Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiées (SAS) Cisa Eurofrance et MeB..., ès-qualités de liquidateur judiciaire, ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier de Niort à leur verser la somme de 72 876,71 euros TTC en réparation des préjudices résultant pour la société de la résiliation anticipée du marché de maintenance d'appareils de stérilisation.
Par un jugement n° 1202752 du 25 mars 2015, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 mai 2015, la société Cisa Eurofrance et MeB..., ès-qualités de liquidateur judiciaire, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 25 mars 2015 ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Niort à lui verser la somme de 62 876,71 euros TTC au titre des sommes prévues par le marché et la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
3°) de lui allouer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la dénomination sociale de la société a simplement changé mais elle est bien la société qui avait obtenu le marché signé avec le centre hospitalier ; elle a donc qualité pour contester la résiliation dudit marché et pour réclamer des dommages et intérêts ;
- le centre hospitalier ne peut leur opposer l'irrecevabilité de sa demande au motif que la société n'a pas présenté le mémoire en réclamation prévu par l'article 34 du CCAG-FCS issu du décret du 26 mai 1977 dès lors que celui-ci a été abrogé par l'arrêté ministériel du 19 janvier 2009 et que le marché litigieux a commencé d'être exécuté le 1er août 2011 ;
- pour la même raison, il ne saurait leur être opposé l'absence de demande indemnitaire préalable en application de l'article 31.1 du CCAG-FCS issu du décret du 26 mai 1977 ;
- le centre hospitalier ne peut leur opposer l'absence d'établissement du décompte de liquidation, préalablement à la saisine du juge, dès lors que ce document n'a été établi que le 10 juin 2013, soit bien au-delà du délai de deux mois suivant la date d'effet de la résiliation, comme l'impose l'article 34.5 du CCAG-FCS ;
- la décision par laquelle le centre hospitalier a résilié le marché est irrégulière car elle n'a pas été précédée d'une mise en demeure préalable comme le prévoit l'article 32 du CCAG-FCS approuvé par l'arrêté ministériel du 19 janvier 2009 ;
- la décision de résiliation est également irrégulière car elle est dépourvue de motivation ;
- cette résiliation a été signée par une autorité incompétente ;
- la décision de résiliation est dépourvue de fondement juridique car elle ne vise aucun des cas de résiliation possible prévus par l'article 29 du CCAG-FCS ;
- ils ont droit à l'indemnisation de leur préjudice qui est constitué par le prix forfaitaire annuel du marché rapporté sur la période de sa non exécution, soit une somme de 62 876,71 euros TTC à laquelle il convient d'ajouter une somme de 10 000 euros d'indemnisation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2016, le centre hospitalier de Niort, représenté par la SCP Pielberg-A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des requérants la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'article 1er de l'arrêté du 19 janvier 2009 précise que le nouveau CCAG-FCS ne s'applique qu'aux contrats qui s'y réfèrent expressément, ce qui n'est pas le cas du marché signé avec la société requérante ;
- l'article 3 du CCP du marché signé renvoie au contraire à l'application du CCAG-FCS approuvé par le décret du 26 mai 1977 ;
- il convient en conséquence d'opposer à la requête de la société et de son mandataire liquidateur l'irrecevabilité au motif qu'elle n'a pas été précédée d'un mémoire en réclamation préalable dans le mois suivant la résiliation, comme l'impose l'article 34.1 du CCAG-FCS ancien ;
- en outre, la requête est prématurée dès lors qu'il appartenait à la société de contester au préalable le décompte en liquidation établi par la personne responsable du marché ; et en l'absence d'un tel décompte, il lui appartenait de mettre en demeure ladite personne d'établir ce décompte, ce qui n'a pas été fait et constitue un nouveau motif d'irrecevabilité de la requête ;
- l'irrégularité alléguée d'une mesure de résiliation d'un marché n'est pas, à elle seule, de nature à ouvrir un droit à indemnité au cocontractant dès lors qu'elle est justifiée au fond ;
- cette résiliation est justifiée par les divers dysfonctionnements et retards imputables à la société dans l'exécution de ses prestations de maintenance d'appareils de stérilisation ; ainsi, les conditions dans lesquelles elle est intervenue n'ouvrent pas à cette dernière un droit à indemnisation ;
- en tout état de cause, la société ne peut réclamer le paiement du prix du marché mais seulement la perte de marge nette consécutive à la résiliation du marché ; elle ne produit aucun élément probant pour permettre l'évaluation de cette perte de marge ; enfin, la somme de 10 000 euros qu'elle réclame en supplément n'est aucunement justifiée.
Par ordonnance du 26 janvier 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 9 mai 2016 à 12 heures;
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 77-699 du 27 mai 1977 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et de services ;
- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Frédéric Faïck,
- les conclusions de Mme Déborah De Paz, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant le centre hospitalier de Niort.
