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24/01/2017 | FRANCE | N°14BX00280

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre - formation à 3, 24 janvier 2017, 14BX00280


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...et la caisse primaire d'assurance maladie du Gers ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la compagnie Axa France Iard à verser à Mme C... une indemnité globale de 44 797,61 euros en réparation des préjudices résultant de l'intervention chirurgicale subie par elle au centre hospitalier universitaire de Toulouse le 22 juillet 2000 et à la caisse primaire une somme de 152 018,86 euros au titre de ses débours, assortie des intérêts à compter du 20 avril 2010.

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n jugement n° 1003381 du 5 décembre 2013, le tribunal administratif de Toulouse ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...et la caisse primaire d'assurance maladie du Gers ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la compagnie Axa France Iard à verser à Mme C... une indemnité globale de 44 797,61 euros en réparation des préjudices résultant de l'intervention chirurgicale subie par elle au centre hospitalier universitaire de Toulouse le 22 juillet 2000 et à la caisse primaire une somme de 152 018,86 euros au titre de ses débours, assortie des intérêts à compter du 20 avril 2010.

Par un jugement n° 1003381 du 5 décembre 2013, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la société Axa France Iard à verser, d'une part, à Mme C...la somme de

19 500 euros, sous réserve des sommes déjà perçues et, d'autre part, à la caisse primaire d'assurance maladie du Gers la somme de 60 218,52 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2010.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 janvier 2014 et des pièces nouvelles enregistrées le 21 mars 2014, MmeC..., représentée par la SCP Seguy Daudigeos-Laborde, avocats, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 décembre 2013 en ce qu'il a limité à 19 500 euros le montant de l'indemnité devant lui être accordée ;

2°) de condamner la société Axa France Iard à lui payer la somme de 68 000 euros en réparation de son préjudice corporel, sous réserve des sommes déjà versées ;

3°) de mettre à la charge de la société Axa France Iard la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires enregistrés les 22 octobre 2014 et 27 janvier 2015, le centre hospitalier universitaire de Toulouse et la société Axa France Iard, représentés par MeA..., concluent au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement et à ce que soit ordonné une expertise ou, subsidiairement, à la réduction des prétentions de la requérante et de la caisse primaire d'assurance maladie du Gers.

Par un mémoire enregistré le 27 novembre 2014, Mme C...et la caisse primaire d'assurance maladie du Gers concluent aux mêmes fins que la requête et, en outre, au rejet de l'appel incident et à ce que soit mise à la charge de la société Axa France Iard une somme de 1 500 euros à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Gers en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un arrêt n° 14BX00280 du 12 juillet 2016, la cour a décidé, avant de statuer sur les conclusions des parties, de prescrire une expertise.

L'expert a déposé son rapport le 30 septembre 2016.

Par un mémoire enregistré le 25 novembre 2016, MmeC..., représentée par la SCP Seguy Daudigeos-Laborde, avocats, conclut aux mêmes fins que dans sa requête en ramenant le montant de ses conclusions indemnitaires à 56 800 euros.

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Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- l'ordonnance du 11 octobre 2016, par laquelle le président de la cour a taxé les frais de l'expertise réalisée par le docteur Jean-Pierre Facchini.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Par décision du 7 novembre 2016, le président de la cour a désigné M. E...

Delvolvé pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Elisabeth Jayat,

- les conclusions de M. Philippe Delvolvé, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant le centre hospitalier universitaire de Toulouse.

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., alors âgée de 49 ans, qui souffre depuis l'enfance de poliomyélite et qui portait une prothèse de hanche gauche, a été hospitalisée le 22 juillet 2000 au centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse à la suite d'une chute et a subi le 28 juillet suivant une intervention de remplacement de la prothèse de hanche avec greffe osseuse. Une infection par staphylocoque doré a nécessité une reprise chirurgicale, le 11 août 2000, avec lavage de la prothèse et traitement par antibiothérapie. A la suite d'une luxation, survenue le 25 septembre 2000, Mme C...a été de nouveau hospitalisée en vue de la réduction de la luxation. Une nouvelle luxation, le 9 octobre 2000, a justifié un remplacement du cotyle réalisé le 15 novembre 2000. Au mois de décembre 2000, Mme C...a subi une nouvelle hospitalisation du fait d'une pneumopathie due au traitement antibiotique qui lui était prescrit. A la fin de l'année 2002, une nouvelle infection a été constatée et a conduit à l'ablation de la prothèse de hanche le 21 janvier 2003.

