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05/04/2017 | FRANCE | N°15BX01096,15BX01097,15BX01098

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre - formation à 3, 05 avril 2017, 15BX01096,15BX01097,15BX01098


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

En premier lieu, la SAS Socave a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le titre de recettes émis le 28 mars 2013 par l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgrimer) d'un montant de 227 573,20 euros pour le recouvrement d'aides d'Etat qui lui ont été versées entre 1998 et 2012 et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.

Par un jugement n° 1304675 du 3 février 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.
r>Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 2 avril 2015 sous le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

En premier lieu, la SAS Socave a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le titre de recettes émis le 28 mars 2013 par l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgrimer) d'un montant de 227 573,20 euros pour le recouvrement d'aides d'Etat qui lui ont été versées entre 1998 et 2012 et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.

Par un jugement n° 1304675 du 3 février 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 2 avril 2015 sous le n° 15BX01096 et des mémoires enregistrés les 17 mai 2016, 30 mai 2016 et 11 juillet 2016, la SAS Socave, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 février 2015 ;

2°) d'annuler le titre de recettes émis le 28 mars 2013 par FranceAgrimer d'un montant de 227 573,20 euros pour le recouvrement d'aides d'Etat versées entre 1998 et 2012, ensemble les décisions des 22 juillet et 12 août 2013 de rejet de son recours gracieux ;

3°) de la décharger de l'obligation de payer cette somme, outre les intérêts ;

4°) de mettre à la charge de FranceAgrimer une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le titre de recettes en litige, qui s'analyse comme le retrait de la décision d'octroi des aides allouées au titre des plans de campagne, qui est une décision créatrice de droit, doit être motivé en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; or, tel n'est pas le cas dès lors qu'il n'indique aucun texte propre à l'octroi et au régime des plans de campagnes ; le tribunal a entaché son jugement d'erreur de droit en estimant que le titre de recettes en litige n'entrait pas dans le champ d'application de ladite loi ;

- le titre de recettes a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il ne lui a pas été proposé de présenter ses observations ;

- FranceAgrimer ne pouvait légalement récupérer l'aide en litige au-delà de l'expiration d'un délai de quatre mois ;

- conformément à la décision de la Commission européenne du 28 janvier 2009, l'aide doit être récupérée auprès des bénéficiaires de l'aide, c'est-à-dire les producteurs membres des organisations de professionnelles de producteurs ; FranceAgrimer ne démontre pas qu'elle est le bénéficiaire final des aides illégalement versées et que le montant des aides n'a pas été transféré aux producteurs ; le titre de recettes est ainsi entaché d'une erreur de fait et d'une erreur de droit ; le tribunal administratif a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que FranceAgrimer avait pu lui demander le remboursement des aides et a méconnu la jurisprudence communautaire ;

- la décision de reversement méconnaît le principe de confiance légitime, lequel peut être utilement invoqué par le bénéficiaire d'une aide d'Etat pour s'opposer à sa récupération.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 31 mars 2016 et 31 mai 2016, FranceAgrimer, représenté par Me B...conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SAS Socave la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Socave ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 juin 2016, la clôture d'instruction a été fixée au en dernier lieu au 15 juillet 2016 à 12h00.

En deuxième lieu, la SAS Socave a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la lettre en date du 14 février 2013 par laquelle le préfet de la région Aquitaine l'a informée qu'à défaut de réponse dans un délai de dix jours, elle serait réputée bénéficiaire des aides d'Etat déclarées illégales par la Commission européenne, pour un montant de 97 567,37 euros au titre de la campagne 1999 et de 9 040,75 euros au titre de la campagne 2000, soit au total 106 608,12 euros, la lettre du 7 mars 2013 par laquelle le préfet de la région Aquitaine l'a informée qu'à défaut de réponse sous dix jours, elle serait réputée bénéficiaire d'une aide d'Etat illégale de 10 811,70 euros versée au titre de la campagne 1998 à la société anonyme Huot fruits et légumes, ancienne dénomination de la société Socave, ce qui portait à 117 419,82 euros le montant des aides à récupérer qui feraient l'objet d'un ordre de recouvrement ultérieur et la lettre du 29 mars 2013 par laquelle le directeur général de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgrimer) lui a fait obligation de rembourser la somme de 227 573,20 euros versée dans le cadre de plans de campagne entre 1998 et 2002.

