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29/12/2016 | FRANCE | N°14BX02768

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 29 décembre 2016, 14BX02768


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saint-Ybars a recherché devant le tribunal administratif de Toulouse la responsabilité des sociétés Sicre Frères, de l'entreprise Castéras, de M.A..., de M.F..., architecte, du bureau d'études Betem Ingénierie et du contrôleur technique Apave SudEurope dans les désordres survenus depuis la réception de la salle polyvalente communale sur le mur de soutènement du parking, le mur-rideau en verre et les faux plafonds, dont celui du hall d'entrée, de ce bâtiment public.

Par un jugement

n° 1003774 du 24 juillet 2014, le tribunal administratif de Toulouse a :

- cond...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saint-Ybars a recherché devant le tribunal administratif de Toulouse la responsabilité des sociétés Sicre Frères, de l'entreprise Castéras, de M.A..., de M.F..., architecte, du bureau d'études Betem Ingénierie et du contrôleur technique Apave SudEurope dans les désordres survenus depuis la réception de la salle polyvalente communale sur le mur de soutènement du parking, le mur-rideau en verre et les faux plafonds, dont celui du hall d'entrée, de ce bâtiment public.

Par un jugement n° 1003774 du 24 juillet 2014, le tribunal administratif de Toulouse a :

- condamné la société Sicre Frères à verser la somme de 23 164,18 euros à la commune de Saint-Ybars au titre des désordres affectant le mur de soutènement, 20 % de cette somme étant mise, à parts égales, à la charge finale de M. F...et de la société Betem Ingénierie au titre des appels en garantie ;

- condamné conjointement et solidairement les sociétés Apave SudEurope, Betem Ingénierie et MM. A...et F...à verser à la commune la somme de 40 886,60 euros au titre des désordres affectant les faux plafonds, la charge finale de cette somme étant répartie, à concurrence de 75 % pour M.F..., 15 % pour la société Betem Ingénierie et 10 % pour la société Apave,;

- mis les frais d'expertise précédemment liquidés à la somme de 13 998,80 euros, ainsi qu'une somme de 2 000 euros à verser à la commune au titre des frais exposés, à la charge solidaire de M. F...et des sociétés Sicre Frères, Betem Ingénierie et Apave SudEurope, la répartition finale de cette charge étant respectivement fixée à concurrence de 40%, 35%, 15% et 10% du montant global ;

- rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 septembre 2014 et 12 janvier 2015, la société anonyme Betem Ingénierie, représentée par MeD..., demande à la cour, dans le dernier état de ses conclusions :

1°) à titre principal :

- d'annuler le jugement du 24 juillet 2014 du tribunal administratif de Toulouse ;

- de rejeter la demande de la commune de Saint-Ybars ainsi que le recours en garantie de la société Sicre ;

- de condamner in solidum la commune de Saint-Ybars et la société Sicre à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre subsidiaire,

- de réformer le jugement du 24 juillet 2014 du tribunal administratif de Toulouse ;

- de la mettre hors de cause ;

- de condamner M. F...à la relever et à la garantir de la condamnation afférente au désordre affectant le faux plafond ;

- de débouter la société Sicre et toute autre partie d'éventuels recours en garantie dirigé contre elle ;

- de condamner in solidum la commune de Saint-Ybars et la société Sicre à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) à titre infiniment subsidiaire,

- de réformer le jugement du 24 juillet 2014 du tribunal administratif de Toulouse ;

- de limiter le montant de l'indemnisation de la commune à la somme de 3 500 euros au titre du désordre affectant le faux plafond ;

- de condamner M.A..., M. F...et la société Apave SudEurope à la relever et la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

- de condamner in solidum M.A..., M. F...et la société Apave SudEurope à lui verser la somme de 3 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Betem Ingénierie soutient que :

- le tribunal a considéré à tort que l'action de la commune n'était pas prescrite. La demande présentée le 8 juillet 2009 a conduit à la désignation d'un expert en vue notamment de rechercher les causes du fléchissement affectant le faux plafond et non de son effondrement, survenu le 1er novembre 2010 soit plus de dix ans après la réception de l'ouvrage. La seconde action en référé, nécessairement postérieure au sinistre, n'a pu interrompre le délai de prescription décennale qui expirait le 20 septembre 2010 ;

- la commune de Saint-Ybars ne recherchait la responsabilité de la société Betem Ingénierie qu'au titre de l'effondrement du plafond ; or, le " faux plafond " ne relevait pas des lots dont elle avait la charge ; il ne saurait être regardé comme un lot technique dont elle était chargée mais comme un lot architectural ; en tout état de cause, à supposer même qu'elle ne puisse s'exonérer de sa responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage, son cocontractant devrait la garantir de toute part de responsabilité dans la mesure où aucune constatation ne pouvait être effectuée par de simples visites; si l'architecte a fait mention dans les comptes rendus de réunions de chantier de la nécessité de reprendre les faux plafonds, aucune réserve n'a été portée sur ce point lors de la réception de l'ouvrage ; le tribunal ne pouvait donc pas retenir qu'elle aurait dû informer l'architecte, au titre de son devoir de conseil, des défauts dans la mise en oeuvre des faux plafonds, de surcroît en dehors des limites de sa mission ; contrairement à ce qu'affirme l'expert, un sachant n'est pas en mesure de constater les manquements et/ou non conformités aux règles de l'art à l'origine du sinistre, que seule une deuxième expertise judiciaire et des investigations appropriées ont permis de mettre en évidence ;

