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13/03/2017 | FRANCE | N°15BX00922

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 13 mars 2017, 15BX00922


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des commerçants des marchés de France de la Réunion (SCNSR) et MM. D... C..., et F...A..., ont demandé devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion l'annulation des articles 2.1.1, 2.1.2, 2.1.3, 5, 6, 11 et 15 de la convention passée le 19 mars 2012 entre la commune du Port et l'association des commerçants du Port (ACP) pour une durée de trois ans, en vue de l'organisation et de la gestion des braderies - ventes au déballage.

Par un jugement n° 1300210 du 11 décembre 2

014, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leurs demandes.

Procédur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des commerçants des marchés de France de la Réunion (SCNSR) et MM. D... C..., et F...A..., ont demandé devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion l'annulation des articles 2.1.1, 2.1.2, 2.1.3, 5, 6, 11 et 15 de la convention passée le 19 mars 2012 entre la commune du Port et l'association des commerçants du Port (ACP) pour une durée de trois ans, en vue de l'organisation et de la gestion des braderies - ventes au déballage.

Par un jugement n° 1300210 du 11 décembre 2014, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 mars 2015, le Syndicat des commerçants des marchés de France de la Réunion (SCNSR), représenté par son président en exercice et par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa demande.

2°) l'annulation des articles 2.1.1, 2.1.2, 2.1.3, 5, 6, 11 et 15 de la convention passée le 19 mars 2012 entre la commune du Port et l'association des commerçants du Port (ACP).

3°) de mettre la somme de 1 euro à la charge de la commune du Port au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularités, en l'absence de respect du contradictoire faute de transmission des mémoires produits par la commune du Port et du fait de l'insuffisance de motivation du jugement ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que les conclusions en annulation de certaines des clauses de la convention passée entre la commune du Port et l'association des commerçants du Port, étaient irrecevables, faute pour ces clauses de présenter un caractère réglementaire ;

- ont un caractère réglementaire, les clauses des contrats qui ont un effet juridique direct sur des tiers au contrat, quelle que soit la qualité de tiers ;

- en l'espèce, ont un caractère réglementaire les clauses 2.1.1, 2.1.2, 2.1.3, 5, 6, 11 et 15 de la convention ;

- en effet, la clause 2.1.1 par laquelle est confiée à l'ACP et " sous sa seule et entière responsabilité, l'organisation, l'animation et la gestion " de la braderie, présente un caractère réglementaire dès lors qu'elle impose aux tiers, les commerçants, l'ACP, comme organisateur de ces journées ;

- l'article 2.1.2, relatif à l'attribution des emplacements en tant qu'il confie à l'ACP la gestion de ces attributions est contradictoire avec l'article 15 selon lequel l'ACP ne pourra pas sous-louer tout ou partie du domaine public communal mis à sa disposition ;

- l'article 2.1.3, est également de nature réglementaire dès lors qu'il attribue un certain nombre de missions de police à l'ACP, alors que par nature ces attributions ne peuvent être déléguées ;

- l'article 5 de la convention qui fixe une redevance forfaitaire de 5 000 euros versée par l'ACP à la commune, en contrepartie de la mise à disposition du domaine public constitue une subvention déguisée, non autorisée par le conseil municipal ;

- l'article 6 de la convention, " responsabilité " présente un caractère réglementaire, dès lors qu'il impose à l'ACP de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité des personnes ;

- l'article 11 de la convention intitulé " bilan d'activité ", présente également un caractère réglementaire dès lors qu'il évoque " des recettes perçues au titre des droits de participation versés par les commerçants participants " sans fixer les modalités de calcul de ces droits exigés des commerçants et alors même que l'article 2.1.2 de la convention stipule que les emplacements sont attribués " ...conformément aux principes généraux du droit dont notamment celui de l'égalité de traitement de tous les commerçants sans distinction entre les catégories professionnelles et sans discrimination ... "

- la convention conclue entre la commune du Port et l'ACP est en réalité une délégation de service public, dès lors que l'ACP est investie d'une mission d'intérêt général et dotée de prérogatives de puissance publique et que l'ACP bénéficie d'une rémunération en fonction des résultats d'exploitation du domaine public ;

- en vertu des stipulations de la convention, l'ACP fixe les horaires d'ouverture de la manifestation, définit les emplacements, détermine l'aspect des étals, et prescrit des interdictions en contrepartie du versement par chacun des commerçants d'une participation ;

- cette participation comprend une taxe au profit de la commune d'un montant de 8 euros par jour d'occupation, sans que les modalités de calcul de cette taxe aient fait l'objet d'une définition ;

