Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
En premier lieu, la société coopérative agricole de Vergt Socave (ci-après la SCA Socave) a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, d'une part la lettre en date du 10 janvier 2013 par laquelle le préfet de la région Aquitaine l'a invitée à fournir dans un délai de dix jours la liste des producteurs relevant de son organisation qui avaient bénéficié entre 1998 et 2002 d'aides publiques dans le cadre des plans de campagne mis en place par la France, à défaut de quoi la société pourrait être regardée comme le bénéficiaire final de ces aides, déclarées illégales par la commission européenne le 28 janvier 2009 et, d'autre part, la lettre du 29 mars 2013 par laquelle le directeur général de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgrimer) lui a fait obligation de rembourser la somme de 3 024 304,47 euros versée dans le cadre des plans de campagne entre 1998 et 2002.
Par un jugement n° 1301887, 1400330 du 3 février 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 2 avril 2015 sous le n° 15BX01099, et des mémoires enregistrés les 20 mai 2016, 30 mai 2016 et 11 juillet 2016, la SCA Socave, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1301887, 1400330 du tribunal administratif de Bordeaux du 3 février 2015 ;
2°) d'annuler la lettre du préfet de la région Aquitaine du 10 janvier 2013 ;
3°) d'annuler la lettre du directeur général de FranceAgrimer du 29 mars 2013 ;
4°) de mettre à la charge de FranceAgrimer une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la lettre du préfet du 10 janvier 2013 :
- celle-ci présente le caractère d'un acte faisant grief de sorte que sa demande tendant à son annulation est recevable ;
- elle a été signée par le directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt sans qu'il soit justifié que l'intéressé disposait d'une délégation de signature régulière ;
- elle est entachée d'erreur de droit en raison d'une inversion de la charge de la preuve : alors que dans sa décision du 28 janvier 2009, la Commission européenne a spécifié que " la récupération de l'aide doit s'effectuer auprès des producteurs, sauf lorsque l'Etat membre pourra démontrer que l'aide ne leur a pas été transférée par l'organisation de producteurs, auquel cas la récupération s'effectuera auprès de cette dernière ", il n'est pas démontré par l'administration que l'aide n'a pas été transférée par l'organisation de producteurs à ces derniers ;
En ce qui concerne la lettre du directeur général de FranceAgrimer du 29 mars 2013 :
- celle-ci présente le caractère d'un acte décisoire et est distincte du titre de recettes du 24 mars 2013 ; la circonstance que le tribunal administratif a statué sur la requête dirigée contre le titre de recettes n'a pas pour effet de priver d'objet le recours tendant à l'annulation de cette décision ;
- elle a été signée pour le directeur général par délégation par M. E...C..., chef du service des aides nationales sans qu'il soit justifié que l'intéressé disposait d'une délégation de signature régulière ;
- elle est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;
- elle est entachée d'erreur de droit et de fait : elle méconnaît la décision de la Commission européenne qui fait obligation à la France de récupérer ces aides sur les producteurs qui sont les bénéficiaires finaux de ces aides illégales, ce qu'elle n'est pas ;
- elle méconnaît le principe de confiance légitime ;
Par des mémoires en défense, enregistrés les 31 mars 2016 et 31 mai 2016, FranceAgrimer, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la SCA Socave sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la SCA Socave ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 6 juin 2016, la clôture d'instruction a été fixée au en dernier lieu au 15 juillet 2016 à 12h00.
En deuxième lieu, la SCA Socave a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le titre de recettes n° 2013000382 émis à son encontre le 30 septembre 2013 par FranceAgrimer d'un montant de 2 939 699,40 euros au titre des aides illégales à reverser qui ont été accordées dans le cadre du dispositif d'aides dans le secteur des fruits et légumes dénommé " plans de campagne " entre 1998 et 2002, ensemble le rejet implicite né le 29 janvier 2014 de son recours gracieux et de lui accorder la décharge de l'obligation de payer cette somme, outre les intérêts.