Par un jugement n° 1301979, 1400327 du 3 février 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

II. Par une requête enregistrée le 2 avril 2015 sous le n° 15BX01097 et des mémoires enregistrés les 17 mai 2016, 30 mai 2016 et 11 juillet 2016, la SAS Socave, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 février 2015 ;

2°) d'annuler les lettres du préfet de la région Aquitaine des 14 février et 7 mars 2013 ;

3°) d'annuler la lettre du 29 mars 2013 du directeur général de FranceAgrimer ;

4°) de mettre à la charge de FranceAgrimer une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne les lettres du préfet de la région Aquitaine des 14 février et 7 mars 2013 :

- elles présentent le caractère d'actes faisant grief de sorte que sa demande tendant à leur annulation est recevable ;

- elles ont été signées par le directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt sans qu'il soit justifié que l'intéressé disposait d'une délégation de signature régulière ;

- elles sont entachées d'erreur de droit en raison d'une inversion de la charge de la preuve : alors que dans sa décision du 28 janvier 2009, la Commission européenne a spécifié que " la récupération de l'aide doit s'effectuer auprès des producteurs, sauf lorsque l'Etat membre pourra démontrer que l'aide ne leur a pas été transférée par l'organisation de producteurs, auquel cas la récupération s'effectuera auprès de cette dernière ", il n'est pas démontré par l'administration que l'aide n'a pas été transférée par l'organisation de producteurs ;

En ce qui concerne la lettre du directeur de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer la mer (FranceAgrimer) du 29 mars 2013 :

- ladite lettre présente le caractère d'un acte décisoire et est distincte du titre de recettes du 28 mars 2013 ; la circonstance que le tribunal administratif a statué sur la requête dirigée contre le titre de recettes n'a pas pour effet de priver d'objet le recours tendant à l'annulation de cette décision ;

- elle a été signée pour le directeur général par délégation par M. E...C..., chef du service des aides nationales sans qu'il soit justifié que l'intéressé disposait d'une délégation de signature régulière ;

- elle est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;

- elle est entachée d'erreur de droit et de fait : elle méconnaît la décision de la Commission européenne qui fait obligation à la France de récupérer ces aides sur les producteurs qui sont les bénéficiaires finaux de ces aides illégales, ce qu'elle n'est pas ;

-elle méconnaît le principe de confiance légitime.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 31 mars 2016 et 31 mai 2016, FranceAgrimer, représenté par Me B...conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SAS Socave la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Socave ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 juin 2016, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 juillet 2016 à 12h00.

En troisième lieu, la SAS Socave a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le titre de recettes émis à son encontre le 30 septembre 2013 par FranceAgrimer, d'un montant de 2 319,76 euros, correspondant aux aides qui lui ont été accordées dans le cadre du dispositif d'aides dans le secteur des fruits et légumes dénommé " plans de campagne " entre 1998 et 2002, ensemble le rejet implicite de son recours gracieux, et de lui accorder la décharge de l'obligation de payer cette somme, outre les intérêts.

Par un jugement n° 1400996 du 3 février 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

III. Par une requête enregistrée le 2 avril 2015 sous le n° 15BX01098 et des mémoires enregistrés les17 mai 2016, 30 mai 2016 et 11 juillet 2016, la SAS Socave, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 février 2015 ;

2°) d'annuler le titre de recettes émis le 30 septembre 2013 et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 2 319,76 euros outre les intérêts ;

3°) de mettre à la charge de FranceAgrimer une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le titre de recettes en litige, qui s'analyse comme le retrait de la décision d'octroi des aides au titre des plans de campagne, décision créatrice de droit, doit être motivé en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; or, tel n'est pas le cas dès lors qu'il n'indique aucun texte propre à l'octroi et au régime des plans de campagnes ; le tribunal a entaché son jugement d'erreur de droit en estimant que le titre de recettes en litige n'entrait pas dans le champ d'application de ladite loi ;