- les demandes de la commune sont, en toute hypothèse, contestables pour la plupart quant à leur quantum ; il appartenait à la commune d'engager, sur la base des premières préconisations de l'expert, les travaux de reprise nécessaires pour éviter tout sinistre ; or, la commune n'a pas justifié avoir été dans l'impossibilité de faire réaliser ces travaux préalablement à l'effondrement du plafond ; ainsi il n'appartenait pas à la société requérante de supporter l'aggravation éventuelle des conséquences du sinistre postérieurement au dépôt du premier rapport ;

- le tribunal a entaché son jugement d'une contradiction de motifs en excluant la prescription de l'action de la commune, tout en jugeant que celle-ci ne disposait pas des moyens de remédier au sinistre à la date du dépôt du premier rapport de 1'expert, lequel estimait les travaux de reprise à la somme de 3 500 euros hors taxes ; le montant des éventuelles condamnations prononcées à son encontre ne saurait dépasser cette somme, à défaut pour la commune de justifier de son impossibilité de procéder à ces travaux à l'issue du dépôt du premier rapport d'expertise ;

- comme l'a relevé à juste titre le tribunal, la commune ne justifiait en aucune manière de sa demande relative au financement du système de chauffage provisoire, qu'elle n'explicitait ni dans son principe ni dans son étendue, tout comme sa demande consécutive à un prétendu trouble de jouissance La cour devrait confirmer le jugement sur ce point ;

- c'est à tort que le tribunal n'a pas suivi les conclusions de l'expert qui retenait que les causes du sinistre étaient de nature à engager également la responsabilité de M.A..., titulaire du lot plomberie, chauffage, ventilation. Ce dernier, de même que la société Cete Apave SudEurope sur le fondement de la responsabilité pour faute et M. F...et son cotraitant au titre de la responsabilité contractuelle, seront donc condamnés à la garantir de toute condamnation éventuellement prononcée à son encontre ;

- l'article 1792-4-3 du code civil qui, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, prévoit la prescription de l'action en responsabilité contre les constructeurs et leurs sous-traitants dix ans après la réception des travaux fait obstacle à ce que la société Sicre puisse, dans un mémoire enregistré le 6 avril 2012, l'appeler en garantie, soit plus de dix ans après la réception de l'ouvrage prononcée le 20 septembre 2010 ; par ailleurs, la société Sicre ne peut se prévaloir d'aucune interruption du délai de prescription ;

- il appartenait à la société Sicre de rapporter la preuve cumulative de l'existence d'une faute de la maîtrise d'oeuvre, d'un préjudice indemnisable et d'un lien de causalité les unissant ; or, le mur de soutènement du parking a été réalisé par la société Sicre dans le cadre d'un marché séparé qui n'entrait pas dans l'assiette des travaux dont la maîtrise d'oeuvre avait la charge ; aucun visa de la maîtrise d'oeuvre sur cet ouvrage n'a d'ailleurs été produit ; seule la responsabilité de la société Sicre pouvait être engagée, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, dès lors que l'expert a retenu que le désordre affectant ce mur, érigé en parpaings creux et non en béton banché comme le marché le prévoyait, est la conséquence de son mauvais dimensionnement.

Par un mémoire enregistré le 8 décembre 2014 et le 21 octobre 2016, la société par actions simplifiée Apave SudEurope, venant aux droits du Cete Apave SudEurope et représentée par Me I...demande à la cour, par la voie de l'appel incident et provoqué :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a statué sur le désordre afférent au faux plafond, et de rejeter la demande de la commune comme tardive au titre de la garantie décennale, ou subsidiairement infondée à son encontre ;

2°) de rejeter tout recours en garantie de la société Sicre à son encontre en ce qui concerne le mur de soutènement ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner in solidum M.F..., la société Betem Ingénierie et M. A...à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ou, à tout le moins et en application des dispositions de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation, de limiter sa part de responsabilité à 5% ;

4°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Saint-Ybars, de MM. F...et A...et des sociétés Betem Ingénierie et Sicre une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Apave SudEurope fait valoir que :

- la commune ne peut plus rechercher sa responsabilité décennale dès lors que la réception de l'ouvrage est intervenue sans réserve le 20 septembre 2000 et que l'effondrement du faux plafond du hall d'entrée est survenu dans la nuit du 1er au 2 novembre 2010 ;

