Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...B...a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler l'arrêté du préfet de la Martinique du 25 août 2015 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1500520 du 9 juin 2016, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 juillet 2016 et 10 octobre 2016, Mme A...B..., représentée par Me Keïta Capitolin, avocate, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 juin 2016 du tribunal administratif de la Martinique ;
2°) d'annuler ledit arrêté du préfet de la Martinique du 25 août 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Martinique de la munir d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy a été entendu au cours de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., ressortissante haïtienne née le 6 avril 1983, relève appel du jugement n° 1500520 du 9 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Martinique du 25 août 2015 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Pour rejeter la demande de Mme B...comme irrecevable, le tribunal administratif a considéré que le recours de l'intéressée contre l'arrêté litigieux, lequel lui avait été régulièrement notifié le 3 septembre 2015, n'avait été enregistré que le 6 octobre 2015, après l'expiration du délai de recours contentieux d'un mois prévu par les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme B...a présenté le 28 septembre 2015 une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Fort de France. Cette demande, présentée avant l'expiration du délai de recours contentieux, a eu pour effet d'interrompre ce délai en vertu de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Ainsi, Mme B...est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a estimé que sa requête, enregistrée le 6 octobre 2015, était tardive, et à demander l'annulation du jugement attaqué.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de la Martinique.
Au fond :
5. En premier lieu, l'arrêté querellé comporte des éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de MmeB.... Il est ainsi suffisamment motivé en fait.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l' exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : ... 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ".
7. Mme B...fait valoir qu'elle est entrée sur le territoire français en mai 2011 et que sa fille, Nelle Damina, née le 17 septembre 2004, est scolarisée en France depuis l'année scolaire 2012-2013 et souffre de problèmes de vision pour lesquels elle est suivie. Cependant, la requérante ne fait état d'aucun obstacle à ce que la jeuneD..., qui devait entrer en classe de CM2 à la date de l'arrêté, poursuive sa scolarité en Haïti et y reçoive le traitement adapté à ses troubles oculaires. Il ressort en outre des pièces du dossier que MmeB..., entrée en France à l'âge de 28 ans, dispose d'attaches familiales importantes en Haïti où vivent toujours ses deux autres enfants, Bétina, née le 2 avril 2002, et Willio, né le 30 avril 2010, ainsi que sa mère. Enfin, si la requérante fait valoir qu'elle a conclu le 12 mai 2016 un pacte civil de solidarité avec un ressortissant français et qu'elle est actuellement enceinte, ces éléments sont postérieurs à la date d'édiction de l'arrêté attaqué, et la réalité et l'ancienneté de la relation en cause ne sont nullement établies. Dans ces conditions, et malgré les efforts d'insertion de Mme B..., l'arrêté en litige ne peut être regardé comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris.
8. En troisième lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit, en se bornant à faire état de l'ancienneté de sa présence sur le territoire français et de sa situation familiale et à se prévaloir, sans aucune précision, de risques de persécutions en Haïti, la requérante n'établit pas que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'admission exceptionnelle au séjour pour des circonstances humanitaires ou des motifs exceptionnels.
9. Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
10. En se bornant à soutenir qu'elle risque de subir, en cas de retour en Haïti, des représailles en raison de son héritage foncier, sans apporter aucune précision à l'appui de son moyen, Mme B...n'établit pas que la décision fixant le pays de renvoi aurait été prise en méconnaissance des dispositions et stipulations précitées.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, être accueillies.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1500520 du 9 juin 2016 du tribunal administratif de la Martinique est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de la Martinique, ensemble ses conclusions présentées devant la cour, sont rejetées.
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N° 16BX02298