- les tarifs sont discriminatoires dès lors que les commerçants de la commune du Port, payent une somme de 57 euros au m2 linéaire, les commerçants non sédentaires de la commune du Port, payent une somme de 150 euros au m2 linéaire, alors que les commerçants non sédentaires extérieurs à la commune du Port, payent une somme de 170 euros au m2 linéaire ;

- la convention passée par la commune avec l'ACP constitue une délégation de service public soumise aux articles L. 1411-1 et suivants du code général des collectivités territoriales ;

- la clause de l'article 2.1.2 qui autorise l'ACP à attribuer les emplacements est entachée d'une incompétence négative dans la mesure où la commune se dessaisit de ses pouvoirs sans fixer le montant de la taxe communale et de la redevance alors que les droits de participation sont discriminatoires en ce qui concerne les commerçants non sédentaires de la commune du Port ;

- cette clause est contradictoire avec l'article 15 selon lequel l'ACP ne pourra pas sous-louer tout ou partie du domaine public communal mis à sa disposition.

Par un mémoire en défense, enregistré au greffe de la Cour le 16 juillet 2015, la commune du Port, représentée Me E..., conclut au rejet de la requête du syndicat des commerçants des marchés de France de la Réunion et à ce que soit mise à sa charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, le principe du contradictoire a été respecté devant le tribunal administratif, et le jugement est suffisamment motivé ;

- la convention conclue entre la commune et l'ACP n'est pas une délégation de service public faute pour la braderie commerciale de constituer une activité de service public, et de prévoir de rémunération du cocontractant sur l'usager dès lors qu'en vertu de l'article 5 de la convention, c'est l'ACP qui verse une redevance de 5 000 euros à la commune, et que l'article 15 de la convention interdit à l'association des commerçants de sous-louer toute ou partie du domaine public communal mis à sa disposition et ne peut percevoir une quelconque somme au titre de l'occupation du domaine public ;

- l'article 2.1.2 indique expressément que les commerçants doivent être traités de façon égale sans discrimination ;

- la commune s'est conformée à l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, et à la circulaire du 8 février 1978 relative au régime des marchés et des foires ;

- la convention en litige est une convention temporaire d'occupation du domaine public ;

- l'article 2.1.1 de la convention n'est pas réglementaire et se borne à désigner l'ACP comme organisatrice de la braderie ;

- l'article 2.1.2, relatif à l'attribution des emplacements n'est pas réglementaire dans la mesure où c'est la commune qui délimite par délibération les limites du domaine public à l'intérieur duquel seront attribués les emplacements ;

- l'article 2.1.3, s'il rappelle des règles de sécurité à respecter, n'est pas de nature réglementaire dès lors qu'il ne créée pas de règles de portée générale contraignantes pour les commerçants et ne confie à l'ACP aucun pouvoir de sanction, seul le maire restant détenteur du pouvoir de police ;

- l'article 5 de la convention qui fixe une redevance forfaitaire de 5 000 euros versée par l'ACP à la commune n'a pas non plus de nature réglementaire ;

- il est possible pour l'ACP de fixer un droit de participation tel qu'il est évoqué par l'article 11 de la convention, mais ce droit ne peut être fixé de manière discriminatoire, cette fixation de tarifs de façon discriminatoire ayant été sanctionnée en l'espèce par la commune par la résiliation de la convention le 22 mars 2013 ;

- l'article 6 de la convention, " responsabilité " ne présente pas un caractère réglementaire, dès lors qu'il se borne à limiter les possibilités d'action en responsabilité de l'ACP à l'encontre de la commune ;

- l'article 11 de la convention intitulé " bilan d'activité ", ne présente pas non plus de caractère réglementaire, se contentant de prévoir un listing détaillé des commerçants présents et " des recettes perçues au titre des droits de participation versés par les commerçants participants " ;

- l'association fait donc signer un contrat de participation aux commerçants qui versent à l'association des frais liés à l'organisation de la braderie ;

- que si des commerçants notamment des commerçants non sédentaires ont été lésés par l'association, du fait de tarifs discriminatoires, ils ne peuvent s'en prendre qu'à l'ACP, dès lors que l'article 2.1.2 de la convention prohibe les tarifs discriminatoires.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 février 2017 :

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Bentolila,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Par une convention du 19 mars 2012, la commune du Port a confié à l'association des commerçants du Port (ACP) l'organisation et la gestion des braderies - ventes au déballage sur le territoire de la commune chaque année entre le 7 et le 17 mars et au mois d'août. Le Syndicat des commerçants des marchés de France de la Réunion fait appel du jugement du 11 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté ses demandes en annulation des articles 2.1.1, 2.1.2, 2.1.3, 5, 6, 11 et 15 de la convention du 19 mars 2012.