- sa responsabilité ne peut être engagée au titre des désordres affectant les faux plafonds ; son rôle consistait à émettre des avis dans le cadre de sa participation à la prévention des aléas techniques ressortant de sa mission, conformément à la norme NFP 03-100 et aux dispositions de l'article L.111-24 du code de la construction et de l'habitation ; aucune mission de conception, d'exécution, de direction ou de contrôle du chantier ne lui a été confiée. Le tribunal a jugé que l'effondrement du faux plafond du hall était de nature à rendre l'immeuble impropre à sa destination, ce qui constitue un aléa technique dont elle n'était pas chargée de contribuer à la prévention ; le rapport de l'expert décrit de manière caricaturale le rôle de contrôleur technique ; il est impératif que ce rôle soit limité à l'émission d'avis alors que lui est légalement interdite toute activité de conception, d'exécution, de suivi, de direction ou de surveillance d'un chantier ; le tribunal l'a déclarée responsable du dommage sans démontrer que le désordre lui était imputable et alors que, si les avis et les préconisations qu'elle a émis pendant le chantier avaient été suivis, le dommage aurait pu être évité ; au demeurant, l'expert a dû procéder au démontage du faux plafond pour déterminer les causes du sinistre ; contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, les erreurs d'exécution des finitions des aplombs et des faux plafonds relevées par l'expert n'étaient pas décelables à l'oeil nu par le contrôleur technique ; l'expert a conclu en tout état de cause que ces erreurs d'exécution n'étaient pas à l'origine du sinistre ;

- eu égard aux fautes commises selon l'expert, génératrices de préjudices à son endroit notamment sur le risque de condamnation in solidum du groupement de maîtrise d'oeuvre au profit de la commune, M. F...et les sociétés Betem Ingénierie et A...doivent être condamnés solidairement à la garantir intégralement de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;

- à supposer que la cour considère que l'Apave a une part de responsabilité, en application de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation, elle ne pourra se voir attribuer au maximum qu'une part de responsabilité de 5 %, les 95 % restant devront être supportés par la société Betem Ingénierie, l'EURL A...et M.F... ;

- s'agissant du mur de soutènement, la commune n'a formé aucune demande à son encontre et la société Sicre ne démontre pas une faute du contrôleur dans la mesure où ce mur ne figure sur aucun des documents de chantier qui lui ont été remis. L'appel en garantie de la société Sicre à son encontre ne pourra qu'être rejeté, à l'instar de ce qu'a jugé le tribunal ;

- les premiers juges ont alloué une somme de 1 000 euros en réparation d'une perte de revenus induite par l'indisponibilité de la salle à la suite de l'effondrement du faux plafond, sans que la commune ait produit d'éléments relatifs aux frais fixes et variables, venant en déduction des loyers, auxquels elle doit faire face pour permettre la location de la salle. Faute pour la commune de communiquer tous justificatifs, ce chef de préjudice ne pourra être indemnisé.

Par un mémoire enregistré le 11 décembre 2014, la commune de Saint-Ybars, représentée par MeJ..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Betem Ingénierie d'une somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune fait valoir que :

- la société Betem Ingénierie ne conteste ni le caractère décennal des désordres ni la date de réception de l'ouvrage au 20 septembre 2000 ; le juge des référés du tribunal a été saisi le 8 juillet 2009 d'une demande tendant à la désignation d'un expert chargé de rechercher les causes du désordre affectant le faux plafond du hall d'entrée de la salle municipale et cette expertise a été étendue à la société Betem Ingénierie, à la demande de l'expert, par une ordonnance du 12 novembre 2009 ; l'effondrement de ce faux plafond survenu le 1er novembre 2010 est l'aboutissement d'un phénomène évolutif qui a pris naissance pendant la période de garantie, et dont les solutions de réparation ne pouvaient en définitive qu'être les mêmes avant ou après l'effondrement

- l'expert a fait grief au groupement de maîtrise d'oeuvre constitué de l'architecte et du bureau d'études Betem Ingénierie, et au bureau de contrôle, d'avoir validé la réception du bâtiment alors que certaines règles de construction n'avaient pas été respectées. Ils ne peuvent dans ces conditions s'exonérer de leur responsabilité solidaire, sans qu'importe le fait que leur activité lors du chantier ait été fautive ou non.

- il ne lui appartient pas par ailleurs de s'immiscer dans l'argumentation de l'action récursoire exercée par la société appelante à l'encontre de l'architecte et du constructeur du mur de soutènement.

Par des mémoires enregistrés le 18 décembre 2014 et 24 octobre 2016, M. E...F..., architecte, représenté par la SCP d'avocats DGA, demande à la cour :

1°) à titre principal d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il l'a condamné à réparer les désordres afférents au faux plafond et de rejeter la demande de la commune de Saint-Ybars ;

2°) à titre subsidiaire,

- de réformer le jugement en tant que le tribunal a retenu sa responsabilité à hauteur de 75 % au titre des désordres affectant le plafond et de 10% des désordres affectant le mur se soutènement ;

- de débouter la société Sicre de toutes ses demandes à son encontre s'agissant du désordre relatif au mur de soutènement ;

- de rejeter l'appel en garantie de la société Betem Ingénierie à son encontre ;

3°) à titre infiniment, subsidiaire,

- de condamner in solidum M. A...et les sociétés Betem Ingénierie et Apave SudEurope à le relever et le garantir indemne de toute condamnation ;

- de confirmer le jugement en tant que le tribunal a rejeté le surplus des demandes de la commune.