- le titre de recettes a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il ne lui a pas été proposé de présenter ses observations ;

- FranceAgrimer ne pouvait légalement récupérer l'aide en litige au-delà de l'expiration d'un délai de quatre mois ;

- conformément à la décision de la commission européenne du 28 janvier 2009, l'aide doit être récupérée auprès des bénéficiaires de l'aide, c'est-à-dire les producteurs membres des organisations de professionnelles de producteurs ; FranceAgrimer ne démontre pas qu'elle est le bénéficiaire final des aides illégalement versées et que le montant des aides n'a pas été transféré par l'organisation de production aux producteurs ; le titre de recettes est ainsi entaché d'une erreur de fait et d'une erreur de droit ; le tribunal administratif a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que FranceAgrimer avait pu lui demander le remboursement des aides et a méconnu la jurisprudence communautaire ;

- la décision de reversement méconnaît le principe de confiance légitime qui peut être utilement invoqué par le bénéficiaire d'une aide d'Etat pour s'opposer à sa récupération.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 31 mars 2016 et 31 mai 2016, FranceAgrimer, représenté par Me B...conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SAS Socave la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Socave ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 juin 2016, la clôture d'instruction a été fixée au en dernier lieu au 15 juillet 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement n° 2200/96 du Conseil de l'Union européenne du 28 octobre 1996 portant organisation commune des marchés ;

- le règlement n° 659/1999 du Conseil de l'Union européenne du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE ;

- la décision n° C 29/05 de la Commission européenne du 28 janvier 2009 relative aux aides dites " plan de campagne " dans le secteur des fruits et légumes mis à exécution par la France ;

- l'arrêt du Tribunal de l'Union européenne n° T-139/09 du 27 septembre 2012 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marianne Pouget,

- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant la SAS Socave, et de MeF..., représentant FranceAgrimer.

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que la France a mis en place à compter de 1992 un régime d'aides d'Etat dénommé " plans de campagne " pour la réalisation d'actions de soutien sur le marché des fruits et légumes. Ces actions ont été en partie financées sur fonds publics de l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture (Onifhlor) aux droits duquel vient l'établissement public national des produits de l'agriculture et de la mer (ci-après FranceAgrimer).

2. Par une décision du 28 janvier 2009 n° C 29/05, publiée au journal officiel de l'Union européenne du 26 mai 2009, la Commission européenne a déclaré ce régime d'aides incompatible avec le droit européen régissant l'organisation commune de marché. La légalité de cette décision a été confirmée par un arrêt du Tribunal de l'Union européenne en date du 27 septembre 2012 dans l'affaire T-139/09. Elle fait obligation à la France de prendre les mesures nécessaires pour récupérer les aides ainsi accordées auprès de leurs bénéficiaires afin de rétablir la situation antérieure.

3. Pour l'exécution des obligations incombant aux autorités françaises, le préfet de la région Aquitaine, par lettres des 14 février et 7 mars 2013, a indiqué à la SAS Socave que, comme l'avait attesté l'expert comptable de la société coopérative agricole de Vergt (SCA Socave), elle avait perçu illégalement ces aides, dont le chiffrage était mentionné, y compris sous la raison sociale SA Huot fruits et légumes, et l'a invitée à lui faire part, sous dix jours, de ses observations.

4. Par un titre de recettes du 28 mars 2013, notifié le 29 mars 2013, le directeur général de FranceAgrimer a mis à la charge de la SAS Socave une somme totale de 227 573,20 euros correspondant au montant des aides qui lui ont été versées par l'Etat entre 1998 et 2000 au titre des " plans de campagne ", assorties des intérêts. Par un titre de recettes émis le 30 septembre 2013, FranceAgrimer a mis à la charge de la SAS Socave un montant supplémentaire de 2 319,76 euros correspondant aux intérêts échus entre la date d'émission du premier titre le 28 mars 2013 et la date de paiement de la somme de 227 573,20 euros, le 28 septembre 2013.

5. Par trois requêtes distinctes, la SAS Socave relève appel des jugements du 3 février 2015 par lesquels le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des lettres du préfet de la région Aquitaine en date des 14 février et 7 mars 2013, des deux titres de recettes émis les 28 mars 2013 et 30 septembre 2013, de la lettre du 29 mars 2013 du directeur général accompagnant le titre de recette du 28 mars 2013.