Par un jugement n° 1401000 du 3 février 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
II. Par une requête enregistrée le 2 avril 2015 sous le n° 15BX01100 et des mémoires enregistrés les 17 mai 2015, 30 mai 2015 et 11 juillet 2016, la SCA Socave, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1401000 du tribunal administratif de Bordeaux du 3 février 2015 ;
2°) d'annuler le titre de recettes émis le 30 septembre 2013 et de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 2 939 699,40 euros outre les intérêts ;
3°) de mettre à la charge de FranceAgrimer une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le titre de recettes en litige, qui s'analyse comme le retrait de la décision d'octroi des aides dites plans de campagne, décision créatrice de droit, doit être motivé en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; or, tel n'est pas le cas dès lors qu'il n'indique aucun texte propre à l'octroi et au régime des plans de campagnes ; le tribunal a entaché son jugement d'erreur de droit en estimant que le titre de recettes en litige n'entrait pas dans le champ d'application de cette loi ;
- le titre de recettes a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il ne lui a pas été proposé de présenter ses observations ;
- FranceAgrimer ne pouvait légalement récupérer l'aide en litige au-delà de l'expiration d'un délai de quatre mois ;
- conformément à la décision de la Commission européenne du 28 janvier 2009, l'aide doit être récupérée auprès des bénéficiaires de l'aide, c'est-à-dire les producteurs membres des organisations professionnelles de producteurs ; FranceAgrimer ne démontre pas qu'elle est le bénéficiaire final des aides illégalement versées et que le montant des aides n'a pas été transféré aux producteurs ; le titre de recettes est ainsi entaché d'une erreur de fait et d'une erreur de droit ; le tribunal administratif a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que FranceAgrimer avait pu lui demander le remboursement des aides et a méconnu la jurisprudence communautaire ;
- la décision de reversement méconnaît le principe de confiance légitime, lequel peut être utilement invoqué par le bénéficiaire d'une aide d'Etat pour s'opposer à sa récupération.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 31 mars 2016 et 31 mai 2016, FranceAgrimer, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la SCA Socave sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la SCA Socave ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 6 juin 2016, la clôture d'instruction a été fixée au en dernier lieu au 15 juillet 2016 à 12 heures.
En troisième et dernier lieu, la SCA Socave a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le titre de recettes émis à son encontre le 25 mars 2013 par FranceAgrimer d'un montant de 3 024 303,47 euros correspondant aux aides qui lui ont été accordées dans le cadre du dispositif d'aides dans le secteur des fruits et légumes dénommé " plans de campagne " entre 1998 et 2002, ensemble le rejet en date du 22 juillet 2013 de son recours gracieux, de lui accorder la décharge de l'obligation de payer cette somme, outre les intérêts, d'annuler la décision du 9 octobre 2013 prise par l'agent comptable de FranceAgrimer ayant pour objet une compensation légale, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux et de condamner FranceAgrimer à lui verser la somme de 356 478 euros, outre les intérêts à compter du 9 octobre 2013.
Par un jugement n° 1303362, 1400999 du 3 février 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
III. Par une requête enregistrée le 2 avril 2015 sous le n° 15BX01101 et des mémoires enregistrés les 17 mai 2015, 30 mai 2015 et 11 juillet 2016, la SCA Socave, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1303362, 1400999 du tribunal administratif de Bordeaux du 3 février 2015 ;
2°) d'annuler le titre de recettes émis le 25 mars 2013 et de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 3 024 303,47 euros outre les intérêts ;
3°) d'annuler la décision du 9 octobre 2013 de l'agent comptable de FranceAgrimer, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux et de condamner FranceAgrimer à lui verser la somme de 356 478 euros, outre les intérêts à compter du 9 octobre 2013 ;
4°) de mettre à la charge de FranceAgrimer une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le titre de recettes en litige, qui s'analyse comme le retrait de la décision d'octroi des aides dites Plans de campagne, décision créatrice de droit, doit être motivé en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; or, tel n'est pas le cas dès lors qu'il n'indique aucun texte propre à l'octroi et au régime des plans de campagnes ; le tribunal a entaché son jugement d'erreur de droit en estimant que le titre de recettes en litige n'entrait pas dans le champ d'application de cette loi ;