M. F...soutient que :

- l'action engagée par la commune à la date de l'appel en cause le concernant était prescrite sur le fondement des principes relevant de la responsabilité décennale ; les désordres pour lesquels l'expert avait été missionné en 2009 concernaient le fléchissement du faux plafond du hall d'entrée et non son effondrement survenu plus de dix ans après la réception des travaux ;

- la commune admet que les fautes d'exécution de l'entreprise AMS qui a procédé à la pose du faux plafond sont à l'origine de l'effondrement litigieux ; alors qu'elle disposait de toutes les informations nécessaires pour pouvoir appeler en cause l'assureur décennal de cette entreprise, qui a aujourd'hui cessé toute activité, la commune s'en est abstenue. Il serait dans ces conditions inéquitable de faire porter la charge de la réfection du faux plafond par la maîtrise d'oeuvre et le contrôleur technique du fait de cette négligence de la commune ;

- l'intervention de l'EURL A...en 2007 pour changer les diffuseurs sur le faux plafond a modifié l'état des suspentes et aggravé la situation, ainsi qu'a pu le constater l'expert. La cause essentielle des désordres relève de fautes d'exécution des entreprises, la mission de direction des travaux n'étant sur ce point que très accessoire ; les responsabilités engagées selon les usages ne sauraient dépasser 20 % pour la maîtrise d'oeuvre, dont il conviendra de déduire la part revenant au contrôleur technique, selon la position prise par l'expert ;

- la société Betem Ingénierie a commis une faute en s'abstenant d'alerter l'architecte à la suite du contrôle effectué sur la partie du réseau de ventilation et de chauffage cheminant au dessus du faux plafond ; l'appel en garantie que cette société a formé ne pourra qu'être rejeté ;

- la commune a par ailleurs relevé, tout comme l'expert, que le désordre affectant le mur de soutènement résultait de l'insuffisance du dimensionnement de ce mur réalisé par la société Sicre en méconnaissance des prescriptions du marché qui lui avait été confié ; il est fondé à solliciter le rejet de toute réclamation à cet égard, y compris les appels en garantie, et par suite la réformation du jugement en tant que le tribunal a retenu sa responsabilité dans ce désordre à hauteur de 10 % ; à titre subsidiaire, cependant, si la cour devait en décider autrement, il est prêt à accepter le jugement sur ce point au regard de la mission de direction de travaux, qui n'est pourtant que très accessoire ;

- les préjudices allégués par la commune tenant à la perte de revenus de location de la salle et au financement du système provisoire de chauffage ne sauraient être pris en considération, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal sur ce dernier point, en l'absence de justificatifs.

Par un mémoire enregistré le 26 mai 2015, la société par actions simplifiée Sicre Frères, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il l'a condamnée à l'indemniser des désordres affectant le mur de soutènement et à prendre en charge une partie des condamnations accessoires ;

2°) de rejeter la demande de la commune de Saint-Ybars en la déclarant hors de cause ;

3°) à défaut, de rejeter les demandes de la société Betem Ingénierie et de M. F...tendant à la réformation du jugement en tant que le tribunal les a condamnés à la relever et la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

4°) de condamner in solidum M. F...et la société Betem Ingénierie à la relever et la garantir à hauteur de la moitié de la somme principale de 23 164,18 euros et dans les mêmes proportions des autres condamnations lui incombant au titre des frais d'expertise et des frais irrépétibles ;

5°) de mettre à la charge in solidum de M. F...et de la société Betem Ingénierie la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

La société Sicre soutient que :

- comme en première instance, elle s'en remet à justice sur le moyen tiré de la forclusion de l'action de la commune. Si la recevabilité de l'action de la commune est confirmée, ses appels en garantie le seront nécessairement dès lors qu'ils sont intervenus dans le délai de cinq ans prévu par l'article 2224 du code civil, dont le point de départ est fixé à la date de la notification du mémoire introductif d'instance. Les premiers juges auraient pu également s'appuyer sur l'article 1792-4-1 du code civil qui prévoit également un délai de 10 ans susceptible d'interruption dans le cadre de la recherche de responsabilité d'un constructeur contre un autre constructeur ;

- l'insuffisance de la conception de l'ouvrage et le défaut de contrôle imputable à la maîtrise d'oeuvre que l'expert a relevés justifient que les responsabilités finales soient partagées à parité avec le groupement de maîtrise d'oeuvre, ce qui devrait conduire la cour à réformer le jugement sur ce point ;

- l'argument selon lequel la commune n'avait pas initialement recherché la responsabilité du groupement de maîtrise d'oeuvre s'agissant du désordre concernant le mur de soutènement est inopérant, cette recherche de responsabilité étant naturellement fondée sur le plan délictuel ou quasi-délictuel dès lors qu'elle n'était pas liée contractuellement à ce groupement.

Par un mémoire, enregistré le 16 août 2016, la société Castéras, représentée par la SCP D...et associés, conclut au rejet de la requête de la société Betem Ingénierie, à la confirmation du jugement en ce qu'il a écarté la garantie décennale sur les désordres du mur-rideau en verre, et au rejet de toute demande d'appel en garantie dirigée contre elle.

