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04/05/2017 | FRANCE | N°15BX00133

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 04 mai 2017, 15BX00133


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la commune de Bourcefranc-le-Chapus à lui verser la somme de 171 957,20 euros en réparation des préjudices subis du fait des illégalités affectant les décisions l'autorisant à transférer son activité de kinésithérapie dans une ancienne cabane ostréicole située sur le domaine public maritime.

Par un jugement n° 1102848 du 13 novembre 2014, le tribunal administratif de Poitiers a condamné la commune à lui verser une somm

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner la commune de Bourcefranc-le-Chapus à lui verser la somme de 171 957,20 euros en réparation des préjudices subis du fait des illégalités affectant les décisions l'autorisant à transférer son activité de kinésithérapie dans une ancienne cabane ostréicole située sur le domaine public maritime.

Par un jugement n° 1102848 du 13 novembre 2014, le tribunal administratif de Poitiers a condamné la commune à lui verser une somme de 1 200 euros en réparation des préjudices subis et a mis à la charge de cette collectivité une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 janvier 2015, MmeC..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 13 novembre 2014 en tant que le tribunal n'a pas fait droit à l'intégralité de ses demandes ;

2°) de condamner la commune de Bourcefranc-le-Chapus à lui verser la somme totale de 171 957,20 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bourcefranc-le-Chapus la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme C...soutient que :

- la commune a émis le 8 juin 2007 un avis favorable pour l'occupation du domaine public, alors qu'elle avait connaissance de son projet, lequel apparaissait manifestement incompatible avec l'article NCo1 du plan local d'urbanisme opposable ;

- l'attestation du maire en date du 3 décembre 2007 est manifestement fautive en ce que le maire indique clairement que l'ouverture du cabinet de kinésithérapie sur la parcelle considérée est " autorisable ", et même "autorisée", alors que ce projet était, et demeure, contraire aux dispositions d'urbanisme en vigueur. Il en est de même s'agissant de l'autorisation d'occupation du domaine public accordée le 18 février 2008 sur le même fondement et du permis de construire du 1er décembre 2008, alors que les demandes visaient expressément le " projet de transformation de la cabane ostréicole en cabinet de kinésithérapeute ", activité incompatible avec les règles d'urbanisme n'autorisant que les installations liées aux activités agricole, aquicole, de construction navale ou de plaisance ;

- la demande de permis aurait fait l'objet d'un avis motivé défavorable de la direction des affaires maritimes du 27 août 2008. La commune a instrumentalisé son projet pour servir sa propre vision du devenir de la zone considérée, soit la transformation de la rue du Fort Louvois en voie commerçante, et même cherché à imposer cette vision en dépit des obstacles légaux dont elle avait connaissance. Après que le préfet, au titre du contrôle de légalité, lui a rappelé les textes applicables, la commune a alors prétendu qu'elle n'était responsable de rien, la laissant supporter seule l'ensemble des conséquences de ce dossier ;

- le bâtiment en cause a été acquis le 6 mars 2008 en considération des autorisations et de l'attestation précitées. Sans ces documents, lesquels lui ont été sciemment délivrés en toute connaissance de cause, elle aurait bien évidemment renoncé à cette acquisition et n'aurait pas engagé des frais d'architecte ni les travaux d'aménagement du bâtiment sur la base du permis de construire délivré le 1er décembre 2008. Le lien de causalité entre les fautes commises par le maire et ses préjudices est patent ;

- les frais d'acquisition du bâtiment s'élèvent à une somme voisine de 60 000 euros, montant versé au précédent occupant en considération des avis et attestations favorables émises par l'autorité compétente ;

- le versement des frais d'architecte est intervenu à hauteur de 6 256, 75 euros ;

- la redevance d'occupation atteint un montant annuel de 555,09 euros, soit un montant de 1 665 euros entre 2008 et 2010, auquel s'ajoutent les cotisations d'assurance du bâtiment à hauteur de 235,18 euros pour les années 2009 et 2010, sommes à parfaire pour l'année 2011 et les suivantes ;