Considérant ce qui suit :
1. Par marché signé le 5 mars 2008, le centre hospitalier de Niort a confié à la société Laboratoire Aldor Dechosal, devenue Cisa Eurofrance, la maintenance d'appareils de stérilisation. Ce marché était conclu pour une période de cinq ans à compter du 1er août 2011, date de son début d'exécution. Par décision du 21 mai 2012, le directeur du centre hospitalier a prononcé la résiliation du marché en invoquant des problèmes d'exécution, notamment des délais trop longs de livraison des pièces nécessaires au fonctionnement des appareils de stérilisation. Par courrier du 13 août 2012, le directeur du centre hospitalier précisait à la société que sa décision du 21 mai 2012 n'était pas fondée sur une faute du cocontractant mais sur les stipulations de l'article 2.3 du cahier des clauses particulières applicables au marché qui permettent à chacune des parties au contrat de résilier celui-ci à tout moment et sans motifs. La société Cisa Eurofrance et MeB..., son mandataire liquidateur, ont saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une requête tendant à la réparation des préjudices résultant pour eux de la résiliation anticipée du marché. Ils relèvent appel du jugement rendu le 25 mars 2015 par lequel le tribunal a rejeté leur demande.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 13 du code des marchés publics, dans sa version applicable au marché litigieux : " Les cahiers des charges des marchés passés selon une procédure formalisée déterminent les conditions dans lesquelles les marchés sont exécutés. Ils comprennent des documents généraux et des documents particuliers. Les documents généraux sont : 1° Les cahiers des clauses administratives générales, qui fixent les dispositions administratives applicables à une catégorie de marchés (...) Ces documents sont approuvés par un arrêté du ministre chargé de l'économie et des ministres intéressés. La référence à ces documents n'est pas obligatoire. Les documents particuliers sont : 1° Les cahiers des clauses administratives particulières, qui fixent les dispositions administratives propres à chaque marché (...) Si le pouvoir adjudicateur décide de faire référence aux documents généraux, les documents particuliers comportent, le cas échéant, l'indication des articles des documents généraux auxquels ils dérogent. ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 19 janvier 2009 : " Est approuvé le cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de fournitures courantes et de services dont le texte est annexé au présent arrêté. Ce cahier des clauses administratives générales n'est applicable qu'aux marchés qui s'y réfèrent. ".
3. L'article 3 du marché conclu entre le centre hospitalier de Niort et la société Cisa Eurofrance stipule que : " Le marché à conclure est régi par les documents contractuels énumérés ci-dessous (...) : l'acte d'engagement et ses annexes (...) le cahier des clauses administratives particulières (CCP) (...) le cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés de fournitures courantes et de services (décret n° 77-699 du 27 mai 1977) ... ". Il résulte clairement de ces stipulations que les parties au contrat n'ont pas entendu se référer aux stipulations du nouveau cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de fournitures courantes et de services (CCAG-FCS) résultant de l'arrêté du 19 janvier 2009, notamment en ce qui concerne les règles de procédure préalables à la saisine du juge en cas de différend, mais à celles qui sont issues du CCAG-FCS approuvé par le décret du 27 mai 1977.
4. Aux termes de l'article 24 du CCAG-FCS applicable au marché litigieux : " Résiliation du marché par la personne publique. 24.1. La personne publique peut à tout moment, qu'il y ait ou non faute du titulaire, mettre fin à l'exécution des prestations faisant l'objet du marché avant l'achèvement de celles-ci par une décision de résiliation du marché. (...) le titulaire a droit à être indemnisé du préjudice qu'il subit du fait de cette décision comme il est dit à l'article 31. (...)". Aux termes de l'article 31 du même CCAG-FCS : " Calcul de l'indemnité éventuelle de résiliation. 31.1. Si, en application de l'article 24, le titulaire peut prétendre à indemnité, il doit présenter une demande écrite, dûment justifiée dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision de résiliation. (...) ". Ainsi, en application de ces stipulations, en cas de résiliation du marché prononcée par l'administration, le cocontractant doit adresser un mémoire réclamant une indemnité dans le mois qui suit la notification de cette décision de résiliation à peine d'irrecevabilité de la saisine ultérieur du juge.
5. En l'espèce, la décision de résiliation du marché a été notifiée à la société requérante le 23 mai 2012. Les deux courriers, datés des 29 juin et 26 juillet 2012, que la société a adressés au centre hospitalier ne comportaient aucune demande d'indemnité motivée par la résiliation prononcée mais tendaient seulement à la reprise des relations contractuelles ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal administratif. Ce n'est que le 14 septembre 2012, soit au-delà du délai d'un mois à compter de la notification de la résiliation, prévu par l'article 31.1 du CCAG-FCS, que la société Cisa Eurofrance a demandé au centre hospitalier de l'indemniser des préjudices résultant pour elle de la résiliation du marché. Ainsi, la société Cisa Eurofrance n'a pas respecté la procédure de réclamation préalable non contentieuse prévue par l'article 31.1 du CCAG-FCS et sa demande indemnitaire présentée devant le juge administratif était par voie de conséquence irrecevable.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre fin de non recevoir opposée en défense, que la société Cisa Eurofrance et MeB..., ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de la société Cisa Eurofrance et de Me B...la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le centre hospitalier de Niort et non compris dans les dépens.
DECIDE
Article 1er : La requête de la société Cisa Eurofrance et de Me B...est rejetée.
Article 2 : La société Cisa Eurofrance et Me B...verseront au centre hospitalier de Niort la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me B...liquidateur judiciaire de la société Cisa Eurofrance et au centre hospitalier de Niort.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2017, à laquelle siégeaient :
M. Didier Péano, président,
Mme Christine Mège, président-assesseur,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 avril 2017.
Le rapporteur,
Frédéric FaïckLe président,
Didier Péano Le greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne au préfet des Deux-Sèvres en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Evelyne Gay-Boissières
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N° 15BX01753