Elle fait valoir que :

- si l'expert judiciaire a pu noter l'existence de non-conformité au règles de l'art, les défauts d'étanchéité allégués ne sont à l'origine d'aucun désordre de nature décennale ; l'expert a remarqué qu'aucune infiltration n'avait été subie et que l'étanchéité à l'eau était assurée ; si des problèmes d'étanchéité à l'air ont été en revanche relevés, ils n'ont pas été de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ; quant aux désordres affectant les faux plafonds ou le mur, ils sont étrangers aux travaux qui lui étaient confiés ;

Par un mémoire, enregistré le 16 août 2016, l'EURL A...représentée par la SCP D...et associés, conclut au rejet de la requête de la société Betem Ingénierie et au rejet de toute demande d'appel en garantie dirigée contre elle, en relevant que c'est à bon droit que le tribunal, suivant les conclusions du deuxième rapport d'expertise, a estimé que son intervention n'était pas à l'origine des désordres des faux plafonds ; quant aux désordres affectant le mur-rideau ou le mur de soutènement, ils sont étrangers aux travaux qui lui étaient confiés.

Par une ordonnance du 6 septembre 2016, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 octobre 2016 à midi.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel provoqué des sociétés Sicre, Apave SudEurope et F... au cas où leur situation ne serait pas aggravée par la décision sur l'appel principal.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

-le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 1er décembre 2016 :

- le rapport de Mme Cécile Cabanne, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

- les observations de Me G...représentant la Société Betem Ingénierie ;

1. La commune de Saint-Ybars (Ariège) a confié par un acte d'engagement du 29 décembre 1998 la maîtrise d'oeuvre des opérations de construction d'une salle polyvalente à vocation culturelle, musicale et sportive à un groupement solidaire composé de l'architecte Roland F...et de la société Betem Ingénierie. Les sociétés Sicre, AMS, l'entreprise Castéras et M. A...ont été désignés respectivement titulaires des lots n° 1 " Gros oeuvre ", n° 4 " Doublage - cloisons - faux plafonds - isolation ", n° 5 " Menuiseries extérieures - serrurerie " et n° 8 " Plomberie - sanitaire - ventilation - chauffage " de ce marché public, la société Apave SudEurope étant quant à elle chargée du contrôle technique. Après la réception sans réserve de l'ouvrage prononcée le 20 septembre 2000, un désordre affectant le système de chauffage du bâtiment est apparu et a conduit, à l'issue d'une première procédure contentieuse, à la condamnation, par l'arrêt de la cour n° 11BX02757 du 31 décembre 2013 devenu définitif, de M. A... et du groupement de maîtrise d'oeuvre à indemniser la commune sur le fondement de la garantie décennale. D'autres désordres ayant entretemps été constatés en 2009 sur un mur de soutènement, le mur-rideau en verre ceinturant le bâtiment et les faux plafonds de l'entrée et de la salle, un expert a été missionné par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse du 18 août 2009 aux fins notamment de déterminer leur imputabilité, le coût de la remise en état et les préjudices subis. A la suite du dépôt du rapport de l'expert le 8 juin 2010, la commune a recherché devant le tribunal administratif de Toulouse, par un mémoire introductif d'instance enregistré le 10 septembre 2010, la responsabilité des entreprises en charge des travaux sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs. L'effondrement du faux plafond de l'entrée survenu dans la nuit du 1er au 2 novembre 2010 a conduit le juge des référés à ordonner le 30 décembre 2010 la production par l'expert d'un rapport complémentaire, qui a été remis au tribunal le 20 juillet 2011. Par un jugement n° 1003774 du 24 juillet 2014, le tribunal administratif de Toulouse a condamné d'une part la société Sicre à verser la somme de 23 164,18 euros en réparation du désordre affectant le mur de soutènement à la commune de Saint-Ybars, 20 % de cette somme étant mise, à parts égales, à la charge finale de M. F...et de la société Betem Ingénierie au titre des appels en garantie et, d'autre part, les sociétés Apave SudEurope, Betem Ingénierie ainsi que MM. A...et F...à verser conjointement et solidairement à la commune la somme de 40 886,60 euros correspondant aux travaux de reprise des faux plafonds, la charge finale de cette somme étant répartie, au titre des appels en garantie, à concurrence de 75 % pour M.F..., 15 % pour la société Betem Ingénierie et 10 % pour la société Apave SudEurope. Les premiers juges ont en outre mis les frais d'expertise, précédemment liquidés à la somme de 13 998,80 euros, ainsi que les frais irrépétibles à verser à la commune pour un montant de 2 000 euros, à la charge solidaire de M. F... et des sociétés Sicre, Betem Ingénierie et Apave SudEurope, la répartition finale de cette charge, au titre des appels en garantie, étant respectivement fixée à concurrence de 40%, 35%, 15% et 10% du montant global de ces frais. La société Betem Ingénierie relève appel de ce jugement. Les sociétés Apave SudEurope et Sicre et M. F...présentent des conclusions d'appel incident. Elles présentent également des conclusions d'appel provoqué contre la commune de Saint-Ybars et les unes contre les autres.

