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15/12/2016 | FRANCE | N°16BX02842

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 15 décembre 2016, 16BX02842


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 23 juin 2016 par lequel le préfet du Tarn a décidé son transfert vers l'Allemagne, Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1603108 du 19 juillet 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 août 2016, le préfet du Tarn demande à la cour :

1°)

d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 19 j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 23 juin 2016 par lequel le préfet du Tarn a décidé son transfert vers l'Allemagne, Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1603108 du 19 juillet 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 août 2016, le préfet du Tarn demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 19 juillet 2016 ;

2°) de rejeter la demande de M. B...tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 juin 2016.

Il soutient que :

- il résulte de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 13 du règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen que l'étranger ressortissant d'un pays tiers peut être remis aux autorités de l'Etat membre de l'Union européenne dont il provient directement dans la mesure où il a franchi irrégulièrement la frontière d'un Etat membre dans lequel il est entré en venant d'un pays tiers. Or M. B...est arrivé directement d'Allemagne, où il est entré irrégulièrement le 24 novembre 2015 et a séjourné trois mois après voir quitté l'Irak le 14 novembre 2015. Il n'apporte aucun élément précis et circonstancié de nature à laisser penser que son dossier ne serait pas traité par les autorités allemandes dans des conditions conformes au respect du droit d'asile. La circonstance qu'il aurait été enfermé dans un camp pendant trois mois au cours desquels l'Etat allemand lui a versé 300 euros mensuels n'est de nature à établir ni un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ni un défaut de prise en compte de sa demande d'asile ;

- le règlement UE n° 118/2014, qui définit les modes de preuve à retenir pour la détermination de l'Etat membre responsable de la demande d'asile, retient en priorité le résultat positif fourni par Eurodac par suite de la comparaison des empreintes du demandeur avec les empreintes collectées au titre de l'article 9 du règlement Eurodac. Il résulte de l'article 24.4 du règlement UE n° 603/2013 que les demandeurs d'une protection internationale sont enregistrés dans le système Eurodac sous la catégorie codée " 1 ", ce qui est le cas du numéro identifiant M.B..., alors que le relevé d'empreintes enregistré en Grèce relève de la catégorie " 2 " qui concerne les personnes interpellées à l'occasion d'un franchissement irrégulier d'une frontière extérieure. Il n'est pas contesté que la demande de reprise en charge adressée aux autorités allemandes comporte le n° Eurodac : DE 1 15124MED02447 et est accompagnée de la fiche décadactylaire comportant le même numéro de référence. Dès lors, le tribunal a inexactement apprécié les faits en estimant que les documents émanant de la direction générale des étrangers en France et de la fiche décadactylaire Eurodac étaient insuffisamment précis en l'absence de mention de l'identité de M. B...et du motif ayant conduit au relevé d'empreintes en Allemagne. Il n'y a donc pas d'erreur de fait puisqu'il ressort des pièces du dossier que M. B... avait sollicité une protection internationale en Allemagne le 24 novembre 2015 ;

- en outre, le récit de M. B...est peu crédible et n'est étayé par aucune preuve. En privilégiant ce récit sur le relevé Eurodac, le tribunal a fait une inexacte application du règlement n° 118/2014 qui hiérarchise les modes de preuve retenus ;

- s'agissant du défaut de motivation de la décision de remise, l'arrêté vise les textes dont il fait application et énonce les démarches réalisées par l'intéressé au titre de l'asile en France, en Grèce et en Allemagne et les motifs pour lesquels il n'a pas été fait application de l'article 17 du règlement Dublin III. Cette décision est donc suffisamment motivée ;

- contrairement à ce que soutient M.B..., il n'existe aucune obligation de l'informer qu'il peut se rendre par ses propres moyens en Allemagne. En tout état de cause, ce cas est improbable puisqu'il a indiqué vouloir faire sa demande d'asile en France et ne démontre pas avoir sollicité de laissez-passer européen ;

- s'agissant de la méconnaissance de l'article 4 du règlement n° 604/2013,et des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il a été informé par écrit et dans une langue qu'il comprend, comme l'atteste le document relatif à l'entretien individuel. Les notices d'information Dublin III et Eurodac lui ont été remises. De plus, il a indiqué, lors de sa demande d'asile, avoir fait l'objet d'une prise d'empreintes en Grèce et en Allemagne, ce qui est confirmé par le fichier Eurodac. Il s'est également vu remettre, dans une langue qu'il comprend, les brochures A, B, le guide d'accueil du demandeur d'asile et une lettre l'informant qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure de réadmission en Allemagne, un résumé de l'entretien individuel dûment signé. Il a ainsi reçu toutes les informations requises pour faire valoir ses observations préalablement à la décision en litige ;

