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03/01/2017 | FRANCE | N°14BX01681

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 03 janvier 2017, 14BX01681


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La " Fédération départementale des associations ADMR du Lot " a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de la délibération du conseil général du Lot du 27 septembre 2010 relative à la société d'économie mixte locale "entreprise publique locale du Lot de l'aide à domicile" et de condamner le département du Lot à lui verser la somme de 1 273 333 euros en réparation du préjudice causé par cette délibération.

Par un jugement n°s 1003612, 1003613, 1004573 du 8 avril 2014, l

e tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La " Fédération départementale des associations ADMR du Lot " a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de la délibération du conseil général du Lot du 27 septembre 2010 relative à la société d'économie mixte locale "entreprise publique locale du Lot de l'aide à domicile" et de condamner le département du Lot à lui verser la somme de 1 273 333 euros en réparation du préjudice causé par cette délibération.

Par un jugement n°s 1003612, 1003613, 1004573 du 8 avril 2014, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juin 2014, et des mémoires en date du 18 juin 2015 et du 24 mars 2016, la " Fédération départementale des Associations ADMR du Lot ", représentée par la Société d'avocats Alcya Conseil demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1003612,1003613,1004573 du 8 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil général du Lot du 27 septembre 2010 et à la condamnation du département du Lot à lui verser la somme de 1 273 333 euros en réparation du préjudice causé par cette délibération ;

2°) d'annuler la délibération du 27 septembre 2010 ;

3°) d'enjoindre au conseil général d'organiser une mise en concurrence dès lors qu'il entend confier la gestion d'un service public d'aide à domicile à un organisme tiers ;

4°) d'interdire à la SEM " Lot à domicile " d'exercer son activité de service public ;

5°) de condamner le département du Lot à lui verser la somme de 906 332 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice financier et 100 000 euros au titre de l'indemnisation liée à l'atteinte à la réputation et à l'image de marque du réseau ADMR ;

6°) de mettre à la charge du département du Lot la somme de 50 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens ;

Elle soutient que :

- les conditions de mise en oeuvre de l'exception " in house " ne sont pas réunies, car la SEML créée par le département, comporte des capitaux privées, et sa forme sociale comme son actionnariat s'oppose à l'établissement d'un contrôle analogue à celui que le département a sur ses propres services ;

- le département a créé un service public d'aide à domicile, qui impliquait une mise en concurrence pour confier cette activité qui constitue bien une activité économique;

- l'information préalable communiquée aux conseillers généraux a été insuffisante et parcellaire, dans des conditions ne leur permettant pas d'avoir une vision d'ensemble du projet, car les indications du rapport de séance ne correspondent pas au rapport adressé initialement aux membres du conseil général ;

- la délibération porte atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie : la création d'un service départemental d'aide à domicile constitue une pratique anticoncurrentielle prohibée dès lors qu'elle se contente de reprendre l'activité préexistante d'associations couvrant l'intégralité du territoire du département après avoir provoqué leur disparition, sans qu'il y ait carence ce qui constitue un abus de position dominante qui vise à s'assurer un monopole par des manoeuvres dolosives conduisant à la disparition des associations et à la reprise de leur activité par la SEM ;

- cette création d'une activité nouvelle ne correspond pas à la nécessité de pallier la carence de l'initiative privée ;

- les deux activités concernent un même marché ;

- la SEML qui constitue bien une entreprise au sens de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne, reçoit un soutien financier qui fausse la concurrence, et constitue une aide d'Etat contraire à la réglementation européenne ;

- le départ d'une partie des associations qu'elle regroupait lui a fait perdre 689.332 euros de cotisations sur l'année 2011 ; elle a dû licencier 18 salariés pour un coût de 217 000 euros ; son préjudice d'image correspond à un montant de 100 000 euros ;

Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er avril 2015 et les 23 février 2015 et 29 juillet 2016, le département du Lot, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la Fédération départementale des associations ADMR du Lot sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 29 février 2016 la clôture d'instruction a été fixée au 29 mars 2016. En conséquence, les mémoires enregistrés après cette date n'ont pas été examinés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité instituant la Communauté européenne ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code du travail ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Antoine Bec,

- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la " fédération départementale des associations ADMR du Lot ", et de MeD..., représentant le département du Lot.

Une note en délibéré a été enregistrée pour la " Fédération départementale des associations ADMR du Lot " le 6 décembre 2016.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre du service de l'allocation personnalisée d'autonomie, le département du Lot a, par délibération du 18 décembre 2009, approuvé le principe de la création d'une société anonyme d'économie mixte locale puis, par délibération du 28 juin 2010, a approuvé les statuts de cette société, dénommée " entreprise publique locale du Lot de l'aide à domicile " et a délégué à sa commission permanente, sur le fondement de l'article L. 3211-2 du code général des collectivités territoriales, l'exercice de sa compétence pour fixer la part de capital du département, approuver la version définitive des statuts et du pacte des actionnaires et désigner ses représentants. Par une troisième délibération du 27 septembre 2010, le conseil général a retiré la délégation de compétence accordée par la délibération du 28 juin 2010 à sa commission permanente, a adopté les dispositions complémentaires, objet de cette délégation, et a approuvé le versement d'une aide exceptionnelle aux associations locales ADMR de Cajarc et Lauzès et d'avances mensuelles sur facturation à la société d'économie mixte locale (SEML) et à la Fédération requérante.