- le titre de recettes a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il ne lui a pas été proposé de présenter ses observations ;
- FranceAgrimer ne pouvait légalement récupérer l'aide en litige au-delà de l'expiration d'un délai de quatre mois ;
- conformément à la décision de la Commission européenne du 28 janvier 2009, l'aide doit être récupérée auprès des bénéficiaires de l'aide, c'est-à-dire les producteurs membres des organisations professionnelles de producteurs ; FranceAgrimer ne démontre pas qu'elle est le bénéficiaire final des aides illégalement versées et que le montant des aides n'a pas été transféré aux producteurs ; le titre de recettes est ainsi entaché d'une erreur de fait et d'une erreur de droit ; le tribunal administratif a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que FranceAgrimer avait pu lui demander le remboursement des aides et a méconnu la jurisprudence communautaire ;
- la décision de reversement méconnaît le principe de confiance légitime, lequel peut être utilement invoqué par le bénéficiaire d'une aide d'Etat pour s'opposer à sa récupération ;
- la décision de compensation n'est pas motivée au regard des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire ; FranceAgrimer ne pouvait procéder à une compensation dès lors que sa créance n'était pas certaine puisqu'elle faisait l'objet de sa part d'une contestation.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 31 mars 2016 et 31 mai 2016, FranceAgrimer, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la SCA Socave sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient les moyens soulevés par la SCA Socave ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 6 juin 2016, la clôture d'instruction a été fixée au en dernier lieu au 15 juillet 2016 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement n° 2200/96 du Conseil de l'Union européenne du 28 octobre 1996 portant organisation commune des marchés ;
- le règlement n° 659/1999 du Conseil de l'Union européenne du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE ;
- la décision n° C 29/05 de la Commission européenne du 28 janvier 2009 relative aux aides dites " plan de campagne " dans le secteur des fruits et légumes mis à exécution par la France ;
- l'arrêt du Tribunal de l'Union européenne n° T-139/09 du 27 septembre 2012 ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marianne Pouget,
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,
- et les observations de MeD..., représentant la SAS Socave, et de MeF..., représentant FranceAgrimer.
Trois notes en délibéré présentées par la SCA Socave dans les affaires n° 15BX01099, n° 15BX01100 et n° 15BX01101 ont été enregistrées le 15 mars 2017.
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte de l'instruction que la France a mis en place à compter de 1992 un régime d'aides d'Etat dénommé " plans de campagne " pour la réalisation d'actions de soutien sur le marché des fruits et légumes. Ces actions ont été en partie financées sur fonds publics de l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture (Onifhlor) aux droits duquel vient l'établissement public national des produits de l'agriculture et de la mer (ci-après FranceAgrimer).
2. Par une décision du 28 janvier 2009 n° C 29/05, publiée au journal officiel de l'Union européenne du 26 mai 2009, la Commission européenne a déclaré ce régime d'aide incompatible avec le droit européen régissant l'organisation commune de marché. La légalité de cette décision a été confirmée par un arrêt du Tribunal de l'Union européenne en date du 27 septembre 2012 dans l'affaire T-139/09. Elle fait obligation à la France de prendre les mesures nécessaires pour récupérer les aides ainsi accordées auprès de leurs bénéficiaires.
3. Pour l'exécution des obligations incombant ainsi aux autorités françaises, le préfet de la région Aquitaine, par lettre du 10 janvier 2013, a invité la société coopérative agricole de Vergt Socave (ci-après la SCA Socave) à lui fournir dans un délai de dix jours la liste de ses membres qui avaient bénéficié entre 1998 et 2002 d'aides publiques dans le cadre des plans de campagne mis en place par les autorités françaises, à défaut de quoi la coopérative serait regardée comme le bénéficiaire final des aides à rembourser.
4. Par un titre de recettes n° 201300086 du 25 mars 2013, notifié le 29 mars 2013, le directeur général de FranceAgrimer a mis à la charge de la SCA Socave une somme de 3 024 303,47 euros correspondant au montant des aides qui lui ont été versées par l'Etat entre 1998 et 2002 au titre des plans de campagne. Le montant de ce titre de recettes a été rectifié par un titre de recettes n° 2013000382 émis le 30 septembre 2013 et le montant du remboursement a été ramené à 2 939 699,40 euros.
