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07/02/2017 | FRANCE | N°15BX01889

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 07 février 2017, 15BX01889


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à lui verser la somme de 230 472 euros en réparations des préjudices subis à la suite d'une coronarographie réalisée le 27 novembre 2008 et de mettre à la charge de l'établissement les dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1103

568 du 9 avril 2015, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le centre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F...B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à lui verser la somme de 230 472 euros en réparations des préjudices subis à la suite d'une coronarographie réalisée le 27 novembre 2008 et de mettre à la charge de l'établissement les dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1103568 du 9 avril 2015, le tribunal administratif de Toulouse a condamné le centre hospitalier de Toulouse à verser à Mme B...une somme de 9 600 euros en réparation de ses préjudices ainsi qu'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, et à la caisse primaire d'assurance maladie les sommes de 32 484,15 euros au titre de ses débours, 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a mis les frais d'expertise à la charge de l'établissement hospitalier et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 8 juin 2015, 29 janvier 2016, 26 avril 2016 et 30 décembre 2016, MmeB..., représentée par Me A...I..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 avril 2015 ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à lui verser une somme de 230 472 euros en réparation de son préjudice ou, subsidiairement, d'ordonner une contre-expertise ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse les dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Elisabeth Jayat,

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., représentant le CHU de Toulouse, de MeC..., représentant l'ONIAM et de Mme F...B....

Une note en délibéré présentée par Mme B...a été enregistrée le 11 janvier 2016.

Considérant ce qui suit :

1. Le 27 novembre 2008, MmeB..., alors âgée de 38 ans, qui présentait des antécédents familiaux de cardiopathie et des risques cardiovasculaires et ressentait des douleurs thoraciques, a subi au centre hospitalier universitaire de Toulouse, en préalable à une intervention chirurgicale sur un genou, une coronarographie par voie fémorale droite qui n'a révélé aucune anomalie mais au cours de laquelle est survenue une dissection sur la partie haute de l'artère interventriculaire antérieure qui a nécessité une angioplastie avec mise en place d'un stent. Mme B...a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Toulouse à lui verser la somme de 230 472 euros en réparation des préjudices qu'elle soutient avoir subis à la suite de cette complication. Elle relève appel du jugement du 9 avril 2015 par lequel le tribunal administratif a limité son indemnisation à 9 600 euros. Le centre hospitalier universitaire de Toulouse, par la voie de l'appel incident, demande à être déchargé de toute responsabilité.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel (...) ". L'article L. 211-2-2 du même code dispose que : " (...) Le directeur représente la caisse en justice et dans tous les actes de la vie civile. Il signe les marchés et conventions, est l'ordonnateur des dépenses et des recettes de la caisse, et vise le compte financier. Il recrute le personnel et a autorité sur lui. Il peut déléguer sa signature (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être recevable, la demande d'une caisse primaire d'assurance maladie ou, lorsque la caisse est représentée en justice par un avocat, le document arrêtant la créance de la caisse, doit être signé par son directeur ou par un agent ayant reçu délégation de ce dernier.

3. Le centre hospitalier universitaire de Toulouse soutient qu'ainsi qu'il l'avait fait valoir devant les premiers juges, le recours subrogatoire de la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn est irrecevable faute de délégation de pouvoir donnée à la personne qui a présenté la créance. Le document arrêtant la créance de la caisse, daté du 5 septembre 2011, présenté devant les premiers juges, était signé par Mme H...D..., responsable de service. Alors que le centre hospitalier opposait une fin de non-recevoir tirée de l'absence de délégation de pouvoir donnée à Mme D...et que la caisse primaire se référait à une délégation du 2 septembre 2011 qu'elle ne produisait pas au dossier, les premiers juges ont fait droit aux conclusions de la caisse sans d'ailleurs se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée devant eux. Faute de production d'une délégation de pouvoir, les conclusions de la caisse primaire n'étaient pas recevables. Ainsi, c'est à tort que les premiers juges ont fait droit à ces conclusions. Il y a lieu d'annuler le jugement sur ce point et d'évoquer les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie.

Sur le principe de la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Toulouse et les droits à indemnisation de Mme B...au titre de la solidarité nationale :

4. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail (...) ". En application de l'article L. 1142-22 du même code, l'indemnisation des victimes au titre de la solidarité nationale est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).