- le préjudice économique, comprenant la perte d'une chance de s'implanter effectivement en un autre endroit dès 2008, et d'y développer son activité du seul fait d'abord du gain d'espace permettant aux deux kinésithérapeutes de pouvoir procéder aux séances de travail individualisé en même temps et non alternativement, a été estimé par un cabinet d'expert comptable à hauteur de 25 200 euros par an, soit une somme de 100 800 euros pour les années 2008 à 2011, à parfaire pour les années suivantes ;

- son préjudice moral peut être raisonnablement évalué à la somme de 3 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 juin 2015, la commune de Bourcefranc-le-Chapus, prise en la personne de son maire, représentée par la SCP d'avocats Pielberg-Kolenc, conclut :

1°) à la réformation du jugement du 13 novembre 2014 en tant que le tribunal administratif de Poitiers l'a condamnée à verser à Mme C...une somme de 1 200 euros au titre de son préjudice moral ;

2°) au rejet des demandes indemnitaires de Mme C...;

3°) à la mise à la charge de Mme C...de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune fait valoir que :

- la requête est irrecevable dès lors que Mme C...se borne à reprendre, dans les mêmes termes et sans critique du jugement ni élément de droit ou de fait nouveau, les moyens soulevés en première instance pour justifier sa demande de dommages et intérêts. Elle ne met pas la cour en mesure apprécier les erreurs qu'aurait pu commettre le tribunal ;

- ni l'avis favorable du 8 juin 2007 émis par le directeur général des services de la commune pour accorder l'autorisation d'occupation de la cabane, ni l'attestation du maire du 3 décembre 2007 indiquant à l'appelante qu'elle pourrait ouvrir un cabinet de kinésithérapie dans la cabane ostréicole ne constituent, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, des décisions faisant grief susceptibles de recours pour excès de pouvoir. Par suite, à défaut de toute illégalité desdits documents, aucune faute ne peut lui être reprochée ;

- s'il est exact que la délivrance d'un permis de construire illégal est de nature à engager la responsabilité de la commune auteur de cet acte, le juge administratif est cependant amené à s'assurer que le bénéficiaire du permis de construire illégal n'a pas lui-même commis une faute de nature à atténuer, voire à exonérer complètement, la responsabilité de l'administration. Tel est bien le cas en l'espèce dès lors qu'il est manifeste que Mme C...ne pouvait que réaliser très aisément, à la simple lecture des dispositions du règlement d'urbanisme opposable, que son projet était contraire aux dispositions du plan d'occupation des sols. En outre, l'architecte auquel elle a fait appel pour réaliser son projet de permis de construire ne pouvait que la mettre en garde contre le projet en question, qui était totalement opposé et en contradiction avec les dispositions claires du règlement du plan d'occupation des sols. Dans ces conditions, l'appelante a commis une faute de nature à exonérer la commune de toute responsabilité en lui demandant un permis de construire alors qu'elle savait pertinemment qu'aucune autorisation d'urbanisme de cette nature ne pouvait être accordée dans ce secteur ;

- l'ensemble des dommages allégués du fait de la non réalisation du projet est lié non pas à l'illégalité du permis de construire, mais uniquement à la circonstance que Mme C...n'avait plus l'autorisation pour occuper le domaine public maritime. L'autorisation d'occupation du domaine dont elle bénéficiait depuis le 18 février 2008 était valable jusqu'au 31 décembre 2008 et elle n'en a pas sollicité le renouvellement. Le lien de causalité entre les illégalités supposées des décisions en litige et les préjudices allégués n'est pas démontré ;

- la période d'indemnisation, en toute hypothèse, court entre le 1er décembre 2008, date de délivrance du permis de construire, et le 24 février 2009, date de son retrait, soit environ 3 mois ;

- Mme C...ne justifie pas plus en première instance qu'en appel avoir versé à l'architecte les frais d'architecte correspondant à la facture qu'elle produit ;

