2011, Mme A...ne peut critiquer une prétendue rétroactivité dès lors qu'une telle mesure ne présente pas le caractère d'une sanction disciplinaire, et que l'intéressée pouvait être regardée comme ayant rompu le lien qui l'unissait à son employeur dès l'expiration du délai qui lui avait été imparti pour reprendre ses fonctions par la mise en demeure du 25 novembre 2011, notifiée le 28 novembre 2011.

16. En sixième lieu, si Mme A...semble invoquer également les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales , elle n'assortit en tout état de cause pas ce moyen des précisions utiles de nature à en apprécier le bien-fondé.

17. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision en litige procèderait d'un détournement de pouvoir.

18. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 9 décembre 2011. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'annulation du refus tacite de la ministre de l'éducation nationale de retirer cette décision ne peuvent qu'être rejetées également.

19. Par suite, la cour statuant au fond, les conclusions tendant à la suspension de la décision tacite de refus de retrait de l'arrêté du 9 décembre 2011 deviennent sans objet.

Sur les conclusions indemnitaires :

20. Il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à engager la responsabilité de l'Etat à raison de la prétendue illégalité fautive de la décision du 9 novembre 2011.

21. Les conclusions indemnitaires fondées sur les illégalités fautives des décisions de radiation des 2 décembre 2008 et 24 mai 2011 ont été rejetées par un jugement du tribunal administratif de La Réunion du 21 mars 2012 confirmé par un arrêt de la cour de céans n° 12BX01269 du 8 avril 2014. Par une décision n° 382146 du 25 février 2015, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, n'a pas admis le pourvoi de Mme A...dirigé contre cet arrêt. Par suite, Mme A...ne peut réitérer les mêmes conclusions dans la présente instance.

22. Si Mme A...reproche également au recteur d'avoir à tort refusé de la reclasser malgré sa demande, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle ait été reconnue inapte à exercer ses fonctions. Par suite, elle ne peut se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions du décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 modifié pour soutenir qu'une faute aurait été commise à son égard.

23. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. " Pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

24. Si Mme A...fait valoir qu'elle a été victime de harcèlement moral de la part de ses supérieurs hiérarchiques, les pièces produites au dossier ne permettent pas de considérer que le comportement de ceux-ci ait excédé les limites de l'exercice du pouvoir hiérarchique. Par ailleurs, le seul fait que ses supérieurs hiérarchiques n'aient pas réagi à l'égard des faits de plagiat dont la requérante se prévaut dans ses écritures ne peut être regardé comme un élément de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. La production de mémoires en défense devant le tribunal signés par les mêmes autorités ne saurait davantage recevoir une telle qualification, ni les précédents arrêtés de radiation pris après des mises en demeure de reprendre son poste non suivies d'effet. Par suite, les conclusions indemnitaires de Mme A...relatives à l'indemnisation du harcèlement moral dont elle prétend avoir été victime ne peuvent qu'être rejetées. A supposer encore que les demandes de sanctions de fautes de divers agents soient dirigées contre l'Etat, les fautes alléguées par Mme A...ne sont en tout état de cause nullement démontrées.

25. Aux termes de l'article 11 de la loi précitée du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) "

26. D'une part, les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 établissent à la charge des collectivités publiques, au profit des fonctionnaires et des agents publics non titulaires lorsqu'ils ont été victimes d'attaques dans l'exercice de leurs fonctions, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général. Si cette obligation peut avoir pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire ou l'agent public est exposé, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis, laquelle peut notamment consister à assister, le cas échéant, l'agent concerné dans les poursuites judiciaires qu'il entreprend pour se défendre, il appartient dans chaque cas à la collectivité publique d'apprécier, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la question posée au juge et du caractère éventuellement manifestement dépourvu de chances de succès des poursuites entreprises, les modalités appropriées à l'objectif poursuivi.

27. D'autre part, des agissements répétés de harcèlement moral sont de ceux qui peuvent permettre, à l'agent public qui en est l'objet, d'obtenir la protection fonctionnelle prévue par les dispositions précitées de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont les fonctionnaires et les agents publics non titulaires pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions.

28. Ainsi qu'il a été dit aux points 14 et 24, les faits de harcèlement moral dont se prévaut la requérante ne sont pas caractérisés. Par suite, et alors qu'elle n'a pas demandé l'annulation des décisions de 2008 et 2011 lui refusant le bénéfice de cette protection, elle n'est en tout état de cause pas fondée à solliciter l'allocation d'une somme sur ce fondement.

29. Mme A...demande enfin le rappel de traitements qu'elle n'aurait pas perçus depuis 2007, sans procéder à aucun décompte précis. Il ressort au demeurant des écritures en défense devant le tribunal que des trop perçus de rémunération ont fait l'objet de régularisations sur les salaires perçus par la requérante. Par suite, Mme A...n'est pas fondée à demander le versement de sommes non justifiées au titre de traitements non perçus.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

30. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requérante, n'appelle aucune mesure d'exécution susceptible d'être ordonnée sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

31. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme A...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1200024 du 23 octobre 2014 du tribunal administratif de La Réunion est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de La Réunion est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 15BX00223 et la requête n° 15BX02063 sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...et à la ministre de l'éducation nationale et de la recherche. Copie en sera adressée au recteur de l'académie de La Réunion .

Délibéré après l'audience du 30 mars 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 mai 2017.

Le rapporteur,

Jean-Claude PAUZIÈSLe président,

Catherine GIRAULTLe greffier,

Delphine CÉRON

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 15BX00223,15BX02063


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX00223,15BX02063
Date de la décision : 04/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10-04 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Abandon de poste.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Jean-Claude PAUZIÈS
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CABINET LYON-CAEN THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 16/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-05-04;15bx00223.15bx02063 ?
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