- à la date de l'arrêté, il résidait en France depuis seulement quatre mois et il ne se prévaut ni de relations privées particulières ni de l'existence d'obstacle empêchant son transfert. La décision litigieuse ne porte donc pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et n'est ainsi pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par deux mémoires en défense, enregistrés respectivement les 17 octobre 2016 et 12 novembre 2016, M. A...D...B..., représenté par MeC..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu'il soit enjoint au préfet du Tarn de lui remettre un dossier de demande d'asile ainsi qu'une nouvelle attestation de dépôt de demande d'asile dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que :

- aucune des pièces produites ne vient démontrer le dépôt et l'enregistrement d'une demande d'asile auprès des autorités allemandes. L'autorité préfectorale ne rapporte pas la preuve qui lui incombe à ce titre. La fiche décadactylaire ne comporte pas son nom ni la précision sur le fait de savoir si la date mentionnée correspond à la date de la demande d'asile ou à la date d'appréhension de l'intéressé. Ainsi, la fiche Eurodac ne comporte pas de précisions suffisantes sur les conditions et les motifs de la prise d'empreintes, alors que par ailleurs les autorités allemandes n'ont pas expressément reconnu leur responsabilité ;

- en outre, il n'a jamais été informé avant l'édiction de la décision de l'accord implicite des autorités allemandes, qui n'ont jamais adressé de réponse, à sa réadmission sur leur territoire;

- il n'a pas déposé de demande d'asile en Allemagne et n'a reçu aucune information à ce sujet dans cet Etat. Il a été contraint de donner ses empreintes alors qu'il était enfermé dans un camp militaire et qu'il ne savait pas dans quel Etat il se trouvait ;

- sur le défaut d'information relatif au transfert volontaire, l'arrêté litigieux n'en faisait pas mention. En outre, l'autorité préfectorale a entendu faire entrave à cette possibilité en s'abstenant de délivrer à l'intéressé le laissez-passer requis. Il a ainsi été privé d'une garantie. Le fait qu'il attaque le présent arrêté ne signifie nullement qu'il n'a pas l'intention de se rendre volontairement en Allemagne ;

- sur le défaut d'information afférente au délai de transfert et à la prise en charge par les autorités françaises au-delà de ce délai, l'arrêté n'en fait pas davantage mention alors qu'il s'agit d'une garantie essentielle ;

- il n'a pas été destinataire dès la formulation de sa demande de protection internationale auprès de la France de l'intégralité des informations requises par l'article 4 du règlement n° 604/2013. En effet, il a été identifié comme demandeur d'asile le 7 février 2016 lorsqu'une orientation en CAO lui a été proposée. En tout état de cause, la preuve n'est pas davantage rapportée que cette information aurait été fournie le 17 mars 2016, date du relevé d'empreintes décadactylaire. Il n'est pas établi que les brochures A et B lui auraient été remises antérieurement à la décision de transfert, dans sa langue maternelle, le kurde sorani, et en présence d'un interprète ;

- il n'est également pas établi qu'il ait reçu, dans une langue qu'il comprend, l'intégralité des informations prévues au paragraphe 1 de l'article 29 du règlement n° 603/2013 lors de la prise d'empreintes, alors qu'il s'agit d'une garantie ;

- la comparaison entre les empreintes relevées en Allemagne le 24 novembre 2015, celles relevées en Grèce le 17 novembre 2015 et celles figurant dans le système central, n'a pas fait l'objet d'une vérification par un expert en empreintes digitales en méconnaissance du paragraphe 4 de l'article 25 du règlement n° 604/2013 ;

- ses empreintes ayant été relevées sous la contrainte en Allemagne sans information préalable et sans présence d'interprète et alors qu'il n'a jamais entendu y déposer une demande d'asile, il n'est pas établi que cette prise d'empreintes ait été effectuée dans le cadre d'une procédure de demande d'asile. Il n'y a donc pas eu d'examen de sa situation personnelle ;