- l'immeuble en cause appartenant au domaine public maritime, aucun particulier ne peut prétendre avoir un quelconque droit de propriété ou même de simple possession. La somme dont le remboursement est présenté à titre de dommages et intérêts par l'appelante correspond en réalité aux conséquences d'un engagement qui a été conclu entre elle et un autre particulier concernant ce bien dont ils ne pouvaient pourtant librement disposer. Cet engagement n'est en outre pas opposable à la commune ;

- dès lors qu'il est constant que l'autorisation d'occupation du domaine public a été régulièrement accordée, le fait générateur de la redevance résultait de la signature de la convention d'occupation et non de la délivrance du permis de construire précité. Mme C...n'est par suite pas fondée à demander le remboursement des sommes versées pour acquitter ces redevances d'occupation du domaine public. Il en est de même de la cotisation d'assurance de ce bien ;

- si Mme C...soutient que les décisions en litige ont occasionné une perte de chance de pouvoir s'implanter dans un local plus adapté pour développer son activité qui était, selon elle, en pleine croissance, elle demande en réalité la réparation d'un préjudice commercial . La jurisprudence refuse de considérer un préjudice d'exploitation comme un préjudice certain. Ainsi, le manque à gagner estimé par l'appelante ne pourra être retenu, d'autant qu'on peut douter de la véracité de l'estimation très sommaire établie par un expert comptable à partir des seules évaluations faites par l'appelante sur sa progression prévisionnelle d'activité en cas de changement de local ;

- le préjudice moral invoqué par la requérante n'est pas démontré. Au surplus, la période d'indemnisation couvre une période maximale de trois mois, voire même moins d'un mois si l'on considère qu'il n'y a pas eu de renouvellement de l'autorisation d'occuper le domaine public maritime.

Une ordonnance du 3 octobre 2016 a fixé la clôture de l'instruction au 2 décembre 2016 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Paul-André Braud,

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- et les observations de Me Kolenc, avocat de la commune de Bourcefranc-le-Chapus ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 18 février 2008, le maire de Bourcefranc-le-Chapus (Charente-Maritime) a autorisé Mme C...à occuper une ancienne cabane ostréicole située au lieu dit " Baie de la Grognasse " sur des parcelles cadastrées section DP 43.73 F et J appartenant au domaine public maritime pour y exercer sa profession de kinésithérapeute et lui permettre de développer son activité. Par un deuxième arrêté du 1er décembre 2008, le maire lui a délivré un permis de construire afin de transformer la cabane ostréicole en un cabinet de kinésithérapie. Dans le cadre du contrôle de légalité, le sous-préfet de Rochefort a relevé que ce projet ne fait pas partie des constructions susceptibles d'être autorisées en vertu des dispositions des articles NCo1 et NCo2 du règlement du plan d'occupation des sols de Bourcefranc-le-Chapus. Le maire a alors procédé au retrait de ce permis de construire par un arrêté du 24 février 2009. MmeC..., après avoir adressé le 26 octobre 2011 à la commune une réclamation préalable restée sans réponse, a saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Bourcefranc-le-Chapus à lui verser la somme totale de 171 957, 20 euros en réparation des préjudices subis à raison de l'illégalité des autorisations qui lui ont été délivrées. Par un jugement du 13 novembre 2014, le tribunal administratif de Poitiers a condamné la commune de Bourcefranc-le-Chapus à lui verser la somme de 1 200 euros en réparation de son préjudice moral et a rejeté le surplus de ses conclusions. Mme C...relève appel de ce jugement en tant qu'il ne fait pas droit à l'intégralité de sa demande. Par la voie de l'appel incident, la commune de Bourcefranc-le-Chapus sollicite la réformation de ce jugement en tant qu'il a accueilli partiellement la demande de MmeC....

Sur la recevabilité de l'appel :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. " Contrairement à ce que soutient la commune, la requête de Mme C...ne se borne pas à reproduire à l'identique la demande présentée en première instance mais énonce à nouveau de façon précise les fondements de sa demande indemnitaire présentée devant le tribunal administratif, et conclut que le jugement comprend une erreur de droit sur l'appréciation de la responsabilité de la commune et une erreur de fait sur l'appréciation des préjudices subis. Par suite, la requête de Mme C...respecte les exigences précitées de l'article R. 411-1 du code de justice administrative.

