Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Ma Résidence, société par actions simplifiée, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté conjoint du directeur général de l'agence régionale de santé d'Aquitaine et du président du conseil général de la Gironde du 10 juillet 2013 constatant la caducité partielle de l'autorisation du 23 juillet 2007 relative à l'extension de l'EHPAD avec toutes conséquences de droit.
Par un jugement n° 1303254 en date du 20 octobre 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ledit arrêté.
Procédure devant la cour :
I°) Par une requête, enregistrée sous le n° 15BX04061 le 17 décembre 2015, et des mémoires complémentaires enregistrés les 22 mars et 7 décembre 2016 et le 30 janvier 2017, le département de la Gironde, représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 20 octobre 2015 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la société EHPAD Ma Résidence au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont analysé la décision contestée comme une autorisation d'extension par création de lits alors qu'elle ne consiste qu'en une cession d'autorisation, en ne citant que les alinéas 1 et 6 de l'article L. 313-1 du code de l'action sociale et des familles ; ils ont ainsi commis une erreur de droit ;
- la demande d'extension par cession d'autorisation entraînait pour la société le rachat du fonds de commerce affecté à l'établissement de Pompignac, la gestion sur site de cet établissement par transfert des contrats de travail et des contrats de séjour des 23 personnes âgées hébergées dans cet établissement, et le regroupement avec l'EPHAD à Yvrac, une fois les travaux d'extension terminés, avec transfert des 23 personnes âgées ;
- le moyen retenu par le tribunal tenant à l'absence de lien entre la cession et la vente du fond de commerce n'était pas soulevé par la société ;
- la cession d'autorisation de gestion d'un établissement médico-social implique le transfert des droits attachés à l'établissement ; l'arrêté de cession du 23 juillet 2007 mentionnait expressément l'existence du transfert de gestion ; il appartenait aux parties de prendre les mesures nécessaires à la réalisation effective du transfert de lits ;
- le contrat de vente du fonds de commerce a été transmis pour l'instruction de la demande de cession d'autorisation ;
- le transfert des 23 lits de l'arrêté de cession d'autorisation du 23 juillet 2007 est un élément non détachable du fonds de commerce ;
- la société EHPAD Ma Résidence n'a eu pour seul objectif que d'agrandir son site d'Yvrac de 23 lits sans jamais se soucier du sort des 23 personnes âgées hébergées ni de celui du personnel de l'établissement de Pompignac alors qu'elle détenait l'autorisation de gérer ce dernier ;
- le tribunal a pourtant reconnu que la société Home Château Cadouin a continué à exploiter les 23 lits après le 23 juillet 2007 ; la caducité du projet de vente du fonds de commerce entraîne la caducité de la cession d'autorisation ;
- la société EHPAD Ma Résidence n'a jamais exploité les 23 lits en litige de 2007 à 2013 ;
- suite à la caducité du transfert d'autorisation, la société Le Béquet a obtenu à son tour ce transfert, ayant obtenu la gestion desdits lits ;
- le jugement est insuffisamment motivé pour ne pas avoir analysé et tiré les conséquences des changements de circonstances de droit et de fait découlant de la caducité de la vente du fonds de commerce ;
- la caducité de l'arrêté contesté ne se fonde pas sur l'article L. 313-1 du code de l'action sociale et des familles mais résulte d'une cause de caducité sans texte ;
- le commencement d'exécution des travaux d'extension ne constitue pas le commencement d'exécution de l'arrêté de cession d'autorisation ;
- une précédente annulation de l'acte de cession des 23 lits en 2006 avait entraîné le refus d'accorder l'autorisation d'extension par décision du 25 juillet 2006 ;
- la société EHPAD Ma Résidence elle-même confirme que la cession du fonds de commerce était soumise au transfert de l'autorisation, établissant ainsi le lien entre les deux opérations ;
- nier un tel lien reviendrait à permettre à la société EHPAD Ma Résidence la création pure et simple de 23 lits sans avoir eu à supporter la charge de la gestion des 23 lits transférés ;
- le département n'a jamais nié l'absence de caractère patrimonial de l'autorisation ;
- la société EHPAD Ma Résidence n'a jamais eu l'intention d'exploiter l'établissement de Pompignac ainsi que l'y obligeait l'autorisation de transfert.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 septembre 2016 et 23 janvier 2017, la société EHPAD Ma Résidence, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du département de la Gironde de la somme de 2 500 euros au titre
de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le Conseil d'Etat a nié tout caractère patrimonial à l'autorisation d'exploiter des lits ; aucune corrélation n'est possible entre l'autorisation et la question de la patrimonialité que les parties ont entendu conférer à cette autorisation ;
- la circonstance que les 23 lits en litige aient continué d'être exploités par la société Home Château Cadouin depuis 2007 est sans incidence sur la réalité du transfert de l'autorisation ;
- la seule cause de caducité est prévue à l'article L. 313-1 du code de l'action sociale et des familles ; elle n'est pas remplie en l'espèce, dès lors qu'elle a commencé les travaux de construction de nouveaux bâtiments devant accueillir les 23 lits dans le délai de trois ans à compter du 23 juillet 2007 ;
- l'autorisation a bien été délivrée conformément à l'article L. 313-4 du code de l'action sociale et des familles, selon la procédure prévue aux articles L. 313-1 à L. 313-9 du même code ;
- si la nécessité d'obtenir une confirmation des autorisations s'impose suite à la cession du fonds de commerce attaché à un établissement médico-social autorisé, cette obligation résultant de la réglementation est totalement indépendante du sort de la cession du fonds de commerce ;
- la décision du 10 juillet 2013 constitue une décision de retrait de l'autorisation du 23 juillet 2007.
