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28/02/2017 | FRANCE | N°16BX03438

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 28 février 2017, 16BX03438


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 7 juin 2016 par lequel le préfet du Tarn a décidé son transfert aux autorités allemandes.

Par un jugement n° 1602880 du 5 juillet 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 octobre 2016, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;>
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui remettre un dossier de demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 7 juin 2016 par lequel le préfet du Tarn a décidé son transfert aux autorités allemandes.

Par un jugement n° 1602880 du 5 juillet 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 octobre 2016, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui remettre un dossier de demande d'asile de même qu'une nouvelle attestation de dépôt de sa demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 relatif à la création d'Eurodac ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Laurent Pouget a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., de nationalité afghane, est entré irrégulièrement en France et a sollicité, le 1er février 2016, son admission au séjour au titre de l'asile. Le relevé de ses empreintes digitales effectué à l'occasion de l'entretien en préfecture a révélé qu'il avait été identifié en Hongrie et en Allemagne, pays dans lequel il est apparu qu'il avait déjà sollicité l'asile. Le préfet du Tarn a en conséquence engagé la procédure de détermination de l'Etat responsable prévue par le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dit " Dublin III ". Saisies d'une demande de reprise en charge de l'intéressé sur le fondement des dispositions de l'article 18.1.b dudit règlement, les autorités allemandes ont donné leur accord le 20 février 2016. Le préfet du Tarn a alors pris à l'encontre de M. B...un arrêté en date du 7 juin 2016 portant transfert aux autorités allemandes. M. B...relève appel du jugement du 5 juillet 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 7 juin 2016.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 4 du règlement susvisé (UE) n° 604/2013 : " Droit à l'information 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de 1'application du présent règlement, et notamment : a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères; c) de l'entretien individuel en vertu de 1'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; f) de 1'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de1'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. ". L'article 29 du règlement n° 603/2013 dispose : " Droits des personnes concernées 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend : a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) no 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives ; c) des destinataires des données ; d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1. ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle il décide la réadmission de l'intéressé dans l'Etat membre responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature de ces informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

3. M. B...soutient qu'ayant déposé sa demande d'asile le 1er février 2016 auprès de la préfecture du Pas-de-Calais, il n'a pas bénéficié dès ce moment de l'assistance d'un interprète, et allègue qu'il ne s'est pas vu remettre les brochures prévues par la réglementation européenne, dans une langue qu'il comprend. Il ressort cependant des pièces du dossier que M. B...a lui-même attesté, par sa signature, s'être vu remettre à la date du 1er février 2016 le " guide du demandeur d'asile en France " en langue pachtou, langue officielle de l'Afghanistan qu'il a déclaré comprendre, ainsi que les brochures d'information " A " (" J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' ") et " B " (" Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' "), également en langue pachtou, contenant l'ensemble des informations sur la procédure de détermination de l'État responsable de l'examen des demandes d'asile, exigées par l'article 4 du règlement du 26 juin 2016. Dans ces conditions, M. B...n'est pas fondé à soutenir qu'il devait bénéficier des services d'un interprète le 1er février 2016, dès lors que les dispositions précitées prévoient que les informations qu'elles visent sont normalement données au demandeur d'asile par écrit et que ce n'est qu'à défaut de pouvoir satisfaire à cette exigence d'information écrite qu'il est recouru à une information orale dans une langue que comprend l'intéressé, au moyen des services d'un interprète. Par suite, les moyens tirés de ce que l'administration n'aurait pas respecté les obligations d'information au jour de l'introduction de la demande de protection internationale que lui imposent les articles 29 du règlement (UE) n° 603/2013 et 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doivent être écartés.

4. M. B...soutient encore qu'il devait être informé de la possibilité qui lui était offerte de se voir délivrer un laissez-passer afin de se rendre de son propre chef en Allemagne. Cependant, et alors au demeurant qu'il n'allègue pas avoir informé l'administration de son intention de rejoindre l'Allemagne par ses propres moyens, ni l'article 26 du règlement n° 604/2013, ni les articles 7 du règlement n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 et 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 n'imposent au préfet de préciser à l'intéressé l'ensemble des modalités de transfert, notamment la possibilité de transfert volontaire. Et, à supposer que le requérant puisse être regardé comme invoquant également le défaut de délivrance du laissez-passer lui permettant de rejoindre l'Allemagne, un tel moyen, qui concerne les conditions d'exécution de la mesure de transfert, est inopérant.

