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03/01/2017 | FRANCE | N°14BX01803

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 03 janvier 2017, 14BX01803


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la condamnation solidaire du centre départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Gironde et du docteur F...à lui verser la somme de 12 000 euros en réparation du préjudice qui lui a été causé par l'opération de secours du 3 août 2004.

Par un jugement n° 0804692 du 31 mars 2010, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

M. D... E...a formé appel contre ce jugement par une requête enregistrée au greffe de

la cour le 8 juin 2010.

Par un arrêt n° 10BX01372 du 17 février 2011 la cour administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux la condamnation solidaire du centre départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Gironde et du docteur F...à lui verser la somme de 12 000 euros en réparation du préjudice qui lui a été causé par l'opération de secours du 3 août 2004.

Par un jugement n° 0804692 du 31 mars 2010, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

M. D... E...a formé appel contre ce jugement par une requête enregistrée au greffe de la cour le 8 juin 2010.

Par un arrêt n° 10BX01372 du 17 février 2011 la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 31 mars 2010 en tant qu'il n'a pas décliné sa compétence sur les conclusions de la demande de M. E...dirigées contre M.F..., a renvoyé ces conclusions au tribunal des conflits, a sursis à statuer sur les conclusions de M. E...dirigées contre M.F..., a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. E...et de sa demande devant le tribunal administratif, ainsi que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie, et a mis à la charge de M. E...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une décision n° 348483 du 12 juin 2014, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé les articles 4 et 5 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux rejetant le surplus des conclusions de la requête de M. E...et de sa demande devant le tribunal administratif, ainsi que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, et condamnant M. E...à verser 1 500 euros au SDIS de la Gironde, et lui a renvoyé l'affaire.

Par une ordonnance n° 4061 du 9 mai 2016, le tribunal des conflits a décidé que la juridiction de l'ordre administratif était compétente pour connaître des conclusions de M. E... tendant à la condamnation de M.F..., a déclaré nul et non avenu l'arrêt de la cour du 17 février 2011 en tant qu'il a déclaré la juridiction administrative incompétente pour connaître des conclusions de la demande de M. E...dirigées contre M.F..., et a renvoyé la cause et les parties devant la cour.

Procédure devant la cour :

Par des mémoires enregistrés le 5 septembre 2014, 15 octobre 2015 et 7 novembre 2016, M.E..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0804692 du 31 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ;

2°) de condamner solidairement le docteur F...et le centre départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Gironde à lui verser la somme de 11 000 euros en réparation des conséquences dommageables de l'opération de secours du 3 août 2004, et la somme de 8 000 euros au titre de la résistance abusive, avec intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2006, assortis de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge solidairement des mêmes parties la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative.

Il soutient que :

- le rapport de l'expert a été écarté à tort par le tribunal administratif, dès lors que rien ne vient contredire ses constatations objectives ;

- le tribunal administratif a renversé la charge de la preuve en ne recherchant pas si le médecin apportait la preuve de l'absence de faute ;

- le médecin a négligé d'effectuer ou de préconiser une exploration en milieu chirurgical qui s'est révélée indispensable ;

- il a mal apprécié la gravité de la blessure et par suite a manqué à son obligation de dispenser des soins attentifs et consciencieux ;

- aucune exploration de la plaie n'a été effectuée ;

- aucun suivi du patient n'a été effectué, ce qui constitue une faute au regard de ses obligations normales de médecin ;

- l'intervention en urgence ne dispense pas de l'obligation d'information ;

- aucune expertise n'est nécessaire ;

- le médecin pompier est responsable dans les mêmes conditions qu'un praticien libéral, et le SDIS doit en supporter les conséquences ;

- il n'a tenté de justifier son intervention qu'à posteriori ;

- il n'est pas établi que le corps étranger ne pouvait être repéré lors de l'intervention initiale ;

- le médecin affirme de manière fallacieuse avoir proposé un rendez-vous de suivi qui n'aurait pas été honoré ;

- aucune information n'a été délivrée au patient ni en cours ni après l'intervention ;

- les désordres constatés sont entièrement imputables à la faute commise par le médecin lors de l'intervention en urgence ;

- il a droit à l'indemnisation de son incapacité temporaire totale, du préjudice d'agrément, du pretium doloris, et de la résistance abusive des défendeurs.