6. Les requêtes n° 15BX01096, 15BX01097, 15BX01098 de la SAS Socave présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre et de statuer par un seul arrêt.

Sur le non-lieu à statuer sur la demande présentée au tribunal administratif et tendant à l'annulation de la lettre du 29 mars 2013 du directeur national de FranceAgrimer :

7. Par lettre du 28 mars 2013, dont l'objet est intitulé " recouvrement des aides plans de campagne ", le directeur général de FranceAgrimer a notifié à la SAS Socave le titre de recettes émis le 26 mars 2013 pour avoir paiement de la somme de 227 573,20 euros au titre des aides des plans de campagne incompatibles avec le droit communautaire et lui a transmis une fiche liquidative relative au montant à recouvrer et une annexe à cette dernière précisant les modalités de calcul du montant à recouvrer. S'il est vrai que l'auteur de la lettre est à l'origine d'une confusion en ayant indiqué que celle-ci devait être regardée comme un état exécutoire, la lettre ne constitue pas une décision susceptible de recours distincte de l'ordre de recouvrer qu'elle a pour objet de transmettre. Par suite, c'est à tort, que par le jugement n° 1301979,1400327, le tribunal administratif a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande de la SAS Socave tendant à l'annulation de cette lettre au motif que ladite demande faisait " double emploi " avec la requête n° 1304675 dont l'objet, s'agissant d'une contestation du même titre, était identique et sur laquelle il venait de statuer par un jugement du même jour.

8. Il y a lieu pour la cour d'annuler le jugement attaqué dans cette mesure et d'évoquer la demande de la SAS Socave tendant à l'annulation du courrier du 28 mars 2013 de notification du titre de recette du 26 mars 2013. La demande doit être rejetée comme étant irrecevable.

Sur la recevabilité de la demande de première instance tendant à l'annulation des lettres du préfet de la région Aquitaine des 14 février et 7 mars 2013 :

9. Il ressort des pièces du dossier que les lettres du préfet de la région Aquitaine des 14 février et 7 mars 2013 dont la SAS Socave a demandé l'annulation n'avaient pas d'autre objet que d'informer ce producteur qu'en application de la décision de la commission européenne du 28 janvier 2009, la répétition des aides versées à la filière fruits et légumes dans le cadre des " plans de campagne " entre 1998 et 2002 devait être pratiquée auprès des bénéficiaires finaux de ces aides et de l'inviter à lui faire part sous dix jours de ses observations relativement aux montants des aides que la SCA Socave avait déclaré lui avoir versées avant de pouvoir la considérer comme bénéficiaire de ces montants et de lui adresser un ordre de recouvrement correspondant. De tels courriers, qui ne constituent que des mesures préparatoires à un ordre de reversement, se trouvaient insusceptibles, par eux-mêmes, de faire grief à la SAS Socave. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont accueilli la fin de non-recevoir opposée par FranceAgrimer et rejeté sa demande comme irrecevable.

Sur les autres conclusions :

En ce qui concerne l'opposition dirigée contre les titres de recettes émis le 26 mars 2003 et le 30 septembre 2003 :

10. En premier lieu, les conditions de la notification d'une décision administrative sont sans incidence sur sa régularité. Par suite, le moyen tiré de ce que les lettres de notification des titres de recettes litigieux sont signées " pour le directeur général et par délégation" par M. G... A..., directeur de la gestion des aides, qui, selon la société, ne justifierait pas de la régularité et de l'opposabilité d'une éventuelle délégation de signature, est inopérant et ne peut qu'être écarté.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 : " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation ".

12. Contrairement à ce que soutient FranceAgrimer, le moyen tiré du défaut de motivation d'un titre de perception émis pour la récupération d'une aide d'Etat peut utilement être invoqué à l'appui du recours dirigé contre ce titre.