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne le faux plafond :

S'agissant du délai de la garantie décennale :

2. Aux termes de l'article 1792-4-1 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 : " Toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article ". Selon l'article 1792-4-3 du même code : " En dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux ". Enfin, l'article 2241 du même code prévoit que " la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. ". Il résulte de ces principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres, non apparents ou prévisibles à la réception de l'ouvrage, apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, lorsqu'ils sont de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent la responsabilité des constructeurs, même si ces dommages ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration de ce délai. Cette responsabilité peut notamment être recherchée pour des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage s'ils rendent celui-ci impropre à sa destination.

3. Il résulte de l'instruction que la réception des travaux de la salle polyvalente est intervenue sans réserve le 20 septembre 2000. En raison de désordres affectant les faux plafonds, le mur de soutènement du parking et le mur-rideau en verre qui ceinture le bâtiment sur trois de ses façades, la commune de Saint-Ybars a introduit, le 8 juillet 2009, une requête en référé ayant eu pour effet d'interrompre le délai d'action en garantie décennale à l'encontre de M. F...et de la société Sicre. A compter du 12 novembre 2009, date de la demande complémentaire d'étendre les opérations d'expertise aux sociétés Apave et Betem Ingénierie, le cours du délai de mise en oeuvre de la responsabilité décennale de ces sociétés a également été interrompu. Si la société Betem Ingénierie fait valoir que ces actions n'ont pu être interruptives de prescription dès lors qu'elles ne concernaient que le fléchissement du faux plafond, et non son effondrement intervenu dans la nuit du 1er au 2 novembre 2010, il résulte de l'instruction que les désordres incriminés ont la même origine et présentent un caractère évolutif. Ainsi, l'expert indiquait dans son rapport du 4 juin 2010 que le désordre concernant les faux plafonds " ne peut rester en l'état car le risque d'effondrement existe dans le cas d'une mauvaise utilisation des locaux pendant la période estivale, consécutivement à une climatisation défectueuse " et que ce risque rend en l'état à lui seul " une partie de la salle polyvalente impropre à sa destination. ". Dans ces conditions, quand bien même les désordres affectant le faux plafond ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans, la société Betem Ingénierie n'est pas fondée à soutenir que l'action en responsabilité décennale de la commune serait prescrite.

S'agissant de l'imputabilité :

4. En l'absence de stipulations contraires, les entreprises qui s'engagent conjointement et solidairement envers le maître de l'ouvrage à réaliser une opération de construction, s'engagent conjointement et solidairement non seulement à exécuter les travaux, mais encore à réparer le préjudice subi par le maître de l'ouvrage du fait de manquements dans l'exécution de leurs obligations contractuelles. Un constructeur ne peut échapper à sa responsabilité conjointe et solidaire avec les autres entreprises cocontractantes, au motif qu'il n'a pas réellement participé aux travaux révélant un tel manquement, que si une convention, à laquelle le maître de l'ouvrage est partie, fixe la part qui lui revient dans l'exécution des travaux.

5. M. F...et la société Betem Ingénierie étaient constitués en un groupement de maîtrise d'oeuvre solidaire, ainsi qu'il résulte de l'acte d'engagement signé le 29 décembre 1998 avec la commune de Saint-Ybars. Aucune convention à laquelle le maître d'ouvrage était partie ne prévoyant de répartition des tâches entre les membres du groupement, ceux-ci sont donc responsables, vis-à-vis du maître d'ouvrage, de la totalité des dommages dont l'un au moins des membres du groupement est auteur ou coauteur. Ils sont donc tenus solidairement à l'indemnisation du total des sommes dues individuellement par l'un d'eux, alors même qu'ils ne seraient pas à l'origine du préjudice correspondant. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné la société Betem Ingénierie à indemniser, solidairement avec M. F..., la commune de Saint-Ybars du désordre affectant le faux plafond.

S'agissant des préjudices :

6. La société Betem Ingénierie invoque la nécessité de limiter la réparation des désordres affectant le faux plafond à 3 500 euros hors taxes à défaut pour la commune de Saint-Ybars d'avoir engagé, sur la base des préconisations du premier rapport d'expertise du 4 juin 2011, les travaux de reprise nécessaires pour éviter tout sinistre et de justifier de l'impossibilité de les réaliser. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment du second rapport d'expertise, qu'une réfection limitée, qui n'aurait pas traité la cause des dommages évolutifs, n'aurait pu éviter l'effondrement du faux plafond.

S'agissant des conclusions d'appel en garantie dirigées contre M.F..., M. A...et la société Apave :

7. Il résulte de l'instruction, notamment du second rapport d'expertise, que les désordres affectant les faux plafonds de la salle polyvalente sont imputables à un défaut d'exécution lié à une insuffisance de hauteur du plénum destiné notamment à accueillir les réseaux de climatisation et l'isolation du bâtiment, auquel s'est ajoutée une méconnaissance des règles élémentaires de l'art, notamment du fait de l'absence de système de fixation des plaques du faux plafond, de l'utilisation de chevilles inadaptées, d'un écartement irrégulier des suspentes et d'une mauvaise répartition de la laine de verre.

