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20/04/2017 | FRANCE | N°16BX04072

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 20 avril 2017, 16BX04072


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...E...D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 20 avril 2016 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1602510 du 5 octobre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure de

vant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 décembre 2016, M. E...D..., représenté p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...E...D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 20 avril 2016 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1602510 du 5 octobre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 décembre 2016, M. E...D..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 octobre 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens " sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ".

Il soutient que :

S'agissant du refus de séjour :

- il a été édicté en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; en effet, il établit participer à l'entretien et à l'éducation de ses quatre enfants nés en France et mener une vie stable avec sa dernière compagne, titulaire d'un titre de séjour et mère de deux de ses enfants, qu'il a d'ailleurs épousée ; il ne vit pas avec elle car elle est hébergée dans un foyer maternel qui ne peut l'accueillir ; ses deux autres enfants, nés d'une précédente union, font l'objet d'une mesure d'assistance éducative en milieu ouvert renforcée ; le juge des enfants a constaté que l'état de l'une de ses filles s'est amélioré depuis qu'il est davantage présent auprès d'elles ; sa première compagne est également en situation régulière en France ; le refus de titre de séjour a nécessairement pour conséquence de l'éloigner de sa famille ; or, une séparation d'avec ses enfants ne peut être envisagée compte tenu du contexte, sa femme étant de surcroît d'une nationalité différente de la sienne ;

- compte tenu de ses attaches privées et familiales en France, il fait valoir des motifs exceptionnels lui permettant de se voir délivrer un titre de séjour au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 3, paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dans la mesure où la cellule familiale ne pourrait se reconstruire dans son pays d'origine alors que ses quatre enfants ont un besoin impératif de la présence de leur père auprès d'eux ; contrairement à ce qu'affirment les premiers juges, il apporte la preuve, par l'ensemble des pièces versées au dossier, qu'il contribue à l'éducation de ses filles sur le plan matériel et affectif ;

- la même décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il démontre l'intensité de ses liens familiaux sur le territoire national ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la mesure d'éloignement est dépourvue de base légale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle et familiale ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle doit être annulée en raison de l'illégalité du refus de séjour et de la mesure d'éloignement ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en prenant cette mesure ; sa présence auprès de ses enfants revêt une importance particulière ;

- elle empêchera ses filles de voir leur père durant deux ans ce qui constitue une violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2017, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 5 janvier 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 15 février 2017 à 12 heures.

Le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux a rejeté, par une décision du 17 novembre 2016, la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. E...D....

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Laurent Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E...D..., de nationalité nigériane, est entré irrégulièrement en France le 1er décembre 2012 selon ses déclarations. Il a présenté une demande d'asile le 6 février 2013, rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 24 mars 2014 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 26 novembre suivant. Le 12 janvier 2015, le préfet de la Gironde a pris à son encontre un arrêté portant refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français qu'il n'a pas exécuté. Le 4 décembre 2015, l'intéressé a sollicité un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 20 avril 2016, le préfet de la Gironde a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux an. M. E...D...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté.

2. Aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

3. Il est constant que M. E...D...est le père de quatre enfants, nés en France respectivement en 2013 et 2015 de deux mères différentes. Il ressort d'une part des pièces du dossier que la mère de deux des enfants, qui résident à Nîmes, rencontre de graves difficultés à assumer seule son rôle éducatif et que, selon un jugement en assistance éducative du 2 septembre 2015, M. D...s'est engagé dans l'intérêt des enfants à être plus présent et à développer ses liens avec eux. Il ressort d'autre part de l'attestation établie par son actuelle compagne, Mme B..., avec laquelle il s'est récemment marié, ainsi que des attestations établies par plusieurs responsables du centre parental " Le repos maternel " situé à Gradignan, où elle est hébergée avec leurs deux enfants, que M. E...D...entretient des liens affectifs avec ses filles et s'implique effectivement dans leur éducation. Aussi, dans les circonstances de l'espèce, le refus de séjour opposé par le préfet, qui implique la séparation des enfants de l'un de leurs parents, doit être regardé comme portant atteinte à l'intérêt supérieur de ceux-ci, garanti par les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il en résulte, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. E...D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

4. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait, la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " à M. E...D.... Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet d'y procéder dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

5. M. E...D...ayant présenté des conclusions devant être regardées comme tendant à ce que lui soit allouée une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre cette somme à la charge de l'Etat.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 5 octobre 2016 du tribunal administratif de Bordeaux et l'arrêté du 20 avril 2016 du préfet de la Gironde sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. E...D...un titre de séjour " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. E...D...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. E...D...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...E...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2017 à laquelle siégeaient :

M. Aymard de Malafosse, président,

M. Laurent Pouget, président-assesseur,

Mme Marie-Pierre Beuve-Dupuy, premier conseiller,

Lu en audience publique le 20 avril 2017.

Le rapporteur,

Laurent POUGET Le président,

Aymard de MALAFOSSE Le greffier,

Virginie MARTY La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

N° 16BX04072


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX04072
Date de la décision : 20/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SCP ASTIE-BARAKE-POULET-MEYNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-04-20;16bx04072 ?
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