13. Toutefois, dès lors qu'en application des dispositions précitées du décret du 7 novembre 2012, les titres de recouvrement doivent être motivés selon des modalités spécifiques, la SAS Socave n'est pas fondée à soutenir que les titres en litige seraient irréguliers faute d'une motivation en droit conforme aux dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979.

14. Les titres litigieux, qui ont pour objet la récupération des aides de plans de campagne, satisfont aux exigences de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012, qui n'impose pas l'indication des dispositions légales et réglementaires constituant le fondement de la créance. Par suite, le moyen tiré de ce que les titres " n'indiquent aucun texte propre à l'octroi et au régime des plans de campagne " ne peut qu'être écarté.

15. En troisième lieu, pour le même motif que celui rappelé au point 14, la société requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 en application desquelles les décisions individuelles qui doivent être motivées en vertu des articles 1er et 2 de la loi du 11 juillet 1979 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales.

16. Il résulte néanmoins de l'instruction que par courriers des 14 février et 7 mars 2013, le préfet de la région Aquitaine a informé la SAS Socave que les autorités françaises devaient procéder au recouvrement des aides versées entre 1998 et 2002 au titre des plans de campagne, lui a communiqué le montant des sommes que la SCA Socave avait déclaré lui avoir versé au titre des campagnes 1998, 1999 et 2000 et lui a demandé de lui faire part de ses observations dans un délai de dix jours à compter de la réception de la lettre. Par ailleurs, il ressort de la lettre de notification du titre de recettes du 26 mars 2013 et il n'est pas sérieusement contesté par la SAS Socave qu'elle a bénéficié d'un " dialogue personnalisé avec la direction régionale de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt qui a examiné (sa) situation particulière ". Par suite, à le supposer soulevé, le moyen tiré de ce que la SAS Socave n'aurait pas été mise à même de présenter ses observations, conformément au principe général des droits de la défense, ne peut qu'être écarté.

17. En quatrième lieu, en vertu de l'article 14 du règlement (CE) n° 659/1999 du 22 mars 1999, le reversement des sommes octroyées en vertu d'une aide d'Etat illégale doit être poursuivi " sans délai " par la mise en oeuvre des règles nationales adéquates, à moins que ces dernières ne permettent pas d'atteindre ce but, auquel cas elles doivent rester sans application. L'article 80 de la décision précitée du 28 janvier 2009 de la Commission européenne dispose ainsi que : " (...) Ce remboursement est nécessaire en vue de rétablir la situation antérieure en supprimant tous les avantages financiers dont le bénéficiaire de l'aide octroyée de façon illégale a pu indûment bénéficier après la date d'octroi de cette aide ". L'article 81 dispose que : " (...) Les aides doivent être remboursées en conformité avec les procédures prévues par la législation française, pour autant qu'elles permettent l'exécution immédiate et effective de la présente décision ". Conformément aux modalités de reversement ainsi définies, un titre de recettes, dont le montant a ultérieurement été augmenté par un nouveau titre en date du 30 septembre 2013, a été émis le 28 mars 2013 en application de l'article 192 du décret du 7 novembre 2012.

18. La SAS Socave n'est pas fondée à se prévaloir des règles de droit national selon lesquelles les décisions pécuniaires créatrices de droit ne peuvent être retirées au delà d'un délai de quatre mois, car ces règles ne sauraient faire obstacle à la pleine effectivité du droit communautaire et à l'obligation pour l'Etat de tirer les conséquences de l'illégalité constatée par la Commission européenne.

19. En cinquième lieu, l'article 84 de la décision de la commission dispose que : " L'aide doit être récupérée auprès des bénéficiaires de l'aide. Comme indiqué plus haut, les bénéficiaires finaux de l'aide sont en principe les producteurs membres des organisations professionnelles qui ont participé aux plans de campagne. Toutefois, dans des cas exceptionnels, il est possible que le bénéfice de l'aide ne leur ait pas été transféré par l'organisation de producteurs. La récupération de l'aide doit donc s'effectuer auprès des producteurs, sauf lorsque l'État membre pourra démontrer que l'aide ne leur a pas été transférée par l'organisation de producteurs, auquel cas la récupération s'effectuera auprès de cette dernière ".