Sur la responsabilité :

3. Aux termes de l'article NCo1 du règlement du plan d'occupation des sols de Bourcefranc-le-Chapus alors applicable : " Sont susceptibles d'être autorisées : - la réfection et l'entretien des bâtiments d'habitation existants, /- une possible extension de 25 m² de surface hors oeuvre nette pour ces seules maisons existantes ; / - les bâtiments d'exploitation aquacole et les activités commerciales associées, liées à la transformation des produits de la mer ; / - les installations et travaux divers (...) sous réserve qu'ils aient un lien direct avec l'activité agricole ou aquacole (...) ; / - les ateliers de constructions navales ; / - le stockage de matériel nécessaire à l'aquaculture (...) / - les travaux de voirie (...) ". Aux termes de l'article NCo2 de ce règlement : " Sont interdites toutes occupations et utilisations du sol qui ne sont pas mentionnées à l'article NC 1. "

4. Pour engager la responsabilité de la commune de Bourcefranc-le-Chapus, Mme C... invoque le comportement fautif du maire qui a émis le 8 juin 2007 un avis favorable à la demande d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public qu'elle avait déposée pour y installer son cabinet de kinésithérapie, puis a attesté le 3 décembre 2007 l'autoriser à ouvrir ce cabinet dans l'ancien établissement ostréicole, puis l'a autorisée, par un arrêté du 18 février 2008, à occuper le domaine public pour ce projet et a enfin délivré le 1er décembre 2008 le permis de construire afin de transformer l'établissement ostréicole en cabinet de kinésithérapie alors qu'il savait qu'un tel établissement ne pouvait être édifié sur le terrain en cause. La requérante doit ainsi être regardée comme ayant entendu engager la responsabilité de la commune non seulement sur le fondement des illégalités fautives entachant les arrêtés des 18 février et 1er décembre 2008 mais aussi sur la faute commise par le maire en l'encourageant dans son projet alors qu'il ne pouvait ignorer qu'il était incompatible avec les dispositions applicables.

5. Il résulte des dispositions précitées du règlement du plan d'occupation des sols et des éléments rappelés au point précédent que si le maire de Bourcefranc-le-Chapus pouvait régulièrement autoriser Mme C...à occuper l'ancien établissement ostréicole situé sur le domaine public, il ne pouvait en revanche l'autoriser à y effectuer des travaux pour l'aménagement d'un cabinet de kinésithérapie sans méconnaître le règlement du plan d'occupation des sols. Dans ces conditions, ce n'est qu'en délivrant un permis de construire illégal et en encourageant Mme C...à réaliser son projet que le maire de Bourcefranc-le-Chapus a commis des fautes de nature à engager la responsabilité de la commune. Cependant, il n'est pas contesté que pour déposer sa demande de permis de construire, Mme C...a eu recours aux services d'un architecte. Or ce dernier ne pouvait, en sa qualité d'homme de l'art, ignorer que le terrain d'assiette du projet de Mme C...était situé en zone NCo et que dans cette zone, les possibilités de construction étaient extrêmement réduites. Dans ces circonstances, il y a lieu de retenir la responsabilité de la commune de Bourcefranc-le-Chapus et de limiter le caractère exonératoire de responsabilité de l'imprudence fautive de Mme C...aux seuls préjudices trouvant leur origine dans le permis de construire. Il sera fait une juste appréciation de du caractère exonératoire de responsabilité de cette imprudence fautive en mettant à la charge de la commune les trois quarts du préjudice subi.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices liés à l'attitude du maire :

6. L'ouverture du droit à indemnisation est subordonnée au caractère direct et certain des préjudices invoqués. En outre, un préjudice ne peut ouvrir droit à indemnisation s'il est la conséquence directe d'une situation irrégulière.