Sur la régularité du jugement :

2. Si le syndicat requérant fait valoir en premier lieu sans plus de précisions à l'appui de son moyen, que la procédure contradictoire n'aurait pas été respectée devant le tribunal administratif dès lors qu'il n'aurait pas été destinataire de l'ensemble des mémoires produits par la commune devant le tribunal administratif, il ressort du dossier de première instance, que la commune n'a produit devant le tribunal qu'un mémoire en défense du 7 février 2014, communiqué aux demandeurs de première instance, comme ces derniers l'indiquaient expressément dans leur mémoire en réplique du 31 octobre 2014.

3. En second lieu, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, le jugement est suffisamment motivé, tant en ce qui concerne la question de la qualification de la nature juridique des clauses de la convention, qu'en ce qui concerne la question de l'application de tarifs.

4. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement et de la convention contestée :

5. Si le Conseil d'Etat, par l'arrêt du 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994 a considéré que les recours ouverts aux tiers d'un contrat étaient des recours de plein contentieux, il a toutefois admis la recevabilité des recours pour excès de pouvoir déposés par les tiers contre les actes détachables de nature réglementaire de contrats signés jusqu'à la date de lecture de l'arrêt du 4 avril 2014, ce qui est le cas en l'espèce de la convention du 19 mars 2012 passée entre la commune du Port et l'ACP. La recevabilité des conclusions présentées par le syndicat des commerçants des marchés de France de la Réunion en annulation des articles 2.1.1, 2.1.2, 2.1.3, 5, 6, 11 et 15 de la convention du 19 mars 2012 est donc subordonnée au caractère réglementaire ou non de ces clauses.

6. L'article 2.1.1 de la convention du 19 mars 2012 par lequel la commune de Port confie à l'ACP et " sous sa seule et entière responsabilité, l'organisation, l'animation et la gestion " ne porte que sur la dévolution du contrat à l'ACP, laquelle ne présente pas un caractère réglementaire mais purement contractuel. Il en est de même de la clause de l'article 5 de la convention, laquelle en fixant une redevance forfaitaire de 5 000 euros versée par l'ACP à la commune, ne traite que des relations entre les cocontractants (la commune et l'ACP) et n'est donc pas réglementaire. Par ailleurs l'article 6 de la convention, " responsabilité " ne présente pas de caractère réglementaire, dès lors qu'il n'a vocation à régir que la responsabilité de l'ACP vis-à-vis de la commune. L'article 15 de la convention, " incessibilité des droits " ne présente pas non plus de caractère réglementaire, cet article ne faisant que rappeler le caractère intuitu personae de la convention et l'interdiction de cession par l'ACP des droits qu'elle tient de la convention.

7. Si l'article 2.1.2 de la convention relatif à l'attribution des emplacements par l'ACP, indique que l'ACP attribue les emplacements " ...conformément aux principes généraux du droit dont notamment celui de l'égalité de traitement de tous les commerçants sans distinction entre les catégories professionnelles et sans discrimination ... ", cette clause qui rappelle les grands principes applicables en la matière ne peut être qualifiée de réglementaire, faute de spécifier de façon précise les droits et les obligations des tiers, pour l'attribution de ces emplacements. De même l'article 2.1.3 de la convention intitulé " Sécurité-Tranquillité et Salubrité publiques ", se borne, sans créer de nouvelle règle particulière à un rappel de la réglementation en matière de sécurité. Enfin l'article 11 de la convention, intitulé " Bilan d'activité ", s'il évoque notamment " ... les recettes perçues au titre du droit de participation versés par les commerçants participants ... " ne fixe pas de tarifs et ne peut donc être regardé comme réglementaire.

8. Il résulte de ce qui précède que faute pour les articles de la convention du 19 mars 2012 dont le Syndicat des commerçants des marchés de France de la Réunion demande l'annulation, de présenter un caractère réglementaire, le syndicat n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande pour irrecevabilité.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune du Port qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le syndicat requérant demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune du Port présentées sur le même fondement.

DECIDE

Article 1er : La requête du syndicat des commerçants des marchés de France de la Réunion est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune du Port présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Syndicat des commerçants des marchés de France de la Réunion et à la commune du Port. Copie en sera transmise à M. D...C..., à M. F... A...et à l'association des commerçants du Port.

Délibéré après l'audience du 13 février 2017 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Pierre Bentolila, premier conseiller,

M. Axel Basset, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 13 mars 2017.

Le rapporteur,

Pierre Bentolila

Le président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 15BX00922


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15BX00922
Date de la décision : 13/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-03-02-04-03-01 Collectivités territoriales. Commune. Attributions. Police. Police de la circulation et du stationnement. Réglementation de certaines activités dans l'intérêt de la circulation. Marchands ambulants.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : CABINET DM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-03-13;15bx00922 ?
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