II°) Par une requête, enregistrée sous le n° 15BX04063 le 17 décembre 2015, et des mémoires complémentaires enregistrés les 22 mars et 7 décembre 2016 et le 30 janvier 2017, le département de la Gironde, représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du 20 octobre 2015 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la société EHPAD Ma Résidence au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les conditions de mise en oeuvre de l'article R. 811-17 du code de justice administrative sont réunies.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 septembre 2016 et 24 janvier 2017, la société EHPAD Ma Résidence, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du département de la Gironde de la somme de 2 500 euros au titre de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les conditions de mise en oeuvre de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ne sont pas réunies.
Par ordonnance du 5 décembre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er février 2016.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Philippe Delvolvé ;
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;
- et les observations de MeB..., représentant le département de la Gironde, et
de MeC..., représentant la société EHPAD Ma Résidence.
Considérant ce qui suit :
1. La société EHPAD Ma Résidence, qui exploite à Yvrac (33) un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de cinquante-quatre lits ou places, a sollicité du préfet et du président du conseil général de la Gironde, en application de
l'article L. 313-1 du code de l'action sociale et des familles, une autorisation d'extension de sa capacité d'accueil pour vingt-neuf nouveaux lits ou places supplémentaires, dont six par création et vingt-trois par transfert de l'autorisation d'exploitation dont la société Home du château Cadouin, société à responsabilité limitée qui gère une maison de retraite à Pompignac (33), était titulaire. Par arrêté conjoint du 23 juillet 2007 notifié le 28 juillet 2007, le président du conseil général de la Gironde et le directeur de l'agence régionale de santé d'Aquitaine ont accordé cette autorisation d'extension. Par un arrêté du 10 juillet 2013, le président du conseil général de la Gironde et le directeur de l'agence régionale de santé Aquitaine ont constaté la caducité partielle de l'arrêté du 23 juillet 2007 en ce que cet arrêté avait accordé à la société EHPAD Ma Résidence une autorisation d'extension de vingt-trois lits par transfert d'autorisation.
2. Par sa requête n° 15BX04061, le département de la Gironde relève appel du jugement en date du 20 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté conjoint du directeur général de l'agence régionale de santé d'Aquitaine et du président du conseil général de la Gironde du 10 juillet 2013 constatant la caducité partielle de l'autorisation du 23 juillet 2007 relative à l'extension de l'EHPAD avec toutes conséquences de droit. Par sa requête n° 15BX04063, le département de la Gironde demande le sursis à exécution de ce jugement. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes, qui sont dirigées contre le même jugement, pour statuer par un seul arrêt.
