Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 17 septembre 2010 par lequel le ministre de l'éducation nationale l'a licencié pour insuffisance professionnelle.
Par un jugement n° 1004699 du 27 mars 2014, après avoir admis l'intervention de la Fédération Sud Education, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M. A....
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 mai 2014 et 31 mars 2015, M.A..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 mars 2014 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale, sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de le réintégrer, de reconstituer sa carrière et de le rétablir dans ses droits ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens de l'instance et la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
---------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
- le décret n° 87-495 du 3 juillet 1987 ;
- le décret n° 92-1189 du 6 novembre 1992 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau,
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public,
- et les observations de M.A....
Considérant ce qui suit :
1. Admis au concours externe de professeur de lycée professionnel (LP) dans la spécialité " entretien des articles textiles ", M. A...a été titularisé à compter du 1er septembre 2003 après deux années de stage. Il a été affecté successivement au LP Gustave Eiffel à Narbonne, au LP Toulouse Lautrec à Albi puis, à compter du 1er septembre 2009 au LP Gabriel Péri à Toulouse. Par un courrier du 3 décembre 2008, le recteur de l'académie de Toulouse a engagé à son encontre une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle et a saisi la commission administrative paritaire. A l'issue de sa réunion du 28 avril 2009, celle-ci n'a émis aucun avis. Par un courrier du 18 mai suivant, le recteur a informé M. A...qu'il entendait reprendre la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle puis, par un courrier du 4 juin 2010 notifié le 11 juin suivant, il l'a informé de l'engagement effectif de cette nouvelle procédure. La proposition de licenciement n'a pas recueilli l'avis favorable de la commission administrative paritaire. M.A..., licencié par une décision du 17 septembre 2010 du ministre de l'éducation nationale, relève appel du jugement du 27 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la motivation :
2. Si M. A...fait valoir que l'arrêté contesté vise " indistinctement et sans autres précisions " la loi du 13 juillet 1983, le décret du 6 novembre 1992 relatif au statut particulier des professeurs de lycée professionnel et le décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat et 16 septembre 1985, ces visas lui permettaient de connaître les textes appliqués par le ministre. Celui-ci a indiqué que les éléments du dossier de M. A...et les rapports d'inspection révélaient des " carences professionnelles fondamentales " dans l'élaboration des stratégies pédagogiques et la gestion des classes, notamment l'insuffisance du travail de préparation des cours, la difficulté à retenir l'attention des élèves et à prendre en compte leurs attentes et leurs besoins, le fait, par exemple, de monopoliser la parole et de créer " des longueurs " démotivantes, la difficulté à assurer la sécurité des élèves appelés à manipuler des produits dangereux, enfin, des problèmes relationnels croissants. Dans ces conditions, le requérant ne peut sérieusement soutenir qu'il n'a pas été mis à même de connaître les éléments de fait fondant son licenciement et de le contester utilement, ce qu'il a d'ailleurs fait. Alors même qu'il reprend une partie des termes des rapports d'inspection établis en 2006 et en 2010 et d'un courrier rédigé le 3 mai 2010 par le proviseur de son dernier établissement d'affectation auxquels il se réfère sans les joindre en annexe, le ministre a suffisamment motivé son arrêté au regard des exigences de la loi du 11 juillet 1979, dont les dispositions sont désormais reprises par le code des relations entre le public et l'administration.
Sur la procédure :
3. L'article 70 de la loi du 11 janvier 1984 prévoit que le licenciement pour insuffisance professionnelle est prononcé après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire. L'agent public titulaire dont le licenciement pour insuffisance professionnelle est envisagé par l'autorité compétente doit être mis à même de demander, s'il le juge utile, la communication de l'intégralité des pièces figurant dans son dossier ou sur lesquelles l'administration entend se fonder dans un délai garantissant le respect des droits de la défense avant que la décision de licenciement ne soit prise.
4. Aux termes du premier alinéa de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 : " Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l'intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité. Il ne peut être fait état dans le dossier d'un fonctionnaire...des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de l'intéressé. Tout fonctionnaire a accès à son dossier individuel dans les conditions définies par la loi ". En vertu du deuxième alinéa de l'article 19 de la même loi, le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le dossier communiqué à l'agent dont le licenciement pour insuffisance professionnelle est envisagé doit comporter l'ensemble des pièces intéressant sa situation administrative, y compris celles qui lui seraient favorables et qu'il pourrait faire valoir au cours de la procédure engagée à son encontre.
