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14/02/2017 | FRANCE | N°16BX02589

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre - formation à 3, 14 février 2017, 16BX02589


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges de saisir le juge judiciaire d'une question préjudicielle relative à sa nationalité, d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2015 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1600171 du 26 mai 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant

la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2016, M. C...A..., représenté par M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Limoges de saisir le juge judiciaire d'une question préjudicielle relative à sa nationalité, d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2015 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1600171 du 26 mai 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2016, M. C...A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) de saisir le juge judiciaire d'une question préjudicielle relative à sa nationalité et, dans l'attente d'une réponse, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 26 mai 2016 ;

3°) d'annuler les décisions contestées ;

4°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ainsi que le remboursement des frais de plaidoirie de 13 euros.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le code de la nationalité française ;

- la loi n° 75-560 du 3 juillet 1975 relative à l'indépendance du territoire des Comores ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Sylvie Cherrier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., né le 18 octobre 1973 aux Comores, est entré en France le 3 novembre 2011, selon ses déclarations. Le 9 juin 2015, il a sollicité un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en raison de ses liens personnels et familiaux sur le territoire national ainsi qu'une admission au séjour à titre exceptionnel compte tenu du dépôt d'une demande de délivrance d'un certificat de nationalité française auprès du tribunal d'instance de Limoges. Le 11 décembre 2015, le préfet de la Haute-Vienne a pris à son encontre un arrêté portant refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A...relève appel du jugement du 26 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté son recours dirigé contre cet arrêté.

Sur l'exception de nationalité :

2. D'une part, l'article 18 du code civil dispose que : " Est français, l'enfant dont l'un des parents, au moins, est français ". Aux termes de l'article 20-1 du même code : " La filiation de l'enfant n'a d'effet sur la nationalité de celui-ci que si elle est établie durant sa minorité ". Il résulte des dispositions de l'article 30 du code précité que la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause, sauf s'il est titulaire d'un certificat de nationalité française. Par ailleurs, l'exception de nationalité française ne constitue, en vertu de l'article 29 du code civil, une question préjudicielle que si elle présente une difficulté sérieuse.

3. D'autre part, aux termes de l'article 84 du code de la nationalité française, dans sa rédaction applicable jusqu'au 23 juillet 1993 : " Sous réserve que son nom soit mentionné dans le décret de naturalisation ou dans la déclaration de nationalité, l'enfant âgé de moins de dix-huit ans, légitime ou naturel, dont l'un des parents acquiert la nationalité française, devient français de plein droit s'il a la même résidence habituelle que ce parent. ".

4. M. A...fait valoir que sa mère est de nationalité française en raison de sa présence en France métropolitaine lors de l'indépendance des Comores en 1975 et qu'il est, par suite, français par filiation maternelle. Toutefois, il ne ressort d'aucun élément du dossier que la mère de l'intéressé aurait résidé en métropole à cette date. Par ailleurs, celle-ci a été réintégrée dans la nationalité française en 1993 en vertu de l'article 153 du code de la nationalité. Le requérant, né en 1973, était majeur en 1993. Il en résulte que les dispositions précitées de l'article 84 du code de la nationalité ne lui étaient pas applicables. Par suite, nonobstant la circonstance qu'il ait saisi, le 13 avril 2015, le tribunal d'instance de Limoges d'une demande de délivrance d'un certificat de nationalité française qui était encore en cours d'instruction le 18 janvier 2016, l'exception de nationalité qu'il soulève ne présente pas de difficulté sérieuse. Dès lors, le moyen tiré de l'exception de nationalité française doit être écarté sans qu'il y ait lieu de poser une question préjudicielle à la juridiction judiciaire.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de séjour :

5. L'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 dispose que : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". La décision en litige vise l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il a été fait application. Elle indique par ailleurs la date supposée et les conditions de l'entrée en France de M. A...ainsi que différents éléments de sa situation personnelle et familiale, s'agissant notamment de son âge lors de son arrivée sur le territoire national et de l'absence de communauté de vie avec sa compagne. Cette décision précise par ailleurs que la demande de délivrance d'un certificat de nationalité française ne constitue pas un motif exceptionnel d'admission au séjour et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé de mener une vie privée et familiale normale dès lors que, s'il fait état de la présence régulière sur le territoire national de sa mère et de l'un de ses frères, dont il a d'ailleurs été séparé de nombreuses années, il dispose également de fortes attaches dans son pays d'origine, en particulier ses quatre enfants et leur mère ainsi que l'un des membres de sa fratrie. Ainsi, la décision en litige, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation de M.A..., comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est, dès lors, suffisamment motivée au regard des dispositions de la loi susvisée du 11 juillet 1979.