- les pièces produites afférentes à l'entretien individuel ne permettent pas d'établir le respect des garanties prévues par l'article 5 du règlement Dublin III. Le formulaire d'entretien est rédigé en français et en anglais et ne comporte aucune précision sur la langue utilisée lors de l'entretien et sur la présence d'un interprète. Le compte-rendu ne mentionne pas le nom de l'agent notificateur. La perte de cette garantie lui a été particulièrement préjudiciable puisqu'il est mentionné dans le compte-rendu qu'il a déposé une demande d'asile en Allemagne, ce qu'il conteste ;

- il ressort de la motivation de l'arrêté en litige que l'autorité préfectorale s'est crue à tort liée par le dépôt d'une demande d'asile en Allemagne. En effet, il n'a pas été invité à présenter des observations préalables alors qu'il a pu s'intégrer et tisser des liens personnels en France où il bénéficie d'un " étayage matériel, linguistique et humain inexistant en Allemagne ". L'arrêté est ainsi entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Paul-André Braud,

- et les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant irakien, est, selon ses déclarations, entré en France le 7 février 2016 après avoir traversé la Turquie, la Grèce et l'Allemagne. Dans le cadre de l'instruction de sa demande d'asile, le préfet du Tarn, après avoir recueilli l'accord tacite des autorités allemandes, a décidé, par un arrêté en date du 23 juin 2016, de remettre M. B...à ces dernières qui sont responsables de l'examen de sa demande d'asile. M. B...a saisi le tribunal administratif de Toulouse afin d'obtenir l'annulation de cet arrêté. Le préfet du Tarn relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 19 juillet 2016 annulant l'arrêté du 23 juin 2016.

Sur la légalité de l'arrêté du 23 juin 2016 :

2. En vertu du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'admission en France d'un étranger demandeur d'asile peut être refusée si l'examen de sa demande relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ou un apatride. Ce règlement pose en principe dans le paragraphe 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre. Cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre. Aux termes du 1 de l'article 13 de ce règlement : " Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, " lequel institue le système Eurodac de comparaison des empreintes digitales, " que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière ".

3. Par ailleurs, il résulte de l'annexe II au règlement (UE) n° 118/2014 du 30 janvier 2014 que constitue une preuve pour la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile, le résultat positif fourni par Eurodac par suite de la comparaison des empreintes du demandeur avec les empreintes collectées au titre de l'article 9 du règlement " Eurodac ". Il résulte en outre des dispositions de l'article 11 du règlement n° 603/2013 recensant les données enregistrées dans le système Eurodac qu'une personne y est identifiée non pas par son identité mais par le numéro de référence attribué par l'Etat membre où ses empreintes ont été prises à l'origine. L'article 24 de ce règlement précise que, dans ce numéro de référence, le chiffre suivant la ou les lettres d'identification désignant l'Etat membre indique la catégorie de personnes ou de demande. Il résulte de l'application combinée de cet article et des articles 9 et 14 du même règlement que le chiffre " 1 " désigne les demandeurs de protection internationale et le chiffre " 2 " désigne les personnes interpellées lors du franchissement irrégulier d'une frontière en provenance d'un pays tiers.

4. Le jugement attaqué a annulé l'arrêté du 23 juin 2016 au motif que la preuve que l'Allemagne serait l'Etat membre responsable de la demande d'asile de M. B...n'était pas rapportée car s'il était constant que les autorités allemandes ont procédé à la prise des empreintes de l'intéressé, il n'était pas établi qu'il y ait déposé une demande d'asile. Il ressort cependant des pièces du dossier, et notamment du document émanant de la direction de l'Asile daté du 17 mars 2016 indiquant les résultats de la comparaison des empreintes de M. B...avec celles figurant dans le système Eurodac, et au regard des précisions énoncées au point précédent, qu'en vertu des numéros de référence des correspondances, les empreintes digitales de M. B...ont été précédemment relevées le 17 novembre 2015 par les autorités grecques en tant que personne interpellée lors du franchissement irrégulier d'une frontière en provenance d'un pays tiers, puis le 24 novembre 2015 par les autorités allemandes en tant que demandeur de protection internationale. En se bornant à affirmer qu'il n'a pas déposé de demande d'asile en Allemagne, M.B..., qui a indiqué au cours de l'entretien avoir d'abord envisagé de refuser la prise de ses empreintes en Allemagne car il savait que cela l'obligerait à rester dans le pays où il se trouvait, puis s'être ravisé au regard du soupçon de " terrorisme " instillé par les autorités allemandes, ne contredit pas utilement ces constats. Dès lors, en l'absence de tout élément de nature à remettre en cause la correspondance relevée par le système Eurodac, le préfet doit être regardé comme rapportant la preuve que l'Etat membre responsable, en vertu de l'article 13 du règlement n° 604/2013, de la demande d'asile de M. B...est l'Allemagne.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Tarn est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a retenu le défaut de cette preuve pour annuler l'arrêté du 23 juin 2016. Il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Toulouse.