Par des mémoires, enregistrés le 23 septembre 2014 et le 23 janvier 2015, la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, représentée par MeA..., conclut à la condamnation du service départemental d'incendie et de secours à lui verser 1 956,77 euros au titre des prestations déjà versées, 652,25 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge du SDIS au titre de l'article L.761-1 du code justice administrative.

Elle fait valoir qu'elle dispose d'un recours subrogatoire sur les sommes versées à la victime.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 2 juin 2015 et le 4 janvier 2016, le service départemental d'incendie et de secours de la Gironde et M. F..., représentés par Me C..., concluent au rejet de la requête de M. E...et du recours de la caisse primaire d'assurance maladie et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de M. E...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- le recours de la CPAM constitue un appel tardif et par suite irrecevable ;

- l'exploration de la blessure a bien été effectuée ;

- l'échographie ultérieure n'a pas révélé la présence du corps étranger ;

- il a bien été donné à l'entourage les recommandations quant à la suite à donner à l'intervention ;

- le contexte d'urgence fait obstacle à la délivrance de l'information préalable normale ;

- le médecin a bien accepté de recevoir le blessé, qui n'a pas donné suite ;

- le SDIS n'a aucune obligation de soin de suite ;

- l'accident a son origine dans l'imprudence de la victime ;

- seule l'aggravation résultant de l'abcès pourrait être mis à la charge du SDIS ;

- les indemnités demandées sont excessives.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Antoine Bec,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de MeH..., représentant M.E....

Considérant ce qui suit :

1. Le 3 août 2004, M. E...a été victime d'une chute de vélo qui a conduit le docteurF..., médecin du SDIS, à procéder sur place à la suture de la blessure.

La plaie suturée étant devenue douloureuse, M. E...a du être opéré le 9 août 2004 d'un abcès infectieux qui s'était formé dans la plaie.

Il a recherché la responsabilité du SDIS de la Gironde et de M. F...devant le tribunal administratif de Bordeaux, qui a regardé les conclusions de M. E...comme exclusivement dirigées contre le SDIS, et les a rejeté en considérant que le SDIS n'avait pas commis de faute.

Par un arrêt du n° 10BX01372 du 17 février 2011 la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 31 mars 2010 en tant qu'il n'a pas décliné sa compétence sur les conclusions de la demande de M. E...dirigées contre M.F..., a renvoyé ces conclusions au tribunal des conflits, a sursis à statuer sur les conclusions de M. E...dirigées contre M.F..., a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. E...et de sa demande devant le tribunal administratif, ainsi que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie.

Le conseil d'Etat ayant annulé les articles 4 et 5 de l'arrêt n° 10BX01372, et le tribunal des conflits ayant déclaré nul et non avenu cet arrêt en tant qu'il a déclaré la juridiction administrative incompétente pour connaître des conclusions de la demande de M. E...dirigées contre M.F..., la cour demeure saisie de ces conclusions sur lesquelles elle avait sursis à statuer dans son arrêt 10BX01372, ainsi que des conclusions et moyens repris dans l'instance n° 14BX01803 ouverte à la suite des annulations et des renvois décidés par le conseil d'Etat et le tribunal des conflits.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir opposées par le SDIS et M. F... ;

Sur la responsabilité du service départemental d'incendie et de secours de la Gironde :

2. La présence dans la plaie de fragments textiles n'a été révélée que par la formation d'un abcès et sa résorption en milieu hospitalier, à l'occasion duquel ils ont été retirés, et que les examens, radiologique et par échographie, pratiqués avant l'intervention, n'avaient pas permis de détecter. Ils ne sauraient donc révéler ni une insuffisance d'investigation de la plaie, qui ne ressort que des affirmations de la victime, ni un défaut d'asepsie que la seule présence de streptocoques, constatée lors de l'intervention chirurgicale, ne permet pas d'imputer nécessairement à l'intervention du SDIS. Ainsi les manquements à des soins éclairés, diligents et consciencieux ne sont pas établis. Par suite le moyen tiré de la faute qu'aurait commise le SDIS dans le traitement de la blessure de M. E...doit être écarté.

