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04/04/2017 | FRANCE | N°15BX01372

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 04 avril 2017, 15BX01372


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 24 octobre 2013 du président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Gujan-Mestras lui infligeant la sanction de la révocation à compter du 28 octobre suivant.

Par un jugement n° 1304391 du 7 avril 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 avril 2015, MmeB..., représentée par MeD..., demande à la cour :


1°) d'annuler ce jugement du 7 avril 2015 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 24 octobre 2013 du président du centre communal d'action sociale (CCAS) de Gujan-Mestras lui infligeant la sanction de la révocation à compter du 28 octobre suivant.

Par un jugement n° 1304391 du 7 avril 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 avril 2015, MmeB..., représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 avril 2015 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la sanction prononcée le 24 octobre 2013 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Gujan-Mestras la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- nul ne peut être condamné deux fois pour des mêmes faits ; ne peuvent être intentées plusieurs actions disciplinaires à raison d'une même faute ; une nouvelle action ne peut être fondée que sur des faits nouveaux connus postérieurement à la première sanction, dont la nature aurait pour conséquence de modifier profondément la gravité de la faute ; en l'espèce, suite à la plainte déposée le 26 mai 2011 et au courrier du 1er juin 2011, elle a été suspendue de ses fonctions sur le fondement de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 le 8 juin 2011 ; le 20 juin suivant, elle était informée de l'engagement d'une procédure disciplinaire qui s'est soldée le 28 juin 2011 par une exclusion temporaire de trois jours, sanction ayant pris effet du 4 au 6 juillet suivant ; au motif qu'une procédure pénale était également en cours, elle a fait l'objet de nouvelles poursuites disciplinaires et a ainsi été sanctionnée trois fois pour les mêmes faits ;

- elle a été accusée par un usager d'avoir retiré des montants supérieurs à ceux qu'elle était habilitée par ses soins à retirer, en gardant pour elle ces sommes, a été profondément choquée par ces accusations et n'a cessé de clamer son innocence comme en témoignent ses courriers adressés notamment les 15 juin 2011 et 27 juillet 2013 au ministre de la justice et le 9 septembre 2013 au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bordeaux ; elle a été soutenue par des collègues et des commerçants certifiant que les auxiliaires de vie étaient parfois amenées à faire des courses pour le compte des patients ; sans remettre en cause l'autorité de la chose jugée, elle regrette que sa défense ait été improvisée par l'administrateur provisoire du cabinet de son avocat, décédé peu de temps avant l'audience pénale ;

- elle n'avait jamais fait parler d'elle avant les faits, raison pour laquelle l'autorité disciplinaire a estimé que les faits reprochés étaient passibles de la sanction d'exclusion temporaire de trois jours prononcée le 28 juin 2011 ; la condamnation pénale définitive n'ajoute rien à la gravité des faits reprochés, les mêmes que ceux sanctionnés le 28 juin 2011, ce qui témoigne de la disproportion de la révocation prononcée à compter du 28 octobre 2013 ; à aucun moment il n'apparait que la seconde procédure disciplinaire aurait été engagée pour des faits différents de ceux déjà sanctionnés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 2 juin 2015 et 3 janvier 2017, le CCAS de Gujan-Mestras, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme B...à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la matérialité des faits, répétés pendant plusieurs mois, est établie par la décision pénale ;

- les sanctions reposent sur des faits distincts, la première sanction visant à réprimer une atteinte à la propriété, la seconde une atteinte à l'intégrité psychique de la personne humaine et les actes de maltraitance morale envers une personne âgée et malade ; eu égard à l'indépendance de l'action disciplinaire et de l'action pénale, le cumul de sanctions est possible ; le nouveau moyen tiré de la violation du principe non bis in idem doit être écarté ;

- la sanction n'est pas disproportionnée à la gravité des faits et à leur retentissement sur le fonctionnement du service et plus généralement de l'institution.

Par une ordonnance du 25 octobre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 12janvier 2017.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 mai 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau,

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant le centre communal d'action sociale (CCAS) de Gujan-Mestras.

Considérant ce qui suit :