2. MmeC..., qui estime son préjudice à 56 800 euros dans le dernier état de ses écritures, relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 décembre 2013 en tant qu'il a condamné la société Axa France Iard, assureur du CHU de Toulouse, à lui verser une indemnité limitée à 19 500 euros. Par la voie de l'appel incident, la société Axa France Iard et le CHU de Toulouse demandent l'annulation du jugement et qu'une expertise soit ordonnée ou, subsidiairement, la réduction des prétentions de Mme C...et de la caisse primaire d'assurance maladie du Gers. Celle-ci, ainsi que MmeC..., concluent au rejet de l'appel incident. Par un arrêt du 12 juillet 2016, la cour a écarté les fins de non-recevoir opposées à la requête d'appel et a admis la recevabilité de la demande de première instance, a retenu la responsabilité du CHU de Toulouse pour faute dans l'organisation et le fonctionnement du service public hospitalier du fait de l'infection contractée le 28 juillet 2000 et a ordonné une expertise en vue de déterminer l'origine des luxations et autres troubles survenus entre les mois de septembre et novembre 2000, l'origine de l'infection constatée à la fin de l'année 2002 et l'étendue des préjudices subis par MmeC.... L'expert a déposé son rapport le 30 septembre 2016.

Sur la responsabilité du CHU de Toulouse :

3. Ainsi qu'il vient d'être dit, la cour, par arrêt du 12 juillet 2016 a jugé que l'infection par staphylocoque contractée le 28 juillet 2000 était imputable à une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service, ainsi que l'avaient admis les premiers juges.

4. S'agissant des deux luxations, survenues les 25 septembre et 9 octobre 2000, il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise ordonnée par la cour, qu'elles sont dues à la verticalité du cotyle mis en place le 28 juillet 2000, qui n'a pas été posé conformément aux règles de l'art, de façon à obtenir l'inclinaison nécessaire à la stabilité de la prothèse. Ces luxations sont donc imputables à une faute médicale de nature à engager la responsabilité de l'établissement vis-à-vis de MmeC..., contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif.

5. S'agissant de la pneumopathie dont Mme C...a été atteinte au mois de décembre 2000, il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise ordonnée le 12 juillet 2016, qu'elle est consécutive au traitement par antibiothérapie qui a été nécessaire à la suite de l'intervention chirurgicale du 15 novembre 2000 en vue du remplacement du cotyle. Cette pathologie doit par suite être regardée comme également imputable à la faute médicale qui a nécessité le remplacement du cotyle.

6. S'agissant, enfin, de l'infection par staphylocoque doré constatée à la fin de l'année 2002 et qui a conduit à l'ablation de la prothèse, l'expert désigné à la suite de l'arrêt de la cour du 12 juillet 2016 évoque un possible effet systémique indésirable d'un traitement par corticoïdes mais relève que la littérature médicale fait état, s'agissant de ce type de traitements, de troubles du métabolisme osseux mais pas de descellement de prothèses articulaires. Il en conclut, après avoir relevé que le germe dont la présence a été constatée en 2002 est très certainement le même que celui constaté en 2000 et qu'il n'y avait pas eu de nouvelle effraction cutanée entre les deux épisodes infectieux, que le descellement de la prothèse ayant entrainé l'ablation de celle-ci est dû " selon toute vraisemblance " à une récidive de l'infection de juillet 2000. En l'absence de tout élément permettant de contredire sérieusement ces données, il y a lieu d'estimer que l'infection constatée en 2002 a pour origine directe l'introduction accidentelle de germes microbiens, lors de l'intervention du 28 juillet 2000, dans l'organisme de la patiente, comme l'ont estimé les premiers juges. Cette infection révèle une faute dans l'organisation et le fonctionnement du service de nature à engager la responsabilité du CHU.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des dépenses de santé :

7. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la société Axa France Iard et le CHU de Toulouse ne sont pas fondés à contester la responsabilité du CHU retenue par le tribunal administratif à raison du second épisode d'infection nosocomiale dont a été victime Mme C.... Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'hospitalisation du 8 au 22 août 2000 est justifiée par les soins destinés à remédier à l'infection contractée le 28 juillet 2000, que celle du 11 au 15 décembre 2000 est liée au traitement de la pneumopathie due à l'antibiothérapie prescrite à la patiente et que celle du 18 janvier au 27 février 2003 est due à la nécessité de procéder à l'ablation de la prothèse descellée à la suite du second épisode infectieux. Le CHU et son assureur ne sont, dès lors, pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a condamné la société Axa France Iard à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Gers la somme de 60 218,52 euros correspondant à ses débours liés à cette infection.

S'agissant des frais d'assistance par une tierce personne :

8. Lorsque, au nombre des conséquences dommageables d'un accident engageant la responsabilité d'une personne publique, figure la nécessité pour la victime de recourir à l'assistance d'une tierce personne à domicile pour les actes de la vie courante, la circonstance que cette assistance serait assurée par un membre de sa famille est, par elle-même, sans incidence sur le droit de la victime à en être indemnisée. Ainsi, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la circonstance que MmeC..., qui soutient avoir été assistée par des proches, ne puisse pas justifier avoir exposé des frais au titre de l'assistance d'une tierce personne ne fait pas, par elle-même, obstacle à son droit à indemnisation à ce titre.

9. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise réalisée le 31 mars 2008 par un expert désigné par le tribunal de grande instance de Toulouse, initialement saisi par Mme C..., que l'assistance d'une tierce personne a été nécessaire à 50 % du 23 août au 25 septembre 2000, du 30 septembre au 13 novembre 2000 et du 29 novembre au 10 décembre 2000, soit pendant environ trois mois, à 30 % du 16 décembre 2000 au 17 janvier 2003, soit pendant vingt-cinq mois, et à 20 % du 28 février 2003 au 2 novembre 2004, soit pendant environ vingt mois. Eu égard au salaire minimum interprofessionnel de croissance mensuel et aux taux retenus par l'expert qui ne sont pas sérieusement contestés, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en condamnant la société Axa France Iard à verser à Mme C...une somme de 13 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

S'agissant des préjudices temporaires :

10. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise ordonnée par la cour, que Mme C...a subi, du fait de l'infection nosocomiale et de la faute médicale dont elle a été victime, un déficit fonctionnel temporaire total durant les périodes pendant lesquelles elle a été hospitalisée, du 8 au 22 août 2000 pour le traitement du premier épisode infectieux, du 26 au 29 septembre 2000 pour traiter la première luxation de sa prothèse, du 14 au 28 novembre 2000 pour le remplacement du cotyle posé en méconnaissance des règles de l'art, du 11 au 15 décembre 2000 pour le traitement de la pneumopathie liée à l'antibiothérapie prescrite et du 18 janvier au 27 février 2003 pour l'ablation de la prothèse. Il résulte également de l'instruction et notamment de cette expertise que Mme C...a subi un déficit fonctionnel temporaire partiel, d'une part, de 50 % du 23 août au 25 septembre 2000, puis quelques jours lors des deux luxations dont elle a été victime et du 29 novembre au 10 décembre 2000, soit pendant environ un mois et demi et, d'autre part, de 25 % du 16 décembre 2000 au 17 janvier 2003 et du 28 février 2003 au 2 novembre 2004, date de la consolidation de son état de santé, soit pendant environ trois ans et dix mois. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en fixant à 6 200 euros la somme destinée à sa réparation.

S'agissant des préjudices permanents :

11. Les complications dont Mme C...a été victime ont occasionné cinq hospitalisations et plusieurs interventions chirurgicales. L'expert désigné par le tribunal de grande instance a évalué les souffrances endurées à 4,5 sur une échelle de 7 et l'expert désigné par la cour a évalué ces souffrances à 4 sur une échelle de 7. Dans ces circonstances, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en allouant à Mme C...une somme de 8 000 euros à ce titre. Il sera fait une juste appréciation du préjudice esthétique subi par MmeC..., évalué par l'expert à 1 sur une échelle de 7, en lui allouant une indemnité de 800 euros à ce titre.

12. Enfin, il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise ordonnée par la cour, que le déficit fonctionnel permanent dont Mme C...reste atteinte après consolidation de son état de santé, le 2 novembre 2004, et qui est imputable aux complications dont elle a été victime, doit être évalué à 12 %, taux retenu tant par l'expert désigné par la cour que par celui désigné par le tribunal de grande instance. L'expertise réalisée en 2004, antérieurement à la date de consolidation de l'état de santé de MmeC..., qui retient un taux de 5 %, n'est pas de nature à remettre en cause l'évaluation de l'incapacité faite par les deux experts mentionnés ci-dessus en 2008 et en 2016. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par elle de ce fait en fixant à 15 000 euros la somme qui lui sera allouée à ce titre.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...est fondée à demander que la somme que la société Axa France Iard a été condamnée à lui verser soit portée à 43 000 euros et que la société Axa France Iard et le CHU de Toulouse ne sont pas fondés à demander l'annulation ou la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a condamné la société Axa France Iard à indemniser Mme C...et la caisse primaire d'assurance maladie.

Sur l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Axa France Iard les sommes de 1 500 euros au titre des frais d'instance exposés par Mme C..., d'une part, et par la caisse primaire d'assurance maladie du Gers, d'autre part, et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme C...le versement au CHU de Toulouse et à son assureur de la somme que ceux-ci demandent sur le même fondement.

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de la société Axa France Iard et du CHU de Toulouse les frais de l'expertise décidée par arrêt de la cour du 12 juillet 2016, liquidés et taxés à la somme de 600 euros TTC.

DECIDE :

Article 1er : La somme que la société Axa France Iard a été condamnée à verser à Mme C...en qualité d'assureur du centre hospitalier universitaire de Toulouse est portée à 43 000 euros.

Article 2 : La société Axa France Iard versera à Mme C...et à la caisse primaire d'assurance maladie du Gers une somme de 1 500 euros chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 600 euros TTC, sont mis à la charge solidaire du centre hospitalier universitaire de Toulouse et de la société Axa France Iard.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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N° 14BX00280


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