5. Par une décision du 9 octobre 2013, l'agent comptable de FranceAgrimer a procédé à une compensation à concurrence de la somme de 356 478 euros correspondant à l'aide " Fonds opérationnel 05020803 " qui était due à la SCA Socave au titre de l'année 2012 et a admis qu'en s'acquittant le 30 septembre 2013 du paiement de la somme de 2 583 221,40 euros, le titre n° 2013000382 se trouvait entièrement recouvré.
6. Par trois requêtes distinctes, la SCA Socave relève appel des jugements du 3 février 2015 par lesquels le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la lettre du préfet de la région Aquitaine en date du 10 janvier 2013, des deux titres de recettes émis les 25 mars 2013 et 30 septembre 2013, de la lettre du 29 mars 2013 du directeur général notifiant le titre de recette du 25 mars 2013 et de la décision du comptable de FranceAgrimer du 9 octobre 2013.
7. Les requêtes n° 15BX01099, 15BX01100 et 15BX01101 présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre et de statuer par un seul arrêt.
Sur le non-lieu à statuer sur la demande présentée au tribunal administratif et tendant à l'annulation de la lettre du 29 mars 2013 du directeur national de FranceAgrimer :
8. Par lettre du 29 mars 2013, dont l'objet est intitulé " recouvrement des aides plans de campagne ", le directeur général de FranceAgrimer a notifié à la SCA Socave le titre de recettes émis le 25 mars 2013 pour avoir paiement de la somme de 3 024 303,47 euros au titre des aides de plans de campagne incompatibles avec le droit communautaire et lui a transmis une fiche liquidative relative au montant à recouvrer et une annexe à cette dernière précisant les modalités de calcul du montant à recouvrer. S'il est vrai que l'auteur de la lettre indiquait lui-même que cette lettre devait être regardée comme un état exécutoire, une telle lettre en réalité ne constitue pas une décision susceptible de recours distincte de l'ordre de recouvrer qu'elle avait pour objet de transmettre. Par suite, c'est à tort, que par le jugement n° 1400330, le tribunal administratif a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande de la SCA Socave tendant à l'annulation de cette lettre au motif que cette demande faisait " double emploi " avec la requête n° 1303362 dont l'objet, s'agissant d'une contestation du même titre, était identique et sur laquelle il venait de statuer par un jugement du même jour.
9. Il y a lieu pour la cour d'annuler le jugement attaqué dans cette mesure et d'évoquer la demande de la SCA Socave tendant à l'annulation du courrier du 29 mars 2013 de notification du titre de recettes du 25 mars 2013. La demande doit ainsi être rejetée comme étant irrecevable.
Sur la recevabilité de la demande de première instance tendant à l'annulation de la lettre du préfet de la région Aquitaine du 10 janvier 2013 :
10. La lettre du 10 janvier 2013 du préfet de la région Aquitaine dont la SCA Socave a demandé l'annulation n'avait pas d'autre objet que d'informer cette organisation de producteurs qu'en application de la décision de la Commission européenne du 28 janvier 2009, le reversement des aides versées à la filière fruits et légumes dans le cadre des " plans de campagne " entre 1998 et 2002 devait être opéré auprès des bénéficiaires finaux de ces aides, d'inviter la coopérative à fournir sous dix jours la liste de ses membres bénéficiaires des aides illégales, à défaut de quoi il serait contraint de considérer que les aides versées à l'organisation n'avaient pas été transférées aux producteurs, et que la société coopérative en serait donc regardée comme le bénéficiaire final. Un tel courrier ne constituait qu'une mesure préparatoire préalable aux décisions imposant le reversement des aides. Il était insusceptible, par lui-même, de faire grief à la SCA Socave sollicitée en tant qu'organisation responsable de la distribution des aides à ses membres. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont accueilli la fin de non-recevoir opposée par FranceAgrimer et rejeté sa demande comme irrecevable.