5. M. A...ne conteste pas avoir consulté son dossier le 24 juin 2010. La circonstance que les pièces n'étaient pas classées et numérotées n'est pas, par elle-même, de nature à entacher d'irrégularité la procédure dès lors qu'il n'est ni établi ni même allégué qu'une pièce pouvant avoir une influence sur le cours de cette procédure aurait été soustraite du dossier avant sa communication à l'intéressé. A l'appui de son moyen tiré de la mention irrégulière de ses activités et opinions syndicales dans son dossier administratif, le requérant se borne à produire un rapport d'inspection daté du 17 mars 2006, mentionnant dans sa présentation de l'enseignant " Il a lors de son activité professionnelle été à la tête du syndicat des teinturiers pour la Région Aquitaine ". Cette mention relative à des faits antérieurs à la titularisation de M. A..., qui n'est assortie d'aucune appréciation sur ce point, ne caractérise pas une atteinte aux dispositions de l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette mention aurait exercé une influence sur la décision contestée. Plus généralement, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que ne figuraient pas au dossier de M. A... des éléments néanmoins retenus à son encontre. Si le requérant se prévaut de l'absence de pièces favorables, trois courriers du proviseur du lycée professionnel Gabriel Péri et un rapport de stage émis le 7 juin 2002, il ressort notamment des mentions non contestées du procès-verbal de la commission administrative paritaire, que ces documents, pourtant antérieurs à la titularisation, ont été expressément évoqués et qu'ainsi, l'irrégularité alléguée n'a privé l'intéressé d'aucune garantie et n'a pas exercé d'influence sur la décision prise.
6. Les moyens tirés de la violation des droits de la défense et de la méconnaissance des dispositions des articles 18 et 19 de la loi du 13 juillet 1983, 65 de la loi du 22 avril 1905 et 1er du décret du 25 octobre 1984 ne sont assortis d'aucune autre argumentation que celle à laquelle il a été répondu au point 5.
7. Aux termes de l'article 6 du décret du 3 juillet 1987 : " Une commission administrative paritaire académique du corps des professeurs de lycée professionnel siège auprès du recteur de chaque académie. Sa composition est analogue à celle de la commission nationale correspondante...". Aux termes de l'article 10 du décret du 28 mai 1982 : " Les représentants de l'administration, titulaires et suppléants, au sein des commissions administratives visées à l'article 2 sont nommés par arrêté du ou des ministres intéressés ou par décision de l'autorité auprès de laquelle sont placées les commissions dans les quinze jours suivant la proclamation des résultats des élections prévues aux articles 19 à 23 du présent décret. Ils sont choisis parmi les fonctionnaires de l'administration intéressée ou exerçant un contrôle sur cette administration, appartenant à un corps classé dans la catégorie A ou assimilé, et comprenant notamment le fonctionnaire appelé à exercer la présidence de la commission...Les représentants de l'administration, titulaires et suppléants, au sein des commissions locales sont désignés, par décision de l'autorité auprès de laquelle ces commissions sont placées, dans les conditions prévues au deuxième alinéa du présent article. ".
8. A l'appui de son moyen tiré de l'atteinte au principe d'impartialité, M. A...invoque la modification, intervenue le 24 juin 2010, postérieurement à l'engagement de la procédure de licenciement le 4 juin 2010, de la composition de la liste des représentants de l'administration au sein de la commission administrative paritaire " en méconnaissance des articles 6 du décret du 3 juillet 1987 et 10 du décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ". En résultait selon ses dires " la nomination d'une majorité d'inspecteurs de l'éducation nationale, l'éviction d'anciens chefs d'établissement, la nomination de l'inspectrice et la nomination en qualité de représentants de l'administration de trois inspecteurs de l'éducation nationale ayant siégé lors de la commission administrative paritaire du 28 avril 2009 ". Ce faisant, M. A...n'invoque aucun texte faisant obstacle à la modification de la composition de la commission administrative paritaire et à la présence de représentants de l'administration ayant siégé le 28 avril 2009 lors de la procédure initiale, reprise par le ministre. La commission n'avait au demeurant émis aucun avis et le requérant ne précise pas en quoi la présence de ces trois membres lors des deux instances successives aurait été de nature à le priver d'une garantie. La présence de ces trois membres ne révèle par elle-même aucune atteinte au principe d'impartialité. En outre, il ne ressort ni du compte-rendu détaillé de la commission administrative paritaire, qui s'est tenue de 14 heures 30 à 4 heures 30 le lendemain, tel qu'il a été rédigé par le secrétariat, ni de sa version modifiée par les représentants des personnels, ni du témoignage écrit de l'épouse de M. A...ni d'aucune autre pièce du dossier que ces trois membres auraient manifesté une animosité personnelle ou fait preuve de partialité à l'égard de M.A.... Il en va de même en ce qui concerne la présence, en qualité de témoin cité par l'administration, de l'inspectrice auteur de plusieurs rapports défavorables, qui s'est bornée à reprendre certaines des remarques faites dans les rapports sur les méthodes pédagogiques de cet enseignant.