1. Le 26 mai 2011, une personne âgée, bénéficiaire du service d'aide à domicile assuré par le centre communal d'action sociale (CCAS) de Gujan-Mestras, a déposé à la gendarmerie de Gujan-Mestras une plainte contre MmeB..., agent social territorial qui lui rendait, en sa qualité d'aide ménagère, deux visites hebdomadaires. Le 8 juin 2011, informé des faits, le président du CCAS de Gujan-Mestras a suspendu Mme B...de ses fonctions sur le fondement de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, puis a prononcé à son encontre, le 28 juin 2011, la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de trois jours du 4 au 6 juillet 2011. Par un arrêt du 4 avril 2013 qui n'a fait l'objet d'aucun pourvoi, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Bordeaux a déclaré Mme B...coupable de faits, commis entre le 1er janvier et le 27 mai 2011, d'abus frauduleux " d'un état d'ignorance ou d'une situation de faiblesse " à l'égard d'une personne de quatre-vingt-deux ans " qu'elle savait particulièrement vulnérable pour la conduire à des actes gravement préjudiciables pour elle, en l'espèce la remise d'un moyen de paiement dont la prévenue allait faire un usage abusif à des fins personnelles " et l'a condamnée à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve pendant deux ans assortie d'une obligation de réparation des dommages. Informé de cette décision par un courrier du 15 juillet 2013 du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bordeaux, le président du CCAS de Gujan-Mestras a réuni, le 10 octobre 2013, le conseil de discipline qui a émis un avis favorable à la révocation, puis par un arrêté du 24 octobre 2013, a prononcé cette révocation et a radié Mme B...des cadres à compter du 28 octobre suivant. Mme B...relève appel du jugement du 7 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette sanction.

2. La requérante invoque en appel le principe non bis in idem et soutient avoir été sanctionnée plusieurs fois à raison des mêmes faits. Pour prendre sa décision, après avoir rappelé les faits constatés par le juge pénal, l'autorité disciplinaire a retenu " le manquement à l'obligation de moralité et de bienveillance envers un usager ... par l'exercice de pressions graves propres à altérer son jugement ", l'atteinte à l'intégrité psychique de la personne âgée par abus frauduleux de son état d'ignorance et de faiblesse, des actes de " maltraitance morale " et l'atteinte à la considération de l'établissement. La sanction du 28 juin 2011, fondée sur les seuls faits de vol d'argent dénoncés par le courrier du 1er juin 2011, ne peut être regardée comme prononcée à raison des mêmes griefs d'abus frauduleux retenus par l'autorité disciplinaire pour prononcer la sanction en cause le 24 octobre 2013.

3. Mme B...indique avoir été " profondément choquée " par les accusations de l'usager, n'avoir cessé de clamer son innocence, avoir été soutenue par des collègues et des commerçants puis, " sans remettre en cause les décisions passées en force de chose jugée " déplorer que " sa défense ait été improvisée par l'administrateur provisoire du cabinet de son avocat décédé peu de temps avant l'audience pénale ". Elle produit une attestation établie le 7 octobre 2013 par une commerçante qui certifie que " Mme B...dit la vérité ". A supposer que la requérante ait ainsi entendu persister dans sa contestation de la matérialité des griefs, celle-ci est établie par les constatations de fait qui sont le support nécessaire du dispositif de l'arrêt du 4 avril 2013 de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Bordeaux, constatations qui s'imposent au juge administratif avec l'autorité de la chose jugée au pénal. Enfin, si Mme B...soutient avoir été " sanctionnée trois fois ", aucun texte législatif ou principe ne fait obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l'objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature disciplinaire, administrative ou pénale en application de corps de règles distincts.

4. L'article 29 de la loi du l3 juillet 1983 prévoit que toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire. Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : " Premier groupe : L'avertissement ; Le blâme ; Deuxième groupe : L'abaissement d'échelon ; L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours ; Troisième groupe : La rétrogradation : L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois à deux ans : Quatrième groupe : La mise à la retraite d'office ; La révocation.". Les agissements en cause constituent des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire et cette qualification n'est d'ailleurs pas contestée par MmeB..., qui invoque le caractère disproportionné de la révocation, révélé selon ses dires par l'infliction à raison des mêmes faits de la sanction d'exclusion temporaire de fonctions et l'absence de tout antécédent depuis son entrée en service le 1er janvier 2009. Eu égard à la gravité de ces faits d'abus frauduleux, le président du CCAS de Gujan-Mestras n'a pas, en l'espèce, pris une sanction disproportionnée en prononçant la révocation de MmeB....

5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies, d'autant, d'une part, qu'elles sont dirigées contre la commune de Gujan-Mestras qui n'a pas la qualité de partie, d'autre part, que Mme B...bénéficie de l'aide juridictionnelle totale et n'allègue pas avoir exposé d'autres frais que ceux pris en charge à ce titre, alors que son avocat s'est abstenu de présenter des conclusions sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'affaire, de condamner Mme B...à payer la somme de 1 000 euros au CCAS de Gujan-Mestras au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Mme B...versera la somme de 1 000 euros au centre communal d'action sociale de Gujan-Mestras sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au centre communal d'action sociale de Gujan-Mestras.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2017 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Gil Cornevaux, président assesseur,

Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 avril 2017.

Le rapporteur,

Marie-Thérèse Lacau Le président,

Elisabeth Jayat Le greffier,

Vanessa Beuzelin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 15BX01372


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX01372
Date de la décision : 04/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - violation directe de la règle de droit - Chose jugée - Chose jugée par le juge judiciaire - Juge pénal.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Marie-Thérèse LACAU
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : CHRETIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-04-04;15bx01372 ?
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