8. La société Betem Ingénierie soutient, en premier lieu, qu'elle n'a commis aucune faute dans la survenue des désordres litigieux dès lors qu'elle n'était en charge que de lots techniques, M. F..., chargé de lots architecturaux, étant seul responsable de la direction et de la gestion financière du lot " Faux plafond ". Il résulte toutefois de la convention de répartition des missions conclue entre l'architecte et la société Betem Ingénierie qu'incombait à cette dernière l'organisation de trois réunions de contrôle dans l'exécution du lot " Ventilation /Chauffage/ Plomberie/ Sanitaire ". Elle avait donc pour mission de participer au contrôle des ouvrages de ce lot cheminant ou étant situés dans le faux plafond. En ne signalant pas les malfaçons affectant le faux plafond, et alors que certaines gaines de chauffage avaient été supprimées ou arrachées lors de sa réalisation, la société Betem Ingénierie a commis une faute. Ainsi, elle n'est pas fondée à demander à être intégralement garantie par M. F...de la condamnation solidaire prononcée à leur encontre.

9. En deuxième lieu, la société Betem Ingénierie fait valoir que c'est à tort que les premiers juges ont accordé à l'entreprise A...une garantie totale par la maîtrise d'oeuvre et le contrôleur technique de la condamnation solidaire prononcée à leur encontre. Toutefois, si le premier rapport de l'expert mettait en cause dans ce désordre l'intervention en 2007 de l'entreprise A...qui avait procédé au changement des diffuseurs d'air, le second rapport a conclu, ainsi qu'il l'a été dit ci-dessus, à une grave insuffisance d'espace dans le plénum et à un défaut de conception auquel se sont ajoutées des malfaçons grossières dans l'exécution du chantier par l'entreprise titulaire du lot " faux plafond ", laquelle a été liquidée depuis les travaux. Dans ces conditions, aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de l'entreprise chargée des gaines de ventilation.

10. En troisième lieu, si la société Betem Ingénierie demande à être également garantie de toute condamnation par la société Apave SudEurope, ses conclusions sur ce point ne sont assorties d'aucune précision permettant de réformer le partage final retenu par les premiers juges.

En ce qui concerne le mur de soutènement :

11. La société Betem Ingénierie demande l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué qui l'a condamnée à garantir la société Sicre à hauteur de 10 % du montant des travaux de réfection du mur de soutènement au-dessus du parc de stationnement.

12. En premier lieu, les dispositions précitées des articles 1792 et suivants du code civil qui unifient le point de départ de la prescription des garanties contractuelle et décennale, ne concernent que les actions exercées par le maître de l'ouvrage. En revanche, l'appel en garantie exercé par un constructeur contre un autre constructeur sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle demeure régi par l'article 2224 du code civil, aux termes duquel, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. "

13. Le point de départ du délai de prescription prévu par l'article 2224 du code civil correspond à la date à laquelle celui qui appelle en garantie a reçu communication de la mise en cause présentée à son encontre par le maître d'ouvrage devant le tribunal administratif. Il résulte de l'instruction que la demande de la commune de Saint-Ybars a été communiquée à la société Sicre le 8 octobre 2010. Par suite, à la date de l'enregistrement le 6 avril 2012 du mémoire de la société Sicre appelant notamment la société Betem Ingénierie en garantie de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, le délai prévu par l'article 2224 du code civil n'était pas écoulé. Il en résulte que la société Betem Ingénierie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a écarté la prescription de l'appel en garantie formé par la société Sicre à son encontre.

14. En second lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert remis au tribunal le 4 juin 2010 que la déformation affectant la solidité du mur de soutènement du parking avait pour origine un mauvais dimensionnement de ce mur, prévu d'une épaisseur de 25 cm en béton armé compte tenu de la poussée qu'il devait reprendre, et finalement réalisé en blocs de béton à bancher de 20 cm. L'expert a conclu à une erreur dans l'exécution de ce mur et à un défaut de surveillance du chantier par la maîtrise d'oeuvre. La société Betem Ingénierie fait valoir que la réalisation de ce mur n'entrait pas dans le champ du marché dont elle avait la maîtrise d'oeuvre, se prévalant successivement de la réalisation des plans d'exécution par la société Sicre, de l'absence de visa sur les plans de cet ouvrage et de l'absence de mention dans le décompte général définitif du mur de soutènement. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment du descriptif des travaux du lot n° 1, que parmi les travaux de terrassement et de gros oeuvre que la société Sicre était tenue de réaliser entrait la réalisation de " murs de soutènement BA parement de type P (2,2,2) de dimensions variables ". Par ailleurs, si, en cours de réalisation, le plan d'exécution établi par la société Sicre a été modifié, ainsi qu'il ressort de mentions manuscrites figurant sur ledit plan, il appartenait au maître d'oeuvre de relever la non-conformité de l'exécution des travaux au plan initial. Dans ces conditions, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la société Betem Ingénierie n'a pas exercé la surveillance qui lui incombait. En la condamnant à assumer une part correspondant à 10 % du coût de la réparation des désordres mis à la charge des constructeurs, les premiers juges n'ont pas fait une appréciation inexacte de la responsabilité encourue par celle-ci.