3. Aux termes de l'article L. 313-1 du code de l'action sociale et des familles dans sa version applicable à la date de l'arrêté du 23 juillet 2007 du préfet de la Gironde et du président du conseil général de la Gironde portant extension de l'autorisation de fonctionnement pour vingt-trois places : " La création, la transformation ou l'extension des établissements et services mentionnés à l'article L. 312-1 sont soumises à autorisation, sous réserve des dispositions de l'article L. 313-1-1 (...). Toute autorisation est caduque si elle n'a pas reçu un commencement d'exécution dans un délai de trois ans à compter de sa date de notification (...). " Aux termes du 7ème alinéa de cet article : " Lorsque l'autorisation est accordée à une personne physique ou morale de droit privé, elle ne peut être cédée qu'avec l'accord de l'autorité compétente concernée ". L'article L. 313-3 du même code prévoit que l'autorisation est délivrée conjointement par le président du conseil général et par l'autorité compétente de l'Etat lorsque les prestations dispensées par l'établissement sont susceptibles d'être prises en charge pour partie par l'Etat ou les organismes de sécurité sociale et pour partie par le département.
4. Il résulte de ces dispositions que toute cession d'une autorisation d'exploitation d'un établissement mentionné à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles est soumise à un accord de l'autorité compétente concernée, délivré lui-même conformément aux dispositions des articles L. 313-1 et suivants du même code. Si cet accord constitue une nouvelle autorisation d'exploitation délivrée par l'autorité compétente au cessionnaire, l'entrée en vigueur de cet accord est lui-même conditionnée par l'existence d'un contrat entre le précédent titulaire de l'autorisation et le nouveau, stipulant les conditions effectives de la cession. Dès lors, la caducité de ce contrat de cession entraîne nécessairement la caducité de la nouvelle autorisation d'exploitation délivrée au cessionnaire.
5. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'acte de vente conditionnelle du fonds de commerce conclu le 29 avril 2005 entre la société EHPAD Ma Résidence et la société Home du château Cadouin et complété par avenant du 8 février 2007, que la
société EHPAD Ma Résidence s'est engagée à racheter les vingt-trois lits de l'établissement
" Home du château Cadouin ", objet du transfert, au plus tard le 31 décembre 2008. Il ressort également des pièces du dossier que l'exécution du contrat de vente du fonds de commerce a donné lieu à un litige judiciaire entre les parties signataires. Dans un jugement du 30 mars 2012 confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 19 février 2013, le tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé la caducité du contrat de vente en date du 29 avril 2005 et de son avenant du 8 février 2008. Il est constant que l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, bien qu'ayant fait l'objet d'un pourvoi en cassation, est passé en force de chose jugée.
6. Compte tenu de ce qui a été dit au point 4, la caducité du contrat de vente a entraîné la caducité de l'arrêté par le tribunal administratif de Bordeaux. Contrairement à ce que soutient la société intimée, la constatation de la caducité de l'autorisation d'extension qui lui avait été accordée ne saurait s'analyser comme un retrait de cette autorisation. Dans ces conditions, le directeur de l'ARS et le président du département étaient tenus de prononcer la caducité du transfert de l'autorisation en litige. La circonstance que la société EHPAD Ma Résidence a débuté des travaux en vue du transfert effectif des vingt-trois lits demeure sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté, dès lors que l'administration se trouvait en situation de compétence liée pour prononcer la caducité partielle de l'autorisation du 23 juillet 2007 en tant qu'elle autorise le transfert de vingt-trois lits de la société Home du château Cadouin à l'EHPAD Ma Résidence. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a annulé l'arrêté en litige au motif que les conditions de la caducité de l'autorisation n'étaient pas remplies.
7. La société EHPAD Ma Résidence n'invoquait pas en première instance et n'invoque pas en appel d'autres moyens que ceux tenant aux conditions de la caducité. Ainsi, il résulte de tout ce qui précède que le département de la Gironde est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
8. Le présent arrêt statue sur l'appel du département de la Gironde tendant à l'annulation du jugement du 20 octobre 2015 du tribunal administratif de Bordeaux. Par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du département de la Gironde, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par
la société EHPAD Ma Résidence et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de cette dernière au titre des frais exposés par le département de la Gironde et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement en date du 20 octobre 2015 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société EHPAD Ma Résidence devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 15BX04063 du département de la Gironde.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société EHPAD Ma Résidence, au département de la Gironde et au ministre des affaires sociales et de la santé.
Copie en sera adressée à l'agence régionale de santé Nouvelle-Aquitaine.
Délibéré après l'audience du 21 mars 2017 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, président,
M. Gil Cornevaux, président-assesseur,
M. Philippe Delvolvé, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 mai 2017.
Le rapporteur,
Philippe DelvolvéLe président,
Elisabeth JayatLe greffier,
Vanessa Beuzelin
La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales et de la santé, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 15BX04061, 15BX04063