3. La blessure de M. E...a provoqué une hémorragie qu'il était nécessaire de juguler rapidement en suturant la plaie. Dès lors qu'il ne ressort pas de l'instruction que les investigations de la plaie et son asepsie avant de la refermer auraient été impossibles sur place, et que les fragments textiles pouvaient être décelés par radiographie ou par échographie, la décision de soigner M. E...sur place ne saurait être regardée comme une faute de nature à engager la responsabilité du SDIS.

4. L'intervention du SDIS se limite aux soins d'urgence et ne s'étend pas aux soins de suite, pour lesquels il appartient à la victime de consulter le praticien de son choix, y compris en cas de complications liées à l'intervention initiale. Le médecin étant en l'espèce intervenu pour dispenser des soins d'urgence en qualité de médecin capitaine des sapeurs-pompiers, ses obligations en tant que praticien libéral ne lui imposaient donc pas de poursuivre le suivi du blessé postérieurement à l'intervention. Dès lors, les conditions dans lesquelles le médecin du SDIS aurait ou non accepté de revoir M. E...ne sont pas de nature à constituer une faute susceptible d'engager la responsabilité du SDIS. Par suite le moyen tiré de la faute constituée par l'insuffisance ou l'absence de soins de suite doit être écarté.

5. Si l'article L. 1111-2 du code de la santé publique prévoit que toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé, ainsi que sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention mises en oeuvre, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, et les risques qu'ils comportent, un manquement à cette obligation d'information ne constitue pas une faute de nature à engager la responsabilité du SDIS dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, sans que le patient ne dispose d'une possibilité raisonnable de refus. En l'espèce la nature hémorragique de la blessure de M. E...requérait une intervention rapide, dépourvue d'alternative qui aurait permis d'éviter les complications qui se sont manifestées ultérieurement. Par suite le moyen tiré de l'absence d'information doit être écarté.

Sur la responsabilité de M.F... :

6. Pour demander réparation à M. F...des conséquences dommageables de son intervention pratiquée le 3 aout 2014, M. E...se fonde sur les fautes commises par M. F... en sa qualité de praticien auprès du SDIS de la Gironde.

Les manquements reprochés à M. F...ne pouvant être regardés comme des fautes personnelles détachables du service, ne sauraient en conséquence engager que la seule responsabilité du SDIS.

7. Il résulte de ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre le SDIS de la Gironde.

Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris :

8. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris tendant à la condamnation du SDIS de la Gironde à lui rembourser les débours exposés pour le compte de M. E...à la suite de l'accident survenu le 3 août 2004 doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Le Service départemental d'incendie et de secours de la Gironde n'étant pas, dans la présente instance, la partie qui succombe, les conclusions tendant à ce que soit mis à sa charge des sommes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... les sommes de 1500 euros à verser au SDIS d'une part, à M. F...d'autre part, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes n° 10BX01372 et n° 14BX01803 de M. E... et le recours de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris sont rejetés.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : M. E... versera au Service départemental d'incendie et de secours de la Gironde et à M.F..., chacun, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E..., au Service départemental d'incendie et de secours de la Gironde, à la Caisse primaire d'assurance maladie de Paris et à M. G... F....

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Antoine Bec, président-assesseur,

M. Pierre Bentolila, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 3 janvier 2017.

Le rapporteur,

Antoine BecLe président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

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N°s 10BX01372, 14BX01803


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14BX01803
Date de la décision : 03/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Antoine BEC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SELARL BOSSU et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-01-03;14bx01803 ?
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