6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention de l'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'administration a satisfait à l'obligation qui lui incombe en vertu des dispositions applicables.

7. En premier lieu, l'article 26 du règlement n° 604/2013 indique que la décision (...) comporte, " si nécessaire ", des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'Etat membre responsable.

8. Si M. B...soutient que l'arrêté litigieux ne mentionne pas le lieu et la date à laquelle il doit se présenter s'il se rend par ses propres moyens en Allemagne, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé ait, préalablement à l'arrêté, manifesté son intention de se rendre en Allemagne par ses propres moyens. Dans ces conditions, la nécessité de préciser les informations précitées n'étant pas constituée, leur absence n'entache pas la décision d'illégalité. De même, si l'intéressé reproche au préfet de ne pas lui avoir délivré le laissez-passer mentionné à l'article 29 du règlement n° 604/2013, il n'établit nullement avoir sollicité la délivrance de ce document. Dans ces conditions, d'une part, contrairement à ce que soutient le requérant, il n'est pas établi qu'il ait été privé de la faculté de se rendre par ses propres moyens en Allemagne et d'autre part, la circonstance que l'arrêté ne comportait pas les informations mentionnées dans les dispositions précitées de l'article 26 dudit règlement ne l'a pas privé d'une garantie.

9. En deuxième lieu, en se bornant à soutenir que l'arrêté ne fait pas mention de ce que les autorités françaises seront responsables du traitement de sa demande d'asile en cas d'inexécution de la décision de transfert dans le délai de six mois suivant la décision d'acceptation des autorités allemandes, sans invoquer la méconnaissance d'une quelconque règle de droit, M. B...n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 4. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. " .Aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur (...) est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné (...)". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

11. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier en date du 17 mars 2016 l'avisant qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure de réadmission vers l'Allemagne, signé par ses soins, par l'interprète et l'agent notifiant, que les parties A et B de la brochure mentionnées à l'article 4 du règlement n° 604/2013 ont été remises au requérant. Il ressort également du résumé de l'entretien individuel, également signé par ses soins et par l'interprète, qu'il a été destinataire d'une copie de l'entretien individuel, du guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires. Si M. B...semble soutenir que ces documents ne lui ont pas été remis dans une langue qu'il comprend et en présence d'un interprète, il ne l'établit pas alors qu'il n'a formulé aucune observation en ce sens lors de la signature des documents susmentionnés. A supposer même que ces documents ne lui auraient été remis qu'à l'issue de l'entretien, M. B...a néanmoins reçu toutes les informations requises lui permettant de faire valoir ses observations avant que ne soit édicté l'arrêté du 23 juin 2016. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement n° 604/2013 peut être écarté.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 29 du règlement n° 603/2013 : " 1. Toute personne relevant de l'article 9, paragraphe 1, de l'article 14, paragraphe 1, ou de l'article 17, paragraphe 1, est informée par l'État membre d'origine par écrit et, si nécessaire, oralement, dans une langue qu'elle comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend : a) de l'identité du responsable du traitement au sens de l'article 2, point d), de la directive 95/46/CE, et de son représentant, le cas échéant ; b) de la raison pour laquelle ses données vont être traitées par Eurodac, y compris une description des objectifs du règlement (UE) n° 604/2013, conformément à l'article 4 dudit règlement, et des explications, sous une forme intelligible, dans un langage clair et simple, quant au fait que les États membres et Europol peuvent avoir accès à Eurodac à des fins répressives ; c) des destinataires des données; d) dans le cas des personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; e) de son droit d'accéder aux données la concernant et de demander que des données inexactes la concernant soient rectifiées ou que des données la concernant qui ont fait l'objet d'un traitement illicite soient effacées, ainsi que du droit d'être informée des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris les coordonnées du responsable du traitement et des autorités nationales de contrôle visées à l'article 30, paragraphe 1. 2. Dans le cas de personnes relevant de l'article 9, paragraphe 1, ou de l'article 14, paragraphe 1, les informations visées au paragraphe 1 du présent article sont fournies au moment où les empreintes digitales de la personne concernée sont relevées (...) ".