Sur les autres conclusions :
En ce qui concerne l'opposition dirigée contre les titres de recettes émis le 25 mars 2003 et le 30 septembre 2003 :
11. En premier lieu, les conditions de la notification d'une décision administrative sont sans incidence sur sa régularité. Par suite, le moyen tiré de ce que les lettres de notification des titres de recettes litigieux sont signées " pour le directeur général et par délégation" par M. G... A..., directeur de la gestion des aides, qui, selon la coopérative, ne justifierait pas de la régularité et de l'opposabilité d'une éventuelle délégation de signature, est inopérant et ne peut qu'être écarté.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 : " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation ".
13. Contrairement à ce que soutient FranceAgrimer, le moyen tiré du défaut de motivation d'un titre de perception émis pour la récupération d'une aide d'Etat peut utilement être invoqué à l'appui du recours dirigé contre ce titre.
14. Toutefois, dès lors qu'en application des dispositions précitées du décret du 7 novembre 2012, les titres de recouvrement doivent être motivés selon des modalités spécifiques, la SCA Socave n'est pas fondée à soutenir que les titres en litige seraient irréguliers faute d'une motivation en droit conforme aux dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979.
15. Les titres litigieux, qui ont pour objet la récupération des aides de plans de campagne, satisfont aux exigences de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012, qui n'impose pas l'indication des dispositions légales et réglementaires constituant le fondement de la créance. Par suite, le moyen tiré de ce que les titres " n'indiquent aucun texte propre à l'octroi et au régime des plans de campagne " ne peut qu'être écarté.
16. En troisième lieu, pour le même motif que celui rappelé au point 14, la société requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 en application desquelles les décisions individuelles qui doivent être motivées en vertu des articles 1er et 2 de la loi du 11 juillet 1979 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales.
17. Il résulte néanmoins de l'instruction que par courrier du 10 janvier 2013, le préfet de la région Aquitaine a informé la SCA Socave que les autorités françaises devaient procéder au recouvrement des aides versées entre 1998 et 2002 au titre des plans de campagne, lui a communiqué le montant des sommes qui lui ont été versées à ce titre ainsi que le montant des intérêts, et lui a demandé d'indiquer la façon dont ces aides avaient été le cas échéant reversées aux producteurs de l'entreprise, ou à défaut de confirmer par écrit qu'elles n'avaient pas été reversées auxdits producteurs, le délai de réponse étant fixé à dix jours à compter de la réception de la lettre. En réponse à ce courrier, la SCA Socave a adressé la liste des producteurs ayant bénéficié des aides mais a indiqué qu'elle était dans l'impossibilité de préciser les sommes versées à chacun d'entre eux. Puis elle a transmis une attestation de son expert faisant état du versement et du montant des aides allouées à six producteurs. Par ailleurs, il ressort de la lettre de notification du titre de recettes du 25 mars 2013 et il n'est pas sérieusement contesté par la SCA Socave qu'elle a bénéficié d'un " dialogue personnalité avec la direction régionale de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt qui a examiné (sa) situation particulière ". Par suite, à le supposer soulevé, le moyen tiré de ce que la SCA Socave n'aurait pas été mise à même de présenter ses observations conformément au principe général des droits de la défense ne peut qu'être écarté.
18. En quatrième lieu, en vertu de l'article 14 du règlement (CE) n° 659/1999 du 22 mars 1999, le reversement des sommes octroyées en vertu d'une aide d'Etat illégale doit être poursuivi " sans délai " par la mise en oeuvre des règles nationales adéquates, à moins que ces dernières ne permettent pas d'atteindre ce but, auquel cas elles doivent rester sans application. L'article 80 de la décision précitée du 28 janvier 2009 de la Commission européenne dispose ainsi que : " (...) Ce remboursement est nécessaire en vue de rétablir la situation antérieure en supprimant tous les avantages financiers dont le bénéficiaire de l'aide octroyée de façon illégale a pu indûment bénéficier après la date d'octroi de cette aide ". L'article 81 dispose que : " (...) Les aides doivent être remboursées en conformité avec les procédures prévues par la législation française, pour autant qu'elles permettent l'exécution immédiate et effective de la présente décision ". Conformément aux modalités de reversement ainsi définies, un titre de recettes a été émis le 25 mars 2016 en application de l'article 192 du décret du 7 novembre 2012. Le montant de ce titre a ultérieurement été rectifié par un titre du 30 septembre 2013.