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1, qui relèvent du domaine public, sont inaliénables et imprescriptibles. " Mme C...sollicite le remboursement de la somme de 60 000 euros versée au précédent occupant de la cabane ostréicole pour " l'acquisition " de cette cabane. Cependant, cette cabane étant située sur le domaine public, elle doit être regardée comme un élément du domaine public et de ce fait comme étant inaliénable. Le précédent occupant n'étant donc pas propriétaire de cette cabane, Mme C... n'établit pas en quoi le versement de cette somme était un préalable nécessaire à l'obtention de l'autorisation d'occupation temporaire de la parcelle en cause. Dans ces conditions, le versement de cette somme au précédent occupant n'est pas en lien direct avec les fautes commises par le maire de Bourcefranc-le-Chapus.

8. En deuxième lieu, Mme C...sollicite le remboursement des redevances versées pour l'occupation de la parcelle en cause et des cotisations d'assurances acquittées pour la cabane ostréicole. Cependant, la requérante n'a été tenue d'acquitter ces redevances que jusqu'à la date à laquelle elle pouvait légitimement espérer réaliser son projet sur cette parcelle, soit jusqu'au 24 février 2009, date à laquelle le permis de construire dont elle était titulaire a été retiré. Eu égard à la période d'indemnisation ainsi retenue, il y a lieu d'indemniser les dépenses engagées à ce titre au cours de cette période et dûment justifiées. La seule facture produite pour cette période concerne les redevances d'occupation acquittées pour l'année 2008, soit la somme de 555 euros.

9. En troisième lieu, le manque à gagner résultant de la perte des bénéfices escomptés de la réalisation des travaux autorisés par le permis de construire reconnu irrégulier et retiré, laquelle aurait entraîné une augmentation du chiffre d'affaires du cabinet de kinésithérapie, ne présente qu'un caractère purement éventuel et ne saurait dès lors être indemnisé. Toutefois Mme C... fait valoir également qu'elle a perdu une chance durant ce laps de temps de concrétiser sur un autre site son projet d'extension de son cabinet de kinésithérapie. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en lui accordant une indemnité de 5 000 euros.

10. En quatrième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges aient fait une inexacte appréciation de son préjudice moral en l'évaluant à la somme de 1 600 euros.

En ce qui concerne le préjudice lié exclusivement au permis de construire :

11. Mme C...sollicite le remboursement des frais d'architecte engagés pour le projet d'un montant total de 6 256,75 euros. Si la commune de Bourcefranc-le-Chapus conteste expressément la réalité de cette dépense, la requérante, en produisant les factures y afférentes établit la réalité et le montant de ce chef de préjudice. Cependant, eu égard à la faute commise par Mme C...énoncée au point 5 et au partage de responsabilité subséquent, il convient de mettre à la charge de la commune de Bourcefranc-le-Chapus le versement de la somme de 4 692 euros.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...est seulement fondée à demander la réformation du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 13 novembre 2014 pour porter à 11 847 euros l'indemnité qui lui a été accordée, et que l'appel incident de la commune de Bourcefranc-le-Chapus doit être rejeté.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Bourcefranc-le-Chapus une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur ce fondement par la commune de Bourcefranc-le-Chapus, partie perdante dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : L'indemnité de 1 200 euros que la commune de Bourcefranc-le-Chapus a été condamnée à verser à Mme C...par le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 13 novembre 2014 est portée à 11 847 euros.

Article 2 : Les conclusions incidentes de la commune de Bourcefranc-le-Chapus sont rejetées.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 1102848 du 13 novembre 2014 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune de Bourcefranc-le-Chapus versera à Mme C...une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et à la commune de Bourcefranc-le-Chapus. Copie en sera adressée pour information au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 mai 2017.

Le rapporteur,

Paul-André BRAUDLe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Delphine CÉRON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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No 15BX00133


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX00133
Date de la décision : 04/05/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services de l'urbanisme.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services de l'urbanisme - Permis de construire - Préjudice.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CABINET OPTIMA SAINTES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-05-04;15bx00133 ?
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