5. Si les dispositions du II de l'article L. 1142-1 précitées du code de la santé publique font obstacle à ce que l'ONIAM supporte au titre de la solidarité nationale la charge de réparations incombant aux personnes responsables d'un dommage en vertu du I du même article, elles n'excluent toute indemnisation par l'office que si le dommage est entièrement la conséquence directe d'un fait engageant leur responsabilité. Dans l'hypothèse où un accident médical non fautif est à l'origine de conséquences dommageables mais où une faute commise par une personne mentionnée au I de l'article L. 1142-1 a fait perdre au patient une chance d'échapper à l'accident médical ou de se soustraire à ses conséquences, le préjudice directement lié à cette faute est la perte de chance d'éviter le dommage corporel advenu et non le dommage corporel lui-même, lequel demeure tout entier en lien direct avec l'accident non fautif. Par suite, un tel accident ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale si l'ensemble de ses conséquences remplissent les conditions posées au II de l'article L. 1142-1 et présentent notamment le caractère de gravité requis, l'indemnité due par l'ONIAM étant seulement réduite du montant de celle mise, le cas échéant, à la charge du responsable de la perte de chance, égale à une fraction du dommage corporel correspondant à l'ampleur de la chance perdue.

En ce qui concerne une faute médicale lors de la coronarographie du 27 novembre 2008 :

6. Dans son rapport du 7 décembre 2010, M.G..., expert, médecin spécialiste en cardiologie et maladies des vaisseaux, désigné par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, décrit l'intervention du 27 novembre 2008, qu'il a visionnée sur CD Rom, et indique que la sonde de cathétérisme a fait irruption, par deux fois au cours de l'examen, une première fois du côté gauche dans l'artère interventriculaire antérieure, provoquant le trait de dissection ayant entrainé le pseudo anévrisme traité ensuite par angioplastie, et une seconde fois à droite, dans le premier segment de l'artère coronaire, ce second geste n'ayant entrainé qu'un spasme réversible. Il note que la lésion a été possible du fait de la situation anatomique de l'artère, le tronc commun étant court et conclut que l'accident ne serait pas survenu " si le médecin interventionnel avait été plus prudent ", qu'il s'agit " d'un aléa qui est survenu par manque de précaution " et d'un " aléa avec manque de prudence " dès lors qu'une coronarographie nécessite d'être " précautionneux, attentif surtout quand on se trouve devant des coronaires saines, larges de 4 mm ". Dans leur rapport du 19 décembre 2012, le docteur G...et le docteur Aiguesvives, spécialiste en psychiatrie, désignés par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, relèvent les mêmes faits mais concluent qu'il " n'y a pas eu non respect des règles de l'art, l'accident peut survenir à l'occasion de cet examen de coronarographie, il est rare : 2 pour mille ". Ce second rapport, qui mentionne parmi les documents consultés, le compte rendu de coronarographie du 27 novembre 2008 et le rapport du docteur G...établi en 2010, doit être regardé comme procédant d'une nouvelle analyse de l'expert spécialiste en cardiologie sur le déroulement de l'examen. Le docteurG..., interrogé par la cour, a indiqué dans un courrier du 24 novembre 2016 qu'il confirmait sa position concernant l'aléa thérapeutique. Aucun élément de l'instruction ne permet d'estimer que, malgré la nouvelle analyse de l'expert, le geste ayant provoqué la dissection de l'artère dont l'expert a relevé la situation anatomique particulière, résulterait d'une faute médicale. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, les rapports des deux expertises mentionnées ci-dessus et le courrier du docteur G...ayant été communiqués à l'ONIAM et ayant pu être discutés par lui, le centre hospitalier universitaire de Toulouse est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a retenu sa responsabilité au titre d'une faute médicale.

7. Il appartient à la cour, saisie, sur les points autres que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie, de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B...tant en première instance qu'en appel à l'appui de ses conclusions indemnitaires, ainsi que son droit éventuel à réparation au titre de la solidarité nationale.

En ce qui concerne l'aléa thérapeutique :

8. Si elle estime que le dommage invoqué remplit les conditions pour être indemnisé en tout ou partie sur le fondement du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, la juridiction du fond saisie de conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité d'une personne mentionnée au I du même article est tenue d'appeler l'ONIAM en la cause, comme l'ont fait les premiers juges, au besoin d'office, puis de mettre à sa charge la réparation qui lui incombe, même en l'absence de conclusions dirigées contre lui.

9. La condition d'anormalité du dommage prévue par les dispositions précitées de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique doit toujours être regardée comme remplie lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, l'acte médical a entrainé des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence d'un tel acte.

10. Aux termes de l'article D. 1142-1 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale présente également le caractère de gravité mentionné à l'article L. 1142-1 lorsque la durée de l'incapacité temporaire de travail résultant de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale est au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois. / A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ; 2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence ".

11. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise des docteurs G...et Aiguesvives, mentionné au point 6 ci-dessus, qu'à la suite de l'accident dont elle a été victime, MmeB..., dont l'état de santé a été consolidé au 26 octobre 2009 sur le plan cardiovasculaire et le 7 novembre 2012 sur le plan psychiatrique, reste atteinte d'une pathologie cardiaque nécessitant à vie une surveillance médicale et la prise d'un anti-agrégant et d'une pathologie psychiatrique partiellement imputable à l'accident, et que le déficit fonctionnel permanent lié à ces pathologies doit être évalué à 8% au titre de chacune de ces deux pathologies, soit un total de 16 %. Si le premier rapport du docteur G...ne retenait aucun déficit fonctionnel permanent, l'expert doit être regardé comme ayant finalement, après nouvelle analyse, retenu un tel préjudice, ainsi que le confirme le docteur G...dans son courrier du 24 novembre 2016. Les certificats médicaux produits par la requérante ne comportent pas d'éléments objectifs permettant d'évaluer ce déficit à un taux supérieur à 16 %. En revanche, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport mentionné ci-dessus que Mme B...a subi, du fait de l'accident médical, une incapacité temporaire de travail totale du 26 novembre 2008 au 16 février 2009 et partielle, à hauteur de 50 %, du 17 février au 26 octobre 2009. Ainsi, la durée de son incapacité temporaire de travail causée par l'accident ayant été au moins égale à six mois consécutifs, elle remplit les conditions pour bénéficier d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale.

En ce qui concerne le manquement à l'obligation d'information :

12. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus (...) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. / La volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission (...) / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen ".

13. En application de ces dispositions, doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence. Il suit de là que la circonstance qu'un risque de décès ou d'invalidité répertorié dans la littérature médicale ne se réalise qu'exceptionnellement ne dispense pas les médecins de le porter à la connaissance du patient. Toutefois, en cas d'accident, le juge qui constate que le patient n'avait pas été informé du risque grave qui s'est réalisé doit notamment tenir compte, le cas échéant, du caractère exceptionnel de ce risque, ainsi que de l'information relative à des risques de gravité comparable qui a pu être dispensée à l'intéressé, pour déterminer la perte de chance qu'il a subie d'éviter l'accident en refusant l'accomplissement de l'acte.

14. Il ne résulte d'aucun élément de l'instruction et notamment pas des documents produits par le centre hospitalier, qui se limitent à des fiches de liaison ou de données internes à l'établissement, dépourvues de signature du patient et portant une case cochée " personne informée de l'examen " ou une mention " remercie le personnel des informations données ", que la patiente aurait reçu une information quant aux risques liés à un examen de coronarographie et en particulier quant au risque exceptionnel mais grave et connu de blessure d'une artère. La fiche de transmission du 26 novembre 2008 produite par le centre hospitalier porte la mention " souhaite être endormie ne veut pas voir ce qu'on lui fait ", et non, comme le soutient l'établissement " ne veut pas savoir ce qu'on lui fait ". La mention portée sur ce document ne peut, à elle seule, traduire de la part de Mme B...un refus d'être informée sur les risques de l'examen qu'elle devait subir.

15. Le défaut d'information imputable au centre hospitalier universitaire de Toulouse a causé pour Mme B...une perte de chance de se soustraire au risque lié à l'examen dont l'indication était pertinente du fait des risques cardiovasculaires que présentait la patiente et de l'intervention chirurgicale envisagée, mais qui n'était pas impérieusement requis. Dans les circonstances de l'espèce, et eu égard au caractère exceptionnel du risque qui s'est réalisé, il y a lieu de fixer à 20 % cette perte de chance. L'indemnité due par l'ONIAM au titre de l'aléa thérapeutique sera réduite du montant mis à la charge du centre hospitalier au titre de cette perte de chance.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des dépenses de santé :

16. Il résulte de l'instruction que la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn a produit en appel la délégation de pouvoir du 2 septembre 2011 donnée à Mme H...D..., responsable du pôle " affaires juridiques et contentieuses " pour, notamment la réalisation des missions du service. Les conclusions de la caisse primaire étant examinées par la cour par la voie de l'évocation, ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 3, elles sont régularisées par la production de cette délégation.

