Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...D...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 26 août 2015 par laquelle le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 1504251 du 31 octobre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 décembre 2016 et 2 février 2017, Mme D..., représentée par Me Abadel-Belhaimer, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 31 octobre 2016 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) d'annuler ladite décision ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- compte tenu du dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle dans le délai de recours, sa requête d'appel n'est pas tardive ;
- le refus de séjour en litige a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 7 bis b de l'accord franco-algérien ; en effet, elle est entrée régulièrement en France et était en situation régulière à la date à laquelle elle a présenté sa demande de certificat de résidence ; l'ensemble de ses attaches familiales sont en France ; ses enfants, de nationalité française, subviennent à ses besoins ; elle ne percevait en Algérie qu'une modeste pension, d'un montant de 150 euros par mois ;
- le refus de séjour a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procède d'une erreur manifeste d'appréciation ; sa présence est indispensable aux côtés de son fils, de nationalité française ; elle est la seule personne avec laquelle il parvient à communiquer, ce qui contribue à améliorer son état ; ce dernier a toujours vécu avec sa mère et serait gravement perturbé en cas de séparation ; elle a l'ensemble de ses attaches familiales en France ; son fils qui résidait en Algérie s'est désormais installé en France.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 janvier 2017, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est tardive et, par suite, irrecevable ;
- la demande n'est pas fondée ; il s'en remet à cet égard à son mémoire en défense produit devant le tribunal administratif.
Par une ordonnance du 27 janvier 2017, la clôture d'instruction a été reportée au 17 février 2017 à 12h00.
Par une décision modificative du 2 février 2017, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordé à MmeD....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeD..., ressortissante algérienne née le 28 novembre 1947, est entrée en France le 18 septembre 2014 sous couvert d'un visa court séjour et a sollicité le 16 octobre 2014 la délivrance d'un certificat de résidence en qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français. Elle relève appel du jugement n° 1504251 du 31 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 août 2015 par laquelle le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Gironde :
2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4 (...) ".
3. En vertu de ces dispositions, applicables au présent litige dans la mesure où la décision de refus de séjour contestée n'était pas assortie d'une obligation de quitter le territoire français et n'entrait ainsi pas dans le champ d'application des dispositions de l'article R. 775-2 du code de justice administrative, Mme D...disposait d'un délai de deux mois pour interjeter appel du jugement attaqué. Ce jugement lui ayant été notifié le 3 novembre 2016 et sa requête d'appel ayant été enregistrée le 12 décembre 2016, la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Gironde, tirée de la prétendue tardiveté de cette requête, ne peut qu'être écartée.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Il résulte de l'instruction que MmeD..., âgée de 68 ans à la date de la décision litigieuse, dont l'époux est décédé, a de fortes attaches familiales en France puisque quatre de ses cinq enfants ainsi que ses petits-enfants, tous de nationalité française, résident sur le territoire national. Son dernier fils, Tahar Benguesmia-Chadly, ressortissant français né en 1976, souffre depuis sa naissance d'un grave handicap mental et s'est vu reconnaître un taux d'incapacité supérieur à 80 %. Or, il ressort des éléments médicaux versés au dossier que ce dernier, qui a toujours vécu avec sa mère, n'a pas de relation sociale et est atteint d'un important retard de langage, de sorte qu'elle est la seule personne avec qui il peut communiquer. Le certificat médical établi le 11 juin 2015 préconise la présence de Mme D...aux côtés de son fils. La requérante, qui assiste quotidiennement et sans aide extérieure son enfant dans les gestes de la vie courante, s'est d'ailleurs vue allouer une aide financière en qualité d'aidant familial au titre de la prestation de compensation du handicap. Dans ces circonstances particulières, en refusant de délivrer un titre de séjour à MmeD..., le préfet de la Gironde s'est livré à une appréciation manifestement erronée de sa situation personnelle.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme D...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Gironde du 26 août 2015 portant refus de délivrance d'un titre de séjour.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Compte tenu des motifs sur lesquels elle repose, l'annulation de la décision contestée implique nécessairement que soit délivré un titre de séjour à MmeD.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde de délivrer ce titre dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée de 1 000 euros à verser à Me Abadel-Belhaimer, avocat de Mme D..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1504251 du tribunal administratif de Bordeaux du 31 octobre 2016 et la décision du préfet de la Gironde du 26 août 2015 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer un titre de séjour à Mme D...dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Abadel-Belhaimer, avocat de MmeD..., une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D..., au ministre de l'intérieur, au préfet de la Gironde et à Me B...Abadel-Belhaimer.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 avril 2017.
Le rapporteur,
Marie-Pierre BEUVE DUPUYLe président,
Aymard de MALAFOSSELe greffier,
Virginie MARTY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 16BX03923