13. Il résulte de ce qui a été énoncé au point 11 que les parties A et B de la brochure mentionnée à l'article 4 du règlement n° 604/2013, dont l'intéressé ne saurait exiger une version en kurde sorani qui n'existe pas, ont été remises à M. B...en présence d'un interprète. Or cette brochure comporte l'ensemble des informations, relatives au relevé des empreintes digitales, requises par les dispositions de l'article 29 du règlement n° 603/2013 du 26 juin 2013. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance en France des formalités prévues par ces dispositions doit être écarté comme manquant en fait. D'autre part, l'article 29 précité du règlement n'exige pas que les autorités de l'Etat qui envisage de transférer un étranger demandeur d'asile vers l'Etat qu'il estime responsable de cet examen vérifient le respect, par cet Etat, à l'égard de la personne concernée, des garanties prévues par ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 29 du règlement n° 603/2013 ne peut qu'être écarté.

14. En cinquième lieu, M. B...invoque la méconnaissance des dispositions du paragraphe 4 de l'article 25 du règlement n°604/2013 au motif que les correspondances d'empreintes relevées dans le système Eurodac n'ont pas fait l'objet d'une vérification par un expert en empreintes digitales. Cependant, cet article ne comporte que deux paragraphes, lesquels ne prévoient nullement une telle obligation. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

15. En sixième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 : " (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. "

16. M. B...soutient qu'il n'est pas établi que l'entretien individuel aurait été mené dans une langue qu'il comprend dans la mesure où le formulaire d'entretien est rédigé en français et en anglais et ne comporte aucune précision sur la langue dans laquelle il a été conduit. Il ressort cependant des pièces du dossier, et notamment de la signature du résumé de l'entretien individuel par M.B..., par l'agent notifiant et par l'interprète, que l'entretien est présumé s'être tenu, en l'absence de tout élément indiquant le contraire, avec l'assistance de cet interprète conformément à ce qui est prévu au paragraphe 4 de l'article 5 du règlement n° 604/2013. Par ailleurs si M. B...reproche au résumé de l'entretien individuel de ne pas mentionner le nom de l'agent notifiant, une telle obligation n'est nullement prévue par l'article 5 du règlement n°604/2013. Enfin, si l'intéressé soutient que l'entretien individuel aurait déformé ses propos en indiquant qu'il aurait déposé une demande d'asile en Allemagne, il ressort au contraire du résumé de l'entretien individuel que s'il " reconnaît la prise d'empreintes en Allemagne " il a indiqué n'avoir " pas été informé qu'il s'agissait d'une demande d'asile ". Par suite, M.B..., qui ne saurait se borner à souligner que la fiche d'entretien ne précise pas la langue dans laquelle l'entretien s'est tenu sans indiquer lui-même cette précision, n'est pas fondé à soutenir que l'entretien individuel n'aurait pas été réalisé dans le respect des conditions instituées par l'article 5 du règlement n° 604/2013.

17. En dernier lieu, M. B...soutient que la mesure de remise aux autorités allemandes est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où il bénéficie en France " d'un étayage matériel, linguistique et humain " inexistant en Allemagne. Toutefois, M. B... ne justifie d'aucune attache en France, où il ne séjourne que depuis quelques mois. Dans ces conditions le préfet du Tarn n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation de la situation de M.B....

18. Il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que le tribunal a annulé l'arrêté du préfet du Tarn en date du 23 juin 2016. Par voie de conséquence les conclusions de M. B...à fin d'injonction ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1603108 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse en date du 19 juillet 2016 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A... D...B...et au préfet du Tarn.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2016 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur,

M. Paul-André Braud, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 décembre 2016.

Le rapporteur,

Paul-André BRAUDLe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Delphine CÉRON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

10

No 16BX02842


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02842
Date de la décision : 15/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03-02


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Paul-André BRAUD
Rapporteur public ?: M. NORMAND
Avocat(s) : MARTIN-CAMBON

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-12-15;16bx02842 ?
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