20. La SAS Socave soutient que FranceAgrimer ne pouvait légalement mettre à sa charge le remboursement des aides en litige au motif qu'elle ne saurait être regardée comme le destinataire final de ces aides.

21. Toutefois, dès lors que la coopérative était responsable de la répartition des aides entre ses membres, elle seule était en mesure de détenir l'ensemble des données comptables relatives à l'allocation des aides : il lui appartenait donc de déterminer l'identité des bénéficiaires ainsi que les montants reçus par chacun des producteurs relevant de son organisation, les bénéficiaires ainsi identifiés pouvant alors, le cas échéant, contester les données les concernant personnellement sur la base de leurs propres données comptables. C'est donc à bon droit, et sans qu'aient été méconnues les règles de dévolution de la charge de la preuve, que le tribunal a précisé : " il résulte de l'instruction que la SCA Socave a été invitée à plusieurs reprises à produire tous éléments permettant d'identifier, pour chaque année, les producteurs ayant bénéficié au final des aides litigieuses et les montants alloués ; en réponse à la demande faite par le préfet de la région Aquitaine à la SCA Socave par courrier en date du 10 janvier 2013 de communiquer les noms, prénoms, adresse postale, montant accordé et date de versement des bénéficiaires finaux de l'aide illégale, la SCA Socave a adressé une liste alphabétique de noms de personnes accompagnés d'adresses postales et a communiqué à FranceAgriMer une lettre de son cabinet d'experts comptables attestant du versement à divers expéditeurs d'aide export d'un montant de 196 454,10 euros au titre des années 1998 à 2002 dont la SAS Socave ; ce document établi par le cabinet d'experts comptables de la SCA Socave mentionne le versement, au titre de l'année 1998, de la somme de 10 811,70 euros à la SA Huot Fruits et Légumes devenue par la suite la SA Socave et, au titre des années 1999 et 2000, de la somme de 106 608,12 euros à la SAS Socave ; en s'abstenant de produire des éléments, notamment de nature comptable, permettant d'infirmer les éléments susmentionnés alors qu'elle y a été invitée à deux reprises les 14 février et 7 mars 2013 par le préfet de la région Aquitaine, la SAS Socave doit être regardée comme le bénéficiaire final de l'aide jugée illégale " . Dès lors, et faute de la moindre précision fournie par la société, il y a lieu d'écarter le moyen par adoption de ces motifs pertinents retenus par le premier juge.

22. En sixième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, les autorités nationales étaient tenues en vertu d'une décision de la Commission européenne dont la validité a au surplus été confirmée par le Tribunal de l'Union européenne, de procéder à la récupération des aides auprès de leurs bénéficiaires. Par suite, la société requérante ne peut utilement se prévaloir du principe de confiance légitime pour demander l'annulation des titres de recettes en litige et obtenir la décharge de l'obligation de payer.

23. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 1301979,1400327, le tribunal administratif a prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande tendant à l'annulation de la lettre du 29 mars 2013 du directeur national de FranceAgrimer.

Sur les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de FranceAgrimer, qui n'est pas, en la présente instance, partie perdante, la somme que la SAS Socave demande au titre des frais exposés par elle. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Socave la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par FranceAgrimer et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : Le jugement n°1301979,1400327 du tribunal administratif de Bordeaux du 3 février 2015 est annulé en tant qu'il a prononcé un non-lieu à statuer sur la requête n° 1400327 de la SAS Socave.

Article 2 : La demande de la SAS Socave tendant à l'annulation de la lettre du 29 mars 2013 du directeur national de FranceAgrimer, le surplus de la requête n° 15BX01097 et les requêtes n° 15BX01096 et 15BX01098 sont rejetés.

Article 3 : La SAS Socave versera la somme de 1 500 euros à FranceAgrimer sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à SAS Socave, à FranceAgrimer et au préfet de la région Nouvelle Aquitaine.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2017 à laquelle siégeaient :

M. Philippe Pouzoulet, président,

Mme Marianne Pouget, président-assesseur,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 avril 2017.

Le rapporteur,

Marianne PougetLe président,

Philippe PouzouletLe greffier,

florence DeligeyLa République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 15BX01096,15BX01097,15BX01098


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