19. La SCA Socave n'est pas fondée à se prévaloir des règles de droit national selon lesquelles les décisions pécuniaires créatrices de droit ne peuvent être retirées au delà d'un délai de quatre mois, car ces règles ne sauraient faire obstacle à la pleine effectivité du droit européen et à l'obligation pour l'Etat de tirer les conséquences de l'illégalité constatée par la Commission européenne.
20. En cinquième lieu, l'article 84 de la décision de la commission dispose que : " L'aide doit être récupérée auprès des bénéficiaires de l'aide. Comme indiqué plus haut, les bénéficiaires finaux de l'aide sont en principe les producteurs membres des organisations professionnelles qui ont participé aux plans de campagne. Toutefois, dans des cas exceptionnels, il est possible que le bénéfice de l'aide ne leur ait pas été transféré par l'organisation de producteurs. La récupération de l'aide doit donc s'effectuer auprès des producteurs, sauf lorsque l'État membre pourra démontrer que l'aide ne leur a pas été transférée par l'organisation de producteurs, auquel cas la récupération s'effectuera auprès de cette dernière ".
21. La SCA Socave soutient que FranceAgrimer ne pouvait légalement mettre à sa charge le remboursement des aides en litige au motif qu'elle ne saurait être regardée comme le destinataire final de ces aides et que l'établissement a renversé la charge de la preuve en exigeant d'elle de démontrer que l'aide aurait été versée aux producteurs.
22. Toutefois, dès lors que la coopérative était responsable de la répartition des aides entre ses membres, elle seule était en mesure de détenir l'ensemble des données comptables relatives à l'allocation des aides : il lui appartenait donc de déterminer l'identité des bénéficiaires ainsi que les montants reçus par chacun des producteurs relevant de son organisation. C'est donc à bon droit, et sans qu'aient été méconnues les règles de dévolution de la charge de la preuve, que le tribunal a précisé : " il résulte de l'instruction que la SCA Socave a été invitée à plusieurs reprises à produire tous éléments permettant d'identifier, pour chaque année, les producteurs ayant bénéficié des aides litigieuses et les montants alloués ; en réponse à la demande faite par le préfet de la région Aquitaine par courrier en date du 10 janvier 2013 de communiquer les noms, prénoms, adresse postale, montant accordé et date de versement des bénéficiaires finaux de l'aide illégale, la SCA Socave a adressé une liste alphabétique de noms de personnes accompagnés d'adresses postales ; à l'appui de son recours gracieux en date du 23 mai 2013, la SCA Socave a alors communiqué à FranceAgrimer une lettre de son cabinet d'experts comptables attestant du versement à divers expéditeurs d'aide export d'un montant de 196 454,10 euros au titre des années 1998 à 2002 ; à cette lettre était joint un tableau récapitulatif pour les années 1998, 1999 et 2000 du versement de ladite somme à six personnes ou entreprises dont la SAS Socave qui a été considérée comme destinataire final de l'aide irrégulière et qui s'est vue, à ce titre, contrainte de rembourser la somme de 227 573,20 euros incluant les intérêts ; en s'étant abstenue de produire l'ensemble des éléments sollicités par le préfet alors qu'elle a effectivement perçu les sommes en cause au titre des aides publiques par l'intermédiaire du Comité économique agricole du bassin Sud-Ouest, la SCA Socave qui n'a été en mesure d'apporter d'autres éléments, notamment comptables, relatifs aux aides qu'elle indique avoir reversées à différents producteurs, doit être regardée comme étant le bénéficiaire final de l'aide jugée illégale pour le solde déduction faite des sommes versées notamment à la SAS Socave ; la requérante n'est pas fondée à soutenir que FranceAgrimer aurait renversé la charge de la preuve, la SCA Socave pouvant seule communiquer, ainsi qu'il a été dit précédemment, pour chacune des années concernées la liste des bénéficiaires finaux et les montants effectivement perçus, le Comité économique agricole du bassin Sud-Ouest ayant tenu une comptabilité des aides versées à la SCA Socave par action engagée et par année et non par bénéficiaire final, la requérante étant chargée de répartir les dites aides aux producteurs ; par suite, FranceAgrimer pouvait à bon droit mettre à la charge de la SCA Socave le remboursement de la part publique des aides accordées au titre des " plans de campagne ". Dès lors, il y a lieu d'écarter le moyen pour les mêmes motifs.