La " Fédération départementale des associations ADMR du Lot " demande à la cour de réformer le jugement n°s 1003612,1003613,1004573 du 8 avril 2014 en ce que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil général du Lot du 27 septembre 2010 et à la condamnation du département du Lot à lui verser la somme de 1 273 333 euros en réparation du préjudice causé par cette délibération.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le département du Lot ;

Sur l'étendue du litige :

2. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a considéré que la délibération du 27 septembre 2010 ayant retiré la délégation de compétences accordée à la commission permanente par la délibération du 28 juin 2010, les conclusions de la " Fédération départementale des associations ADMR du Lot " tendant à l'annulation de cette délégation étaient devenues sans objet, et a rejeté le surplus des conclusions de cette dernière dirigées tant contre cette délibération que contre celle du 27 septembre 2010. Si la " Fédération départementale des associations ADMR du Lot " soutient qu'en ayant demandé l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions, elle doit être regardée comme ayant dirigé son appel contre l'une et l'autre délibération, il est constant que devant la cour, elle n'a, dans le délai d'appel, dirigé de conclusions que contre la délibération du 27 septembre 2010.

Ses conclusions dirigées contre la délibération du 28 juin 2010 sont ainsi tardives et par suite irrecevables.

Sur la légalité de la délibération du 27 septembre 2010 :

3. Si la " Fédération départementale des associations ADMR du Lot " met en doute la mise à disposition effective du rapport préalable par mail, procédé autorisé par l'article L. 3121-19 du code général des collectivités territoriales, il n'établit pas de carence sur ce point en invoquant quatre noms de conseillers élus ultérieurement. La circonstance que des informations complémentaires ont été données en séance ne permet pas de regarder le rapport constitué avant la réunion comme insuffisant. De même l'absence de certains éléments financiers ayant trait aux coûts comparés, au mode de transfert des activités, au budget prévisionnel ou au sort des personnels, ne fait pas obstacle à l'appréciation des conséquences financières de l'opération, dès lors que la délibération du 27 septembre 2010 ne portait que sur la détermination de la part de capital détenue par le département, l'approbation de la version définitive des statuts et du pacte des actionnaires et la désignation des représentants du département et qu'à ce stade, les éléments dont l'absence est invoquée ne pouvaient être anticipés et demeuraient sans influence sur les choix du conseil général.

4. Les dotations budgétaires accordées à la SEML sont la conséquence de la création de la SEML ou des obligations du département en matière de financement de l'ASA, ou sont postérieures à la délibération contestée. Elles ne constituent donc pas des aides qui fausseraient la concurrence et constitueraient une aide d'Etat contraire à la réglementation européenne.

5. Seules les délibérations des 18 décembre 2009 et 28 juin 2010 ont porté sur le principe de la création d'un SEML, qu'elles ont adopté. Elles ne créent pas un service public de l'aide à domicile, lequel résulte de l'application du code de l'action sociale et des familles, mais déterminent le cadre de son exécution en se bornant à appliquer un cadre juridique préexistant. Elles sont par suite dépourvues de portée réglementaire et leur illégalité ne peut être invoquée par voie de l'exception que tant qu'elles ne sont pas devenues définitives. La délibération du 18 décembre 2009, qui n'a pas été attaquée, est devenue définitive, et le rejet par le tribunal administratif des conclusions de la " Fédération départementale des associations ADMR du Lot " dirigées contre la délibération du 28 juin 2010 n'ayant pas fait l'objet d'un appel, est revêtu de l'autorité de chose jugée, qui fait obstacle à ce que soit à nouveau contestée sa légalité.

6. La délibération du 27 septembre 2010 ne portant que sur l'organisation de la SEML, les moyens tirés de la nécessité d'une mise en concurrence, de la mise en oeuvre de l'exception " in house " et de l'abus de position dominante, qui ne visent que le principe de la création de la SEML, et ne peuvent être tirés de l'illégalité des délibérations des 19 décembre 2009 et 28 juin 2010, invoquée par la voie de l'exception, sont ainsi inopérants et doivent par suite être écartés.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

7. En l'absence d'illégalité entachant la délibération contestée, la " Fédération départementale des associations ADMR du Lot " n'est pas fondée à rechercher la responsabilité du département du Lot pour obtenir réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de son intervention.

8. Il résulte de ce qui précède que la " Fédération départementale des associations ADMR du Lot " n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt rejetant la demande de la " Fédération départementale des associations ADMR du Lot " ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au conseil général d'organiser une mise en concurrence, et d'interdire à la SEM " Lot à domicile " d'exercer son activité de service public, doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Le département du Lot n'étant pas, dans la présente instance, la partie qui succombe, les conclusions de la " Fédération départementale des associations ADMR du Lot " tendant à ce qu'il soit mis à sa charge une somme en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la " Fédération départementale des associations ADMR du Lot " à verser au département du Lot la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la " Fédération départementale des associations ADMR du Lot " est rejetée.

Article 2 : La " Fédération départementale des associations ADMR du Lot " versera au département du Lot, la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la " Fédération départementale des associations ADMR du Lot ", au département du Lot, à la société d'économie mixte 3lot aide à domicile3 et à M. C... B....

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Antoine Bec, président-assesseur,

M. Pierre Bentolila, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 3 janvier 2017.

Le rapporteur,

Antoine BecLe président,

Pierre LarroumecLe greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 14BX01681


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14BX01681
Date de la décision : 03/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: M. Antoine BEC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : ALCYACONSEIL ASSOCIATIONS STE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2017-01-03;14bx01681 ?
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