17. La créance dont la caisse primaire fait état a été validée par le médecin-conseil de l'échelon local du service médical du Tarn. Les frais médicaux et pharmaceutiques dont il est fait état peuvent être, faute de contestation sérieuse, estimés comme étant en lien direct avec l'accident médical dont Mme B...a été victime. S'agissant des frais d'hospitalisation, il résulte de l'instruction que la caisse primaire a déduit de la somme initialement demandée devant les premiers juges, la somme de 1 190 euros correspondant aux frais de l'hospitalisation nécessitée par la réalisation de la coronarographie. La créance de la caisse primaire s'établit, par suite, à 32 484,15 euros.

18. La caisse primaire d'assurance maladie du Tarn, qui ne peut exercer son recours subrogatoire contre l'ONIAM, lequel intervient au titre de la solidarité nationale, est seulement fondée à demander la condamnation du centre hospitalier universitaire de Toulouse à lui rembourser 20 % de ses débours, soit 6 496,83 euros ainsi qu'à lui verser l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article R. 376-1 du code de la sécurité sociale, à hauteur de 1 055 euros, montant maximum fixé par l'arrêté du 26 décembre 2016, en vigueur à compter du 1er janvier 2017 et applicable à la présente instance.

S'agissant des frais d'assistance par une tierce personne :

19. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise des docteurs G...et Aiguesvives, qu'entre sa sortie de l'hôpital, le 2 décembre 2008, après l'accident, et son hospitalisation nécessitée par l'angioplastie, le 6 février 2009, soit 67 jours et non 83 comme elle le soutient, Mme B...ne devait avoir aucune activité physique et était dépendante de son entourage. La circonstance que l'aide qui lui a été apportée l'a été par des personnes de sa famille ne peut faire obstacle à l'indemnisation de ce chef de préjudice. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de fixer ses besoins à 3 heures quotidiennes, comme elle le demande. En retenant, eu égard au montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance brut à cette époque, un taux horaire de 10 euros, le montant du préjudice de Mme B...s'établit à 2 010 euros. Sur ce montant, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus au point 14 que 1 608 euros doivent être mis à la charge de l'ONIAM et 402 euros à la charge du centre hospitalier. Il résulte également de l'instruction et notamment de l'expertise susmentionnée qu'après l'angioplastie, Mme B...devait éviter les efforts physiques importants et demeurait atteinte d'importantes manifestations d'angoisse. Toutefois, si Mme B...a pu ressentir lors de cette période le besoin affectif d'être entourée de sa famille, aucun élément de l'instruction ne corrobore l'existence à cette période d'un besoin d'assistance par une tierce personne. Les conclusions de la requérante sur ce point doivent être rejetées.

S'agissant des pertes de gains professionnels et de l'incidence professionnelle :

20. Il est constant que Mme B...était sans activité professionnelle à la date de l'accident. Si elle soutient qu'avant l'accident, elle avait exercé une activité saisonnière dans des exploitations agricoles, elle ne produit aucun document permettant d'établir la réalité et la fréquence de l'activité dont elle fait état et d'apprécier les revenus qu'elle pouvait, le cas échéant, en retirer. Si elle soutient qu'elle avait formé le projet de suivre une formation en vue d'une activité d'aide-soignante, elle ne produit pas davantage sur ce point d'éléments de nature à corroborer l'existence d'un tel projet. Au surplus, si elle a été reconnue travailleur handicapé, aucun élément de l'instruction n'indique que Mme B...serait, comme elle le soutient, devenue inapte à une activité professionnelle après l'accident médical dont elle a été victime. Dans ces conditions, elle ne peut prétendre à une indemnisation au titre de la perte de gains professionnels et de l'incidence professionnelle de l'accident.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

S'agissant du préjudice d'impréparation :

21. Indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de fixer à 1 000 euros le montant de la réparation due à MmeB..., qui doit être mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse, seul responsable du défaut d'information qui est à l'origine exclusive de ce préjudice.

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

22. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport des experts Ayrivie et Aiguesvives, que Mme B...a subi une incapacité temporaire totale du 27 novembre 2008 au 16 février 2009, soit 82 jours puis une incapacité temporaire partielle à 50 % du 17 février au 26 octobre 2009, soit 262 jours. Ainsi que le soutient MmeB..., entre le 27 octobre 2009 et la date de consolidation de son état de sante avec un déficit fonctionnel permanent à 16 %, elle a nécessairement subi une nouvelle période d'incapacité temporaire partielle, bien que les experts n'aient pas fait mention de cette période. Ainsi qu'il a été ci-dessus, l'état de santé de la requérante doit être regardé comme consolidé au 26 octobre 2009 sur le plan cardiovasculaire et au 7 novembre 2012 sur le plan psychiatrique. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme B...du fait de ces périodes en l'évaluant à 5 600 euros dont 4 480 euros doivent être mis à la charge de l'ONIAM et 1 120 euros doivent être mis à la charge du centre hospitalier.

