La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/12/2016 | FRANCE | N°16BX02725

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre - formation à 3, 05 décembre 2016, 16BX02725


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 14 février 2014 par laquelle le préfet de la Haute-Vienne a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial.

Par un jugement n° 1400891 du 31 mars 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande de M.C....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 août 2016, M. B...C..., représentée par la Selarl D...-Grèze, demande à la cour :

1°) d'annuler c

e jugement du tribunal administratif de Limoges du 31 mars 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté précité du 14...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 14 février 2014 par laquelle le préfet de la Haute-Vienne a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial.

Par un jugement n° 1400891 du 31 mars 2016, le tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande de M.C....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 août 2016, M. B...C..., représentée par la Selarl D...-Grèze, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 31 mars 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté précité du 14 février 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de faire droit à sa demande de regroupement familial, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, d'une part, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à MeD..., à charge pour elle de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle et, d'autre part, le remboursement du droit de plaidoirie, à savoir la somme de 13 euros.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'une contradiction de motivation, car il l'invite à présenter une nouvelle demande lorsqu'il remplira les conditions financières, tout en considérant que les liens avec ses enfants ne sont pas suffisamment établi ;

- la décision est insuffisamment motivée au regard de la loi du 11 juillet 1979 ; elle se fonde exclusivement sur des considérations économiques, sans aucune motivation relative à la vie privée et familiale et à l'intérêt supérieur des enfants ;

- sa demande correspond à l'intérêt supérieur de ses enfants ; le refus qui lui a été opposé viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il travaille et est en situation régulière ; la mère des enfants, dont il est séparé, vit désormais en France en séjour régulier ; il a des relations affectives régulières avec ses enfants ;

- les dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précisent que le préfet peut refuser la demande, mais n'y est pas tenu ; il a des revenus suffisants et qui évoluent ; son appartement est assez grand ; le préfet a donc commis une erreur de droit en s'estimant en situation de compétence liée ;

- le préfet a également commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que la famille ne pourrait vivre dans de bonnes conditions en France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2016, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. C...n'est fondé ; en particulier, les conditions d'accueil des quatre enfants ne correspondant pas aux critères retenus par la réglementation, sa décision ne porte pas une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas non plus méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.

Par une décision du 14 juin 2016, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à M. C....

Vu les autres pièces du dossier :

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...C..., ressortissant comorien, né en 1979, vivant en France depuis 2006 avec deux de ses enfants nés à Marseille les 15 août 2006 et 27 janvier 2008 d'une seconde union, bénéficie d'une carte de résident de dix ans valable jusqu'en 2022. Le 14 octobre 2013, il a déposé une demande de regroupement familial au profit de ses quatre enfants nés en 1996, 1998 et 2000 de sa première union et vivant aux Comores. Par une décision du 14 février 2014, le préfet de la Haute-Vienne a refusé de faire droit à sa demande. Toutefois, par une décision en date du 10 juillet 2015, le même préfet a fait droit à une demande de regroupement partiel formulée postérieurement par l'intéressé au profit de sa fille Oummi souffrant de problèmes de santé. M. C...fait appel du jugement du tribunal administratif de Limoges du 31 mars 2016, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus qui lui a été opposé le 14 février 2014.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

3. La décision litigieuse vise les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que les dispositions des articles L. 411-5 et R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application et mentionne les motifs venant au soutien du refus de faire droit à la demande de regroupement familial présentée par M.C.... Le préfet mentionne en particulier que son dossier a fait l'objet d'un examen attentif au regard des dispositions de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la convention internationale des droits de l'enfant, notamment eu égard à leurs articles 8 et 3-1. Par suite, le préfet n'a pas omis de motiver sa décision au regard de la vie privée et familiale de M. C...et de l'intérêt supérieur de ses enfants. Dans ces conditions, la décision contestée, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, satisfait aux exigences de motivation imposées par les articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979.