5. Si l'article 26 du règlement n° 604/2013 prévoit en son point 2 que la décision de transfert contient, comme c'était le cas en l'espèce, des informations sur les délais applicables à la mise oeuvre de cette mesure et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si elle se rend par ses propres moyens dans l'Etat membre responsable, ni cet article ni aucune autre disposition européenne ou nationale n'exige que soient également portées à la connaissance du demandeur de protection internationale, avant l'édiction de la décision de transfert ou par les motifs de celle-ci, les conséquences de l'expiration du délai de six mois imparti pour l'exécution de cette décision, mentionnées à l'article 29.2 du règlement n° 604/2013. Le moyen tiré par le requérant de ce qu'il a été privé d'une telle information doit donc être écarté.

6. Il ressort des pièces du dossier que M.B..., contrairement à ce qu'il soutient, a bénéficié le 3 mai 2016 d'un entretien individuel réalisé avec l'assistance téléphonique d'un interprète de langue pachtou. Aucun élément du dossier ne permet par ailleurs de douter de l'authenticité du résumé de cet entretien produit par le préfet et des mentions qu'il contient, quand bien même le nom de l'agent qui l'a rédigé, signé et notifié n'y apparaît pas, dès lors notamment que la signature du requérant y est apposée et que les déclarations de M. B...recueillies au court de cet entretien ont donné lieu à une traduction écrite également signée de l'intéressé. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 susvisé du 26 juin 2013 doit être écarté.

7. Si le requérant met en cause la compétence des autorités allemandes pour instruire sa demande d'asile ainsi que la possibilité pour les autorités françaises de le transférer en Allemagne, alléguant notamment n'avoir jamais eu l'intention de demander l'asile dans ce pays, il ressort des pièces du dossier, et en particulier des fiches de relevé décadactylaires Eurodac, ainsi que d'un courrier de l'Office européen de l'immigration et de la nationalité du 25 février 2016, que M. B...a demandé une première fois l'asile en Hongrie le 9 juillet 2015, puis une nouvelle fois en Allemagne le 3 août 2015. Selon ce même courrier, la Hongrie a décliné sa responsabilité pour examiner sa demande, mais l'Allemagne l'a acceptée et a donné son accord le 20 février 2016, ainsi qu'en atteste le formulaire d'acceptation de transfert adressé à cette date par les autorités allemandes au ministère de l'intérieur français. Il est d'autre part constant que, contrairement à ce qu'il soutient, le requérant, auquel la décision d'accord de transfert des autorités allemandes en date du 20 février 2016 n'avait pas à être communiquée dans une traduction en langue française et avec des précisions quant aux critères sur lesquels elle se fondait, a été dûment informé de cet accord avant que soit prise la décision contestée, le préfet produisant à l'instance le courrier du 18 avril 2016 qui portait cette information à sa connaissance et l'invitait à présenter ses observations au cours de l'entretien individuel du 3 mai suivant.

8. Il ressort enfin des pièces du dossier, et notamment des motifs de l'arrêté contesté du 7 juin 2016, que le préfet du Tarn ne s'est pas estimé lié par l'accord donné par les autorités allemandes au transfert de M.B..., et ne s'est pas abstenu de se livrer à un examen de la situation particulière de ce dernier avant de prendre la décision de son transfert. S'il a décidé de ne pas faire usage des clauses discrétionnaires visées à l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui autorisent un Etat membre à examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée même si cet examen ne lui incombe pas, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé, lequel, entré en France à une date très récente, ne justifie notamment d'aucun lien fort ni d'aucune intégration aboutie sur le territoire national.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral attaqué.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la requérante, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

11. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

2

N° 16BX03438


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX03438
Date de la décision : 28/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET L.
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : MARTIN-CAMBON

Origine de la décision
Date de l'import : 14/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-02-28;16bx03438 ?
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