S'agissant du déficit fonctionnel permanent :

23. Ainsi qu'il a été dit plus haut au point 11, le déficit fonctionnel permanent lié aux pathologies dont Mme B...reste atteinte du fait de l'accident médical du 27 novembre 2008 doit être évalué à 16 %. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en fixant à 23 000 euros le montant de l'indemnité destinée à le réparer, dont 18 400 euros à la charge de l'ONIAM et 4 600 euros à la charge du centre hospitalier.

S'agissant du préjudice esthétique :

24. Il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise susmentionnée que pendant un an et deux mois, la requérante a dû prendre un traitement anti-agrégant entrainant des hématomes au moindre contact. Il y a lieu d'évaluer à 200 euros le montant de l'indemnité destinée à réparer le préjudice esthétique temporaire, estimé par les experts à 2 sur une échelle de 1 à 7. L'ONIAM supportera 160 euros au titre de ce préjudice et le centre hospitalier 40 euros. Il résulte de l'instruction que la requérante ne subit pas de préjudice esthétique permanent.

S'agissant des souffrances endurées :

25. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise susmentionnée, que les souffrances endurées par MmeB..., qui a été hospitalisée à plusieurs reprises et a dû subir plusieurs examens médicaux et une angioplastie, peuvent être estimées à 4 sur une échelle de 1 à 7. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en allouant à Mme B...une indemnité de 7 000 euros, dont 5 600 euros à la charge de l'ONIAM et 1 400 euros à la charge du centre hospitalier.

S'agissant des autres préjudices invoqués :

26. Il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise, que MmeB..., du fait de son état psychiatrique, souffre d'un isolement social et d'une crainte d'accident vasculaire qui l'empêchent de pratiquer des activités sportives de loisir et ont un retentissement sur sa vie sexuelle. Il sera fait une juste appréciation en lui allouant à ce titre une indemnité de 2 500 euros, dont 2 000 euros à la charge de l'ONIAM et 500 euros à la charge du centre hospitalier.

27. Il ne résulte en revanche d'aucun élément de l'instruction que les pathologies dont Mme B...reste atteinte du fait de l'accident médical du 27 novembre 2008 entraineraient par elles-mêmes un risque spécifique en cas de grossesse. Mme B...n'est donc pas fondée à demander une indemnisation à ce titre.

28. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...peut prétendre à une indemnisation totale de 41 310 euros, que la réparation qui doit être mise à la charge de l'ONIAM s'élève à 32 248 euros et que celle qui doit être à la charge du centre hospitalier s'élève à 6 496,83 euros auxquels s'ajoute la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion en ce qui concerne la CPAM et à 9 062 euros en ce qui concerne Mme B....

En ce qui concerne les intérêts :

29. La caisse primaire d'assurance maladie du Tarn a droit aux intérêts de la somme de 9 062 euros à compter du 26 octobre 2011, date à laquelle elle a présenté son recours devant le tribunal administratif.

Sur les dépens :

30. Il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée en référé, liquidés et taxés à la somme de 1 200 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Toulouse, à hauteur de 80 %, soit 960 euros, à la charge de l'ONIAM et à hauteur de 20 %, soit 240 euros, à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

31. Il ne peut être mis à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance vis-à-vis de MmeB..., le versement à son avocat d'une somme au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de MmeB..., bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, une somme au titre des frais d'instance exposés par le centre hospitalier universitaire de Toulouse et non compris dans les dépens. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse la somme que demande la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1103568 du 9 avril 2015 du tribunal administratif de Toulouse est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn.

Article 2 : Le centre hospitalier universitaire de Toulouse est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Tarn une somme de 6 496,83 euros en remboursement de ses débours, avec intérêts à compter du 26 octobre 2011, ainsi que la somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 3 : L'ONIAM est condamné à verser à Mme B...une somme de 32 248 euros en réparation des conséquences de l'accident médical du 27 novembre 2008.

Article 4 : La somme que le centre hospitalier universitaire de Toulouse a été condamné à verser à Mme B...par le jugement du 9 avril 2015 visé à l'article 1er ci-dessus est réduite à 9 062 euros.

Article 5 : Les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, liquidés et taxés à la somme de 1 200 euros, sont mis à la charge de l'ONIAM à hauteur de 960 euros et du centre hospitalier universitaire de Toulouse à hauteur de 240 euros.

Article 6 : Le jugement n° 1103568 du 9 avril 2015 du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 3, 4 et 5 du présent arrêt.

Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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N° 15BX01889


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