Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E...et Mme G...I...ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir, le permis de construire tacite du 9 octobre 2010, par lequel le maire de Vaunac, agissant au nom de l'Etat, a autorisé M. B...à construire une maison d'habitation sur un terrain situé sur le territoire de la commune au lieu-dit " Blazinaud ".
Par un jugement n° 1303053 du 3 mars 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 avril 2015 et 3 décembre 2015, M. et MmeI..., représentés par MeF..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 mars 2015 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler le permis de construire tacite n° PC 024 567 10 J0003 délivré à M. et Mme A...B...;
3°) de condamner solidairement la commune de Vaunac et M. et Mme B...aux entiers dépens ainsi qu'à leur verser la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à défaut les condamner chacun à leur verser la somme de 500 euros sur le même fondement.
Ils soutiennent que :
- le permis de construire attaqué n'ayant jamais fait l'objet d'une mention sur le terrain en conformité avec l'article R. 424-15 du code de l'urbanisme, le délai de recours n'a pas commencé à courir en ce qui les concerne ;
- la demande méconnaissait les dispositions de l'article R. 431-5 c) du code de l'urbanisme relatives à la localisation et à la superficie du terrain ;
- les articles R. 431-7 et R. 431-8 du code de l'urbanisme ont été méconnus dès lors que le projet déposé ne répond pas aux exigences de l'article L. 431-2 du code de l''urbanisme. Il ne renseigne ni sur la couleur de l'enduit et des autres surfaces, ni sur l'insertion du projet dans 1'environnement, ni sur le rapport du projet avec les autres constructions et paysages avoisinants ;
- les différents documents graphiques joints à la demande de permis de construire n'ont pas mis l'autorité administrative à même d'apprécier la situation de la construction projetée dans son environnement ainsi que son impact visuel, et de se prononcer utilement sur le projet ;
- le plan de masse ne comportait pas les indications relatives aux équipements publics adjacents et les raccordements nécessaires ;
- ce projet méconnaît les articles L. 111-1-2 et R. 111-14-1 du code de l'urbanisme dès lors que le terrain est situé en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune et que le projet est de nature à favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec le caractère naturel des espaces environnants ; compte tenu de l'illégalité du certificat d'urbanisme délivré le 11 mai 2009, le pétitionnaire ne peut se prévaloir d'aucun droit acquis qui en résulterait ;
- la décision est entachée d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juillet 2015, M et MmeH..., représentés par MeJ..., concluent au rejet de la requête et à la condamnation de M. et Mme I...à leur verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi du fait du caractère abusif de leur recours, ainsi que la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à ce que soit mis à leurs charge les entiers dépens.
Ils soutiennent que :
- la demande d'annulation présentée par M. et Mme I...devant le tribunal administratif était tardive eu égard à l'affichage du permis effectué en 2010 dont les requérants ont eu connaissance ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- le recours mené par M. et Mme I...revêt un caractère abusif et justifie leur condamnation en application de l'article 1382 du code civil.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2015, la ministre du logement de l'égalité des territoires et de la ruralité conclut au rejet de la requête comme non fondée.
Par ordonnance du 3 décembre 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 janvier 2016 à douze heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Mège,
- et les conclusions de Mme Déborah De Paz.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 11 mai 2009, le maire de la commune de Vaunac a délivré à M. B..., au nom de l'Etat, un certificat d'urbanisme déclarant réalisable le projet de construction d'une maison d'habitation sur un terrain cadastré A 1030, situé au lieu-dit " Blazinaud ". M. B...a déposé une demande de permis de construire le 9 août 2010 en vue de la construction d'une maison d'habitation sur cette même parcelle. A la suite du silence gardé sur cette demande, une autorisation de construire tacite est née le 9 octobre 2010. M. et Mme H... ont acquis la propriété de M. B...le 23 janvier 2013 et ont bénéficié du transfert du permis de construire délivré le 9 octobre 2010 sur ce terrain. M. et MmeI..., propriétaires voisins du terrain, relèvent appel du jugement n° 1303053 du 3 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à l'annulation du permis de construire tacite.
2. Aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme: " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire, (...) court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ". Selon l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis explicite ou tacite (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté (...) et pendant toute la durée du chantier ".
3. En se prévalant uniquement de la circonstance que M. et Mme I...ont joint à la plainte qu'ils ont adressés le 10 juin 2013 au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Périgueux, la photographie de l'affichage du permis tacite du 9 août 2010 sur le terrain, M. et Mme H...n'établissent pas que cet affichage ait été réalisé dans les conditions prévues par les dispositions précitées du code de l'urbanisme, notamment de continuité de l'affichage pendant une période de deux mois. Il en résulte que le délai de recours n'était pas expiré lorsque M. et Mme I...ont, le 17 août 2013, saisi le tribunal administratif d'une demande d'annulation du permis de construire du 9 octobre 2010.
4. Aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. / Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. (...) ". Ces dispositions confèrent seulement à la personne à laquelle a été délivré un certificat d'urbanisme indiquant que le terrain peut être utilisé pour la réalisation de l'opération envisagée un droit à voir sa demande d'autorisation, déposée dans le délai de dix-huit mois, examinée au regard des dispositions d'urbanisme mentionnées dans ce certificat. La circonstance qu'un certificat d'urbanisme ait été délivré le 11 mai 2009 à M. B...lui indiquant que la construction d'une maison d'habitation était réalisable sur le terrain cadastré A-1030 a ainsi seulement eu pour effet de garantir que la demande de permis de construire présentée le 9 août 2010 sur ce terrain soit examinée au regard des dispositions du code de l'urbanisme en vigueur à la date de délivrance du certificat d'urbanisme applicables à la commune de Vaunac qui n'était alors pas dotée d'un plan local d'urbanisme, d'une carte communale ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu.
5. Aux termes de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers, ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, seules sont autorisées, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune : / 1° L'adaptation, le changement de destination, la réfection, l'extension des constructions existantes ou la construction de bâtiments nouveaux à usage d'habitation à l'intérieur du périmètre regroupant les bâtiments d'une ancienne exploitation agricole, dans le respect des traditions architecturales locales ; / 2° Les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs, à la réalisation d'aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, à l'exploitation agricole, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d'opérations d'intérêt national ; / 3° Les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et l'extension mesurée des constructions et installations existantes. / 4° Les constructions ou installations, sur délibération motivée du conseil municipal, si celui-ci considère que l'intérêt de la commune, en particulier pour éviter une diminution de la population communale, le justifie, dès lors qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la salubrité et à la sécurité publique, qu'elles n'entraînent pas un surcroît important de dépenses publiques et que le projet n'est pas contraire aux objectifs visés à l'article L. 110 et aux dispositions des chapitres V et VI du titre IV du livre Ier ou aux directives territoriales d'aménagement précisant leurs modalités d'application. ".
6. A la date de délivrance du permis de construire tacite, la commune de Vaunac n'était pas dotée d'un plan local d'urbanisme, d'une carte communale ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est séparé par des parcelles non construites des quelques maisons d'habitations situées au lieu-dit " Landes de Blazinaud ", d'ailleurs en nombre insuffisant pour être regardées comme constituant une partie actuellement urbanisée de la commune. Les deux maisons déjà construites sur des parcelles contiguës et la maison située de l'autre côté de la route communale sont également en nombre trop réduit pour être regardées comme constituant une partie actuellement urbanisée de la commune. Le terrain d'assiette du projet, alors boisé, s'insère dans un vaste espace naturel en dépit de la présence de ces trois constructions. Par suite, le projet autorisé par le permis de construire tacite du 9 août 2010 est situé en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune, au sens des dispositions précitées de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme. Il est constant que ce projet n'entre dans aucun des cas d'exception à la règle de non constructibilité énoncée par ces dispositions. Par suite, le permis de construire du 9 août 2010 méconnaît l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme.
7. Pour l'application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen des requérants, ne paraît susceptible, en l'état de l'instruction, de fonder l'annulation de la décision contestée.
8. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme I...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.
9. M. et Mme H...en demandant la condamnation de M. et Mme I...à les indemniser des préjudices subis en raison du caractère abusif de leur recours, doivent être regardés comme se prévalant des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme selon lesquelles " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en oeuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel (...) ". Le droit de former un recours pour excès de pouvoir de M. et MmeI..., dont d'ailleurs les conclusions tendant à l'annulation du permis de construire du 9 août 2010 sont fondées, n'a pas été mis en oeuvre dans des conditions excédant la défense des intérêts légitimes que leur confère la qualité de voisins directs du projet. Par suite, les conclusions indemnitaires de M. et Mme H...ne peuvent qu'être rejetées.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et MmeI..., qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. et MmeH..., au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Vaunac une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme I...et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1303053 du 3 mars 2015 et le permis de construire tacite délivré par le maire de Vaunac au nom de l'Etat à M.B..., transféré à M. et MmeH..., sont annulés.
Article 2 : La commune de Vaunac versera la somme de 1 000 euros à M. et Mme I...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...et Mme G...I..., à la ministre du logement et de l'habitat durable, à M. et Mme A...B..., et à M. C...et Mme D...H.... Copie en sera transmise au préfet de la Dordogne, à la commune de Vaunac et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Périgueux.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2017 à laquelle siégeaient :
M. Didier Péano, président,
Mme Christine Mège, président-assesseur,
M. Frédéric Faïck, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 27 avril 2017.
Le président-assesseur,
Christine MègeLe président,
Didier PéanoLe greffier,
Evelyne Gay-Boissières
La République mande et ordonne à la ministre du logement et de l'habitat durable en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Evelyne Gay-Boissières
N° 15BX014732