Sur la légalité interne :
9. Le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de cet agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. Toutefois, une telle mesure ne saurait être subordonnée à ce que l'insuffisance professionnelle ait été constatée à plusieurs reprises au cours de la carrière de l'agent ni qu'elle ait persisté après qu'il ait été invité à remédier aux insuffisances constatées. Par suite, une évaluation portant sur la manière dont l'agent a exercé ses fonctions durant une période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ses fonctions est de nature à justifier légalement son licenciement.
10. Ainsi qu'il a été dit au point 2, le ministre s'est fondé sur les " carences professionnelles fondamentales ", en particulier pédagogiques, de M.A.... La matérialité de ces faits peut, dans les circonstances de l'affaire, être regardée comme établie, tant par les rapports d'inspection des 5 janvier 2006, 6 décembre 2006, 21 novembre 2007 et 30 avril 2010 remis par différents inspecteurs dont l'impartialité n'est pas sérieusement remise en cause, que par les fiches de notation administrative de M.A..., relevant dès l'année scolaire 2005/2006 ses difficultés persistantes dans la gestion des classes, en dépit des quelques progrès constatés en 2008. Pour les rubriques " activité/efficacité " et " autorité/rayonnement ", les mentions " passable " ou " assez-bien " ont été constamment attribuées, à l'exception de l'année 2009/2010 pour la rubrique autorité/rayonnement. D'ailleurs, dès l'année 2006, M. A...avait été informé de l'éventualité de l'engagement à son encontre d'une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle.
11. En admettant qu'en se fondant sur les difficultés de M. A...à assurer la sécurité des élèves appelés à manipuler des produits dangereux, le ministre aurait commis une erreur de fait, il résulte de l'instruction qu'il aurait pris la même décision s'il s'était uniquement fondé sur les autres motifs qu'il a retenus, en particulier sur les défaillances pédagogiques de cet enseignant et qui suffisent à justifier légalement la décision.
12. Ni par eux-mêmes, ni dans leur ensemble, les autres éléments invoqués, notamment les difficultés rencontrées par d'autres professeurs face à un public indiscipliné ayant de gros problèmes cognitifs, le soutien de nombreux collègues ayant signé une pétition et témoigné en sa faveur, les appréciations favorables de chefs d'établissement, son premier rang de classement au concours externe et son expérience réussie dans le secteur de la blanchisserie ne suffisent à faire regarder la décision en cause comme reposant sur une appréciation erronée de la valeur professionnelle de M.A..., en particulier de ses qualités pédagogiques, alors même que ses connaissances techniques dans le domaine de la blanchisserie n'étaient pas sérieusement remises en cause. La circonstance, pour regrettable qu'elle soit, que le licenciement de M. A...intervienne peu de temps avant qu'il ne puisse faire valoir ses droits à la retraite est sans incidence sur l'appréciation de sa manière de servir. Le moyen tiré par le requérant de l'erreur " manifeste " d'appréciation de sa situation doit donc, en tout état de cause, être écarté.
13. M. A...soutient que la décision attaquée est motivée par son appartenance à la Fédération des syndicats Sud Education et fait valoir en particulier qu'en sa qualité de représentant du personnel au conseil d'administration de son établissement albigeois, il a été impliqué dans un conflit relatif à la sécurité des installations opposant l'établissement à une collectivité territoriale. Ni ces éléments, ni les témoignages et courriers produits par les représentants du personnel ne permettent de présumer l'existence d'une telle discrimination. Le détournement de pouvoir ou l'intention punitive ainsi allégués ne sont pas établis, d'autant que, dès l'année 2005, ainsi qu'il a été dit, les insuffisances pédagogiques de M.A..., motifs objectifs étrangers à toute discrimination, ressortaient à tout le moins de ses fiches de notation et pouvaient légalement fonder son licenciement.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
2
N° 14BX01597