23. En sixième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, les autorités nationales étaient tenues en vertu d'une décision de la Commission européenne dont la validité a au surplus été confirmée par le Tribunal de l'Union européenne, de procéder à la récupération des aides auprès de leurs bénéficiaires. Par suite, la société requérante ne peut utilement se prévaloir du principe de confiance légitime pour demander l'annulation des titres de recettes en litige et obtenir la décharge de l'obligation de payer.
En ce qui concerne l'opposition dirigée contre la compensation :
24. Il résulte de l'instruction que, ainsi qu'il a été dit au point 5, l'agent comptable de FranceAgrimer, a par décision du 9 octobre 2013, procédé à une compensation entre le montant dû par la SCA Socave et une aide " Fonds opérationnel 05020803" qui était due à cette dernière. La SCA Socave soutient que FranceAgrimer ne pouvait procéder à une compensation qui a été effectuée, de plus, en méconnaissance de la loi du 11 juillet 1979, dès lors que sa créance n'était pas certaine puisqu'elle faisait l'objet de sa part d'une contestation.
25. Toutefois, l'opposition formée à l'encontre du titre de recettes émis par FranceAgrimer pour récupérer l'aide illégale est sans incidence sur l'exigibilité de la créance constatée par le titre : par suite, elle ne faisait pas obstacle à ce que FranceAgrimer, pour opérer le recouvrement intégral de l'aide, impute sur le reversement de l'aide la somme due à la SCA Socave.
26. A fortiori la compensation pouvait-elle être opérée alors qu'en l'espèce, l'opposition formée par la société ne pouvait faire obstacle à l'exécution effective de la décision de la Commission dont le Tribunal de l'Union européenne a confirmé la légalité : en effet, le principe général du droit français selon lequel l'opposition du débiteur au titre exécutoire formé devant la juridiction compétente suspend son recouvrement forcé ne peut prévaloir sur l'obligation qui incombe à l'Etat membre de l'Union européenne de procéder à la récupération immédiate et effective de l'aide incompatible avec le droit européen.
27. Enfin, la société n'a pas été privée de l'aide du " Fonds opérationnel " imputée sur la somme qu'elle devait reverser et ainsi qu'il a été dit au point 14, elle ne peut utilement se prévaloir des dispositions de la loi du 11 juillet 1979. En tout état de cause, le titre exécutoire du 30 septembre 2013 tel qu'il a été notifié comporte la motivation exigée en vertu de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012, y compris en ce qui concerne la compensation contestée, et il a été émis après que la société a été mise en mesure de présenter ses observations.
28. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 1400330, le tribunal administratif a prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande tendant à l'annulation de la lettre du 29 mars 2013 du directeur national de FranceAgrimer.
Sur les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1du code de justice administrative :
29. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de FranceAgrimer, qui n'est pas, en la présente instance, partie perdante, la somme que la SCA Socave demande au titre des frais exposés par elle. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCA Socave la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par FranceAgrimer et non compris dans les dépens.
DECIDE
Article 1er : Le jugement n° 1301887, 1400330 du tribunal administratif de Bordeaux du 3 février 2015 est annulé en tant qu'il a prononcé un non-lieu à statuer sur la requête n° 1400330 de la SCA Socave.
Article 2 : La demande de la SCA Socave tendant à l'annulation de la lettre du 29 mars 2013 du directeur national de FranceAgrimer, le surplus de la requête n° 15BX01099 et les requêtes n° 15BX01100 et 15BX01101 sont rejetés.
Article 3 : La SCA Socave versera la somme de 1 500 euros à FranceAgrimer sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à SCA Socave, à FranceAgrimer et au préfet de la région Nouvelle Aquitaine.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2017 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 5 avril 2017.
Le rapporteur,
Marianne PougetLe président,
Philippe PouzouletLe greffier,
Florence Deligey La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 15BX01099,15BX01100,15BX01101