Sur les appels incidents :

15. En premier lieu, les premiers juges ont estimé que la responsabilité de la société Sicre était engagée au premier chef dans les désordres constatés sur le mur de soutènement et réparti la charge des frais de reprise de ce mur à hauteur de 80 % pour la société Sicre et de 20 % pour la maîtrise d'oeuvre dont 10 % pour la société Betem Ingénierie. Si la société Sicre soutient que l'insuffisance de la conception de l'ouvrage et le défaut de contrôle imputable à la maîtrise d'oeuvre que l'expert a relevés justifient que les responsabilités finales soient partagées à parité avec le groupement de maîtrise d'oeuvre, il résulte de l'instruction qu'elle n'a pas respecté les prescriptions du cahier des charges en modifiant la technique et les matériaux utilisés pour la réalisation de ce mur, ce qui a eu pour conséquence d'en affecter gravement la solidité, quand bien même cet ouvrage n'aurait fait l'objet d'aucune réserve lors de sa réception. Ainsi, la société Sicre n'est pas fondée à soutenir que la part de responsabilité de la société Betem Ingénierie devrait être relevée.

16. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction qu'au vu des fautes caractérisées relevées par l'expert, commises par le groupement de maîtrise d'oeuvre dans la conception, la direction, la surveillance et la réception des travaux relatifs tant à la pose des faux plafonds qu'à l'érection du mur de soutènement litigieux, le tribunal a pu à juste titre estimer que la responsabilité de M. F..., architecte, était engagée à hauteur de 75 % pour les désordres affectant les faux plafonds et de 10% s'agissant du mur de soutènement. Il suit de là que les conclusions à fin d'appel en garantie dirigées, par voie de recours incident, par M. F... à l'encontre de la société Betem Ingénierie afin d'être relevé intégralement doivent être rejetées.

17. En dernier lieu, la société Apave SudEurope demande la réformation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée à assumer une part correspondant à 10 % du coût de la réparation des désordres affectant le faux plafond mis à la charge solidaire des constructeurs. Il ressort de l'acte d'engagement conclu entre la commune de Saint-Ybars et la société Apave SudEurope que les missions confiées à celle-ci consistaient notamment dans l'exécution d'une mission dite " LP ", relative à la solidité des ouvrages et des éléments d'équipements dissociables et indissociables et une mission " Sei " relative à la sécurité des personnes dans les établissements recevant du public (Erp) ou les immeubles de grande hauteur. Si sa mission a exclusivement pour objet de contribuer à la prévention d'aléas susceptibles de compromettre la solidité de l'ouvrage et que l'expert a seulement relevé une impropriété à la destination de l'ouvrage, elle ne saurait soutenir que c'est à tort que les premiers juges lui ont fait grief de n'avoir pas formulé, lors du contrôle du chantier, des observations propres à traiter les malfaçons affectant le faux plafond, dès lors que celles-ci étaient précisément susceptibles de compromettre la solidité de l'ouvrage. Les circonstances que les visites de contrôle ont été programmées par la société Apave SudEurope en début, en milieu et en fin de chantier et qu'elle ne pouvait procéder, aux termes de la convention la liant à la maîtrise d'oeuvre, à aucun démontage ou sondage destructif, ne la dispensaient pas de l'obligation et ne la privaient pas de la possibilité de s'assurer de la correcte mise en place du plafond coupe-feu et de la bonne fixation du faux plafond, au titre de l'aspect concernant la sécurité des personnes inhérent à sa mission. Ce désordre est en conséquence imputable à une faute du contrôleur technique, qui, bien que chargé d'une mission générale de contrôle technique des travaux, n'a pas détecté les malfaçons grossières affectant le plafond coupe-feu et les faux plafonds. En la condamnant à assumer une part correspondant à 10 % du coût de la réparation des désordres mis à la charge des constructeurs, les premiers juges n'ont pas fait une appréciation inexacte de la responsabilité encourue par celle-ci.

Sur les conclusions d'appel provoqué :

18. Dès lors que les conclusions de la requête de la société Betem Ingénierie ne sont pas accueillies, la situation des sociétés Sicre, Apave SudEurope, et de M. F...n'est pas aggravée. Par suite, leurs conclusions d'appel provoqué contre la commune de Saint-Ybars ne sont pas recevables. Il en va de même des conclusions d'appel provoqué par les sociétés Sicre, Apave SudEurope et de M.F... les uns contre les autres.

19. Il résulte de tout ce qui précède que ni la société Betem Ingénierie ni M.F..., ni les sociétés Apave SudEurope et Sicre ne sont fondés à demander la réformation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 juillet 2014.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit à aucune des conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Betem Ingénierie et les conclusions de M. F...et des sociétés Apave SudEurope et Sicre sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Betem Ingénierie, à la commune de Saint-Ybars, aux sociétés Apave SudEurope, Castéras et Sicre Frères, à l'EURL A...et à M. E...F....

Copie en sera adressée à M. C...H..., expert.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2016, à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président ;

M. Jean-Claude Pauziès, président assesseur,

Mme Cécile Cabanne, premier conseiller.

Lu en audience publique le 29 décembre 2016.

Le rapporteur,

Cécile CABANNELe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Delphine CERON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

2

No 14BX02768


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Cécile CABANNE
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : CARCY-GILLET

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Date de la décision : 29/12/2016
Date de l'import : 17/01/2017

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14BX02768
Numéro NOR : CETATEXT000033866665 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-12-29;14bx02768 ?
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