6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, qui a mentionné dans l'arrêté attaqué la circonstance que M. A...avait déposé, le 13 avril 2015, une demande de délivrance d'un certificat de nationalité française auprès du tribunal d'instance de Limoges, n'aurait pas procédé à un examen des éléments fournis dans ce cadre avant d'édicter la décision portant refus de séjour.

7. Au soutien des moyens tirés de ce que le refus de séjour serait entaché d'erreurs de fait concernant, d'une part, la régularité de son entrée sur le territoire français, d'autre part, sa compréhension de la langue française, et de ce que la même décision serait entachée d'un vice de procédure faute d'avoir été précédée de la consultation de la commission du titre de séjour, le requérant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas les réponses apportées par le tribunal administratif. Il y a donc lieu de les écarter par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

8. M. A...soutient que le centre de ses intérêts personnels se trouve désormais en France où résident sa compagne et sa mère, toutes deux de nationalité française, ainsi que son frère, titulaire d'une carte de résident de dix ans. Toutefois, il ressort des pièces versées au dossier que la communauté de vie entre l'intéressé et sa concubine n'est pas établie avant le mois de janvier 2015. De plus, les attestations de vie commune rédigées par celle-ci les 22 mai et 27 décembre 2015 ainsi que celles émanant de membres de sa famille et de connaissances, écrites en des termes peu circonstanciés, ne sont pas de nature à justifier qu'il existait, à la date de l'arrêté attaqué, une communauté de vie réelle, ancienne et stable entre le requérant et sa compagne. Par ailleurs, celui-ci ne démontre pas, par les seuls documents produits, qu'il entretiendrait des liens étroits et particulièrement intenses avec sa mère et son frère résidant en France. En revanche, il a conservé des attaches fortes aux Comores où séjournent en particulier ses quatre enfants et l'un de ses frères et où lui-même a vécu jusqu'à l'âge de trente-huit ans. Dès lors, la décision contestée, d'une part, ne peut être regardée comme portant une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale, d'autre part n'est pas entachée d'erreur manifeste quant à l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

9. Aux termes des dispositions du I de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ".

10. Il ressort des pièces du dossier que, à la date de la mesure d'éloignement, M. A... ne pouvait justifier de la date exacte et de la régularité de son entrée sur le territoire français, et n'était titulaire d'aucun titre de séjour. Par suite, il entrait dans le cas prévu au 1° précité de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile autorisant le préfet à décider qu'il lui sera fait obligation de quitter le territoire français.

11. Le refus de séjour n'étant pas illégal, le moyen tiré du défaut de base légale de la mesure d'éloignement ne peut qu'être écarté.

12. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet ne s'est pas estimé en situation de compétence liée pour prendre la mesure d'éloignement en litige et qu'il a procédé à un examen particulier de la situation du requérant.

13. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée l'obligation de quitter le territoire français en raison des attaches familiales de M. A...sur le territoire national.

14. Aux termes de l'article L. 111-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sont considérés comme étrangers au sens du présent code les personnes qui n'ont pas la nationalité française, soit qu'elles aient une nationalité étrangère, soit qu'elles n'aient pas de nationalité. ". Ne peut faire l'objet de l'une des mesures prévues par ce code, et notamment d'une mesure d'éloignement, une personne qui, à la date de cette mesure, possède la nationalité française, alors même qu'elle aurait également une nationalité étrangère.

15. Si M. A...soutient que l'obligation de quitter le territoire serait illégale en ce que les ressortissants français ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit précédemment, que l'intéressé puisse prétendre à la nationalité française. Par suite, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

16. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement serait illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

17. La décision litigieuse vise l'article 3 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle fait également état de ce que M. A...n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à cette convention en cas de retour dans son pays d'origine. La décision fixant le pays de destination est ainsi suffisamment motivée.

18. M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur de droit compte tenu de l'instruction en cours de sa demande de naturalisation par filiation, dès lors qu'il ne peut prétendre à la nationalité française.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

20. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A...ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

21. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées au titre du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

2

N° 16BX02589


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02589
Date de la décision : 14/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SELARL PREGUIMBEAU - GREZE : AEGIS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-02-14;16bx02589 ?
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