4. En deuxième lieu, cette motivation ne révèle pas que le préfet se serait abstenu de se livrer à un examen attentif de la situation personnelle de M.C..., en particulier eu égard à sa vie privée et familiale et à l'intérêt supérieur de ses enfants.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : "1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième (...)". Aux termes de l'article R. 411-4 du même code : "Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes ; / - cette moyenne majorée d'un dixième pour une famille de quatre ou cinq personnes ; / - cette moyenne majorée d'un cinquième pour une famille de six personnes ou plus.".

6. Il ressort des bulletins de paie produits par M. C...qu'à la date de la décision contestée, son salaire était bien inférieur au SMIC. Les différentes prestations et allocations énoncées par l'article L. 411-5 précité ne pouvant être prises en compte pour le calcul des ressources du demandeur, c'est à bon droit que le préfet de la Haute-Vienne a pu se fonder sur l'insuffisance des ressources de M. C...pour lui refuser le regroupement familial au profit de ses quatre enfants.

7. En quatrième lieu, si pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par M.C..., le préfet de la Haute-Vienne s'est fondé, comme cela vient d'être dit, sur l'insuffisance de ses ressources au sens des dispositions des articles L. 411-5 et R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la décision litigieuse, comme cela a été également dit aux points ci-dessus, qu'il se serait cru, à tort, lié par ces seules ressources financières de M. C...et n'aurait pas examiné, au préalable, l'ensemble de la situation individuelle de l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet de la Haute-Vienne doit être écarté.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui". Aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : "1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

9. M. C...fait valoir que sa demande de regroupement familial est justifiée par le changement de situation de ses enfants au motif que leur mère, avec laquelle ils vivaient aux Comores, mais de laquelle il est séparé depuis longtemps, réside à présent en France en situation régulière. Cependant, si le requérant, qui n'a formé sa demande de regroupement familial que trois ans après le départ de la mère de ses enfants des Comores, justifie ce délai par les motifs tenant aux conditions de ressources et de logement à remplir, il est toutefois constant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, qu'il ne satisfait pas à la condition de ressources mentionnée à l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à la date d'édiction de la décision contestée. En outre, il ressort des pièces du dossier que les quatre enfants vivent depuis leur naissance aux Comores où ils sont scolarisés et, contrairement aux allégations du requérant les disant délaissés, sont élevés depuis le départ de leur mère par la soeur de cette dernière, Mme C...E...A.... A cet égard, le " jugement de délégation de l'autorité parentale " du tribunal de première instance de Moroni, déléguant cette autorité à M. C...s'agissant de sa fille Oummi, en date du 15 octobre 2014, est, en tout état de cause, postérieur à la décision contestée. Enfin, ni les deux voyages que M. C...a effectués en 2008 et 2010 pour se rendre aux Comores, ni les quelques mandats postaux qu'il verse au dossier au titre des années 2010, 2011 et 2012 ne sont de nature à établir qu'il subvient effectivement à l'éducation et à l'entretien de ses enfants. Il ne démontre pas davantage entretenir des relations régulières avec eux par la seule nouvelle production en appel d'une facture téléphonique du mois d'août 2011. Dans ces circonstances, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré, sans entacher leur jugement d'une contradiction de motifs sur ce point, que la décision de refuser à M. C...le bénéfice du regroupement familial ne pouvait être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive compte tenu des buts dans lesquels elle a été prise et de la possibilité offerte au requérant de présenter une nouvelle demande s'il remplit la condition de ressources. Il suit de là que la décision litigieuse n'a méconnu ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

10. En dernier lieu, pour les mêmes motifs et aucun autre argument n'étant invoqué, M. C...n'est pas davantage fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Vienne aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ou celle de ses enfants restés aux Comores.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

12. Le présent arrêt rejette les conclusions de M. C...à fin d'annulation n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

13. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance la somme que demande M. C...sur ces fondements.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

M. Antoine Bec, président-assesseur,

Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 décembre 2016.

Le rapporteur,

Florence Rey-GabriacLe président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition certifiée conforme.

Le greffier,

Cindy Virin

2

N° 16BX02725


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16BX02725
Date de la décision : 05/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-005 Étrangers. Entrée en France.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MOLINA-ANDREO
Avocat(s) : SELARL PREGUIMBEAU - GREZE : AEGIS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2016-12-05;16bx02725 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award